Échange de prisonniers

 

2 heures 30. Les premiers rayons de lumière se dessinent à l'horizon. A travers la brume flottante on aperçoit un bateau porteur de fusées israélien. il porte le nom de «Geula», ce qui signifie délivrance. Pour les six Israéliens qui, depuis 15 mois, se trouvaient prisonniers de l'OLP et pouvaient maintenant rentrer en Israël, c'est réellement la délivrance. A Tel Aviv, ils revoient enfin les leurs et des larmes de joie coulent. On s'embrasse, leurs amis les arrosent de champagne et les portent sur les épaules. Les parents des prisonniers soudés ensemble par de longs mois à@attente douloureuse, expliquaient par la suite: «... nous avons prié ensemble pour la libération de nos fils.» ' Les voisins des rapatriés ont décoré les rues et les maisons avec des guirlandes et se sont mis à danser et à chanter.

Cependant, cette joie avait un arrière-goût amer - non pour les parents mais le prix était extrêmement élevé: 4600 terroristes de l'OLP contre six israéliens, ce qui fait 1 : 766. On a libéré des terroristes parmi lesquels se trouvent 98 criminels dangereux comme, par exemple, les assassins d'enfants de Maalot, les meurtriers du couple Barak d'Hébron, ceux qui avaient placé des bombes à l'hôtel Savoy de Tel Aviv, les détourneurs de l'avion belge Sabena, les meurtriers des enfants et des touristes à Netanya et Jérusalem. Il faut ajouter que deux Israéliens restent entre les mains du terroriste Achmed Jibril et cinq autres sont retenus par les Syriens malgré la libération des 4600 terroristes. Cet échange de prisonniers mérite le qualificatif de chantage. Il,a été occasionné par l'entremise de la Croix Rouge Internationale et par l'aide du Président français.

 

Habillés de vestes toutes neuves de couleurs bleue et blanche, 1100 terroristes libérés montaient à bord des trois Jumbos d'Air-France à Lod, en montrant fièrement un «V» en signe de victoire. Ils agitaient les petits drapeaux en criant: «Nous reviendrons et tuerons encore plus!» Cependant, le commandant du camp d'Answar formulait des voeux pour tous en citant la Bible: «,Ils habiteront chacun sous sa vigne et sous son figuier' - bonne chance et, si Dieu le veut, qu'il n'y ait plus de revoir - Shalom!» Les voilà partis pour l'Algérie. Au camp d'Answar, les 3500 prisonniers restants désiraient rester au Liban. Les uns ont immédiatement gagné Beyrouth, les autres, bien nourris qu'ils étaient, se sont joints aux terroristes à Tripoli. Le combat continue sans disjonction.

Les mères et les pères des terroristes aussi se réjouirent du retour de leurs fils. Eux aussi furent reçus comme des héros. Pourtant, quelques-uns des citoyens palestiniens n'en sont nullement heureux car, avec le retour des libérés, au lieu de la paix c'est l'hystérie du terrorisme qui a repris le dessus. En Israël, dans ladite «Cisjordanie», il y avait aussi de la joie. Des habitants courageux allaient jusqu'à féliciter Israël pour tant de «fairness» (impartialité). Par la suite, le chef des négociations, S. Tamir, constata: «Les pourparlers avec l'OLP ont montré que l'OLP est bien plus cynique et impitoyable que ce que l'on pouvait imaginer jusqu'à présent.» Au moment de la libération des 4600 prisonniers, on remit aussi les archives de l'OLP trouvées à Beyrouth-Ouest à Arafat. Des caisses remplies de documents et de listes comprenant des plans précis de toutes les stations d'essence en Israël, ainsi que des descriptions de tous les établissement publics et salles de mariage, des jardins d'enfants juifs, des écoles et des grands magasins. L'OLP avait insisté pour obtenir des caisses de documents. Pourquoi? Un Israélien disait; «Les manifestants pour la paix qui se tiennent solidairement derrière l'OLP connaissent peut-être la réponse. Que le terrorisme continue !» En Algérie et à Tripoli, les prisonniers se conduisirent comme des martyrs et des héros et parlèrent de tortures. Mais cette fois, même les journalistes en avaient assez, car ils avaient devant eux des rapatriés pleins de santé, bien nourris, sans blessure ni cicatrice, ce que la Croix Rouge confirma.

Bien qu'en Israël on soit reconnaissant pour la libération des prisonniers, on est plus réaliste à leur égard. L'ancien chef d'état major, Raful Eytan, alla jusqu'à formuler une critique officielle car, dit-il, «ces soldats de TSAHAL ont été faits prisonniers par faute d'attention et par désobéissance». Il envisageait l'éventualité de déférer les six au tribunal militaire. Il faut savoir que l'un d'entre eux a été pris lors' d'une cueillette de cerises alors défendue. Maintenant que la joie du revoir s'est estompée, les faits, apparaissent et montrent qu'il n'y a aucune raison de fêter les six comme des héros parce que, en réalité, il ne le sont pas. TSAHAL ne peut se permettre d'abaisser le seuil de la souffrance du peuple par de fausses interprétations. A cause de cela, le président d'Etat Chaïm Herzog en personne compromit sa neutralité pour se tenir derrière les accusations de Raful Eytan.

Malgré le renforcement par des terroristes avertis, Arafat ne pouvait s'imposer à Tripoli. Ses adversaires de l'OLP l'ont vaincu au milieu de sa cachette civile. A Tripoli, environ 1200 civils ont été tués jusqu'à présent. C'est, selon l'avis du roi Hussein, un massacre plus grand qu'à Sabra et Shatilah. Actuellement, Arafat avec 3500 vaincus devrait quitter Tripoli sous les drapeaux et la protection de l'ONU, pour recommencer à zéro quelque part dans le monde. La Syrie et l'ONU auraient-elles pensé aux paroles de Krouchtchev?:

«Lorsqu'on dépouille son adversaire de sa peau, il faut toujours en laisser un peu afin qu'elle repousse et donne l'occasion de recommencer le dépouillement!» Malgré tout le terrorisme et tout le sang versé, le ministre des Affaires étrangères français, Claude Cheysson, pense toujours que «I'OLP est une organisation nécessaire à la paix au Proche-Orient!»

De même, les courtisans de paix d'Israël, Uri Avnery en tête, sont d'avis qu'Arafat avait été vaincu à Tripoli uniquement à cause du pacte de facto qu'Israël maintient avec la Syrie, sinon Israël n'aurait pas laissé faire les Syriens aussi librement au Nord-Liban. Pour parler franchement: Qu'Israël intervienne ou non, il est toujours condamné. Ici à Jérusalem on attend avec impatience le retour du premier terroriste libéré qui, peut-être, posera une bombe dans un café quelconque où une dizaine de personnes trouveront la mort. Combien seront-ils à devoir laisser leur vie encore - certainement plus que six.

Nouvelles d'Israël 02 / 1984

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