«Le succès», dit-on parfois, «a de nombreux pères. La défaite, elle, est orpheline».
Au sein du Likoud, puissant parti encore à la tête du gouvernement israélien il y a seulement trois mois, on cherche toujours les responsables de la cinglante défaite électorale. Les accusations fusent de partout, et leur principale cible est celui qui était l'homme fort du parti et de l'Etat jusqu'il y a peu: Yitzhak Shamir
Ce n'est pas de gaieté de coeur qu'après 15 ans, les dirigeants du Likoud sont passés des hautes fonctions gouvernementales aux bancs moroses de l'opposition. Tout le pays a ricané lorsqu'il s'avéra que deux anciens ministres du Likoud, le ministre des Affaires étrangères David Levi et le vice-Premier ministre Moshe Nissim, n'avaient pas leur permis de conduire. Durant de nombreuses années, ils ont tous deux disposé des luxueuses limousines de l'Etat, avec chauffeur. Maintenant, paraît-il, Moshe Nissim a commencé à prendre des cours de conduite. C'est l'un de ses fils qui conduira la voiture que sa famille lui a offerte. Mais bien sûr, les problèmes du Likoud ne trouvent pas leur origine dans les cours de conduite de ses dirigeants.
L'ensemble du parti connaît des problèmes. Le quartier général du parti à Tel-Aviv qui fut un centre bouillonnant d'activité, est pratiquement fermé. A l'entrée, se tiennent les débiteurs: des centaines de militants et de fournisseurs auxquels le Likoud doit beaucoup d'argent pour des services rendus au cours de la campagne électorale. Mais il n'y a pas d'argent. La caisse du parti est vide et les dettes se font pressantes. En attendant, personne ne s'occupe pourtant véritablement des problèmes. Presque toute l'énergie restant au parti est consacrée à un objectif : la nouvelle génération et la lutte pour la direction future du parti. Le président du parti, Y. Shamir, a fait part de son intention de renoncer à son poste et de se retirer de la vie politique dès qu'un successeur lui aura été trouvé. Moshe Arens, l'ancien ministre de la Défense, qui devait succéder à Shamir, a quitté la vie politique immédiatement après les élections. Quatre candidats sérieux s'affrontent actuellement dans cette lutte pour la direction du parti :
- Benny Begin, fils de Menahem Begin, qui bénéficie du soutien de la vieille garde du parti;
- Benjamin Natanyahu, ancien représentant d'Israël à l'ONU, orateur brillant et très populaire auprès de l'opinion publique israélienne;
- David Levi, ancien ministre des Affaires étrangères, soutenu par les représentants municipaux du parti ainsi que par une partie des Juifs sépharades;
- Ariel Sharon, dont la dernière fonction fut celle de ministre du Logement: Sharon bénéficie du soutien d'une grande partie des membres du comité directeur du parti. Beaucoup d'entre eux ont obtenu, grâce à lui, des avantages matériels et des honneurs à l'époque où il était à la tête de moyens énormes au sein de son ministère. D'autres, tout aussi nombreux, croient qu'il est capable de réhabiliter le parti et de le ramener au pouvoir à l'avenir. Cette fois, la lutte pour la direction du parti n'aura pas lieu au comité directeur. Pour la première fois de son histoire, le Likoud va élire son président dans le cadre de «primaires». Il s'agit d'élections directes, auxquelles plus de 100.000 membres inscrits au parti prendront part. La lutte a pratiquement déjà commencé. Une semaine après les élections, Netanyahu entreprenait déjà la chasse aux nouveaux adhérents et organisait des rassemblements en masse, au cours desquels il a incité le public à soutenir sa candidature comme président du parti. Cette campagne lancée par Netanyahu pour sa propre publicité s'accompagne de gigantesques annonces coûteuses dans les journaux. Les moyens qui sont mis à sa disposition sont quasiment illimités : ils proviennent de dons de riches Israéliens et de Juifs américains qui veulent soutenir sa candidature à tout prix. Les énormes moyens financiers de Netanyahu mettent particulièrement en évidence les difficultés de la situation financière du Likoud. Fin août, une commission d'enquête interne a publié des résultats selon lesquels le déficit du parti atteignait quelque 20 millions de dollars - une somme énorme et personne ne sait comment ce déficit pourra être couvert. La commission a, en conséquence, fortement critiqué les responsables - en particulier Yitzhak Shamir. Shamir a récusé les accusations et a chargé une autre commission de trouver une solution. Tout porte à croire que de nombreux mois de conflits et de crises difficiles attendent encore le Likoud avant qu'une solution ne soit vraiment trouvée. Il faudra patienter jusqu'à l'élection de la nouvelle direction du parti pour qu'il soit permis au Likoud de redevenir ce qu'il fut de nombreuses années : un grand parti d'opposition conscient de ses responsabilités, qui constitue une alternative au gouvernement et qui est toujours prêt à le remplacer dignement. (ZL)
Nouvelles d'Israël 10 / 1992