Problèmes autour des implantations à Jérusalem-Est

 

Trois jours avant la rencontre entre le Premier ministre israélien Yitzhak Rabin et le président des Etats-Unis, George Bush, des organisations israéliennes de droite ont préparé un coup d'éclat. Dix familles juives se sont installées dans cinq maisons du quartier musulman de la vieille ville de Jérusalem à la suite d'une action bien organisée et parfaitement légale.

Cette action avait été préparée et mise sur pied par une nouvelle organisation, le «Forum pour Jérusalem». Cet organisme regroupe quatre organisations différentes qui, sous le gouvernement du Likoud, s'étaient chargées de l'acquisition de biens immobiliers et de l'installation de Juifs dans le quartier musulman de Jérusalem. Le «Forum», qui bénéficiait d'une importante aide de l'Etat lorsque le Likoud était au pouvoir, a entrepris de s'organiser pour saboter les projets gouvernementaux de «gel» des implantations et a décidé de poursuivre l'établissement de Juifs dans le quartier musulman.

De façon très symbolique, l'action a eu lieu le dernier jour du jeûne de Tisha be Av - selon la tradition juive, cette date correspond à celle de la destruction du Temple il y a 1924 ans. L'organisation a veillé à ce que tout se déroule dans la légalité. Toutes les maisons dans lesquelles se sont installées des familles juives avaient été achetées de façon légale à leurs propriétaires arabes. Le nombre des Juifs qui vivent dans le quartier musulman est ainsi passé à 600. Quelque 200 d'entre eux vivent dans des habitations normales avec leurs familles, les autres sont logés dans des institutions, écoles et internats divers. Le directeur général du «Forum», Shmuel Meir, a déclaré que «cette action devait montrer clairement au monde et aux dirigeants juifs qui défendent le principe du renoncement aux revendications territoriales, qu'aucune partie de Jérusalem n'est à vendre». Meir s'est également opposé à une solution définitive qui prévoirait la division de la vieille ville en quartiers administrés séparément; il a déclaré : «C'est inadmissible. Les Juifs vivront dans tous les quartiers de la vieille ville. Personne ne peut les en empêcher».

Quatre organisations prennent en charge l'implantation de Juifs dans le quartier musulman : «Ateret Cohanim», «Atara Lejoshna», «Beit Orot» et «El Ad». L'idéologie des membres du «Forum» repose sur trois grands piliers : la politique, la sécurité et la religion.

Sur le plan politique, leurs activités ont pour but d'empêcher que le problème de Jérusalem soit résolu par le morcellement de la ville en quartiers, dont certains ne seraient pas habités par des Juifs.

Quant à la sécurité, les membres des organisations prétendent que la présence juive au sein des quartiers posant le plus de problèmes, permettra de la renforcer. C'est uniquement à cette condition que les Juifs pourront se déplacer librement dans la vieille ville, et que certaines parties de la cité ne seront pas «exemptes de Juifs» pour des raisons de sécurité.

Sur le plan religieux, les membres du «Forum» croient que l'Etat d'Israël vit actuellement la phase du «début de la rédemption», c'est-à-dire la première étape sur la voie de la venue du Messie. Selon cette croyance, les acquisitions de biens immobiliers à Jérusalem contribuent en fait à «accélérer la rédemption». Au fil des années de leur activité, les organisations ont pu entrer en possession d'un nombre considérable de maisons et de terrains dans le quartier musulman de la vieille ville et le transformer ainsi en quartier à population mixte. Ces achats furent en partie financés par des dons en provenance de l'étranger; la majeure partie de ces dons cependant venait de l'Etat et d'organismes publics israéliens. Le soutien accordé à l'association par le gouvernement Likoud reposait essentiellement sur le ministère du Logement de l'époque où faisait alors fonction le ministre Ariel Sharon. Sharon, qui avait lui-même acquis une habitation au coeur du quartier musulman, a mis à la disposition de ces organisations des moyens considérables grâce au budget de son ministère. Ces moyens entraient de facto dans la politique du gouvernement concernant Jérusalem-Est et la vieille ville. L'arrivée au pouvoir du gouvernement travailliste a tourné une page de l'histoire. Le gouvernement de Rabin, lui aussi, voit naturellement en Jérusalem la capitale éternelle et indivisible de l'Etat d'Israël. Le gouvernement a maintenant stoppé toute aide financière aux organisations. Simultanément, une commission spéciale a été mise sur pied afin d'examiner les ressources financières de ces organisations sous le gouvernement Likoud. Il est immédiatement apparu que quelque 100 maisons de Jérusalem-Est avaient été prises en bail, louées ou achetées par des organismes privés, des associations ou des particuliers - grâce au financement de l'Etat. On a également découvert que l'une des organisations avait reçu 5,6 millions de shekels du ministère du Logement, somme prévue à l'origine pour aider des familles dans le besoin à acheter une habitation. Etant donné que l'organisation en question n'a pas soutenu ces familles, on lui demande maintenant de rembourser l'argent. Au moment de la rédaction de ces lignes, l'enquête est encore en cours et il est probable que la commission fera d'autres découvertes qui ébranleront l'opinion publique israélienne.

Malgré l'opposition du gouvernement, le «Forum» prévoit de poursuivre ses dons à l'étranger ainsi que l'implantation de Juifs dans le quartier musulman et dans d'autres quartiers de Jérusalem-Est.

Puisque toutes les activités du «Forum» sont légales et ont lieu à Jérusalem, où prévaut le droit israélien et où le commerce - même des habitations - est libre, il semble que le gouvernement pourrait se retrouver sans recours. (ZL)

Nouvelles d'Israël 10 / 1992

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