Dans le pétrin?
La réaction politique d'Israël face aux événements du Kosovo a été inversement proportionnelle à son action d'aide humanitaire, c'est-à-dire, très hésitante et ambivalente.
On peut trouver diverses explications à cette attitude, à commencer par le fait qu'Israël se sent fondamentalement proche du peuple serbe qui, à l'époque de la lutte contre le nazisme, s'est joint aux alliés sous la conduite de Tito et donc aussi contre la persécution des juifs. Une autre explication repose sur l'affirmation que les Albanais musulmans du Kosovo partagent les conceptions du monde musulman, lequel voue de la haine à Israël. Selon ces thèses, l'armée albanaise de libération opérant au Kosovo serait un mouvement fondamentaliste soutenu par les milieux islamiques extrémistes, dont le Hezbollah.
C'est pourquoi il ne faut s'attendre à aucune manifestation de soutien de la part d'Israël vis-à-vis des attaques menées par l'OTAN en Serbie et au Kosovo. Les premiers communiqués du ministre des Affaires extérieures, Ariel Sharon, donnent d'ailleurs une idée de la position politique du gouvernement israélien par rapport à ce conflit. A l'occasion d'un rassemblement privé, Ariel Sharon a exprimé son opposition aux frappes militaires de l'OTAN ainsi que sa crainte de voir le Kosovo musulman devenir une partie de la «Grande Albanie» et se transformer ensuite en base européenne de terrorisme.
Sharon a également établi un parallèle intéressant entre l'exigence d'autonomie des Albanais du Kosovo et les tentatives d'autonomie des Arabes israéliens en Galilée. Il s'est déclaré inquiet par le fait qu'une ingérence dans l'affaire albanaise puisse créer un «précédent dangereux». «Que se passera-t-il», a-t-il déclaré, «si les Arabes de Galilée réclament l'autonomie et que voyant notre ferme opposition à cette revendication, ils se tournent vers l'OTAN pour obtenir son aide?»
Les propos de Sharon ont été répétés à l'extérieur, publiés dans le journal populaire «Jedioth Acharonoth» et ont soulevé une vague d'indignation dans le monde entier. La Russie qui s'est clairement exprimée contre les attaques de l'OTAN a pris connaissance de ces déclarations avec une certaine satisfaction. Quant au gouvernement américain, il a réagi avec étonnement et mécontentement. Le président Clinton, la secrétaire d'Etat aux affaires étrangères, Madeleine Albright, et le conseiller national à la sécurité, Stanley Berger, ont en effet appuyé de tout leur poids politique et international une intervention militaire massive visant à mettre fin aux actions des Serbes. Les paroles du ministre Sharon ont donc été reçues comme une gifle. Les Américains les ont interprétées comme une stratégie élaborée par Israël pour améliorer ses relations avec Moscou au détriment du partenariat avec Washington. Ils n'ont pas non plus caché leur irritation et ont qualifié de «difficile» la rencontre organisée entre Mme Albright et M. Sharon à la résidence officielle de Mme Albright. Sharon, par contre, a réfuté cette appréciation et a estimé qu'il s'agissait d'une «très bonne» réunion. Quoi qu'il en soit, la froideur des relations entre les deux ministres fut nettement perceptible, lorsque Madeleine Albright, face aux caméras, s'est ostensiblement abstenue de serrer la main de son hôte.
La presse israélienne et naturellement aussi l'opposition ont reproché au gouvernement son attitude hésitante et ambivalente par rapport à la question du Kosovo. Cette attitude est considérée comme une double erreur en ce sens qu'il s'agit, d'une part, d'une atteinte aux relations stratégiquement importantes avec les Etats-Unis et, d'autre part, d'un non-respect des obligations morales d'Israël. Au vu des terribles événements qui se sont déroulés au Kosovo, la politique de non-réaction du gouvernement est interprétée comme de l'indifférence et jugée immorale ainsi que contraire à «l'esprit juif». Israël Lau, grand rabbin d'Israël, a utilisé une formule très adéquate à ce sujet en déclarant: «Un peuple qui a été victime d'un holocauste ne peut rester indifférent face au massacre d'un autre peuple; il doit crier et alerter l'opinion publique mondiale». Ces réactions en Israël et plus particulièrement aux Etats-Unis ont fortement irrité le Premier ministre Netanyahou. Il s'est empressé d'y répondre en affirmant que les déclarations de Sharon ne reflétaient que ses opinions personnelles et non celles du gouvernement israélien. Tentant de limiter les dégâts, Netanyahou a même ajouté qu'Israël soutenait totalement les attaques de l'OTAN, qui doivent mettre rapidement fin à la tragédie qui se déroule dans cette région.
Néanmoins, il semble que ces belles paroles n'aient pas été prononcées assez fort et soient arrivées beaucoup trop tardivement. Sur la scène diplomatique internationale, l'impression s'est installée qu'Israël, un allié très proche des Etats-Unis, ne soutenait pas leur politique inflexible en Serbie et se rangeait plutôt du côté de Moscou, le grand adversaire de Washington.
L'aide israélienne aux réfugiés du Kosovo
Le gouvernement israélien a certes eu besoin d'un peu de temps pour s'organiser, mais l'aide humanitaire israélienne en faveur du Kosovo s'est rapidement transformée en une action impressionnante: des avions chargés de couvertures, de sacs de couchage, de tentes, de vêtements, de médicaments, sans oublier ceci surtout: un important hôpital de campagne comprenant des équipements ultramodernes, des médecins et des infirmières ont été envoyés en Macédoine. Vingt-quatre heures après son arrivée à proximité d'un important camp de réfugiés, l'hôpital de campagne entrait en fonction et accueillait des Albanais ayant fui le Kosovo. En outre, Israël a rejoint les Etats ayant proposé de prendre en charge des réfugiés du Kosovo. A ce jour, 112 personnes sont arrivées en Israël par avion grâce à l'aide de la Jewish Agency et ont bénéficié directement des avantages et allocations accordés aux nouveaux immigrants. Les réfugiés ont été hébergés par l'école d'agriculture «Alon Tavor» et «adoptés» par les membres de la Société israélienne de protection de la nature. Ils devraient rester environ six mois en Israël; après quoi, ils devront décider s'ils veulent rester en Israël ou retourner dans leur pays.
Il n'y a pas que le gouvernement israélien qui a offert son aide aux réfugiés du Kosovo. La population israélienne a également réagi de façon très impressionnante: les mouvements de jeunesse ont lancé des actions de collecte et sont allés frapper à toutes les portes. Ils ont ainsi récolté des couvertures, des manteaux et des sacs de couchage qui ont été acheminés vers les réfugiés. Durant les fêtes de la Pessah, certaines administrations municipales ont ouvert des centres de collecte où les citoyens pouvaient déposer des objets utilitaires. Plusieurs organismes d'aide privés et publics ont ouvert des comptes bancaires où ont afflué des dons dont le montant n'est pas encore connu.
La station de radio des forces de défense israéliennes, «Galei Tsahal», où travaillent aussi bien des militaires que des civils, s'est également associée aux efforts du pays entier. Elle a organisé une émission spéciale d'une journée au cours de laquelle trois millions de shekels ont été récoltés en faveur des réfugiés. Cette émission s'est terminée par un meeting sur la place Rabin de Tel-Aviv, auquel 40.000 citoyens ont participé.
A première vue, la mobilisation quasi totale de la population israélienne en faveur des réfugiés musulmans d'origine albanaise impliqués dans un conflit ne concernant pas Israël, semble curieuse. Néanmoins, au vu des terribles images d'agressions violentes, d'exécutions et de personnes fuyant dans toutes les directions pour tenter de sauver leur vie, la réaction des Israéliens ne devrait pas tellement surprendre. S'il n'y a absolument aucun parallèle entre leurs deux histoires, il est néanmoins difficile de ne pas repenser à l'Holocauste. Il est impossible d'ignorer la souffrance de gens qui sont persécutés en raison de leur origine ethnique. Dans un tel contexte, Israël a réagi de la même façon qu'après l'Holocauste: tous les Juifs se sont dressés contre les régimes totalitaires affichant un mépris de l'être humain.
Parmi les cérémonies liées à la commémoration de l'Holocauste et à ses martyrs, une manifestation a particulièrement frappé les esprits. Il s'agit de la cérémonie organisée dans le camp de réfugiés de Stankobaz, à la frontière entre le Kosovo et la Macédoine, et plus précisément dans l'hôpital de campagne installé par les forces de défense israéliennes dans le cadre de l'aide humanitaire fournie par Israël.
Les soldats de la délégation israélienne se sont réunis pour une veillée d'honneur. Des bougies ont été allumées et, à côté, se tenaient les dirigeants de la communauté juive de Skopje, le commandant de l'OTAN ainsi que de nombreux correspondants étrangers qui n'ont pu manquer de ressentir l'importance symbolique de cette cérémonie.
Une lettre de l'officier médecin en chef des forces de défense israéliennes, le général de brigade Ariel Eldad, a été lue publiquement à cette occasion. Cette lettre disait notamment: «Soixante ans ont passé et voici que brûlent à nouveau des villages et que s'amoncellent les décombres à l'endroit même où se trouvait la maison familiale de mes aïeux. Mais cette fois, ce n'est pas nous qui sommes les victimes. Cette fois, ce sont des soldats juifs en uniforme qui sont venus en Europe pour apporter leur aide et sauver des vies. Quel dommage que nous arrivions 60 ans trop tard! Si nous avions eu à l'époque les moyens dont nous disposons aujourd'hui, il n'y aurait pas eu six millions de Juifs assassinés.»
Nous vous renvoyons également à ce sujet à l'article de Fredi Winkler en page 10, dans lequel il aborde plus en détail les motifs du conflit en Yougoslavie et la relation avec Israël. Même si les réactions de l'Etat hébreu semblent à certains égards quelque peu différentes de celles des autres pays occidentaux - réactions que l'on peut comprendre à la lumière de certains faits historiques -, il est néanmoins très impressionnant de voir la façon exemplaire dont Israël est venu en aide aux réfugiés sur place, malgré le fait que ces réfugiés appartiennent à des mouvements parfois proches du Hezbollah, comme cela a été dit. Dans cette attitude, Israël n'est-il pas une fois de plus - inconsciemment - une expression de son plus grand Fils et Frère Jésus-Christ, qui a prié pour Ses ennemis et qui est mort pour le monde entier?
D'autre part, tous ces événements nous montrent avec quelle rapidité les paroles de Zacharie peuvent se réaliser (Zach. 12 et 14). Qui aurait pu imaginer il y quelques années un tel front uni contre la Yougoslavie? C'est exactement de cette façon que tous les peuples se dresseront contre Jérusalem. Cela nous apparaît un peu plus clairement chaque jour. Il y a quelques années, certains sceptiques se demandaient s'il était possible que le monde entier se dresse contre Israël et que tous les peuples se rallient vraiment à cette action. Aujourd'hui, ce scénario s'est pratiquement concrétisé dans le cadre du conflit yougoslave. Il semble donc que nous avons encore progresse vers la réalisation de la Parole prophétique.
Les paroles de l'Apocalypse (13, 4) concernant l'Antichrist ne sont-elles pas toujours d'actualité au regard de la puissance de l'OTAN: « ... ils se prosternèrent devant la bête, en disant. Qui est semblable à la bête et qui peut la combattre?»?
Cette vérité transparaît également nettement dans le fait que non seulement l'UE mais le monde entier, y compris les Etats-Unis, s'opposent à Jérusalem, comme nous l'explique l'article suivant. CM
Nouvelles d'Israël 06 / 1999