Cinquième guerre (la) 1991

 

COMME ON LE DEVINE, EN ISRAEL, LES OPINIONS SUR LA GUERRE DU GOLFE SONT TRES PASSIONNEES: ON EST POUR OU CONTRE SADDAM HUSSEIN. LE CONTRASTE EST SURTOUT FRAPPANT A JERUSALEM OU COHABITENT JUIFS ET ARABES. VOICI L'AMBIANCE DANS CE PAYS QUI SUBIT SA CINQUIEME GUERRE.

 

Elie Wiesel, écrivain et prix Nobel de la paix, a interrompu une tournée de conférences pour se rendre en Israël, afin «de ne pas laisser Israël seul dans ses heures les plus difficiles». Un palestinien de 20 ans, hiérosulamite, pleurait: «pourquoi Saddam ne gagne-t-il pas, Allah est pourtant avec nous!».

 

Ces opinions passionnées et contrastées reflètent la réalité d'un pays où Juifs et Arabes vivent côte à côte, notamment dans la Ville Sainte, Jérusalem. Ces propos ont été tenus dans la semaine qui a suivi le déclenchement de l'opération Tempête du désert .

Relevons d'autres échos de l'ambiance en Israël:

«Ne sous-estimez pas le combat par la prière» titre le «Jérusalem Post». Au mur des lamentations, plus de 60 000 Juifs religieux se réunissent pour prier en faveur de la paix et de la pluie (Israël connaît une sécheresse particulièrement grave). Beaucoup ont coupé leur barbe, selon les recommandations du gouvernement. Manteau de prière sur les épaules, ils gardent le masque à gaz dans la poche. Abraham Shapira, grand rabbin, explique: «certains se confient dans leurs chars et leurs chevaux, nous, nous nous confions en l'Eternel notre Dieu». Quand, pendant la nuit, les sirènes se mettent à hurler, et que les premiers missiles tombent en Israël, les palestiniens montent sur les toits plats de leurs habitations et crient: «OLP-lsraël no! Saddam, quand envoies-tu enfin les gaz sur Tel-Aviv?» D'autres palestiniens pensent: «Saddam n'est pas un héros, Saddam nous précipite tous dans le malheur! ».

L'acteur Chaïm Topol, suspend ses représentations à Broadway et rentre précipitamment en Israël, car «je sens le devoir d'être justement maintenant avec vous! ». Même attitude de la part du chef d'orchestre Zubin Mehta, qui revient de New York pour se tenir «près des hommes qu'il aime tant».

Besek, les Télécommunications israéliennes, recommande d'écourter les conversations de l'étranger. Celles-ci passent en effet de 3 000 à 750 000 à l'heure! Israël bénéficie d'une vague de sympathie et de prière. Mère Basilea (docteur Clara Schlink) de la Communauté des Soeurs de Marie à Darmstadt, publie un article dans la presse israélienne. Son titre: «Le Seigneur combattra pour toi, Israël».

Quand on demande au ministre de la défense, Moshe Arens, comment il dort pendant ces jours, il répond: «très bien, et je crois que la population israélienne fait de même». Depuis le début de l'année, 25 000 palestiniens ont traversé le Jourdain en direction de la Cisjordanie, parce qu'ils se sentent plus en sécurité dans les territoires administrés par Israël. Mais à peine arrivés, ils se font entraîner dans l'Intifada, le grésillement des minarets proclamant: «maintenant la guerre sainte a commencé». Hanna Seniora, éditeur du journal de l'OLP «Al-Fatr», avoue sa déception: l'évolution du conflit est défavorable à l'Irak. «La vraie nature de l'OLP vient maintenant à la lumière» pense Benjamin Netanjahu, porte parole du ministère israélien des affaires étrangères, «depuis le début, ils se sont clairement rangés du côté de Saddam Hussein, donc contre toute démocratisation à la façon du monde libre».

Shlomo Lahat, maire de Tel-Aviv, conseille un «keep smiling!» (gardez le sourire) face aux attaques dont sa ville est la cible.

Dans notre rédaction aussi, la vie et le travail continuent presque comme si de rien n'était. Seule particularité: un masque à gaz à côté de chaque machine à écrire. Mais aucune trace de panique. Les commerces sont ouverts, même la voirie fonctionne. Il semble malgré tout que Jérusalem soit le lieu le plus sûr.

Levi Hayatt

AVENEMENT FEVRIER 1991 No 23

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