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 5. Semaines lumineuses à Bâle

 

Les lignes ci-dessus laissent pressentir que des tâches nouvelles allaient s'imposer au coeur de Rappard. Non seulement en lui, mais en bon nombre d'autres serviteurs de Dieu s'éveillait l'a conviction qu'il fallait présenter l'Évangile au peuple de façon plus effective. Tout cela, aujourd'hui, semble aller sans dire, mais il y a trente ans, les préventions étaient telles qu'il s'agissait pour ainsi dire d'un territoire à conquérir pied à pied.

En Allemagne, le pasteur Schrenk avait commencé à se vouer exclusivement à l'évangélisation. A Bâle, on avait aussi fait quelques essais, ainsi, en 187 5, Rappard avait avec quelques amis loué pour un certain nombre de soirées un cirque qui allait se transporter ailleurs, et y avait organisé des réunions d'appel avec les pasteurs Otto Stockmayer, J.J. Riggenbach et d'autres.

Il s'agissait maintenant d'établir quelque chose de stable.

Voici ce qu'en écrit Rappard en novembre 1882:

Au cours de l'été dernier plusieurs frères avaient senti grandir dans leurs coeurs, d'un commun accord, la conviction que « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés », le besoin d'obéir à l'ordre royal : « Allez par tout le monde et prêchez l'Évangile à toute créature » et la joyeuse certitude que le Seigneur a visité et racheté son peuple. Comptant sur leur divin Maître, ils avaient pris sur eux d'annoncer à Bâle une série de réunions dans lesquelles on prêcherait Jésus, le Sauveur du péché. Ils étaient bien décidés à laisser au Seigneur la direction de l'entreprise. Ils se sentirent intérieurement contraints d'aller de l'avant sur des voies nouvelles à plus d'un égard, et de faire comprendre au peuple, si habitué à entendre passivement l'Évangile, que Dieu attend de chacun une réponse effective à l'offre de sa grâce.

La première réunion eut lieu le lundi 2 octobre, à 8 heures du soir. D'un rapport intitulé Helle Wochen (Semaines lumineuses), publié par le Weissagungsfreund (l'Ami de la prophétie), nous extrayons ce qui suit:

Comme cette proclamation hors cadres s'adressait bien moins aux croyants qu'aux personnes étrangères aux choses de Dieu, au peuple des incroyants, on choisit la grande salle de la Burgvogtei (manoir baillival), qui n'était utilisée d'habitude que pour les amusements mondains et comme théâtre d'été.

Cette salle de 1 500 places se trouva trop petite dès le premier soir ; il fallut scinder la foule qui affluait en flots pressés. La salle de la Burgvogtei fut réservée aux hommes, tandis que les femmes se réunirent dans la grande salle du Vereinshaus contenant de 1600 à 1700 places, et, deux semaines durant, les deux locaux se remplirent soir après soir. Quelle sainte jouissance de contempler de l'estrade cette foule de quinze à seize cents hommes et jeunes gens écoutant recueillis la prédication de la repentance et de la foi en Jésus-Christ, le Sauveur des pécheurs.

On vendait chaque soir des recueils de cantiques par centaines, ce qui montrait bien que les auditoires se renouvelaient. En outre il y avait au Vereinshaus chaque matin, à onze heures, une réunion de prière, et chaque après-midi à quatre heures une étude biblique, et là aussi beaucoup de monde.

A la fin des deux semaines, la salle de la Burgvogtei fut reprise et rendue au service du monde et de ses plaisirs. En revanche, il y eut dès lors des réunions mixtes dans le Vereinshaus, dans la chapelle du Petit-Bâle et dans celle de l'Engelgasse, récemment inaugurée. Le dimanche soir, trois mille cinq cents personnes au moins se trouvaient réparties entre quatre ou cinq locaux pour entendre le message du salut gratuit par le sang de l'Agneau, et chaque fois il y en avait plusieurs pour l'accepter.

Les frères Schrenk, Stockmayer, Rappard et Ad. Vischer ne se bornaient pas à adresser la parole à ces multitudes pour les laisser ensuite se disperser sans autre ; ils pressaient ceux qui acceptaient le pardon de leurs péchés par le sang de Jésus et voulaient abandonner la mauvaise voie, de s'avancer pour confesser devant toute l'assemblée leur foi en Jésus. Rien d'émouvant et d'édifiant comme de voir s'avancer chaque soir tout un contingent d'hommes et de jeunes gens.

Nous ne saurions passer sous silence l'influence produite sur nos cercles de gens d'Église par ce puissant et simple témoignage. Beaucoup reconnurent qu'ils avaient jusqu'alors bâti sur le sable, s'étant bornés à écouter la Parole sans la mettre en pratique. D'autres constatèrent qu'avec toutes les bénédictions qu'ils avaient reçues depuis des années, ils ne possédaient pas le pardon de leurs péchés et l'assurance de leur salut, et ils finirent alors par trouver la paix. Ce fut enfin pour beaucoup d'enfants de Dieu un temps de réveil, de consécration nouvelle et plus complète à Jésus et de travail plus fidèle pour son Royaume.

On eut d'ailleurs bien des preuves vivantes attestant la réalité de cette oeuvre de grâce. Plusieurs sont encore là qui peuvent témoigner des grandes bénédictions qu'ils ont reçues alors.

Il s'est constitué plus tard à Bâle une société pour l'évangélisation organisée, qui est encore à l'oeuvre, et à laquelle Rappard a appartenu jusqu'à sa mort. Ses moyens d'action sont des études bibliques régulières, le dimanche et la semaine, des réunions extraordinaires organisées avec le concours d'évangélistes tels que le pasteur Schrenk et le général Viebahn, et des visites à domicile. On ne pratique pas d'une façon constante la méthode de demander aux convertis une manifestation publique ; toute liberté est laissée à cet égard aux évangélistes. Ce qu'on réclame de ces derniers en revanche, c'est d'avoir l'esprit de Jésus-Christ, et de se laisser gouverner et conduire par lui avec humilité, amour et puissance.

 

Pendant nombre d'années, M. Ad. Vischer fut non seulement le président, mais la cheville ouvrière de l'association. Il s'était retiré de ses affaires terrestres et démis de ses diverses fonctions pour se consacrer exclusivement au service du Royaume de Dieu. Pendant les semaines mémorables dont nous avons parlé, ses trois collaborateurs logeaient dans sa belle maison de la Gartenstrasse, et c'est là surtout qu'on soutenait toute l'oeuvre par beaucoup de prières, bien des amis venant joindre leurs intercessions à celles des ouvriers eux-mêmes. Et tous ceux qui ont eu le privilège de prendre part à ces réunions de prière peuvent attester que la promesse de Jésus s'est trouvée vraie : « Là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis au milieu d'eux. »


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