La partie médiévale de Cracovie représentait, avant la guerre, avec ses 56.000 habitants, un quart de la population de la ville; c'était un des principaux centres juifs de l'Europe orientale. Hélas, la communauté actuelle ne compte plus que quelques centaines de membres, pour la plupart des juifs âgés.
L'ancienne synagogue est un symbole muet de la culture judaïque; avec celles de Worms et Prague, elle est considérée comme un des plus précieux joyaux de l'architecture sacrée juive. Elle était probablement un haut bâtiment à halls multiples fait de pierres et de briques.
Ainsi construite, la synagogue tint trois siècles. De 1904 à 1913, elle fut restaurée par le célèbre architecte de Cracovie, Zygmunt Hendel. Mais pendant la Deuxième Guerre mondiale, les nazis la détruisirent après avoir pillé ses trésors artistiques accumulés au cours de plusieurs centaines d'années.
Des cérémonies de mariage se déroulaient sur le parvis de la synagogue. Les rabbins cracovites y récitaient leurs prières. C'est là qu'était élu le Kahal (la communauté de la synagogue).
En 1794, Tadeusz Kosciuszko adressa dans l'ancienne synagogue un discours aux juifs, où il les appela à participer à la révolte. Le héros national polonais, qui avait combattu comme général sous les ordres de Washington dans la guerre d'Indépendance américaine, lança cet appel aux juifs également: «Le temps est venu, car la mesure des malheurs et des souffrances est pleine. Le soulèvement veut rendre à la Pologne la liberté, l'intégrité et l'indépendance.» Avec 4.000 hommes des troupes régulières et un grand nombre de paysans et de juifs, il marcha contre les Russes et les vainquit non loin de Cracovie, à Raclawice. Le 5 janvier 1796, les Autrichiens entrèrent à Cracovie; et quatre jours plus tard, les Prussiens en firent de même à Varsovie. Le fleuve Njeman séparait les Prussiens de la Russie. La Pologne avait cessé d'exister comme Etat. Le 10 octobre, Kosciuszko subit une sanglante défaite près de Varsovie où il fut grièvement blessé. Varsovie capitula devant les Russes.
Le musée dans l'ancienne synagogue
L'ancienne synagogue abrite aujourd'hui le Musée de la Culture judaïque. La remise solennelle de la synagogue au Musée eut lieu le 30 avril 1959. Il y a là des ustensiles et des objets qui ont un rapport avec les coutumes juives: des chandeliers hanukka, des couronnes de la Thora, des «signets» de la Thora, des livres et bien d'autres choses. Une section spéciale est consacrée a culture et à l'histoire des juifs de Cracovie, sans oublier le martyre de la population d'origine juive pendant l'occupation hitlérienne.
La Pologne, qui, à partir de 1386, comprenait aussi la principauté de Lituanie commença au 12 ème siècle déjà à accueillir des juifs.
Boleslaw V le Pieux promulgua, en 1264, le très important statut de protection des juifs, qui leur garantissait l'inviolabilité de leur vie et de leurs biens dans tout le pays. Les juifs allemands, qui avaient immigré en Pologne en plusieurs vagues, y apportèrent leur langue, le yiddish, qui devint finalement la langue commune de tous les juifs polonais. Des communautés juives se formèrent partout dans le pays.
La vie juive dans le royaume de Pologne s'acheva dans le cadre d'une corporation d'individus ayant une origine religieuse et ethnique commune. La religion était toute présente et toute puissante.
Le début du 17ème siècle vit se constituer en Pologne une forme particulière de Kabbale. Ses principaux chefs, Samson Ben Pesa Ostrapoler et Nathan Schapira de Cracovie, sont représentés au musée. Le centre de la ville juive est devenu l'actuelle rue Szeroka. Des maisons de prières et des écoles ne tardèrent pas à paraître. Un cimetière fut aménagé un home pour vieillards fut installé, ainsi qu'un hôpital, qui a subsisté jusqu'au 19ème siècle. Kazimierz, un quartier de Cracovie, est resté comme par le passé un lieu significatif pour la population juive. Mais c'est lors de la fête Lag Baomer que régnait la plus forte animation, quand des milliers de juifs de toute la Pologne affluaient pour prier sur la tombe du grand rabbi Moses Isserles. Tout cela s'est cependant perdu durant la guerre avec le massacre par les nazis de la population d'origine juive.
L'histoire des juifs est écrite avec du sang. Depuis des siècles, ils versent des torrents de larmes, et la fin n'est pas encore en vue.
LE PROF MARK ZONIS
Nouvelles d'Israël 06 / 1999