Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

ÉPÎTRE DE SAINT PAUL AUX GALATES

CHAPITRE PREMIER


351. Verset 1. Paul, apôtre, non de la part des hommes, ni par aucun homme, mais par Jésus-Christ et par Dieu le Père...

Non de la part des hommes: voilà la divinité de l'apostolat en général. Ni par aucun homme - voilà l'indépendance de saint Paul par rapport à tout autre apôtre. Dira-t-on qu'il ne parle ici que de sa vocation miraculeuse, laquelle ne l'exemptait point, une fois appelé, d'être sous l'autorité de saint Pierre? - Allez au chapitre suivant (notes 356 et 357), et vous aurez la preuve, non seulement que saint Paul ne considérait pas saint Pierre comme son chef à lui, mais qu'il ne le considérait pas davantage comme le chef des autres apôtres et le chef de l'Église.


352. Verset 6. Je suis surpris qu'abandonnant celui qui vous avait appelés à la grâce de Christ, vous ayez passé si vice à un autre évangile.

Qu'est-ce que cet ce autre évangile » auquel l'apôtre s'étonne et s'indigne que les Galates aient passé? - L'épître entière va vous montrer qu'il s'agit de la justification par les oeuvres. Les Galates ne reniaient point Jésus-Christ, bien s'en faut; et cependant , car le seul fait de ne pas chercher leur salut en lui seul , ils se trouvent, leur dit saint Paul, avoir passé à un autre évangile, c'est-à-dire à une doctrine qui n'est plus l'Évangile, qui n'en a plus que le nom.

Comprenez donc combien la question est grave. Prêcher le salut par les oeuvres, ou, sans le prêcher ouvertement, conduire les hommes à y croire, c'est, selon saint Paul, prêcher un autre évangile, se placer en dehors de l'Évangile.


353. Verset 9. Comme je vous l'ai dit précédemment, je vous le dis encore: Si quelqu'un vous annonce un évangile différent de celui que vous avez reçu, qu'il soit anathème.

De là, selon l'Église romaine, le droit qu'elle s'attribue d'anathématiser quiconque enseigne autrement qu'elle.
Quand ce droit lui appartiendrait, ce ne pourrait être encore que dans les limites de la pensée de saint Paul. Or, il est clair que saint Paul ne demandait point des violences contre ceux que les Galates auraient cru devoir condamner.

Mais une autre question serait à résoudre d'abord. Ce droit que, dites-vous, saint Paul vous donne, il vous le donne à condition que ce que vous condamnerez sera bien un faux évangile, que ce que vous enseignerez sera bien l'Évangile véritable. Il ne lie la possession de ce droit à aucune forme d'Église; il ne parle non plus aucunement de l'Église en général, mais d'une Église, de celle des Galates , et c'est à eux qu'il dit d'anathématiser les faux docteurs, toujours, bien entendu , dans la supposition que l'Église de Galatie aura conservé l'Évangile intact.

Le conservera-t-elle intact ?
Cela, Paul ne le lui garantit point; il ne lui indique non plus aucune Église, aucun corps, aucun chef à qui elle ait à s'adresser pour savoir infailliblement ce qui en est.

Il n'y a donc là, en somme, qu'une invitation pressante à rester fidèle aux enseignements reçus, à écarter toute cause d'erreur; il s'agit, non pas d'un droit absolu accordé à qui que ce soit , mais du droit général de condamner l'erreur ait nom de la vérité, droit lié à la possession de la vérité, et s'évanouissant dès que cette possession discontinue. Ce droit, par conséquent, tout le monde peut y prétendre ; c'est celui de rejeter tout ce qui n'est pas d'accord avec la doctrine évangélique, avec ce que saint Paul avait prêché aux Corinthiens, avec ce qu'il leur écrivait , avec l'Écriture, enfin , puisque c'est là seulement que nous avons, sans altération possible, la doctrine de saint Paul, des autres apôtres, du Sauveur. Ce droit, quand une Église le refuse aux fidèles, elle avoue , par cela même, la peur qu'elle a qu'ils ne découvrent chez elle un « évangile différent » de celui qui fut prêché jadis.

Versets 11 et suiv. - Paul raconte comment il a été appelé à l'apostolat. Ceux qui l'avaient précédé dans cette charge n'ont été pour rien dans l'appel. Après sa conversion, il s'est rendu, non à Jérusalem, mais à Damas.


354. Verset 18. Ensuite, au bout de trois ans, je retournai à Jérusalem pour voir Pierre, et je demeurai quinze jours avec lui.

On a souvent dit, sur ce verset, qu'il fallait bien que saint Pierre fût le chef de l'Église , puisque saint Paul allait le voir.-Est-ce que la position et l'influence de saint Pierre , telle que nous l'admettons (notes 24 et 205) , ne justifiait pas suffisamment cette visite?

Ce verset, d'ailleurs, fait partie d'un raisonnement tout contraire à ce qu'on en tire en l'isolant. La thèse de saint Paul dans ce chapitre, c'est, vous l'avez vu, qu'aucun homme n'a été ni n'est pour rien dans son apostolat. Si donc sa visite à saint Pierre avait eu le sens qu'on veut y voir, la mention de cette visite irait diamétralement à fin contraire; Paul dirait, à la fois , que son apostolat est indépendant de tout homme, - et qu'il est allé reconnaître l'autorité d'un homme, chef de l'Église et des apôtres.

Enfin, le verset fût-il isolé, les termes mêmes s'opposeraient encore à l'interprétation romaine. Je retournai à Jérusalem, pour voir Pierre, et je demeurai quinze jours chez lui. Qu'on veuille bien nous dire si saint Paul , parlant de n'importe qui, aurait pu s'exprimer plus simplement et plus familièrement. Le grec est encore plus simple, encore plus familier. Ce mot voir, qu'on a tant paraphrasé, dont on a fait contempler, vénérer, presque adorer, - c'est , en grec, tout simplement voir, aller voir, faire une visite à quelqu'un, lier connaissance avec quelqu'un, et, d'après ce qui précède, c'est cette dernière expression qui serait la plus exacte. Paul ne connaît pas Pierre ; il désire le connaître; il va le voir.
Voilà ce qu'on a travesti en une visite au pape, en un pèlerinage auprès du pape.
Si quelque doute vous restait, lisez le chapitre suivant.


CHAPITRE II

Nouveau voyage à Jérusalem. quatorze ans après l'autre. Personne, dit-il, n'hésita à le reconnaître comme apôtre.


355. Versets 7 et 8. Au contraire, quand ils virent que l'Évangile m'a été confié pour le prêcher aux incirconcis, comme à Pierre pour le prêcher aux circoncis, car Celui (Dieu) qui a agi en Pierre pour faire de lui l'apôtre des Juifs, a aussi agi en moi pour faire de moi l'apôtre des gentils....

Confirmation de nos remarques (notes 227, 231, 276) sur l'apostolat de saint Pierre. La conversion de Corneille ne fut qu'un fait isolé partout ailleurs, saint Pierre est représenté comme l'apôtre des Juifs, qualification inconciliable avec la qualité de chef de l'Église universelle.

Confirmation , en outre , de nos remarques sur l'absence d'indices de son séjour à Rome. Le voici à Jérusalem quatorze ans après le premier voyage de saint Paul , dix-sept ans, par conséquent, après la conversion de celui-ci, vingt ans, au moins , après la mort de Jésus-Christ. Ajoutez que c'est à ce moment même qu'il est appelé l'apôtre des Juifs, ce qui exclut l'idée qu'il fut allé, dans l'intervalle, porter l'Évangile aux païens, et, surtout, qu'il l'eut porté à Rome, capitale du paganisme.


356. Verset 9. Ayant reconnu la grâce qui m'avait été donnée, Jacques, Céphas et Jean, ceux qui sont regardés comme des colonnes, me donnèrent, à Barnabas et à moi , la main d'association , nous pour aller vers les gentils, eux pour aller vers les Juifs.

Remarquez ces derniers mots Paul va continuer à être l'apôtre des païens, et Céphas (Pierre) restera celui des Juifs. Ainsi, vingt ans après la mort du Sauveur, non seulement Pierre a été jusque-là l'apôtre des Juifs, mais il est considéré et se considère lui-même comme devant garder indéfiniment cette charge.

Remarquez aussi l'ordre des noms : Jacques, Pierre et Jean. Si Pierre est le chef, le chef suprême, voilà qui est bien étrange. Un catholique, fût-il lui-même très-haut placé dans l'Église, archevêque, cardinal, - croyez-vous qu'il lui arrivât jamais , dans un écrit quelconque, de mettre le nom du pape après un autre nom, entre deux noms, tellement que l'égalité des trois parût complète?
Ne dites pas que c'est une affaire de mots.

Les noms ne sont pas des mots; l'homme le moins habitué aux exactitudes du langage ne tombera jamais, quand il s'agit de personnes, dans une inexactitude comparable à celle que saint Paul se fût permise en cet endroit. Non seulement il met les trois noms sur le même rang, mais il réunit les trois hommes sous un qualificatif unique : Jacques , Céphas et Jean, « qui sont regardés comme des colonnes. » Enfin , c'est par eux trois, dit-il , que la main d'association lui a été donnée. Eux trois ! Mais si saint Pierre est le chef de l'Église , si c'est la communion avec saint Pierre qui fait la légitimité de tout ministère dans l'Église , pourquoi parler de deux autres? Pourquoi ne le nommer qu'avec eux, au milieu d'eux?

Ainsi, les noms, l'ordre des noms, la qualification donnée, l'action faite , tout suppose l'égalité des trois hommes, tout serait étrange, absurde , dans la supposition qu'un des trois fût le chef suprême. N'oubliez pas que le fait se passe au moins vingt ans après l'établissement de l'Église, de sorte que l'autorité de saint Pierre , supposé qu'elle fût ce qu'on affirme , avait eu largement le temps d'être reconnue et déterminée.


357. Verset 11. Mais lorsque Pierre vint à Antioche, je lui résistai en face, parce qu'il méritait d'être repris.

L'Église romaine se débat vainement contre ce verset. De tous les arguments qu'elle a cherchés, un seul a quelque apparence. « N'a-t-on pas vu des papes , vous dit-on , repris par leurs inférieurs?» Oui ; mais toujours avec accompagnement d'hommages à leur dignité souveraine, avec protestations de douleur et d'humilité , tellement qu'on ne lira pas une phrase , dans ces cas , sans voir clairement qu'il s'agit du Pape.
Qu'avez-vous de semblable ici?

Relisez ce verset et les suivants. Où est-ce que saint Paul a l'air, je ne dirai même pas de s'excuser, mais de penser qu'il ait besoin d'excuse? Quand il se serait oublié, dans le feu de la discussion, jusqu'à ne pas adoucir ses reproches par quelque formule de respect, admettrez-vous qu'il pût en être de même dans un récit écrit plus tard , et destiné à l'instruction des Églises ?

Paul n'a donc point vu en saint Pierre le chef de l'Église chrétienne, le vicaire de Jésus-Christ. Paul, dans la discussion qu'il nous raconte, ne s'est pas douté qu'il lattât contre son supérieur. Paul écrit à des gens qui ne voient en saint Pierre rien de plus que ce qu'il y voit lui-même. Pierre n'était donc pour personne, à cette époque, le chef de l'Église, et, s'il ne l'était pas à cette époque, vingt-deux ou vingt-trois ans après la mort de Jésus-Christ, car cette épître est de l'an 55 ou 56, - il ne l'a jamais été.


358. Mais en quoi donc consistait-elle, cette erreur que saint Paul releva si vivement chez saint Pierre, bien que celui-ci, au fond , ne l'eût pas professée , mais indirectement et involontairement favorisée?

Cette erreur, c'était un demi-retour à l'ancienne idée judaïque de la justification «par les oeuvres de la loi, » erreur considérée par saint Paul, nous l'avons vu, comme « un autre évangile, » n'ayant de l'Évangile que le nom.

Le récit de sa discussion avec saint Pierre avait donc, dans cette épître , deux buts, l'un, de prouver l'indépendance de son apostolat, l'autre, de justifier sa sévérité envers les Galates , enclins à la même erreur, et d'amener l'exposé complet de la question. C'est à quoi les chapitres suivants sont consacrés. Otez-en le mot de Galates, et vous avez un plaidoyer complet contre les tendances romaines dans la question du salut.


359. Verset 20. Ce n'est plus moi qui vis, mais c'est Christ qui vit en moi.

Cette belle pensée va dominer toute la discussion ; elle doit dominer également toute discussion sur les dogmes et les tendances d'une Église.

C'est donc ici la grande question que nous poserons toujours à l'Église romaine. Est-ce la Vie en Christ, est-ce Christ vivant en nous, que vous créez et que vous développez chez vos fidèles? La Vie en Christ n'est-elle pas d'autant moindre que vos fidèles sont plus catholiques, et que les saints, la Vierge, les pratiques, l'ensemble, enfin, de ce que vous prêchez tant, occupe plus de place dans leur piété, dans leur culte? Si cela est, cette piété est condamnée. Elle a droit , quand elle est sincère , à notre respect ; mais notre respect n'ira pas jusqu'à nous empêcher de dire que ce n'est pas une piété chrétienne, puisque ce n'est pas la Vie en Christ.


CHAPITRE III


360. Verset 5. Êtes-vous si insensés, qu'après avoir commencé par l'esprit vous finissiez maintenant par la chair?

L'esprit, c'est le christianisme spirituellement conçu et appliqué, le culte esprit et vie, le salut par la foi, la vie en Christ; la chair, c'est le christianisme devenant une religion d'observances, un culte de pratiques et de cérémonies, le salut, enfin, par les oeuvres.

Voilà ce que saint Paul établit dans ce chapitre , et, tout ce qu'il dit de l'ancienne loi en regard de la nouvelle, il le dit, par cela même, de toute loi qui reproduira l'ancienne, de toute Église où reparaîtra , n'importe sous quelle forme, cet élément judaïque, formaliste, qu'il reproche aux Galates d'avoir ressuscité dans le christianisme.


CHAPITRE IV

Développements. Nous étions, sous l'ancienne loi, des enfants. L'enfant est un esclave, mais un esclave dont l'esclavage a pour but de le préparer à la liberté. L'économie formaliste était, de même, un esclavage, mais un esclavage ayant pour but de nous préparer à la liberté, à l'économie chrétienne, toute spirituelle. Rentrer plus ou moins sous l'économie formaliste, c'est abjurer le christianisme en tant que loi spirituelle et loi de liberté.


361. Versets 9-11. Maintenant que vous avez connu Dieu (Dieu dans l'Évangile),... comment retournez-vous encore à ces faibles et misérables rudiments, auxquels vous voulez vous assujettir de nouveau ? Vous observez les jours, les mois, les temps, les années. Je crains que je n'aie travaillé en vain chez vous.

.Le reproche est de plus en plus précis; quand vous n'auriez pas bien compris, au précédent chapitre, ce que saint Paul entendait par l'esprit et la chair, vous ne pouvez plus; ici, ne pas le comprendre. Les Galates se sont mis à observer judaïquement les jours, les mois ; ils ont attaché le salut à l'observation de certaines formes, à la pratique de certaines oeuvres, et, par cela , selon saint Paul , ils ne sont plus sous l'alliance de grâce. Il craint, dit-il, de la leur avoir prêchée en vain.

Que dirait-il donc, saint Paul, dans les pays où le catholicisme a développé librement ses formes et ses prescriptions?
Là, pas un sentiment qui ne soit devenu une oeuvre. La prière, c'est le chapelet ; la repentance , c'est la confession. La pénitence, c'est l'accomplissement matériel de certaines peines imposées. La mortification, c'est de faire maigre à certains jours. Le grand devoir envers Dieu, c'est d'assister régulièrement à la Messe. Le pardon vous arrive, à l'ordinaire, sous la forme d'un mot prononcé par le confesseur, et, à l'extraordinaire, sous celle d'indulgences calculées en jours, en mois, en années, indulgences payables soit en argent, soit en oeuvres. L'idée de la Providence s'incarne dans les médailles et dans les scapulaires, préservatifs contre tout mal. La valeur d'une prière dépend du lieu où on aura prié ; celle d'une communion , du lieu où on aura communié. L'idée de Dieu s'humanise dans celle du saint qu'on vous indique comme votre appui auprès de lui , et se matérialise ensuite dans les reliques ou dans la statue de ce saint, dont vous achèterez la protection par des cadeaux, par de gros cierges et de splendides fêtes.

Oh ! que saint Paul eut trouvé les Galates bons chrétiens, en comparaison de ceux que fait Rome quand elle peut les faire absolument selon son goût ! Ces quelques restes mosaïques qu'il s'indignait de voir reparaître, qu'était-ce donc au prix de ce développement immense du formalisme catholique ? Saint Pierre , par un excès d'indulgence , avait paru favoriser quelque peu la tendance judaïsante , et saint Pierre est repris « en face » par saint Paul. Essayez de vous figurer saint Paul en face d'un pape d'aujourd'hui , en face de tout ce que la papauté a bâti ou laissé bâtir sur ce terrain que saint Paul ordonnait d'abandonner à tout jamais !


CHAPITRE V

L'apôtre, laissant les figures, reprend sa thèse. « Si vous vous faites circoncire (si vous restez dans le système et l'esprit de l'ancienne alliance) , Christ ne vous servira de rien. Si vous voulez être justifiés parla loi (par les oeuvres), vous êtes déchue de la grâce (vous sortez de l'alliance de grâce). »


362. Verset 6. Car, en Jésus-Christ, il ne sert de rien d'être circoncis ou de ne pas l'être; ce qui sert, c'est la foi, agissante par la charité.

Résumé du christianisme, et, en même temps, réponse à la grande objection qu'on fait toujours au salut par la foi. Ce qui sert, vous dit saint Paul, c'est la foi, mais la foi agissante par la charité, car elle ne serait plus la foi si elle ne produisait les oeuvres. Saint Paul représente donc les oeuvres comme le fruit, le fruit nécessaire de la foi ; il les veut, mais il les veut découlant de leur vraie source.. N'allez pas dire que peu importe l'ordre dans lequel on placera les deux choses, foi et oeuvres. Si vous mettez les oeuvres les premières, le coeur humain est infailliblement conduit à se confier en elles, à croire au salut par elles , et le salut par Jésus-Christ se trouve, en fait, rejeté.


363. Verset 15. Vous avez été appelés à la liberté, mes Frères; seulement, que la liberté ne vous soit pas une occasion de vivre selon la chair, mais assujettissez - vous les uns aux autres par la charité.

Réponse à une autre objection, ou à une autre forme de l'objection ci-dessus. Celui qui se croira justifié par la foi seule s'abandonnera, nous dit-on, à toutes ses passions. Nous avons répondu ailleurs (note 270) ; saint Paul confirme ce que nous avons dit. La liberté, pour le chrétien, n'est pas et ne peut pas être le droit de faire le mal. C'est le remplacement de la crainte par l'amour , des ordonnances de détail par la grande et unique loi : « Tu aimeras Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme et de toute ta pensée, et ton prochain comme toi-même. » Cette dernière idée, saint Paul l'exprime admirablement en disant: « Assujettissez-vous les uns aux autres par la charité. » Voilà l'assujettissement chrétien. Ordre moral, ordre social, tout est là, et c'est ce que saint Paul explique dans les versets suivants.


CHAPITRE VI

Exhortation au support et à la douceur.


364. Verset 2. Portez les fardeaux les uns des autres.- Verset 5. Chacun portera son propre fardeau.

Ces deux versets semblent se contredire. Deux versets intermédiaires les lient et les expliquent.
Supportez mutuellement vos défauts ; mais n'allez pas, en supportant ceux des autres, faire des comparaisons et vous croire meilleurs. Chacun sera jugé, au dernier jour, non sur ce qu'auront été les autres, mais sur ce qu'il aura été lui-même: Chacun portera son propre fardeau.- Voilà la pensée de saint Paul.

En isolant le premier verset, on y a vu la doctrine romaine de la transmission des mérites. Les saints, a-t-on dit, nous prêtent de quoi alléger le fardeau de nos péchés; il nous aident à le porter; ils le portent. - Jeu de mots. Il s'agit de charité, de support ; dès qu'on lit les cinq versets à la fois, impossible d'y apercevoir autre chose. Le verset 5 ne serait-il pas, d'ailleurs, le renversement de la doctrine qu'on prétend voir au verset 2 ?

Chacun, devant le juge, « portera son propre fardeau. » L'allégement ne vient donc et ne peut venir que de Jésus-Christ. C'est lui « qui a porté nos péchés en son corps sur le bois, » nous dit saint Pierre; c'est à lui, à lui seul, que toute l'Écriture nous invite à nous adresser.

Versets 7 et suivant. - Derniers conseils aux Galates. Paul déclare ne vouloir se glorifier qu'eu la croix de Jésus-Christ, par laquelle, dit-il, le vieil homme meurt au monde.


365. Verset 15. Car, en Jésus-Christ, il ne sert de rien d'être circoncis ou de ne pas l'être; mais il faut être une nouvelle créature.

Voilà l'expression la plus haute de l'action du christianisme: Création, en nous, du nouvel homme. Or, s'il est un fait que l'expérience démontre, c'est l'impuissance du formalisme à opérer cette régénération. Les pratiques occupent le vieil homme , mais ne le détruisent pas; au contraire, en mettant la piété, à sa portée , elles lui persuadent qu'il peut être pieux, qu'il l'est, qu'il n'a qu'à continuer. De là le goût de tant de mondains pour cet esclavage qui leur laisse une si grande liberté, précisément là où ils la veulent. Il est commode de n'avoir pas à se régénérer, mais à se confesser. Il est commode de n'avoir pas à se repentir de ses fautes, mais à les expier en récitant quelques prières ou en faisant quelques aumônes. Il est commode de rester toujours le même, et de faire, chemin faisant, provision d'indulgences. Il est commode de ne se rien refuser, et de faire maigre un jour par semaine. Il est commode de subir l'autorité du prêtre, quand elle ne s'emploie qu'à ouvrir le ciel à deux battants, en récompense de cette soumission même. Le catholicisme, ce n'est pas la création de l'homme nouveau ; c'est le ciel s'ouvrant au vieil homme.


366. Verset 17. Au reste, que personne ne me fasse de la peine, car je porte sur mon corps les marques du Seigneur Jésus.

Ces marques, c'étaient celles des verges dont il avait été battu trois fois, celles des pierres dont on l'avait lapidé c'étaient aussi, sans doute, celles que des souffrances de tout genre avaient imprimées sur ses traits. De là le saint orgueil avec lequel il les rappelle.

L'Église romaine a voulu renchérir sur tout cela. Elle a fait croire ou laissé croire que plusieurs de ses saints avaient porté, à la lettre, les marques de Jésus-Christ, celles de la crucifixion, miraculeusement imprimées sur leurs mains et sur leurs pieds, Les marques ont pu être réelles, car il n'y avait rien de plus facile, avec un peu de courage et dans l'ardeur d'une fièvre mystique, que de se les imprimer ; la fraude était de les proclamer miraculeuses, et, cette fraude, Rome s'y est associée par la canonisation de ceux qui l'avaient commise. Quelques-uns furent-ils de bonne foi? C'est possible. Nous ne dirons plus , alors, que Rome s'est associée à leur fraude, mais qu'elle a divinisé leur folie.

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