Meir Kahana ne va plus pouvoir réaliser le rêve de sa vie - être le ministre de la Sécurité de l'Etat d'Israël, en chasser par la force tous les Arabes qui y vivent et y ériger un règne sur la base de la halakha juive. Kahana, le rabbin orthodoxe très controversé qui, étant à la tête du mouvement d'extrême droite «Kach», avait su rallier à ses idées plusieurs milliers de jeunes dont le signe distinctif était le poing serré et la haine des Arabes, a été assassiné à New-York lors d'un attentat par un Arabe.
La carrière de ce Juif né à New York 'en 1932 a commencé dès son enfance, lorsqu'il est parvenu à attirer l'attention sur lui par son attitude manifestement militante. A l'âge de 15 ans, il fut arrêté par la police de New York pour avoir lancé des oeufs pourris à Ernst Bevin, alors ministre des Affaires étrangères de la puissance mandataire britannique qui devait régner en Palestine jusqu'en 1947. Ce fut là la première d'une longue série d'arrestations de Kahana dues aux diverses manifestations qu'il organisait tant aux Etats-Unis qu'en Israël. Devenu rabbin au début des années 60, quelques années plus tard, Kahana fut engagé par le F.B.I., le service secret américain qui le chargea de s'infiltrer dans les rangs d'une organisation américaine antisémite. Il sut admirablement s'acquitter de cette tâche et ne tarda pas à monter dans la hiérarchie du F.B.I., finissant par s'y voir confier plusieurs fonctions dirigeantes. En 1968, il quitta le F.B.I. pour se consacrer à une nouvelle tâche: la fondation, à New York, de la «Ligue de défense juive», une organisation militante dont le but était de combattre les tendances antisémites et de protéger la population juive de toutes les ingérences hostiles. Parmi les activités les plus spectaculaires de la Ligue, il y eut l'organisation de manifestations antisoviétiques destinées à exiger pour tous les Juifs soviétiques l'autorisation de sortir du pays. A l'époque, durant les années du règne de Brejnev, presque aucun juif soviétique n'était autorisé à émigrer en Israël et ce fut Kahana qui attira l'attention du public américain sur ce problème.
Vers le milieu des années 70, Kahana émigra en Israël et y fonda le mouvement «Kach» qui allait depuis lors représenter l'aile la plus extrême de l'éventail politique existant dans le pays. Kahana haïssait les Arabes. Il disait d'eux qu'ils étaient un ulcère cancéreux dans l'organisme de la nation il aurait voulu tout simplement les expulser du pays. Plus d'une fois, il menaça faire transporter par camions en Jordanie dès qu'il tiendrait les rênes du pays.
La haine des Arabes était le principal distinctif de son mouvement. C'est avec la devise «les Arabes dehors» qu'il tenta d'entrer dans la Knesset - et qu'il échoua deux fois. En 1984, la Commission électorale centrale recommanda d'exclure sa liste des élections en raison de ses contenus à la fois racistes et antidémocratiques. Mais Kahana n'abandonna pas. Il formula une objection devant la Cour suprême de justice qui annula le jugement précédent. La liste «Kach» put donc se présenter aux élections de la Knesset et elle obtint cette fois-ci suffisamment de voix pour pouvoir déléguer Kahana au parlement israélien. Cependant, son influence y fut pratiquement inexistante. Chaque fois qu'il se présentait au pupitre, tous les autres députés quittaient la salle du parlement en signe de protestation. S'il adressait la parole à l'un d'eux, celui-ci l'ignorait tout simplement. Bien qu'ayant été élu, la Knesset finit par s'en débarrasser. Quatre années plus tard, lors des nouvelles élections, sa liste fut annulée une seconde fois, cette fois-ci avec la confirmation de là Cour suprême de justice. Dès ce moment-là, le groupe «Kach» fut réduit à une existence de mouvement extra-parlementaire. Ses partisans participèrent à toutes les manifestations et à tous les autres événements spectaculaires dirigés contre la population arabe, ne se privant pas, quand ils le pouvaient, de rouer de coups les Arabes qui leur tombaient sous les mains. La tradition créée par Kahana continuera de vivre après §a, mort. Quelques heures après la diffusion en
Israël de la nouvelle concernant son assassinat un vieux couple arabe a été tué près de Naplouse.. Le meurtrier était un Juif. Des personnes du mouvement «Kach» n'ont pas exclu la possibilité d'un acte de vengeance. Aux funérailles aussi, il y a eu plusieurs incidents impliquant des agressions contre des Arabes. Le cercle vicieux de la violence qui a été ouvert par Kahana ne s'est pas refermé - Kahana lui-même en a été la victime ou, comme l'a dit une personnalité palestinienne le matin de la journée du crime: «Kahana a été brûlé par le feu qu'il a allumé lui-même.» CM
Nouvelles d'Israël 01 / 1991