interview avec le président de la Commission des Affaires extérieures et de la Sécurité, le député Uzi Landau.
Le Dr Uzi Landau est sans nul doute un des députés plus impressionnants,. et cela non seulement en raison de sa fonction de président de ce fameux Comité parlementaire, mais aussi pour son intelligence, sa langue acérée et son extrême sincérité - le contraire absolu du politicien moyen moderne.
Depuis 13 ans à la Knesset, Landau appartient au groupe d'élite des enfants d'anciens hommes politiques du Likoud comme Beni Begin et Dan Meridor, le précédent ministre des Finances ainsi que le maire de Jérusalem, Ehud Olmert. Etant de la deuxième génération active dans le monde politique, ils ont succédé à leurs pères, les fondateurs de l'ancien Hérouth, sur l'idéologie duquel l'actuel Likoud se fonde.
Par son attitude politique, Landau est à ranger parmi les faucons de son parti. Il est un des adversaires des Accords d'Oslo. Plus d'une fois, il a dressé, au sein même du Likoud, une opposition au Premier ministre Benjamin Netanyahou.
De par sa fonction de président de la Commission des Affaires étrangères et de la Sécurité à la Knesset, Landau exerce une grande influence sur le cours politique des événements ainsi que sur l'opinion publique israélienne. Bien évidemment, il s'y retrouve facilement dans tous les détails de l'appareil de sécurité ainsi que dans les relations extérieures d'Israël. Il est au fait des secrets les mieux gardés dans le domaine de la défense.
L'entretien que nous reproduisons ci-dessous s'est tenu à la mi-août à la Knesset, à Jérusalem. Le parlement s'était réuni malgré les vacances pour une session extraordinaire afin de se pencher, entre autres, sur les questions de la sécurité d'Israël ainsi que sur les relations avec l'Autorité palestinienne, lesquelles avaient beaucoup souffert de l'attentat terroriste perpétré fin juillet sur la place du marché Machane-Jehuda, à Jérusalem.
Question: Monsieur Landau, les relations entre Israël et l'Autorité palestinienne sont actuellement au plus bas. Le gouvernement tient Arafat pour responsable. Pensez-vous que ces relations puissent s'améliorer? Arafat est-il un partenaire possible pour la poursuite des discussions sur le processus de paix?
C'est là une question fondamentale. Il serait tout à fait coupé de la réalité celui qui verrait en Arafat un interlocuteur digne de confiance. Arafat n'est pas el-Sadate, qui, lui, signa un véritable traité de paix entre Israël et l'Egypte. Il ressemble plutôt au Président syrien Assad. Il est fait du même bois que l'Irakien Saddam Hussein, que le Libyen Mu'ammar Kadhafi et que les ayatollahs iraniens. Arafat est une des plusieurs «variantes terroristes» du Moyen-Orient. Bon nombre de ses partenaires arabes de longue date ont, finalement, été bernés par lui.
Qui, Par exemple?
Le Roi Hussein de Jordanie a accueilli Arafat au temps de sa détresse. Il lui a permis une certaine activité jusqu'au moment où il s'est rendu compte qu'Arafat le trompait et essayait de le renverser de son trône. En septembre 1970, le monarque jordanien le chassa de son pays. Arafat s'installa alors au Liban, où il devint un élément subversif et dangereux qui précipita cette nation dans le chaos, la privant de dirigeants. Il a sur la conscience le fait que le Liban est passé d'une main à l'autre et qu'il est maintenant sous domination syrienne. Les maîtres du Koweït étaient bien disposés à l'égard d'Arafat. Ils avaient offert l'asile à de jeunes fugitifs palestiniens à qui ils donnèrent du travail; ils permirent à Arafat de se déplacer sous protection koweïtienne. Mais dès que la chance s'offrit à lui, Arafat s'allia à Saddam Hussein, qui avait envahi le Koweit. Tout cela, sans sourciller!
Le nombre des amis d'Arafat dans le monde arabe est comparable à celui des traités qu'il a brisés. Si vous me demandez quel genre de partenaire cet homme est, je vous répondrai que son histoire personnelle constitue une réponse nette à votre question. Des preuves, il y en a à suffisance:
Arafat a signé, avec Israël, les Accords d'Oslo. Rien n'en est-il donc résulté?
Rien! Surtout rien des choses fondamentales! J'aimerais faire référence ici à un des signataires d'Oslo, Shimon Peres. Celui-ci a déclaré que les Accords ont été signés sur base de deux thèmes principaux: d'une part, la suppression, dans la Charte palestinienne, de la clause portant sur la destruction de l'Etat hébreu, et d'autre part, l'abandon du recours au terrorisme.
Mais qu'en est-il en réalité? Si, aujourd'hui, quatre ans après les Accords d'Oslo, nous considérons la Charte palestinienne, nous constatons qu'elle est restée inchangée. Dans quelle mesure la position d'Arafat se serait-elle modifiée? Ou bien l'homme en est incapable, ou bien sa volonté ne va pas dans ce sens.
Quant au deuxième point, la lutte contre le terrorisme, sachons qu'Arafat a pu se doter d'une forte police et d'un certain armement dans ce but. Peres a déclaré qu'Israël et l'OLP lutteraient ensemble contre le mouvement du Hamas. Et qu'en est-il réellement advenu? Exactement le contraire! Au lieu de détruire la base opérationnelle du Hamas, Arafat a permis à cette organisation d'installer des dépôts d'armes et de munitions dans la bande de Gaza, en Judée et en Samarie. Non seulement le chef palestinien n'a pas combattu le Hamas, mais il entretient, depuis décembre 1995, des relations secrètes avec ce groupe terroriste. Celui-ci a donc les mains libres pour autant qu'il ne porte pas préjudice ou ne mette dans les difficultés l'Autorité palestinienne. Arafat reste, au fond, partisan du terrorisme. Nous le répétons: ou bien il ne veut pas agir autrement, ou bien il n'est pas capable de l'éradiquer.
Tout accord conclu et toute concession faite n'ont été que des marchés de dupes !
Non, je ne crois pas. Arafat parle anglais avec nous, les Israéliens. Il utilise donc une langue qui nous est agréable. Mais quand il s'adresse au peuple palestinien, il s'exprime différemment. En un premier temps, il parle là de la paix et de la fondation d'un Etat arabo-palestinien avec Jérusalem comme capitale. Mais à long terme, le droit de retour des Palestiniens doit se réaliser, ce qui signifierait la fin de l'Etat hébreu.
C'est ce qu'a laissé entendre Arafat à Oman, un jour seulement après la signature des Accords d'Oslo. Quelques extrémistes palestiniens s'étaient rassemblés autour de lui pour lui demander pourquoi il agissait ainsi à l'égard des siens en signant un traité avec les juifs. Ce à quoi il répondit qu'il appliquait une stratégie graduelle: le plan qui avait été adopté par les Arabes en juin 1974, selon lequel la destruction de l'Etat d'Israël se ferait par étapes.
En cela, Arafat ne nous trompe nullement. En raison de notre énorme désir de paix, nous voulons mal recevoir son message: ne pas saisir le vrai sens de ses paroles et ignorer ses actes.
Je puis citer un autre exemple. La paix commence par un changement d'attitude intérieure, par l'éducation donnée dans les écoles, par les expériences personnelles des individus. Nous, en Israël, avons proclamé une année de paix. A tous les niveaux de l'enseignement, l'accent a été mis sur l'importance de la paix. Mais dans leurs écoles - et pour Arafat lui-même - il est question de la Djihad, la «guerre sainte» contre les juifs. Arafat parle de la nécessité d'être disposé à sacrifier jusqu'aux derniers jeunes hommes et jeunes filles palestiniens pour pouvoir hisser leur drapeau sur les murailles de Jérusalem ...
La roue peut-elle tourner en arrière? Les Accords peuvent-ils être supprimés?
Non, je considère la chose impossible. On ne peut pas continuer ainsi: le processus unilatéral de concessions juives doit cesser. Nous devons exiger d'Arafat qu'il honore ses engagements. Toutes les paroles concernant une poursuite du processus de paix et d'une collaboration au niveau de la politique de sécurité, les plans de construction d'un port à Gaza et l'ouverture d'un aéroport à Deaharije ... tout cela serait commettre une grave faute; ce serait insensé de notre part! Arafat doit tout d'abord remplir ses obligations; nous verrons ensuite.
Vous conseillez donc d'attendre? Il ne faut pas toucher aux Accords; nous ne pouvons rien faire?
Non! On est resté quatre ans sans agir. On aurait plutôt dû lier à nous Arafat. Nous aurions pu ainsi nous appuyer sur des progrès réalisés ensemble.
Dans quelle mesure un tel comportement actif de la part d'Israël contribue-t-il à la paix ? Les projets de construction à Har-Homar ou à Rasel-Amud ne constituent-ils pas un mépris des Accords?
Certaines choses irritent l'autre camp. Dès le début, nous avons affirmé que nous continuerions à construire à Jérusalem. Par ailleurs, les Palestiniens eux-mêmes ont gravement piétiné les Accords. Cela ne peut être dit de nous. Ils peuvent, tout au plus, prétendre qu'Israël offense l'esprit des Accords.
Nous conseiller de ne pas bâtir à Jérusalem ou affirmer que les juifs ne peuvent habiter dans les quartiers arabes, cela équivaut à dire que les Arabes ne peuvent résider à Jaffa, à Akko ou à Haïfa. Une telle déclaration a son revers.
Il y a cependant une différence. Les Arabes d'Akko, de Jaffa et de Haïfa vivaient déjà là.
Il est ici question de principes. Je ne suis pas prêt à accepter cet engagement unilatéralement - que des juifs ne puissent s'établir à proximité des zones d'habitation arabes, mais que l'inverse soit possible. Non, je ne puis l'accepter. De plus, nous ne devons pas oublier qu'il s'agit, au fond, pour Ras-el-Amud d'un quartier situé sur le mont des Oliviers, où des milliers de juifs sont enterrés depuis des millénaires. Serait-il donc interdit d'y établir une colonie juive? La population arabe croit à Jérusalem, tandis que la juive y connaît un statu quo.
Comment vous comporteriez-vous, si vous étiez aujourd'hui Premier ministre?
J'aurais commencé beaucoup plus tôt. J'aurais, bien plus tôt, souligné les points que les Palestiniens ne respectaient pas. je les en aurais tenus pour responsables. J'exigerais d'Arafat qu'il retrousse ses manches et qu'il commence à respecter ses engagements. C'est jusque là que nous devons attendre. Pour que des négociations futures puissent se dérouler, il faut préalablement la matérialisation des promesses faites. De plus, pour des raisons de sécurité du côté israélien, les Accords doivent être modifiés. Il est problématique pour nous que l'Autorité palestinienne ne soit pas une démocratie et que tout dépende d'Arafat.
Soit dit en passant, ceci est un des problèmes fondamentaux des Accords. A la disparition d'Arafat, nos conventions deviendront caduques. Nous ne pouvons faire des concessions historiques et courir des risques, le tout dépendant de l'état de santé d'une seule personne. Ce serait trop osé. Nous mettrions tout l'enjeu sur une seule carte. Cela peut se faire au casino, mais pas dans la vie publique. Nous ne pouvons pas mettre notre avenir en péril.
Nouvelles d'Israël 10 / 1997