La mort d'un mythe: Menahem Begin 1992

 

Né en 1913, Menahem Begin s'est éteint le 9 mars.

Conformément à ses dernières volontés,Menahem Begin a été enseveli le jour de sa mort, selon les rites de la religion juive, comme un homme du peuple. Son fils, Benyamin Zeev Begin a prononcé le «Kaddish», la prière de l'orphelin; les amis et les proches ont refermé la tombe. C'était tout. Pas de sonnerie de clairon, pas de discours, pas de salves. Douze heures après le décès, la dépouille de ce grand homme était en terre. Pas d'invitation officielle.. Et pourtant, une foule de plus de 20 000 personnes, de tout âge, de tous bords, les larmes aux yeux, s'est dirigée spontanément vers le cimetière juif du Mont des Oliviers. Chose peu commune pour un homme d'Etat: Menahem Begin était tout simplement... aimé!

Sa biographie est celle de toute une partie du peuple juif. Né en Pologne, il reçut l'éducation juive traditionnelle, ainsi qu'une instruction scolaire qui lui communiqua une vaste culture générale. Il connut le nazisme: des Allemands jetèrent son père, les mains liées, dans une rivière. Menahem Begin s'enfuit en URSS, où il fut arrêté et déporté en Sibérie. Quand Hitler, rompant le pacte Ribbentrop-Molotov, attaqua brusquement l'empire de Staline, Menahem Begin fut tiré de l'enfer sibérien pour rejoindre celui de l'armée polonaise en exil. Envoyé dans le cadre d'une mission de secours vers les Anglais de Palestine, il se dégagea de ses obligations militaires et devint le chef incontesté de l'Irgoun, l'une des organisations clandestines qui luttaient contre les Anglais, pour l'instauration d'un Etat juif en terre d'Israël.

Il connut la déception et l'amertume d'une concurrence - qui frisa la guerre civile - avec d'autres organisations juives résistantes d'obédience socialiste (la Haganah) ou marxiste (le Palmach). Avec le départ des Anglais, la proclamation de l'Etat d'Israël et la guerre d'indépendance, le Palmach et l'Irgoun furent dissouts et leurs membres intégrés dans l'armée nouvelle, unifiée, du jeune Etat. Pendant près de 30 ans, Menahem Begin fut rejeté, par les dirigeants sionistes, dans l'opposition libérale dont il devint le chef. Orateur éloquent et redouté du pouvoir - à l'époque: socialiste - il savait parler aux foules et les galvaniser; mais il n'usa jamais de ses dons de persuasion à des fins anti-parlementaires, respectueux qu'il était des règles du jeu démocratique. Les remous qui suivirent la guerre du Kippour, en 1973, le portèrent au pouvoir en 1977. Il se révéla alors comme un homme d'Etat brillant, dynamique, mais aussi conciliateur, en politique intérieure comme en politique extérieure. Un des sommets de sa carrière fut la signature, à Camp David, des accords de paix avec l'Egypte. Cependant, la prolongation imprévue de la guerre au Liban, avec son cortège de victimes, et le décès de sa femme Aliza furent sans doute parmi les facteurs qui sapèrent sa résistance morale. Pendant l'été 1983, il démissionna de sa fonction de Premier ministre, confiant à ses amis: «je n'en peux plus!». Dès lors, Menahem Begin se confina dans un silence dont il ne sortit point jusqu'à sa mort.

Contrairement à David Ben Gourion ou à Moshe Sharett, Menahem Begin, répondit par le silence aux très violentes critiques dont il était l'objet; il ne chercha jamais à se justifier devant l'Histoire. D'une personnalité riche et complexe, M. Begin surprit plus d'une fois ses adversaires et ses partisans par des prises de position et des décisions qui brisaient le cadre dans lequel l'avaient enfermé les médias et l'opinion publique. Sa politesse et sa galanterie étaient proverbiales et tranchaient avec la rudesse et l'absence de savoir-vivre de la génération des «sabras».

De Jérusalem, H.L. Vaucher

AVENEMENT Mars 1992 No 42

© L'Avènement - Tous droits réservés pour tous pays