Panique chez les Arabes au sujet du Deuxième Exode

 

Mardi 23 janvier 1990, 4 h du matin: le B-747 d'El' Al portant le numéro de vol 1368 vient d'atterrir à l'aéroport Ben Gourion, en provenance de Budapest, avec 420 Juifs russes à son bord. Quatre cent vingt Juifs soviétiques foulent pour la première fois, en tant que nouveaux immigrants, la terre de leurs ancêtres. Chaque jour, ce sont 300 à 500 nouveaux immigrants qui arrivent en Israël, Aux termes de nouveaux accords, bientôt ce seront jusqu'à 1000 Juifs qui afflueront chaque jour via Budapest. On n'a pas encore pu effectuer de vols directs de Moscou à Tel Aviv.

La compagnie aérienne Aeroflot demande 1200 DM par passager, et la Hongrie, seulement 550 DM. Cette année, Israël attend 100 000 à 150 000 Juifs en provenance d'Union Soviétique, et on devra atteindre le nombre de 750 000 au cours des 3 prochaines années.

Les Arabes sont gagnés par l'effroi devant une telle vague d'immigration. Ainsi le «Conseil National Palestinien», l'organe politique de l'OLP, a-t-il exigé: «Arrêtez l'exode aussi vite que possible!» Quant au roi Hussein de Jordanie, il a déjà appelé les Etats arabes à un sommet extraordinaire en vue de rechercher ensemble les moyens d'empêcher une telle immigration de masse vers Israël. 85 notables palestiniens ont souscrit l'appel au secours du roi Hussein.

Le chef du gouvernement Israélien, M. Yitzhak Shamir, exulte: «Nos voisins arabes sont gagnés par la panique, tout d'abord parce qu'ils voient que les troubles de l'Intifada n'atteignent pas leur but de chasser les Juifs, et observent au contraire le fait inverse, en l'occurrence l'afflux ininterrompu de nouveaux Juifs en Israël. Cette vague d'immigration est pour nous un cadeau du ciel». Que M. Shamir ait lui-même attisé cette panique saute aux yeux, d'où son observation: «Une grande immigration exige un grand Israël, en vue de trouver de la place pour tous ces nouveaux immigrants» n'est pas un échantillon de sagesse diplomatique.

Un tract arabe déplore: Nous, Palestiniens, nous pleurons: les Etats-Unis donnent à l'Etat juif des armes et de l'argent, et l'Union Soviétique fournit pour cela les Sionistes et de la main-d'oeuvre - mais qui aide les Musulmans?» La Ligue Arabe s'est déjà adressée au Parlement Européen et a sollicité la constitution de camps où on devra retenir les Juifs soviétiques jusqu'à ce qu'on leur trouve un accueil ailleurs - mais pas en Israël. En accord avec les Etats arabes, les Etats-Unis mettent en garde Israël contre l'installation des Juifs soviétiques en Judée et Samarie (ce qu'on appelle la «Rive occidentale»); autrement, «Il n'y aura plus d'argent», menace Washington. Jérusalem souligne par contre que, en Israël, les Juifs soviétiques peuvent décider librement où ils désirent habiter. Jusqu'ici, 0,7% seulement d'entre eux ont opté en faveur des territoires contestés. L'ambassadeur soviétique à Amman a déclaré aux Arabes irrités: «Nous ne pouvons plus arrêter l'exode des Juifs.»

Le Kremlin n'entend pas, lui non plus, arrêter l'exode des Juifs, tout d'abord pour ne pas perdre les faveurs financières de l'Amérique, et ensuite à cause de la vague d'antisémitisme qui croît au sein du peuple russe, à l'incitation du mouvement national-russe PAMIAT, lequel tient partout dans les pays des propos incendiaires contre les Juifs et a appelé pour le 5 mai 1990 à un pogrom contre l'ensemble de ceux-ci. Entre-temps, on marque déjà dans ce but les maisons où habitent des Juifs. Ceux d'entre eux qui ne montraient encore aucun désir d'abandonner la Russie il y a un an sont maintenant assis sur leurs valises, et attendent le prochain avion, tout en affirmant être prêts, en l'absence d'autres possibilités, à «se rendre en Israël même à pied».

Les anciens prisonniers de Sion tels qu'Ida Nudel, Yosef Mendelevitch et Nathan Chtcharansky sollicitent du gouvernement israélien une «action rapide en vue de sauver les Juifs soviétiques», et s'alarment: «Espérons qu'il ne soit pas déjà trop tard!» Mais le gouvernement israélien n'est pas à même de procéder aussi vite, car les frais qu'entraînera l'installation des immigrants Juifs sont déjà estimés à environ 2 milliards de DM. En premier lieu, il faudra majorer de 10% l'impôt sur le revenu en Israël, et on a déjà annoncé un emprunt d'Etat obligatoire. Ceci permettra de construire 40 000 logements en 1990; chaque famille d'immigrants (3 personnes) reçoit de l'Etat 1650 DM par mois dans l'attente que soit résolu le problème de l'emploi; 40 000 nouveaux emplois attendent déjà les immigrants, dont 23% possèdent une formation universitaire. En outre, les kibboutzim ont offert à 10 000 Juifs soviétiques un «foyer chaleureux», et les hôpitaux israéliens se félicitent dès maintenant de l'afflux d'infirmières russes. Seuls les médecins se heurteront à des problèmes de travail, car seuls 25% d'entre eux peuvent s'attendre à trouver un emploi en Israël.

Une tâche impressionnante attend également le Grand Rabbinat d'Israël, car les 70 ans de communisme athée ne sont pas demeurés sans traces sur les Juifs. Si, en Union Soviétique, ils stigmatisés et discriminés en tant que Juifs, ils n'avaient non plus aucune possibilité d'entretenir leur judaïté, et une bonne partie d'entre eux n'a encore jamais rien entendu au sujet des obligations et des devoirs religieux. La plupart d'entre eux n'ont même pas été circoncis. Tout ce retard, les «nouveaux» veulent et doivent maintenant le rattraper en Israël. Le rabbinat, autrement si strict, a suspendu l'interdiction des vols le shabbat, car il s'agit ici d'un «Pikuah Nefesh», d'une profanation du shabbat en vue de sauver une vie, et ceci est admis par les enseignements rabbiniques.

Nouvelles d'Israël Avril 1990

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