La nouvelle passe d'armes n'est-elle plus qu'une question de temps?
De notre correspondant à Jérusalem
Une panique inhabituelle avait éclaté à Beyrouth. Les gens firent la queue devant les magasins et s'emparèrent de nourriture ou remplirent des bidons avec de l'eau. Les écoles furent fermées. Les Levantins, généralement des gens paisibles, craignaient à tout moment l'éclatement de la grande guerre entre Syrie/URSS et Israël/USA. La Syrie pensa voir une provocation derrière l'accord de retrait signé par Israël et le Liban. Au lieu de se joindre à la proposition d'un retrait simultané et de quitter le Liban comme l'espéraient les USA - elle fit une entrée démonstrative et renforça ses troupes stationnées au Liban de 40 000 hommes à 50 000. L'Union soviétique qui, selon le New York Times, «a été ridiculisée par Israël pendant la guerre du Liban», se chargea d'envoyer par express du ravitaillement en armes et des experts militaires, En outre, Moscou donna l'ordre que les avions de combat MIG-23 et les hélicoptères Ka-25-K ne soient pilotés que par des Soviétiques. ils occupaient une centaine de bases de fusées et de stationnements de radars le long de la frontière libanaise. Ils refusèrent même l'accès aux avant-postes à leur hôtes syriens comme, par exemple, à Masse (près de Damas), où se trouve la centrale de commandement dirigée par des ordinateurs ultramodernes et liée directement au Kremlin. En même temps, la route entre Beyrouth et Damas fut barrée et la douane fermée. Nous, les journalistes, nous nous préparions, car l'alarme fut aussi donnée sur les routes d'Israël en direction du nord - en Israël aussi il y avait une concentration de troupes sans précédent.
Aussi rapidement que les Syriens étaient passés à l'attaque, aussi vite ils se retirèrent, à l'étonnement de tous, Les unités de chars blindés soviétiques T-27 s'en retournèrent à leurs bases syriennes. A Damas, on publia que «les manoeuvres s'étaient déroulées avec succès.» Quelques officiers syriens racontaient qu'il y avait «trop de risques à cause des positions israéliennes qui se trouvaient à seulement 25 km de Damas». Un autre officier syrien expliqua à un journal de Koweit que «les Israéliens avaient dérangé et effacé tous les radars syriens. Nos écrans sont soudainement devenus blancs, nous ne savions que faire, les Soviétiques non plus ... les Israéliens nous ont dépassés dès le début avec leur technique». C'est assez ennuyeux pour le président Assad, qui avait promis une «grande Syrie» à son Peuple, «même s'il faut se battre pendant cent ans»!
Lorsque, en 1943, le Liban proclama son indépendance, les Syriens revendiquèrent immédiatement ce pays des cèdres car, à leur avis, «le Liban fait partie, historiquement, de la Syrie». C'est pourquoi, Damas avait toujours refusé d'installer une ambassade à Beyrouth. En 1976, ils pensèrent que le moment était venu d'envoyer des milliers de soldats au-delà de la frontière. Selon certains experts, Moscou les aurait rappelés au dernier moment. Pour le Kremlin
- la Syrie n'est pas assez contrôlable et
- la voie de ravitaillement par l'Iran et l'Irak pas assez sûre politiquement.
D'autres experts pensent qu'il ne s'agissait que d'une manoeuvre de marchandage orientale. Depuis, la Syrie s'est rendu compte de la courtoisie américaine à son égard,- ce qui rehausse sa valeur aux yeux de Moscou. Pour Israël, c'est un avantage. Les USA ont donné leur accord pour augmenter l'aide militaire à Israël en 1984 et pour passer de 300 000 millions de dollars à 550 000 millions (1,35 milliards de DM). Cela débloque aussi les livraisons promises à Israël pour 1985, soit 75 avions de combat F-16.
Il ne faut pas oublier que le président Assad, membre de la secte minoritaire des Alaouites, a de grandes difficultés en Syrie. «Les dictateurs relégués à un rang inférieur sont particulièrement dangereux!» Par souci de survivre, Assad pourrait provoquer des incidents graves. La Syrie exige, actuelle ment, un changement de gouverne ment à Beyrouth à cause du conflit intervenu au sein des dirigeants libanais. Le front des politiciens pro-syriens s'organise et fait du chantage parmi la population déjà angoissée. A vrai dire il y a longtemps que le Liban est fragmenté en deux zones d'intérêts: 1 zone israélienne et la zone syrienne Cinq armées étrangères régulières (1 Syrie, l'OLP, la Libye, l'Iran et Israël font leurs manoeuvres dans le pays des cèdres, l'ancienne Suisse ci l'Orient. Parmi les fractions minoritaires surviennent aussi de violents combats, en particulier dans les montagnes du Chouf où s'affrontent chrétiens et druses ... et chacun espère pour son propre compte, bien sûr qu'Israël interviendra et rétablira le calme et la paix. Cependant, Israël ne pense pas s'en mêler pour le moment. Bien que toujours plus réservé l'égard d'Israël, le Parlement de Beyrouth a, par peur d'un bain de sang parmi les divers groupements, demandé à son voisin hébreu de ne pas s retirer à la zone des 45 km fixés par l'accord avant que l'armée libanaise n soit en mesure d'entrer elle-même e action. L'armée d'Etat libanaise qui avec ses 22 000 soldats, ne sera prêt que dans deux ou trois ans et l'UNIFIL avec 5900 soldats de l'ONU venant de dix nations différentes, craignent d'être impliqués dans ces histoire fâcheuses. Les USA aussi incitèrent Israël à rester au nord de la zone de 45 km pour éviter que les Syriens, d concert avec les Soviétiques et le terroristes de l'OLP (12 000) envahis sent les territoires inoccupés.
On peut voir une nouvelle fois la futilité de ce récent accord «qui, au fond, n'est qu'une illusion». De son côté, le Parlement libanais n'a pas encore donné son autorisation pour que l'accord entre en vigueur. «La colombe de la paix a été invitée, mais elle n'est pas venue» - c'est ce que l'on dit au Liban.
Les choses restent donc comme avant, au pays des cèdres: combats entre les milices, massacres, enlèvements, attentats contre les représentants étrangers, attaques terroristes dont le nombre de 15 334 a dramatiquement augmenté depuis 1975.
Bien qu'Israël eut à enregistrer de grandes pertes humaines lors de la guerre «paix pour la Galilée» au Liban 500 victimes en une année - et que cette guerre ait provoqué une augmentation de la dette de l'Etat, la Knesseth a décidé par 55 voix contre 47 de rester au Liban, d'autant plus que, selon le ministre de la défense Arens, «un retrait unilatéral aurait des conséquences dangereuses pour Israël».
Pas tous les Israéliens sont d'accord avec cela. Le jour du premier anniversaire de la guerre du Liban, environ 100 000 opposants se sont réunis à Tel Aviv. On pouvait lire sur leurs transparents «Le Liban, un Vietnam israélien» ou «Quittons le bourbier libanais». Presque tous les jours on annonce des pertes, car des terroristes et francs-tireurs de l'OLP revenus au Liban et cachés dans les ruines et les plantations tirent sur les Israéliens.
Le ministre de l'extérieur Shamir menaça «qu'Israël n'attendrait pas indéfiniment le retrait des troupes syriennes et des associations de l'OLP». Malgré cela, de nouvelles unités syriennes avancent en direction de la Bekaa, c'est-à-dire d'Israël. Washington s'efforce de tranquilliser Israël en disant que «la Syrie ne recherchait que la guerre d'usure et une tension permanente» - jusqu'au jour où l'un ou l'autre s'affolera! Les annales historiques nous fournissent assez d'exemples de ce genre ... En attendant, Israël observe avec beaucoup d'inquiétude les sombres nuages de guerre qui s'amoncellent - or, soit ils se dissiperont, soit l'orage éclatera.
«Je me hâterai de m'échapper loin du vent de tempête, loin de l'ouragan» (Psaume 55, 5, trad. Darby).
Nouvelles d'Israël 10 / 1983