Israël et l'OLP signent au Caire - le retrait est déjà entamé
Début avril, un mois environ après la tuerie de Hébron et avant même que l'accord israélo-palestinien ne soit signé, l'armée a entamé l'évacuation progressive de ses positions et de ses installations dans la bande de Gaza. Cette décision est le fruit de la présomption selon laquelle l'OLP et Arafat tenteraient de se soustraire à la première phase contraignante de la signature des traités. C'est pourquoi, dès le début du mois d'avril, les premières pages des journaux ainsi que les bulletins d'informations télévisés se sont remplis d'images sur lesquelles on pouvait voir de grands camions de l'armée roulant vers la «ligne verte» dans les rues de la bande de Gaza. Images également de militaires masculins et féminins souriants, une bénédiction traditionnelle aux lèvres: «Béni soit-Il, Celui qui nous a libérés de ce châtiment». La décision d'abandonner la bande de Gaza a suscité un grand intérêt de la part des médias. De nombreuses équipes de télévision ainsi que des centaines de reporters et photographes venus de toute l'Europe et des Etats-Unis ont afflué en Israël pour pouvoir témoigner de ces événements en direct. Après 27 années de domination, Israël quitte la bande de Gaza et l'abandonne à l'administration autonome palestinienne. Le 4 mai, Israël et l'OLP ont signé l'accord d'autonomie Gaza-Jéricho. Deux mille cinq cents invités d'honneur venus du monde entier se sont retrouvés au Caire pour assister à la cérémonie. Les ministres américain et russe des Affaires étrangères étaient eux aussi présents. L'événement clôturait six mois de négociations extrêmement laborieuses. Lorsqu'Arafat a tout à coup refusé de signer un document - avant de finir par accepter, sur l'insistance du Président Moubarak et du secrétaire d'Etat américain, et en y joignant ses propres remarques manuscrites -, Rabin a expliqué: «Nous n'avons vu que la pointe de l'iceberg des problèmes vers lesquels nous allons.» L'avenir montrera dans quelle mesure il a raison. Dans la bande de Gaza vivent également 5.000 colons juifs dont la plupart ont passé cette journée en prière. Nul ne sait au juste ce qu'il adviendra d'eux. Des troupes israéliennes doivent les protéger. Une journée après la signature de l'accord d'autonomie, un comité israélo-palestinien s'est attelé à Gaza à l'élaboration d'un horaire précis pour la remise à la police palestinienne des installations militaires. Par contre, le transfert de l'administration de la bande de Gaza et de Jéricho demandera manifestement plus de temps. En effet, le chef de l'OLP, Yasser Arafat, avait souhaité étaler le retrait des soldats israéliens sur quatre semaines, car quelques-unes de ses unités n'étaient pas encore prêtes. En fait, ce retrait aurait dû se faire dans l'espace de dix jours. Le ministre des Affaires étrangères d'Israël, Shimon Peres, a déclaré à ce propos: «Les Palestiniens n'ont pas encore de gouvernement. Ils sont une organisation en exil, et ils ne possèdent pas les institutions dont nous disposons.»
Tout exigera du temps. Le général de brigade palestinien Ghasi el Dachabali a affirmé qu'Arafat s'est arrangé pour que les premiers contingents de la police n'entrent que la semaine prochaine dans la bande de Gaza et à Jéricho. En tout, 9000 policiers devront veiller à maintenir l'ordre. Dès la signature du traité, Israël a libéré des centaines de prisonniers palestiniens. 5000 autres suivront dans les prochaines semaines. Selon Shimon Peres, Israël laisse définitivement la bande de Gaza aux Palestiniens pour «ne jamais y retourner». Pour Arafat, il est tout à fait certain que les Palestiniens disposeront bientôt de leur propre Etat. «Le peuple palestinien, qui a déjà assisté à la fondation de plusieurs pays arabes, établira sans tarder son propre Etat. La première pierre de cet Etat est déjà posée. Le lendemain de la signature du traité de l'autonomie, des centaines de colons juifs ont manifesté à Jéricho contre cette nouvelle situation.
Extraits de l'accord
Selon les informations de la presse écrite israélienne, l'accord octroyant une autonomie restreinte à la bande de Gaza et à Jéricho compte 16 pages et se complète de 250 pages d'annexes. L'agence de presse égyptienne Mena a publié une version de l'accord avant sa signature. En voici les principaux passages:
- «Israël procédera à un retrait accéléré et planifié de ses forces armées de la bande de Gaza et de Jéricho; ce retrait commencera dès la signature et se terminera dans les trois semaines.»
- «pour prendre en considération la responsabilité d'Israël vis-à-vis de sa sécurité intérieure et extérieure ainsi que de l'ordre public relatif aux colonies juives et aux israéliens dans le cadre de ce retrait, Israël transférera ses forces armées permanentes dans les colonies et installations militaires juives conformément à la carte numéro un.»
- «La police palestinienne recevra mandat pour assumer la responsabilité de l'ordre public et de la sécurité interne des palestiniens conformément au présent accord.»
- «Israël déléguera la responsabilité, telle que décrite dans le présent accord, du gouvernement militaire israélien et de son administration civile aux autorités palestiniennes instituées par le présent accord.»
- «Israël continuera à assumer la responsabilité de la défense contre les agressions extérieures, y compris la protection de la frontière égyptienne et de la ligne de démarcation avec la Jordanie, ainsi que la responsabilité de la défense contre les menaces externes maritimes ou aériennes et la responsabilité pour la sécurité générale des Israéliens et des colonies israéliennes afin de protéger leur sécurité et l'ordre public intérieur.»
- «Israël et les autorités palestiniennes s'efforceront de promouvoir la compréhension et la tolérance mutuelles et éviteront de ce fait toute incitation hostile l'une vis-à-vis de l'autre, y compris sous forme de propagande.»
- «Israël et les autorités palestiniennes exerceront leur autorité et leurs compétences conformément aux termes du présent accord, dans le respect des normes et principes Internationalement reconnus des droits de l'homme et d'un Etat de droit.»
- «Israël et les autorités palestiniennes prendront des mesures destinées à instaurer la confiance, y compris la libération de prisonniers et de détenus incarcérés par les Israéliens.»
- «Le présent accord entrera en vigueur le jour de sa signature.»
Le 5 mai, 160 observateurs non armés de Norvège, d'Italie et du Danemark se sont rendus à Hébron, avec pour mission de superviser le déroulement des faits. Cela fait partie du prix élevé qu'Israël doit payer pour l'attentat commis par Baruch Goldstein contre des Arabes en prière.
Nouvelles d'Israël 06 / 1994