Le gouvernement Rabin a pris une décision grave et provocante, qui aurait même rebuté le Likoud lorsqu'il était au gouvernement, en expulsant de l'Etat hébreu plus de 400 Palestiniens, activistes du mouvement Hamas en Israël. L'opération expulsion a été rapidement mise en oeuvre dans le plus grand secret. Le transport des sympathisants du mouvement Hamas vers la frontière libanaise s'est effectué en autocar.
La décision d'expulser les Palestiniens a été prise à la suite d'un acte terroriste grave perpétré par une branche année du mouvement Hamas. Le Hamas est une organisation islamique fanatique, active dans les «territoires occupés». Ses sympathisants pensent que la totalité de l'Etat hébreu constitue la Terre sainte islamique. A leurs yeux, il est donc criminel de concéder aux Juifs la moindre parcelle de cette terre. Cette pensée dogmatique religieuse rend le Hamas hostile à la reconnaissance d'Israël. Certains sermons de leurs chefs appellent les musulmans à «ouvrir les portes des mosquées à l'aide de crânes de Juifs». Lors d'une action terroriste exécutée à la mi-décembre, un garde-frontière a été enlevé et tué à coups de poignard. Nissim Toledano a été kidnappé tôt le matin en plein coeur de la ville de Lod, alors qu'il se rendait à son travail. Les ravisseurs l'ont gardé en otage pendant quelques heures en réclamant la libération du chef du mouvement Hamas, Cheikh Ahmed Yassine. Cheikh Yassine est maintenu en captivité depuis plusieurs années, en raison de son implication dans une longue série d'attentats terroristes graves, parmi lesquels l'enlèvement et le meurtre de soldats israéliens.
Après l'expiration de l'ultimatum fixé, les ravisseurs du Hamas ont assassiné Toledano et ont transporté son corps à proximité d'une auberge «Zum guten Samariter» (au bon samaritain), non loin de Jérusalem. L'enlèvement qui a eu lieu en plein coeur du pays, dans un endroit proche de l'aéroport international d'Israël, ainsi que l'assassinat du garde-frontière ont gravement ébranlé l'opinion publique israélienne. Le gouvernement a donc décidé de prendre de vives mesures de représailles contre le mouvement Hamas. En l'espace de 24 heures à peine, 1600 personnes parmi les activistes les plus virulents du mouvement ont été arrêtées. Après une série de brefs interrogatoires, les autorités ont décidé d'en expulser plus de 400. Afin de contourner les interdictions juridiques des législations israélienne et internationale, le gouvernement a opté pour un bannissement temporaire d'une durée de deux ans. En outre, les bannis se sont vu octroyer le droit de contester, après leur expulsion, la légitimité de celle-ci devant un tribunal israélien.
Comme prévu, les prisonniers ont été acheminés de nuit par autocar vers la frontière avec le Liban. Toutefois, dans le petit pays qu'est Israël, il est difficile de garder un secret. Pendant le transport du convoi vers le nord, un recours était déposé au nom des bannis devant la Cour suprême. A quatre heures du matin, au cours d'une procédure rarissime, les juges se sont attelés à la délibération du recours. Ce drame juridique s'est poursuivi pendant des heures à la Cour suprême, période pendant laquelle l'expulsion a dû être interrompue. Les autocars emportant les bannis attendaient à proximité de la frontière. Après de longues palabres, la Cour a entériné la demande de l'année et de l'Etat et a autorisé l'expulsion immédiate. Les hommes ont alors pu être emmenés de l'autre côté de la frontière. Toutefois, en Israël, la procédure juridique n'est pas terminée. La Cour suprême n'a pas encore rendu son verdict sur la légitimité de l'expulsion. Les déportés sont habilités à interjeter appel contre les mesures d'expulsion prises à leur encontre. Toutes ces procédures juridiques vont encore prendre du temps. Il est dès lors plausible qu'une partie des bannis puissent rentrer en Israël. Les plaintes émanent d'un groupe d'hommes, qui, en raison de la procédure d'expulsion rapide, ont été emmenés par erreur dans les autocars qui transportaient les autres passagers hors d'Israël.
Le bannissement a reçu l'assentiment massif de l'opinion publique israélienne. Selon les sondages, 91% de la population soutient la décision gouvernementale. Par contre, la communauté internationale a vivement critiqué l'expulsion. Les protestations provenaient de tous côtés: du Conseil de Sécurité des Nations unies, de l'administration américaine, de la Communauté européenne et d'autres. Pour leur part, les pays arabes et les Palestiniens ont menacé de boycotter les négociations de paix. Le gouvernement israélien a toutefois maintenu sa décision de ne pas suspendre les ordres d'expulsion et a interdit l'acheminement de l'aide, à travers la zone occupée par Israël, au camp des expulsés. Le gouvernement avance que la responsabilité du sort des expulsés échoit au gouvernement libanais, puisque les déportés se trouvent dans la zone d'influence du Liban. Pour leur part, les Libanais refusent d'assumer cette responsabilité. Il est donc possible que les bannis demeurent dans leur camp de fortune, où ils seraient exposés aux rigueurs de l'hiver libanais. (ZL)
Nouvelles d'Israël 02 / 1993