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Les ressources de la grâce divine

Où le péché a abondé, la grâce a surabondé. Rom. 5.20

 

- Savez-vous, me demandait quelqu'un, quels sont ceux qui ont le plus besoin du message de la grâce ?

Lesquels donc ?

Ceux qui ont autrefois marché dans le chemin de la grâce, s'en sont ensuite écartés et n'osent plus, maintenant, le reprendre.

Nous pouvons répondre: La grâce de Dieu peut aussi rétablir.

L'Ecriture nous le montre par plusieurs exemples et le plus précis est peut-être celui de la vie d'Abraham.

Sur l'ordre de l'Eternel, il avait quitté sa patrie pour se rendre dans le pays de Canaan. Survint une famine : plus de pain pour ses serviteurs, plus de fourrage pour ses troupeaux. Sans consulter l'Eternel, Abraham descend en Egypte. Et là il perd sa femme, il perd son témoignage, il perd son autel et déshonore son

Dieu devant les siens et devant les Egyptiens. Que fait alors l'Eternel ? Il prend malgré tout en main sa cause devant Pharaon et ramène son enfant à l'endroit même où était sa tente au commencement (Gen. 13. 1- 3), donc exactement au point de départ de son égarement. N'est-ce pas là la grâce qui rétablit ? Et Dieu la tient en réserve pour quiconque, comme Abraham, revient de ses égarements.

Cette grâce « rétablissante » ne se borne pas à nous ramener au point de départ de notre égarement, mais elle veut nous amener plus haut, à un point d'où nous ne dévierons plus. Dieu dit par le prophète Osée (14. 5) : « je les guérirai de leur infidélité » (Darby), c'est-à-dire non pas seulement des conséquences fâcheuses, mais de l'infidélité même. D'une chute ne pourra sortir une bénédiction pour celui qui en est relevé que s'il s'est arraché plus radicalement que jamais à ce qui l'a fait trébucher. Abraham ne reprit jamais le chemin de l'Egypte.

Pierre, qui avait été si merveilleusement rétabli par la grâce de Dieu, ne renia plus jamais son Maître. Il fut débarrassé de son orgueil, cause de sa chute, d'une manière si radicale qu'on l'aurait à peine cru possible.

Nous voyons la même chose à propos du fils prodigue qui est un si merveilleux exemple de restauration par la grâce. Lui que rien ne satisfaisait jadis dans la maison paternelle, se serait contenté désormais d'une place de mercenaire. Or, en le rétablissant, son père ne lui donna pas MOINS qu'il n'avait auparavant mais DAVANTAGE.

C'est à quoi vise la grâce « rétablissante ». Elle ne se contente pas de nous ramener au point où nous étions auparavant et d'où nous pourrions encore dévier ; elle veut nous arracher complètement et nous amener plus loin et plus haut. Alors on 'peut dire en vérité : « Sa grâce envers moi n'a pas été vaine ». Après ta chute, ce n'est pas moins de grâce qu'il te faut attendre de Dieu, mais plus de grâce, afin de ne plus tomber. Dieu t'accorde une grâce plus profonde pour te rattacher plus fortement à lui, pour te tenir plus' étroitement dans sa main afin que désormais ton chemin reste droit.

Il arrive qu'après avoir suivi des années durant un chemin en zigzag, la vie d'un enfant de Dieu se mette soudain à progresser selon une voie droite à partir d'un certain point. Pour Jacob ce point fut Béthel où Dieu lui dit : «Tu ne seras plus appelé Jacob, mais ton nom sera Israël». Et on l'appela Israël. jusque là il avait marché en zigzag; dès lors sa route devint droite et il s'acquit même une foi à laquelle il a été rendu témoignage. Nous le trouvons en effet, lui dont la marche avait été si longtemps incertaine, cité parmi les héros de la foi (Héb. 1. 1). La grâce avait apporté à sa vie quelque chose que l'Esprit put recueillir pour être une bénédiction à d'autres et utiliser pour l'édification du royaume de Dieu. Telle est la puissance de la grâce, de la grâce « rétablissante ». Elle ne se donne point de repos avant de nous avoir amenés enfin là où elle voulait nous voir, là où nous pourrons à nouveau servir à la louange de la grâce de Dieu envers nous.

T'es-tu égaré ? Ne te contente pas de retrouver ce que tu as perdu, mais recherche davantage encore. Dieu a en réserve pour toi plus de grâce que tu n'en as expérimenté jusqu'ici. « L'Esprit accorde une grâce plus excellente » (Jacques 4. 6). Au lieu de te ramener en arrière, à tes premières expériences, il va te mener en avant, vers des grâces plus vastes et plus profondes.

 

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Scellés du Saint-Esprit

En Christ... vous avez cru et vous avez été scellés du Saint-Esprit. EPH. 1.13

 

1. L'Esprit scelle les croyants qui ont livré leur vie à Dieu. Le fait que tu peux perpétuellement reprendre ta vie, après l'avoir cependant livrée, prouve que ta consécration n'a jamais été entière, en sorte qu'elle n'a pu être marquée du sceau de l'Esprit. Une consécration scellée par l'Esprit ne se révoque pas si facilement. Il se peut qu'elle soit ébranlée, mais alors l'Esprit reprend si profondément et si sérieusement qu'on aimerait mieux mourir que de s'exposer à nouveau à une telle désobéissance et à un tel châtiment. L'âme sent qu'elle ne pourrait le supporter, car la douleur que l'on ressent après avoir contristé l'Esprit est beaucoup plus grande que celle de la repentance lors de la conversion. Plus une âme est avancée dans la consécration, plus l'Esprit en est jaloux. Elle comprend alors que le Saint-Esprit est avant tout le « Dieu jaloux », comme le dit Jacques : « l'Esprit que Dieu a fait habiter en nous nous réclame avec jalousie » (Synodale). Il appelle adultère la volonté propre, et inimitié contre Dieu la convoitise du monde (Jacques 4).

 

2. L'Esprit nous scelle pour le jour de la rédemption (Eph, 4. 30). L'Esprit a un but tout particulier quant à ceux qui se sont livrés entièrement à lui ; et ce but, c'est de les transformer à l'image de Christ en vue de. son avènement. C'est là le jour de la rédemption en vue duquel l'Esprit imprime son sceau et travaille. Une première et importante partie de son travail est achevée lorsqu'à travers chaque membre du corps de Christ apparaît le rayon de gloire qui lui est propre. En effet, chacun représente et met en évidence un certain rayon de la gloire de Christ. Les grâces particulières que chacun a reçues dans une direction ou une autre, font de lui une bénédiction particulière comblant une lacune particulière. Et tous ces rayons de gloire et de grâce forment ensemble l'image de la gloire de Christ.

Si l'on n'aperçoit pas encore le rayon de gloire qui nous est propre, c'est que tout en nous est encore épars et confus, en cours «évolution ; c'est que l'Esprit n'a pas encore réussi à faire apparaître le trait de vie divine particulier à chacun de nous.

Lorsque l'Esprit a pu nous révéler son plan, notre coeur reconnaissant s'élargit à l'égard de nos frères, car dans les divergences nous ne voyons plus des oppositions mais une manifestation de la richesse infiniment variée de la grâce divine ; nous y discernons la création de l'Esprit de Dieu. Beaucoup occupent leurs loisirs à étudier dans la nature les merveilles de la création, d'autres passent leur vie à déterrer les chefs-d'oeuvre antiques, à les nettoyer et à les exposer. Ne devrions-nous pas, quant à nous étudier la création établie par l'Esprit en tout enfant de Dieu né de nouveau et aider à la dégager de la boue et des décombres sous lesquels elle est ensevelie, afin que l'on puisse voir sa gloire ? Car il faut que Christ soit « glorifié dans ses saints et admiré dans tous ceux qui ont cru» (2 Thess. 1. 10). C'est à quoi travaille l'Esprit et, avec lui, tous ceux qui lui appartiennent.

 

3. L'Esprit nous scelle en vue du service (Jean 6. 27). De même que chaque enfant de Dieu porte un rayon particulier de la grâce de Dieu, de même que chaque membre du Corps de Christ reflète un rayon particulier dé sa gloire que l'Esprit cherche à manifester en lui afin qu'il devienne une bénédiction particulière, de même aussi chaque ministre de la Parole oint de l'Esprit a un message particulier que l'Esprit a scellé en lui ; et tandis qu'il délivre d'une façon pressante ce message qui le presse lui-même, l'Esprit le scelle également dans le coeur des auditeurs. Son ministère ne s'éparpille pas dans tous les domaines, mais il a des directions et des buts bien définis, auxquels tout concourt. Et cette oeuvre n'est ni partiale ni secondaire - bien que parfois on en juge ainsi - mais elle comble une lacune toute particulière. Et dans son particularisme il est une bénédiction ; il se distingue des autres, bien qu'étant en harmonie avec eux, comme les Prophètes qui, bien que distincts les uns des autres, sont cependant en harmonie entre eux.

 

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Faire face aux tentations

 

C'est là le thème principal de l'épitre de Jacques. Il y est question de quatre formes de tentations qui comprennent effectivement toutes celles que l'on peut rencontrer.

Il dit tout d'abord : « Regardez comme un sujet de joie complète les diverses épreuves (ou tentations) auxquelles vous pouvez être exposés, sachant que l'épreuve de votre foi produit la patience... » (Jac. 1. 2-4).

Il s'agit bien là des tentations qu'un disciple de Jésus rencontre dans la vie journalière : soucis domestiques, difficultés dans le commerce, moqueries du monde. Un disciple de Jésus ne devrait pas chercher à éviter toutes ces tentations, - mais bien plutôt les saluer comme des occasions de glorifier Dieu par sa foi et d'édifier son homme intérieur par sa patience. La querelle qui s'éleva entre les bergers de Lot et ceux d'Abraham fut une tentation qui permit à ce dernier de manifester glorieusement sa foi (Gen.

De même, les mortifications que Pennina fit subir à Anne furent une tentation qui permit à la patience d'accomplir en elle une oeuvre parfaite. Car la patience approfondit. Elle fait passer les leçons que ta tête seule avait comprises jusque dans ton coeur et ta manière d'être, et leur fait porter un fruit paisible de justice. Préparant Anne à recevoir de Dieu un Samuel, la patience la rendit capable de donner aux générations futures des leçons si claires, concernant les voies de Dieu (1 Sam. -), qu'on n'en trouve pas de plus profondes et de plus glorieuses dans le Nouveau Testament.

En second lieu Jacques nous dit : « Bienheureux est l'homme qui ENDURE la tentation... (lac, 1. 12 - Darby), entendant par là les tentations au découragement, qui nous font considérer le chemin sur lequel nous sommes engagés comme trop pénible et le but proposé comme trop élevé. Elles sont semblables à celles que le laboureur doit endurer jusqu'à ce qu'il ait pu rentrer sa moisson enfin mûre (Jac. 5. 7-11)

Dans notre vie chrétienne, nous n'avons encore atteint la perfection dans aucun domaine ; tout est encore en devenir ; toute la récolte est pour ainsi dire encore sur pied. Mais nous ne devons pas nous laisser décourager par notre insuffisance, notre manque de maturité et notre imperfection dans les choses divines, ni nous laisser abattre par la perspective d'un but si élevé par rapport à la position que nous occupons. Il ne faut pas abandonner en cours d'exercice mais, comme le dit Paul - « Exerce-toi à la piété ». Un artiste est plus tenté d'abandonner son travail qu'un simple artisan ; mais s'il endure la tentation et ne se laisse pas égarer, sa récompense sera d'autant plus grande.

Endurer la tentation, ce n'est pas seulement être patient avec soi-même, c'est aussi faire preuve de patience envers ceux qui, pleins de préventions à notre égard, jugent notre conduite sans amour et n'ont pour nous qu'un oeil critique et un coeur irrité. Quiconque veut, dans les choses spirituelles, faire un pas de plus que son entourage ou le cercle religieux auquel il appartient, doit être résolu à rencontrer ces difficultés. Mais cela encore sert à nous purifier plus profondément. Si Luther a dû s'attacher à suivre de si près la Parole de Dieu, c'est aussi parce que chacune de ses paroles était épiée par une foule de regards critiques et de coeurs malveillants.

Troisièmement « Que personne, lorsqu'il est tenté, ne dise C'est Dieu qui me tente 1... Chacun est tenté quand il est attiré et amorcé par sa propre convoitise... » (Jac. 1. 13-15)

Cette espèce de tentation, que nous connaissons tous très bien, nous ne devons ni la saluer ni l'endurer, mais nous en tenir séparés au dedans, jusqu'à la fibre la plus intime de notre être, au dehors, jusqu'à l'extrême frontière de notre vie extérieure ; car elle réveille en nous la convoitise de la chair, la convoitise de la richesse, des honneurs, etc... Et lorsque la convoitise s'est abandonnée à la tentation et en a reçu satisfaction, elle enfante le péché. En effet, c'est de l'union de la convoitise intérieure et de la tentation extérieure que naît le péché.

Quatrièmement, Jacques mentionne les tentations qui viennent du diable. Ces tentations-là sont si diverses et le tentateur lui-même revêt des formes si variées que la victoire paraît presque impossible. Mais Jacques nous donne une recette simple et brève: «SOUMETTEZ-VOUS A DIEU ». A quoi il ajoute : « Résistez au diable et il fuira loin de vous » (Jac. 4. 7). C'est-à-dire : soumets en toutes choses ta volonté à Dieu, prends en tout le parti de Dieu ; ainsi tu seras avec Dieu, le diable sera seul et perdra la partie.

 

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Purification et service

Le sang de Christ... purifiera votre conscience des oeuvres mortes, afin que vous serviez le Dieu vivant. HÉBR. 9.14

 

Pour pouvoir offrir au Dieu vivant un service vivant, nous avons besoin d'une purification plus profonde, non seulement des oeuvres mauvaises, mais encore des « oeuvres mortes ». comme le dit notre texte. Tout cantique qui n'a pas été chanté par l'Esprit, toute prière qui n'a pas été prononcée dans l'Esprit, tout service pour Dieu qui n'a pas été accompli par l'Esprit est une oeuvre morte dont nous devons être purifiés par le sang de Christ, afin de pouvoir servir Dieu dans les mêmes sentiments, dans le même esprit que celui avec lequel Christ a versé son sang. Le Saint-Esprit est un Esprit de sacrifice, et c'est dans cet esprit que Christ a versé le sang qui nous purifie de nos oeuvres mortes, nées de l'égoïsme et portant l'empreinte du moi, afin que nous soyons capables de servir le Dieu vivant et que nous ne lui apportions plus notre moi, qui n'est que mort et corruption. Aussi longtemps que nous offrons à Dieu un service qui ne procède pas de l'esprit de sacrifice, nous n'apportons dans le sanctuaire que des cadavres.

Inversement, la pratique du service nous purifie en vue même du service. Et rien peut-être n'est plus efficace pour nous amener à une purification plus profonde de tout ce qui est encore du moi.

La leçon que Dieu donna à Moïse près du buisson ardent, il la donne à tous ceux qu'il appelle à son service. Dieu dit à Moïse : «Mets ta main dans ton sein » (Ex. 4. 6). Et il la mit dans son sein, puis il la retira. Quelle découverte 1 Elle était blanche de lèpre. Qu'est-ce que Dieu voulait lui dire par là ? Il voulait dire : Tout ce qui sort de ton sein est semblable à ta main. Quelle humiliante leçon 1 Mon frère, mets ta main dans ton sein. Retire-la. Comment est-elle ? Couverte de lèpre ! Sais-tu maintenant ce que tu dois penser de toi-même ? Penses-tu encore pouvoir te glorifier de ton amour, de ta sincérité ou d'autres vertus ? Et pourras-tu, après cela, désespérer des autres et les considérer comme incapables ? Non.

Avant qu'Esaïe pût prononcer son « Malheur 1 » sur un peuple déchu, avant de pouvoir dire à d'autres : « TU es perdu » il dut s'écrier en parlant de lui-même, « Malheur à MOI, JE suis perdu ! » (Es. 6. 5). Tant que nous n'avons pas saisi cette leçon, nous sommes totalement impropres au service. Il nous faut d'abord apprendre à dire : « Même ce que je fais de mieux n'est que, recherche de moi-même et vanité ».

C'est ainsi que pour servir il faut continuellement s'anéantir et signer son arrêt de mort. « je lui montrerai tout ce qu'il doit souffrir » dit le Glorifié au sujet de son serviteur Paul (Actes 9. 16). Le service entraîne des souffrances, souffrances intérieures profondes, une agonie de l'âme : « Qui vient à tomber que je ne brûle ? » dit Paul (II Cor. 1 1. 29), et aussi souffrances dues à notre insuffisance dans le ministère. C'est dans le service plus que nulle part ailleurs que nous pouvons être sans cesse pénétrés de la réalité du charnel et du spirituel. Le service est spirituel et moi je suis charnel. Cela entraîne de profondes humiliations, des découragements, de véritables «douleurs d'enfantement ».

Hier, dans le camp de Guilgal, un couteau tranchant à la main, Josué est allé à la rencontre de son peuple pour le purifier de la nature terrestre ; et aujourd'hui, sous les murs de Jéricho, Dieu vient à la rencontre de Josué avec une épée, pour le purifier de sa nature propre (Jos. 5). C'est ainsi que le service nous conduit à une mort toujours plus profonde du moi, à une purification toujours plus profonde de nous-mêmes, qui n'aura pour conséquence que plus de fertilité.

David nous parle, au psaume 23, d'une « table dressée », d'une « tête ointe d'huile » et d'une « coupe qui déborde », mais seulement après « l'ombre de la mort » 1 C'est quand la croix a fait passer son ombre de mort sur notre être que Dieu peut dresser devant nous une table, oindre d'huile notre tête et faire déborder notre coupe. Ne reculons donc pas devant cette purification plus profonde, car elle est nécessaire pour le service. Et n'abandonnons pas non plus le service, car c'est lui qui nous amène à une purification plus profonde. C'est par le service que Dieu a transformé Moïse, l'homme irascible d'autrefois, en un serviteur à qui l'Esprit a pu rendre ce témoignage : « Moïse était très doux, plus que tous les hommes qui étaient sur la face de la terre » (Nomb. 1 z. 3 - Darby).

 

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Consécration et bénédiction

 

1. Comment conserverai-je la bénédiction reçue ?

Toute bénédiction reçue doit nous amener à nous offrir plus complètement à Dieu ; c'est alors qu'elle subsiste.

« L'Eternel nous éclaire ; attachez la victime, avec des liens, amenez-la jusqu'aux cornes de l'autel » (Ps. 18- 27). La preuve que tu as été éclairé par Dieu, c'est que tu consens à te laisser lier par lui plus étroitement comme une victime, c'est que tu es plus que jamais décidé à rester sur le chemin de l'immolation et à mener une vie de renoncement. Si tu retournes dans la vie quotidienne avec cette résolution, tu n'as pas à craindre de perdre la bénédiction reçue. Au contraire, les difficultés que tu rencontreras ne feront que l'accroître. Et ce qui jusqu'ici t'apparaissait comme un obstacle sur ton chemin de disciple, deviendra une corde pour te lier plus solidement sur l'autel, comme un holocauste.

Beaucoup sont prêts à perdre leur vie mais conservent leur volonté propre quant à savoir où et comment la perdre. Dieu dit à Abraham : « Offre ton fils sur l'une des montagnes que JE te montrerai ». Dieu nous montre, à nous aussi, l'endroit où nous devons offrir notre sacrifice. Beaucoup sont prêts à sacrifier sur la montagne de la mission, mais Dieu a peut-être choisi pour eux celle de la famille. Beaucoup seraient tout prêts à mourir au soleil, mais pour que le grain de blé porte du fruit, il faut qu'il meure dans la terre. L'homme naturel aussi est prêt au sacrifice : il est même prêt à mourir, mais à sa manière. Si Pierre avait pu donner sa vie pour son Maître l'épée à la main, il l'aurait certainement fait. Mais lorsque le Seigneur, l'en empêchant, lui ordonna de le suivre et de vaincre en agneau, toute sa vaillance l'abandonna.

Ah ! qu'il a peu d'attrait pour notre nature le sentier de l'Agneau 1 L'homme naturel veut bien combattre, même au péril de sa vie, mais d'une manière héroïque, et non pas en agneau. Il n'aime pas les sacrifices cachés et la mort obscure.

 

2. Comment s'accroît la bénédiction reçue ?

Toute bénédiction reçue doit être transformée en sacrifice. C'est ainsi qu'elle s'accroît.

A la bénédiction que nous déposons sur l'autel des holocaustes Dieu en ajoute une plus grande encore. Abraham lui aussi dut, pour cette raison, mettre son fils sur l'autel, donnant ainsi à Dieu l'occasion de le bénir plus abondamment. Lis donc en entier le chapitre -2 de la Genèse 1 C'est bien là, sur l'autel, que Dieu prononça sur Isaac les plus magnifiques promesses. Combien de fois n'avons-nous pas fermé la porte à de plus grandes bénédictions parce que nous avons voulu garder pour nous la bénédiction reçue, au lieu de la transformer en un sacrifice, ce qui l'aurait multipliée et rendue impérissable.

Si malgré tout ce qui nous a été enseigné nous avons encore si peu de connaissance, cela provient avant tout du fait que nous n'avons pas laissé la lumière reçue nous mener jusqu'à l'autel ; ainsi cette lumière a été rabaissée au niveau d'un vulgaire savoir, qui rend malheureux ceux qui sont droits de coeur et fait des autres une caricature repoussante. En effet, chaque rayon d'En-Haut qui n'a pas pour fruit un sacrifice perd sa puissance de vie. Apprenons donc de l'Agneau 1 Il changeait en sacrifice toutes les bénédictions reçues d'En-Haut, et pour finir il a tout donné dans le grand sacrifice de la croix. C'est ainsi qu'il a conquis la vie impérissable.

Paul a-t-il usé autrement des bénédictions reçues ? Il les a toutes changées en sacrifice. C'est pourquoi sa vie a été comblée d'un tel poids de gloire éternelle.

Et la reine Esther ? Le propre de son histoire n'est-il pas précisément d'avoir transformé en sacrifice la bénédiction reçue ? Elle devint reine pour sauver son peuple de l'extermination, et n'y parvint qu'en acceptant le risque de perdre sa vie (Esth. 4- 16). C'est ainsi que sa bénédiction devint éternelle.

On m'écrivait récemment : « je voudrais répandre ma vie pour ceux qui m'entourent. je voudrais être une libation où il ne subsiste aucune goutte de vie propre qui déplaise à Dieu et nuise aux hommes ». C'est ainsi que notre vie deviendra une vie débordante.

 

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Un avec Christ

 

Il y a quelque chose de beaucoup plus profond que l'assurance du salut, c'est la conscience d'appartenir à Christ de toute éternité. Nous sommes appelés et élus, destinés au Fils dès l'éternité. Les desseins de la grâce divine dont nous sommes l'objet sont éternels. Notre conversion ne marque point le commencement de la grâce à notre égard, elle manifeste simplement la grâce qui était sur nous de toute éternité. Le fait que nous sommes venus à Jésus prouve seulement que le Père avait fait don de nous à son Fils. Notre conversion a bien été notre premier pas vers Dieu, mais pour trouver les premiers pas de Dieu vers nous, il faut remonter d'éternité en éternité.

Pourquoi avons-nous été créés ? Pour la lutte de l'existence ? Pour le péché ? Pour l'enfer ? Certes non. Nous avons été créés pour le Fils ; nous existons pour lui, pour sa joie (Prov. 8- 31), pour sa gloire (Esaïe 43. 7), pour être son héritage (Eph. 1. 18). Nous sommes la richesse de son glorieux héritage, la plénitude de celui qui accomplit tout en tous (cf. Eph. 1). Dieu nous a élus en Christ et créés pour lui. Il ne nous a jamais vus seuls ; il ne nous voit que par rapport à Christ. Pour nous, rester seuls, c'est être perdus. Dès avant la fondation du monde, Dieu nous a unis à l'Agneau -(Ap. 13. 8). Avant que le monde fût, avant que le péché fût, le plan merveilleux de notre union avec Christ existait déjà dans le coeur de Dieu. C'est en Christ et pour Christ que Dieu a commencé à s'occuper de nous. Notre histoire commence avec lui, elle se poursuit avec lui, et c'est avec lui qu'elle s'achèvera ici-bas et recommencera là-haut pour ne jamais cesser. Tout, au ciel et sur la terre, dépend de lui. C'est par lui et pour lui que Dieu a tout créé, et c'est en lui que tout subsiste - y compris toi et moi.

Nous sommes le cadeau d'amour que le Père a offert au Fils, comme Jésus le dit lui-même dans Jean 17 : « Ceux que tu m'as donnés ». Cette expression revient sept fois dans la prière sacerdotale. C'est la conscience d'être siens que Jésus voulait imprimer profondément dans le coeur de ses disciples à cette heure douloureuse, afin de les fortifier pour qu'ils persévèrent avec lui. Mais ils ne le comprenaient pas encore. Et combien de ses disciples d'aujourd'hui ne le comprennent pas non plus 1 De là un esprit servile et un coeur mal affermi !

En effet, il est très différent de nous considérer comme trouvés ou comme élus. Etre trouvé, cela fait penser au hasard ; mais être élu, cela relève de la grâce éternelle de Dieu. Là où l'Esprit révèle à une âme son élection, la question de l'assurance du salut est à jamais résolue ; en effet, il va de soi que si Dieu nous a élus et créés en Christ, il nous a aussi sauvés en lui. Dès lors, plus de plaintes, plus de doutes. Douter et se plaindre, voilà bien deux choses qu'une telle âme ne peut plus faire ; elle porte le sceau des élus ; elle se sait élue par Dieu pour son Fils et c'est là une bienheureuse assurance que rien ne peut plus ébranler, la canne d'or qui soutient dans sa marche le voyageur étranger ici-bas. L'amour de Dieu est répandu dans son coeur : la crainte et l'angoisse sont bannies. Elle peut dire en vérité : Abba ! Père ! Ainsi sa vie entière n'est plus qu'une réponse à l'amour de Dieu qui est en Jésus-Christ notre Seigneur.

Mais ce n'est pas seulement en ce qui concerne la bénédiction que nous sommes un avec lui : c'est, aussi en ce qui concerne son chemin ici-bas - comme le dit Jean : « Tel il est, tels

nous sommes aussi dans ce monde » - et nous sommes encore un avec lui en ce qui concerne l'avenir. A la croix s'est manifesté ce qu'il a fait pour nous, aujourd'hui est manifesté ce que nous faisons pour lui, et l'avenir manifestera ce qu'il fera de nous, quand nous paraîtrons avec lui dans sa gloire.

 

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L'esprit de renoncement*

* L'auteur signale que cette méditation n'est pas de lui mais a été tirée de la revue américaine Light and Hope.

 

C'est par l'action du Saint-Esprit que cette disposition divine au sacrifice de soi-même devient le propre du coeur, le trait essentiel de l'âme. On ne saurait la décrire avec des mots, on ne peut qu'en donner un aperçu.

 

1. Le véritable esprit de renoncement à soi-même est silencieux. Il souffre sans faire voir aux hommes la profondeur de sa souffrance. Tandis que la moindre douleur ou crainte fait pousser au chien des hurlements, l'agneau tremble et souffre en silence. Son coeur seul pleure en secret. On peut le brusquer, l'insulter, le critiquer, ne pas le comprendre, l'entraver et le contrarier de mille manières, sans qu'il réponde ni par des coups, ni par des insultes, ni par des menaces.

2. L'esprit de renoncement est inséparable d'une entière soumission. Animé d'un amour passionné pour Dieu, on signe alors tranquillement l'arrêt de mort de son moi. On peut se voir dépouiller de mille petites douceurs, innocentes joies terrestres, belles espérances, amitiés, sans être' ébranlé dans son attitude de paisible soumission à la volonté de Dieu.

 

3. C'est un esprit de docilité il n'a pas de desseins propres. Celui qui en est animé peut être dirigé instantanément par le doigt de Dieu dans n'importe quelle direction. Il peut aller dans une prison ou dans un palais avec la même soumission et la même liberté. Sa volonté propre s'est perdue en Dieu. Il peut porter des habits râpés et se nourrir frugalement, avec un esprit content et reconnaissant, sans envier ni convoiter les belles choses que les autres possèdent.

4. Il accueille la souffrance comme sa nourriture normale. Alors que tant de chrétiens frémissent devant l'âpre croix, il l'embrasse avec une joie douce et profonde, parce qu'il sait que toutes ses souffrances ne pourront qu'accroître son amour. Ce que d'autres cherchent à éviter comme un fardeau, il l'accepte volontiers, comme un moyen de douce communion avec Dieu. Il ne demande qu'une chose : plus d'amour ! Il consent volontiers à mourir encore et encore, pour vivre plus complètement en Christ. Il aime ses ennemis d'un amour parfait. Il soupire intensément après le retour du Seigneur et la gloire céleste dont il désire être revêtu. Il se passerait volontiers de toute satisfaction naturelle, n'était la nécessité de pourvoir aux besoins essentiels et au repos du corps.

5. Il n'accepte pas pour lui-même les honneurs humains. S'il lui arrive de recevoir gloire ou honneur de la part de ses semblables, il en fait l'offrande au Seigneur au lieu d'y trouver sa propre satisfaction. Sa plus grande jouissance est de se perdre en Dieu en restant petit. C'est pour lui un besoin du coeur de s'humilier devant Dieu et devant les hommes. Il évite les débats, les controverses et les discussions théologiques.

6. Il est modeste et réservé. Il se chargera des peines des autres plutôt que de leur ravir leurs joies. C'est qu'il porte au fond de son âme une vision suave de la personne de Jésus. La vie profonde du coeur de Christ l'a tellement saisi par sa divine beauté que même ce qui est grand et beau Parmi les choses de la terre a perdu pour lui toute puissance d'attraction.

 

7- Lorsqu'une âme entre dans la voie de la sanctification, elle ne connaît encore que les prémices de cet esprit de renoncement qui ne doit cesser de croître en elle et de l'envahir jusqu'à ce que l'amour de la croix, la soif de la mort à soi-même, deviennent une passion dévorante. Alors tous les maux et toutes les peines, les difficultés et la pauvreté ne font plus qu'alimenter la flamme de l'amour qui s'immole.

Tel est l'esprit qui ouvre sans effort la porte du ciel, change les ennemis en amis et touche le coeur des pécheurs. Cet esprit livre le diable à la confusion et rend une âme aussi chère à son Maître que la prunelle de ses yeux.


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