Tremblement de terre au congrès du Likoud
Le Likoud s'enfonce dans la crise. Le congrès de ce parti aurait dû être une journée agréable, occasion de confirmer le leadership de Netanyahou et de soutenir la voie qu'il emprunte. Au lieu de cela, c'est à une manifestation contestée que l'on a assisté.
Le début de la journée fut prometteur. Les 2700 invités présents auraient dû soutenir la politique du Premier ministre et élire les nouveaux organes qui dirigeront le parti en l'an 2000.
Quelques j ours avant l' événement, on avait fait savoir que certains alliés d'Avigdor Lieberman, chef de cabinet du Premier ministre et sans doute un des plus proches collaborateurs de Netanyahou, avaient l'intention de proposer des modifications du règlement d'ordre intérieur du parti. Parmi les propositions figurait la suppression des élections primaires, auxquelles participent 200.000 membres du parti, et qui permettent de définir la liste des représentants à la Knesset. Une autre proposition envisageait qu'en cas de dissolution anticipée du gouvernement pour une raison quelconque, Netanyahou reste le candidat du Likoud au poste de Premier ministre sans qu'il soit nécessaire d'organiser de nouvelles élections.
Ces deux propositions ont fait dresser l'oreille aux parlementaires et aux ministres du Likoud. La suppression des primaires impliquait le glissement du pouvoir électoral des députés vers les membres de la centrale du parti, majoritairement dominée par des partisans de Netanyahou et de Lieberman. La seconde proposition confirmait la position de leader de Netanyahou au sein du Likoud.
Interrogé, Netanyahou a fait savoir à ses ministres qu'il était totalement étranger à ces propositions, et leur a promis de ne pas évoquer la suppression des primaires lors du congrès du parti.Mais les ministres n'ont pas tardé à se rendre compte qu'ils s'étaient réjouis trop tôt. Au congrès, les partisans de Netanyahou ont bien fait comprendre qu'ils n'avaient pas la moindre intention de se raviser.
Pour être sûrs d'imposer leurs vues, ils ont décidé de présenter la candidature d'un des leurs à la présidence du congrès, fonction supervisant la responsabilité de l'ordre du jour et des. propositions concernant le règlement d'ordre intérieur.
Les ministres ont soudain! compris que Netanyahou: jouait manifestement double jeu, et avait bel et bien l'intention de supprimer les primaires et de consolider sa position.
C'est dans ce contexte que le congrès s'est tenu, ans une atmosphère très tendue. Les ministres ont à nouveau tenté de faire pression sur Netanyahou qui, de son côté, s'est efforcé de leur expliquer qu'il ne contrôlait plus les députés de son parti. Pour confirmer ses propos, il a rejoint la tribune de l'orateur, où de bruyantes huées ont accueilli sa proposition de reporter à plus tard le débat sur les primaires.
Les pressions n'y ont rien fait. Les députés, visiblement dirigés par le puissant chef de cabinet du Premier ministre, ont soutenu les véritables desseins de Netanyahou et voté pour la suppression des primaires au Likoud, renforçant ainsi la position de Netanyahou en même temps que la leur.
Tout à coup, députés et ministres se sont trouvés à leur merci pour la confirmation de leurs mandats. Les députés étaient hors d'eux, ayant compris que Netanyahou les avait bernés.
Quelques-uns ont même émis l'hypothèse que les huées étaient arrangées d'avance pour fournir un «alibi» au Premier ministre, et ils ont défendu la thèse qu'il n'avait pas du tout l'intention de tenir compte des souhaits des députés. Leur colère s'est encore accrue lorsque la seconde proposition, visant à exempter Netanyahou de l'obligation de représenter sa candidature à la présidence du parti, a été purement et simplement rayée de l'ordre du jour à la demande expresse du Premier ministre, cette démarche prouvant bien que, quand il le veut, Netanyahou a les députés de son parti bien en main.
Parmi les propositions présentées, seules celles qui avaient la faveur du Premier ministre ont été approuvées. En outre, un des chefs de file du Likoud s'était adjoint les services d'un technicien vidéo pour filmer l'assistance et repérer ceux qui s'exprimaient contre le Premier ministre. Tous ces incidents gravitaient autour d'une seule et même personne: Avigdor Lieberman, bras droit et chef de cabinet de Netanyahou. Néanmoins, il était clair pour tous que Lieberman n'avait pas agi sans l'accord préalable de Netanyahou, comme l'a notamment laissé entendre le discours du populaire ministre du Likoud Arik Sharon.
Dans son intervention, Sharon s'est prononcé contre la suppression des primaires, tirant à boulets rouges sur son président de parti.
Les ministres ont saisi les allusions à peine voilées de Sharon. Peu après, la presse israélienne a rapporté certaines spéculations au sujet d'un complot visant à destituer Netanyahou. Au sein du Likoud, plusieurs ministres et députés essayaient de rassembler 80 voix de députés contre Netanyahou, de manière à l'évincer de son poste sans avoir à dissoudre la Knesset ni organiser de nouvelles élections.
Netanyahou n'a manifesté aucune inquiétude. A peine le congrès terminé, il s'est envolé pour Londres, où l'attendait un entretien difficile avec Madeleine Albright au sujet des progrès du processus de paix. De là, il a rejoint les Etats-Unis pour rencontrer les communautés juives et leur expliquer la loi de la conversion, qui proscrit les conversions réformées et conservatrices.
De l'étranger, Netanyahou a déclaré que les ministres devraient se faire à la nouvelle situation, ajoutant:
«Vous ne vous débarrasserez pas de moi aussi facilement.»
Nouvelles d'Israël 01 / 1998