La commission d'enquête du massacre publie sa conclusion
de notre correspondant à Jérusalem
Les paroles d'un éminent chef religieux juif me viennent à l'esprit: «Supposons qu'autrefois le grand sanhédrin ait été dans son droit absolu en condamnant Jésus. Cependant, si le grand sanhédrin avait pu prévoir à l'avance quel malheur allait tomber sur les Juifs pendant 2000 ans, à cause de cette condamnation, ils auraient à coup sûr rendu un jugement différent! Souvent l'esprit entêté qui veut se conformer à la loi de justice fait du tort au peuple.
Depuis la publication (le 7.2.)du résultat par la commission d'enquête du massacre, Israël se trouve au bord de la guerre civile. Les commentaires bienveillants des ignorants ne servent à rien. Par exemple, Kissinger donna l'explication suivante à la télévision américaine: «Bonjour l'Amérique. . en effet, il n'existe dans le monde aucun gouvernement duquel on pourrait admettre que, dans des circonstances aussi pénibles, il se soumettrait à une enquête officielle . . . Israël reste vraiment la seule démocratie dans cette région.» Oui, le ciel et la terre semblent appliquer d'autres critères aux chefs d"Israël. Le président israélien Navon souhaite que cette enquête aboutisse à un rétablissement intérieur d'Israël.
En dépit de tout cela, Israël reste le coupable de ce massacre aux yeux du monde, et il est toujours classé «parmi les malfaiteurs». A gauche, c'est précisément Arafat, le chef de l'OLP auquel on impute 100 000 victimes de la guerre civile au Liban et de nombreux attentats terroristes contre des maisons d'enfants et des écoles, qui ricane et appelle A. Sharon «un sale tueur d'enfants». A droite, ce fut d'abord le silence complet, car les phalangistes libanais - les véritables coupables du massacre - ne savent que dire. Le seul commentaire officiel du Liban était, jusqu'à présent: «Dommage que Sharon et ses officiers aient reçu des blâmes au lieu de félicitations pour avoir libéré le Liban et le monde de la terreur. »
A présent, après 58 interrogatoires et un rassemblement de 17 703 pages de documentation, la commission d'enquête a établi le fait que le ministre de la sécurité israélien Ariel Sharon s'est rendu co-responsable par sa non-intervention lors du massacre, et elle conseilla de destituer Sharon de ses fonctions de ministre. Pourtant, d'après le résultat de l'enquête, il ressort clairement - ce qui le plus souvent, est ignoré de la presse générale - «qu'Israël n'est impliqué ni directement ni indirectement dans cet acte sanglant (page 631, et que les seuls responsables de ce massacre étaient les phalangistes (milice chrétienne libérale)». Des Arabes ont tué d'autres Arabes. Mais «l'Etat juif, à cause de sa passivité négligente» porte seul les conséquences, car jusqu'à présent, aucun tribunal et aucune commission d'enquête internationale ne se sont préoccupés des vrais coupables.
D'éminents officiers de l'armée israélienne ont été destitués comme Sharon, car après des séances tumultueuses le cabinet décida, à raison de 16 voix contre 1, d'accepter toutes les recommandations de la commission d'enquête. Il s'avère une nouvelle fois qu'en Israël, ce ne sont pas les militaires qui donnent le ton mais bien plutôt les moralistes.
Le Premier ministre M. Begin prit congé de son ministre de la sécurité, en lui rappelant ses mérites pendant tout le temps de son ministère, et en évoquant d'autres tâches importantes prévues pour lui (Sharon). Par sa stratégie téméraire, Sharon - redouté des ennemis comme des USA - avait sauvé Israël de la défaite lors de la guerre du Yom Kipour en 1973, ce qui incita le peuple à le classer parmi les héros. Le prof. Mosche Arens, momentanément ambassadeur israélien à Washington, passe pour être le successeur probable, plein de promesses, de Sharon. On discute encore pour savoir si Sharon restera au gouvernement pour remplir les fonctions de ministre sans portefeuille, ce qui équivaudrait à un nouveau ministère pour la colonisation de la «Cisjordanie». Alors, les USA, adversaires de Sharon, tomberaient de «mal en pis». Il est à peu près sûr que des élections momentanées auraient pour résultat une majorité absolue pour Begin. L'opposition (lAP), qui perd sans cesse de sa popularité à cause de son leader assez faible, S. Peres, espérait avoir pour successeur Y. Navon après expiration de sa présidence, et être ainsi tiré du fossé - mais Navon refuse.
Ainsi, les divergences d'opinions trouvent leurs règlements dans la rue malgré les appels à la modération de Begin et de Navon. Au départ, on se bombardait de paroles dures, ensuite de pierres et la semaine dernière, la première grenade à main a tué Emil Grünzweig, partisan du mouvement «Paix maintenant», et ressortissant du Kibboutz Rewiwim. Sa mort tragique a choqué et bloqué les esprits échauffés - son sacrifice était peut-être nécessaire pour éviter une guerre civile.
Malgré tout: «Chapeau bas devant une nation que entre en jugement avec elle-même de façon aussi intransigeante !» Le chancelier ouest-allemand H. Kohl ni disait-il pas, lors du cinquantième anniversaire de la prise de pouvoir de Hitler, que «la destruction de l'Allemagne avait commencé par la dissolution des normes morales» ! Israël, par contre construit son avenir docilement et malgré lui - sur les normes morales et une éthique religieuse. C'est ce qu'il faut reconnaître et avouer face aux conséquences du résultat de l'enquête.
Moshe Arens est né le 27 décembre 1925 à Kaunas (Lituanie). En 1939 il se réfugia avec sa famille aux USA, où il adhéra au mouvement sioniste. Il fut nommé commandant du groupe national Betar, ce qui motiva son immigration en Israël lorsque la guerre d'indépendance éclata. Il servait dans l'Ezel (nom populaire de l'Irgoun), dirigé par Menachem Begin. Après la fondation de l'Etat, il s'établit dans un moshav du Chérut, près de la frontière jordanienne. En 1953, il termina ses études aux USA et travailla, après son retour en Israël, comme professeur d'aéronautique, et comme vice-manager d'«Aircraft-industries» d'Israël. En 1971, il obtint le «Israël-defence-price», et en 1974, il devint délégué de la Knesseth (Parti Hérouth). Depuis 1975, il exerça la fonction de scientifique en chef au ministère de la Défense (avant l'arrivée au gouvernement de Begin).
Lors de la victoire du Likoud - identique au parti Hérouth - il fut nommé président des Affaires étrangères et du comité de la Défense. Il vota contre la résolution de Camp-David, raison pour laquelle il refusa la fonction de ministre de la Sécurité, après la démission de E. Weizmann. En 1982, il accepta le poste d'ambassadeur israélien aux USA. Bref:
«Moshe Arens est considéré comme risque-tout intellectuel de la droite aux côtés de Begin. » .
Il est marié avec Muriel F. née Eisenberger, et il a deux fils et deux filles.
Nouvelles d'Israël 05 / 1983