La fin de l'initiative de négociation de Baker

 

Suite à quatre visites en Israël et dans les Etats arabes voisins en deux mois, James Baker a dû constater, comme ses prédécesseurs, qu'il n'est pas si facile d'établir la paix au Proche-Orient. Certaines choses sont très compliquées. Pendant que nous écrivons ces lignes, les efforts de tractations de Baker se sont embourbés. La Maison Blanche à Washington l'a même reconnu. Dans un communiqué officiel, le Président Bush a déclaré qu'il rencontre de nombreux obstacles au cours des démarches sur le chemin d'une solution de paix au conflit du Proche-Orient. Les problèmes ne manquent pas: le statut de Jérusalem, les hauteurs du Golan, le projet «paix pour le pays», les colonies dans les territoires administrés, la course à l'armement dans la région, etc., etc.

A ce jour, James Baker n'a même pas encore évoqué ces thèmes compliqués. Ses dernières visites dans la région ont surtout porté sur les questions de procédure, le cadre des futures discussions de paix et le choix des participants. Des centaines d'heures d'entretien ont été vainement consacrées à ces questions. Les Syriens, par exemple, ne veulent pas que cette conférence soit placée sous l'autorité des USA et de l'URSS. Malgré neuf heures de discussions continues, Baker n'a pas réussi à faire changer d'avis le Président syrien. Hafez el Assad exige que les Nations Unies supervisent la «conférence internationale». En raison de ses expériences négatives avec l'ONU, Israël rejette le principe de la participation de cette dernière; il n'accepte pas non plus l'exigence des Syriens d'abandonner les hauteurs du Golan avant le début des discussions officielles.

Cela a amené les Américains à interrompre, pour le moment, leurs efforts. La question qui se pose maintenant est naturellement celle des prochaines démarches des USA. Malgré la déclaration du Président Bush du début mai, déclaration selon laquelle les USA «n'ont pas de plans immédiats pour le Proche-Orient», on suppose en Israël qu'ils ne voudront pas essuyer un nouvel échec, d'autant plus que leur prestige a souffert beaucoup du génocide des Kurdes. On s'attend à ce que Baker revienne avec de nouvelles initiatives.

Cette fois, il n'essaiera pas de résoudre tous les problèmes de la région, mais il se concentrera sur celui posé par la constellation Israël-Jordanie-Palestine. Bien que les détails d'une telle idée ne soient pas publics, on peut croire que les Américains n'hésiteront pas à exercer une forte pression sur Israël dans quelques domaines sensibles pour parvenir à leurs fins. Le problème des colonies dans les territoires administrés figurera sans aucun doute en première place. Les Américains sont absolument contrariés par l'activité de colonisation renforcée des Israéliens. Leurs sentiments visent surtout le responsable des constructions dans les régions concernées, c'est-à-dire le ministre Ariel Sharon. Durant la visite de Baker au Proche-Orient, une nouvelle colonie du nom de «Revava» a été établie en Samarie. Selon des rapports, Baker s'est mis fort en colère dès qu'il en a été informé. A ses yeux, c'est torpiller directement ses efforts de négociation. Les Américains ont exprimé leur mécontentement au niveau diplomatique. Le State Department a simplement boycotté le ministre Ariel Sharon lors de sa visite à Washington. Sous la pression de Baker, le ministre du Logement américain, Jack Kemp a retiré son invitation à Sharon de le rencontrer en ses bureaux.

Contre tout protocole, la réunion entre Sharon et son homonyme a eu lieu dans les locaux de l'ambassade israélienne à Washington. Le State Department a commenté ce pas extraordinaire comme suit: «Le ministre Sharon remet publiquement en question la politique américaine». Cela a provoqué des remous en Israël. Les délégués, de droite comme de gauche, ont vivement protesté contre le traitement infligé à Sharon. Même Shimon Peres, un de ses principaux adversaires, était parmi eux.

L'indignation générale a pris une telle ampleur que le gouvernement israélien a envoyé une note de protestation aux Américains face à la violation de la dignité d'un de ses ministres agissant dans le cadre de sa politique. Cette affaire ne créera pas une base idéale pour une nouvelle initiative de paix américaine, d'autant plus qu'Israël doit consentir de grands renoncements. Il paraît que le gouvernement israélien durcira son attitude. On peut trouver une indication dans ce sens dans «Le Monde» qui reproduit une interview avec le Premier ministre Yitzhak Shamir.

A la question d'une possibilité d'un retrait israélien des territoires occupés, Shamir a déclaré que pour des raisons idéologiques, il ne l'admettra et ne le fera jamais. Shamir: «Je ne veux pas que mon peuple se souvienne de moi comme de l'homme qui a vendu des parcelles d'Israël à bon marché.» Il a ajouté: «Par contre, je suis réaliste. Je sais que je suis un vieil homme. J'ai 76 ans. Dans cinq ans, je ne serai peut-être plus actif. Il est possible que mon successeur consente plus facilement à renoncer à des territoires comme contribution à la paix.»

On peut penser que le State Department a marqué un intérêt particulier au dernier paragraphe de l'interview où il est, malgré tout, question de renonciations. Mais George Bush et James Baker peuvent-ils encore attendre cinq ans? (ZL)

Nouvelles d'Israël Juillet 1991

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