15 ans après que le Likoud, conduit par Menahem Begin, se soit vu confier les rênes du pouvoir par les électeurs israéliens, une page est tournée dans l'histoire du pays. Le dimanche 23 juin, à l'issue d'une campagne électorale intense mais monotone qui a duré environ deux mois, l'électorat a décidé qu'à partir de maintenant et pour une période de quatre ans, le parti Maarakh présiderait aux destinées de l'Etat.
Voici les résultats définitifs du vote:
Bloc de gauche:
«Maarakh» sous la conduite de Yitzhak Rabin: 44 mandats (1988: 39 mandats).
«Meretz», une alliance de trois petits partis de gauche: 12 mandats (1988: 10 mandats).
«Hadash», un parti communiste judéo-arabe: 3 mandats (1988: 4 mandats).
«Parti démocratique arabe»: 2 mandats (1988: 1 mandat).
Bloc de droite:
«Likoud»: 32 mandats (1988: 40 mandats).
«Moledet», un parti favorable au transfert des arabes: 3 mandats (1988: 2 mandats).
«Tsomet», le parti du chef de l'état-major général en retraite, Rafael Eytan: 8 mandats (1988: 2 mandats).
Partis religieux:
«Parti national religieux», un parti religieux sioniste: 6 mandats (1988: 5 mandats).
«Shass», parti séfarade ultra-orthodoxe: 6 mandats (1988: 6 mandats). «Parti unifié de la Torah» - un parti ultra-orthodoxe essentiellement ashkénaze: 4 mandats (1988: 7 mandats).
Le regroupement des mandats des partis de gauche permet à Yitzhak Rabin de disposer d'une majorité faible mais stable de 61 sièges à la Knesset. Une telle majorité se révèle suffisante pour constituer un gouvernement et même pour assurer la permanence de celui-ci durant les quatre prochaines années. Toutefois, Rabin, dont l'orientation politique est celle d'un «faucon» pragmatique, ne veut pas dépendre des seules voix des arabes. Son objectif est de mettre en place une coalition aussi vaste que possible qui puisse s'appuyer sur une majorité de voix juives. Seul ce type de gouvernement permettra à Rabin de réaliser le programme électoral de son parti et de mener à bien la politique qu'il aura choisie.
Actuellement, avant même le début des négociations sur la coalition, tout porte à croire que Rabin n'aura pas de difficultés à constituer sous peu un gouvernement stable.
Ses partenaires les plus sûrs, mis à part les partis de gauche bien entendu, sont les partis religieux. Ceux-ci n'ont pas d'orientation idéologique particulière. Leur objectif prioritaire est de s'assurer l'octroi de fonds gouvernementaux pour la population très religieuse qu'ils représentent. Pour accéder à ces moyens financiers, ils n'ont d'autre choix que de participer au gouvernement de Rabin. C'est pourquoi, dès la publication des résultats électoraux, les présidents de ces partis ont fait savoir qu'ils étaient disposés à faire partie du gouvernement, bien qu'ils eussent été auparavant des partenaires fidèles du Likoud. Hormis cette option religieuse, une entente avec le parti «Tsomet» est également envisageable. Quoique ce parti se situe plutôt à droite, son président, le chef de l'état-major général à la retraite, Rafael Eytan, n'a pas exclu la possibilité de participer au gouvernement Rabin.
Les résultats des élections représentent une lourde défaite pour le bloc de droite. Le grand perdant est le Likoud dont le nombre de mandats est redescendu de 40 à 32. Selon toute apparence, il entrera maintenant dans l'opposition. La perte du pouvoir gouvernemental exercé pendant 15 ans a profondément secoué le parti. Dès que les résultats ont été communiqués, le Premier ministre, Yitzhak Shamir, a fait part de son intention de se retirer prochainement de la vie politique. Shamir, qui est âgé de 77 ans, est considéré par la plupart des membres de son parti comme le principal responsable de la défaite. Shamir a toutefois été devancé par le ministre de la Défense, Moshè Arens. Au cours d'une apparition dramatique à la télévision israélienne, le numéro 2 du Likoud a déclaré qu'il quittait la scène politique. Arens devait normalement succéder à Shamir. Son départ ouvre la voie à une lutte acharnée pour la présidence du parti. Les candidats sont légion: le ministre des Affaires étrangères, David Lévy, le ministre du Logement, Ariel Sharon, Benny Begin (fils de Menahem Begin qui jouit d'une grande considération au sein du Likoud) et Benjamin Netanyahu - pour n'en citer que quelques-uns. Actuellement, il est impossible de prévoir l'issue de cette lutte pour la succession. Néanmoins, il apparaît d'ores et déjà que le Likoud devra faire face à des journées pénibles d'accusations, de querelles pour le pouvoir, de chaos, qui conduiront peut-être même à des démissions et à la scission d'une partie de ce grand groupe politique.
Un autre parti, qui se situe très nettement à droite et qui a subi de lourdes pertes lors de ces élections, est celui des colons, le Tehiya. Ce dernier, qui disposait de trois sièges dans la 12ème Knesset, n'a même pas franchi la barre des 1,5% et a ainsi pratiquement disparu de la scène politique. Personne n'avait prévu un tel résultat. Aucun sondage d'opinion n'avait laissé entrevoir cette débâcle. La consternation des leaders de ce parti, qui s'attendaient à voir leur influence politique augmenter au même rythme que l'implantation de nouveaux colons dans les territoires occupés, est indescriptible. Comme les résultats le montrent, les électeurs ne partageaient pas leurs vues. Un certain nombre d'Israéliens se sont tournés vers le Parti national religieux et la plupart d'entre eux ont donné leur voix au «Tsomet» dont l'étonnante progression, de 2 à 8 mandats, a été le phénomène le plus marquant de ces élections. La principale explication de ce succès réside dans la réputation de fiabilité et d'intégrité dont jouit le président du parti, l'ex-chef de l'état-major général, Rafael Eytan. Ce dernier, mieux connu sous le diminutif de «Raful», vient du Moshav Tel Adashim. Après avoir quitté l'armée, il est revenu au Moshav où il a exercé les activités de menuisier tout en se lançant dans la vente d'huile d'olive de qualité supérieure. On peut acheter cette huile d'olive excellente et coûteuse du Moshnavik «Raful» dans presque toutes les grandes surfaces d'Israël. Parallèlement à ses activités dans ce domaine, Raful s'est lancé dans la politique. Au début, il faisait partie du Tehiya, puis il a quitté cette formation pour créer le Tsomet: un petit parti indépendant qui est devenu la quatrième force politique d'Israël.
La défaite de la droite permettra à Rabin de mener à bien avec une relative facilité une grande partie du programme politique spécifique de son parti. Les défis que doit relever le gouvernement conduit par le parti travailliste sont énormes. La sécurité à l'intérieur du pays est de plus en plus problématique. Deux jours après les élections, 2 Israéliens qui exploitaient une société de conditionnement de fruits et légumes dans la bande de Gaza ont été tués à coups de couteaux. Le même jour, un soldat israélien a été abattu en Samarie; un Juif qui se trouvait en voiture sur la route conduisant au point de peuplement de Maaleh Levona a été attaqué à la hache et gravement blessé, et des policiers ont essuyé des coups de feu dans la bande de Gaza. La réaction de Rabin face à ces événements a été la suivante: «Nous prendrons les mesures les plus sévères contre les assassins.»
Néanmoins, le gouvernement travailliste prévoit de poursuivre et même d'accélérer le processus politique lancé par le Likoud lors de la Conférence de Madrid. Pendant la campagne électorale, Rabin a promis à diverses reprises que les Palestiniens se verraient accorder l'autonomie dans les 6 à 9 mois suivant son entrée en fonction comme chef de gouvernement. Parallèlement, le nouveau Premier ministre israélien veut soutenir ce qu'il appelle les «colonies politiques», à savoir les points de peuplement qui se trouvent le long de la frontière de la vallée du Jourdain et sur les hauteurs du Golan.
Rabin veut désormais investir dans la lutte contre le chômage et la création d'emplois les milliards de shekels qui étaient destinés jusqu'à présent aux territoires occupés. Au lendemain des élections, l'Office central des Statistiques a annoncé le nouveau taux record de chômage: 212.000 sans emploi, c'est-à-dire 11,6% du potentiel de main-d'oeuvre civile de l'Etat. Le nouveau gouvernement espère que la création d'emplois supplémentaires relancera le mouvement d'immigration en provenance de l'ex-URSS, presque totalement arrêté aujourd'hui.
Entre-temps, les résultats des élections ont suscité des réactions positives dans le monde entier. La commission d'attribution des fonds de la Chambre des Représentants américaine, qui avait prévu d'opérer des coupes sombres dans l'aide accordée à Israël, a annoncé qu'elle avait l'intention de revenir sur cette décision. Le Président Bush a déclaré pour sa part qu'il souhaitait inviter prochainement Rabin à Washington. Par ailleurs, des rapports en provenance de l'ex-URSS font mention d'un nombre croissant de Juifs désireux d'émigrer vers Israël. (ZL)
Nouvelles d'Israël 08 / 1992