Les réactions des Israéliens aux attaques irakiennes

 

Le samedi 9 février, quelques heures après l'explosion d'un missile Scud dans une zone résidentielle du centre du pays, la radio et la télévision israéliennes ont montré des réactions dures de la part des habitants qui ont perdu leurs maisons. «Pourquoi le gouvernement nous a-t-il abandonnés?», demandaient-ils. «Pourquoi notre armée n'a-t-elle pas immédiatement riposté après la première attaque de missiles? Et pourquoi notre armée de l'air n'a-t-elle pas, à ce jour, détruit les missiles dans l'ouest de l'Irak?» Jusqu'à présent, après un mois de conflit et 13 attaques durant lesquelles 33 missiles ont été tirés sur Israël, ces questions demeurent pertinentes. Israël n'a pas riposté à ces attaques irakiennes par une action militaire. Des porte-parole officiels, avec à leur tête le Premier ministre Yitzhak Shamir et le ministre de la Défense Moshe Arens, ont déclaré à plusieurs reprises qu'Israël ne resterait pas sans réagir - cependant au moment opportun pour Israël et non sous forme d'une réaction spontanée et automatique à chaque attaque de missiles. Les raisons de la politique de retenue du gouvernement sont assez claires:

 

1. Les attaques de missiles sur Israël sont une provocation irakienne qui vise à entraîner l'Etat hébreu dans la guerre. Saddam Hussein espère qu'une intervention israélienne provoquera un soulèvement dans le monde arabe et divisera la coalition anti-irakienne dont plusieurs des plus grands ennemis d'Israël la Syrie en tête - font partie. En outre, l'Iran qui jusqu'à présent a gardé une position de neutralité a clairement annoncé que si Israël participait à la bataille, il abandonnerait sa neutralité. Autrement dit: une attaque israélienne aiderait les efforts belliqueux de l'Irak plutôt que de leur nuire.

2. Israël ne possède pas de frontières communes avec l'Irak. Une action militaire entraînerait la violation des frontières jordaniennes, syriennes ou saoudiennes par les forces terrestres ou aériennes (israéliennes). En tout cas, il s'agirait là d'une atteinte à la souveraineté territoriale d'un Etat arabe, ce qui pourrait avoir des conséquences graves. Le roi Hussein a déjà déclaré qu'il ne permettrait à aucun pays de franchir ses frontières. Il est probable que la Syrie réagirait de la même façon. Cela signifie qu'une riposte israélienne pourrait étendre le conflit à Israël.

3. La politique de retenue actuelle sert au mieux les intérêts de la sécurité d'Israël. L'Irak est écrasé par les forces armées alliées sans qu'un seul soldat israélien ne soit impliqué. L'Etat hébreu reçoit des éloges du monde entier pour sa retenue. Le pays en retire des avantages politiques et surtout militaires; les Etats-Unis et quelques pays européens, dont l'Allemagne Fédérale, lui accordent leur soutien militaire, ce qui accroît sa sécurité.

Ces mobiles qui se voudraient rationnels font l'objet d'interrogations soulevées dans différents milieux publics et même par quelques ministres du gouvernement comme celui de l'habitat Ariel Sharon. Selon eux, Israël est obligé de répliquer rapidement pour ne pas perdre sa force de dissuasion à l'encontre des pays arabes et apparaître comme un «tigre de papier». La vraie raison de la retenue actuelle du gouvernement est due, selon eux, au diktat des Américains. Céder à la pression d'un Etat tiers sur les questions relatives à la sécurité d'Israël représente à leurs yeux un dangereux précédent. S'ajoute également au débat la manière dont Israël réagira. Comment encore atteindre les points sensibles de l'Irak lorsque l'on sait qu'il est quotidiennement frappé par l'aviation alliée. Le chef d'état-major en second Ehud Barak a déclaré dans une interview publiée début février que l'armée israélienne possède des plans excellents qui seraient exécutés quand le gouvernement le déciderait. Il est évident que Barak n'a pas donné de détails sur leur contenu, mais des experts militaires et des commentateurs n'eurent aucune peine à ébaucher quelques scénarios possibles:

1. Une action aérienne contre les bases de missiles stationnées dans l'ouest de l'Irak et dirigées vers Israël. Il est vrai que les Américains sont actifs dans cette région, mais le commandant en chef de la force aérienne israélienne a déjà fait savoir que ses avions seraient plus capables d'exécuter cette tâche, en particulier grâce à la grande expérience en combat des pilotes israéliens et aussi grâce à leur volonté de mener des attaques plus risquées. Le problème qui se pose pour une telle riposte est la nécessité de coordonner l'entrée des avions israéliens dans l'espace aérien irakien avec les forces armées américaines qui volent dans la même région.

2. Une autre possibilité qui a été avancée dans les journaux étrangers est une action de commando dans le style de celui mené à Entebbe, dans la région où se trouvent les bases de missiles; ou même une action audacieuse visant à éliminer les dirigeants du gouvernement de Bagdad avec le soutien des agents du «Mossad».

3. Et il y a une troisième alternative: une attaque israélienne avec des armes non-conventionnelles. C'est le ministre américain de la Défense Richard Cheney qui en a parlé lors d'une interview accordée à la CBS. Les experts à Washington ont interprété les propos de Cheney comme un avertissement à Saddam Hussein qu'Israël pourrait répondre à l'agression irakienne par une contre-attaque nucléaire. Dans l'état actuel des choses, Israël continue à préférer la stratégie de la retenue. Elle peut cependant changer à tout moment. Tout dépendra de l'évolution de la situation. Lors d'une interview, le chef d'état-major en second a attiré l'attention des journalistes sur une limite supérieure définie et fixée par Israël. Franchir cette limite - l'utilisation par l'Irak d'armes non-conventionnelles contre Israël - aurait pour conséquence une riposte israélienne immédiate.

Nouvelles d'Israël 04 Avril 1991

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