Le message de Nouvel An du Président israélien Chaïm Herzog

 

Nous commémorons le 43ème anniversaire de l'indépendance d'Israël (réd. 18 avril 1991) après une année extraordinaire. Le mot «miracle» est presque devenu quotidien pour nous. Comment pourrait-on mieux qualifier l'échec du plan de Saddam Hussein de brûler, gazer et démolir en grande partie Israël, comme il l'avait annoncé, alors qu'il possédait le stock d'armes non conventionnelles nécessaire à cela? Comment pourrait-on mieux appeler le deuxième exode - la vague de Juifs venant d'Union soviétique - d'environ 200'000 personnes pendant les douze derniers mois? Mais même les miracles réclament leur tribut de chagrin, de sacrifices et de peine. Les missiles SCUD de l'Irak ont paralysé le tourisme et les autres aspects de l'économie israélienne, détruit ou endommagé des milliers d'appartements et blessé des centaines de citoyens, avant que la brillante action des forces de la coalition, sous la direction américaine, ne s'impose à l'Irak. Il est certain que Saddam Hussein aurait voulu provoquer une réponse israélienne pour pouvoir diviser les forces alliées. Le gouvernement d'Israël s'est abstenu de répondre à cette manoeuvre cynique, et sa politique de retenue lui a valu l'approbation et l'estime du monde entier, sans diminuer les convictions sur sa capacité d'intimidation.

Les efforts d'après-guerre de créer un nouvel ordre dans la région entraîneront fatalement une procédure difficile et longue, durant laquelle Israël sera confronté à de très sérieuses provocations. Celui qui croit que les Etats arabes se réuniront facilement pour aboutir à des conventions valables ne connaît pas les réalités de ce monde - un monde déchiré par des différends et des contradictions internes; en effet, les Arabes eux-mêmes sont les principales victimes de l'Intifada. La tendance actuelle est de voir dans la situation arabo-israélienne le conflit central le plus dangereux du Proche-Orient - c'est du moins le point de vue de la Communauté européenne. C'est faux - cela s'est déjà prouvé plusieurs fois - surtout aujourd'hui, à la lumière du conflit et de la guerre du Golfe.

Le conflit arabo-israélien est sans doute important, et des efforts doivent être fournis pour aboutir à une solution. Par contre, il est beaucoup moins dangereux que le fondamentalisme islamique qui ne menace pas seulement les pays de la région, mais aussi les cinq républiques islamiques de l'Union soviétique avec ses 60 millions d'habitants - et éventuellement les pays de l'Extrême-Orient.

Ce n'est pas le conflit arabo-israélien qui a provoqué l'invasion irakienne au Koweït, celle des Soviétiques en Afghanistan, la guerre entre l'Iran et l'Irak et le morcellement du Liban. Je n'ai pas l'intention d'entrer maintenant dans les détails des dispositions politiques que nous voudrions bien voir prises. Nous voulons espérer que les attaques irakiennes et la retenue israélienne auront favorisé une nouvelle approche de certains pays arabes à l'égard d'Israël. Nous souhaiterions pouvoir convaincre nos voisins de s'inspirer du modèle européen: par exemple, en un effort commun en vue d'organiser une communauté économique au Proche-Orient.

En principe, des possibilités sans limites s'ouvrent à nous et à toute la région grâce à l'immigration en provenance de Russie, laquelle nous apporte tant de talents, de connaissances et de capacités. Ce que l'Alija russe peut amener à Israël et à cette région n'en est que l'aspect extérieur. Dans le sens de l'histoire juive, elle signifie le sauvetage de vies humaines menacées, la restitution de l'héritage d'un peuple et de la propre identité d'une large couche de sa population, jadis la plus créative, qui était coupée depuis plus de 70 ans et de manière oppressive, de son passé et de son «soi-même».

Le challenge de cette absorption est énorme des points de vue physique et psychique. Dans ces circonstances exceptionnelles, nous avons l'étonnante opportunité - qui ressemble vraiment à un miracle - de donner une nouvelle direction à l'avenir de notre peuple et d'Israël. Des efforts et des moyens énormes doivent être déployés pour une incorporation convenable de centaines de milliers - allant éventuellement jusqu'à un million - de Juifs soviétiques - sans parler de l'Alija éthiopienne déjà considérable.

Ce qui a été fait jusqu'à ce jour a été le fruit et, devait l'être, de l'association d'Israël et des Juifs de la Diaspora, qui a fixé de nouvelles dimensions à leur contribution volontaire. De grandes choses ont été accomplies en Israël, même si nous devons admettre avec regret certaines erreurs et faiblesses dérangeantes. Il y a un besoin pressant de dizaines de milliers d'appartements et lieux de travail. Nous savons qu'une meilleure situation de l'emploi dépend de nouvelles industries, des entreprises et des instituts de recherches scientifiques; pour cela, des milliards de capitaux d'investissements sont nécessaires - un défi supplémentaire pour la communauté juive mondiale ainsi que pour Israël.

Il est important que les Juifs du monde entier réagissent à cette provocation. Leurs réactions ont été, jusqu'à présent, impressionnantes, mais toujours insuffisantes.

L'histoire ne pardonnera jamais à notre génération si nous ne sommes pas à la hauteur de ces provocations énormes. Les efforts doivent être doublés et triplés pour faire face aux nouvelles situations créées par l'affluence de la communauté russo-juive. Nous nous devons de faire face. Il est du devoir de chaque membre de la communauté juive du monde entier de prendre conscience du poids de la responsabilité qui pèse sur lui ou elle. Nous devons réussir et nous réussirons, j'en suis convaincu, à maîtriser cette situation, pour que les générations à venir ne nous condamnent pas pour ne pas nous être présentés à cette épreuve et avoir manqué un rendez-vous extraordinaire avec le destin,

Que la quarante-quatrième année d'Israël lui apporte la paix, la croissance économique, l'absorption réelle des grandes vagues Alija, et partout cette éducation juive avec sa solidarité.

Nouvelles d'Israël 06 Juin 1991

© Nouvelles d'Israël