351. Verset
1. Paul,
apôtre, non de la part des hommes, ni par
aucun homme, mais par Jésus-Christ et par
Dieu le Père...
Non de la part des
hommes: voilà la divinité de
l'apostolat en général. Ni par aucun
homme - voilà l'indépendance de saint
Paul par rapport à tout autre apôtre.
Dira-t-on qu'il ne parle ici que de sa vocation
miraculeuse, laquelle ne l'exemptait point, une
fois appelé, d'être sous
l'autorité de saint Pierre? - Allez au
chapitre suivant (notes 356
et 357),
et
vous
aurez la preuve, non seulement que saint Paul
ne considérait pas saint Pierre comme son
chef à lui, mais qu'il ne le
considérait pas davantage comme le chef des
autres apôtres et le chef de
l'Église.
352. Verset
6. Je suis
surpris qu'abandonnant celui qui vous avait
appelés à la grâce de Christ,
vous ayez passé si vice à un autre
évangile.
Qu'est-ce que cet ce
autre évangile » auquel l'apôtre
s'étonne et s'indigne que les Galates aient
passé? - L'épître
entière va vous montrer qu'il s'agit de la
justification par les oeuvres. Les Galates ne
reniaient point Jésus-Christ, bien s'en
faut; et cependant , car le seul fait de ne pas
chercher leur salut en lui seul , ils se trouvent,
leur dit saint Paul, avoir passé à un
autre évangile, c'est-à-dire à
une doctrine qui n'est plus l'Évangile, qui
n'en a plus que le nom.
Comprenez donc
combien la
question est grave. Prêcher le salut par les
oeuvres, ou, sans le prêcher ouvertement,
conduire les hommes à y croire, c'est, selon
saint Paul, prêcher un autre évangile,
se placer en dehors de l'Évangile.
353. Verset
9. Comme
je vous l'ai dit précédemment, je
vous le dis encore: Si quelqu'un vous annonce un
évangile différent de celui que vous
avez reçu, qu'il soit
anathème.
De là, selon
l'Église romaine, le droit qu'elle
s'attribue d'anathématiser quiconque
enseigne autrement qu'elle.
Quand ce droit lui
appartiendrait, ce ne pourrait être encore
que dans les limites de la pensée de saint
Paul. Or, il est clair que saint Paul ne demandait
point des violences contre ceux que les Galates
auraient cru devoir condamner.
Mais une autre
question
serait à résoudre d'abord. Ce droit
que, dites-vous, saint Paul vous donne, il vous le
donne à condition que ce que vous
condamnerez sera bien un faux évangile, que
ce que vous enseignerez sera bien l'Évangile
véritable. Il ne lie la possession de ce
droit à aucune forme d'Église; il ne
parle non plus aucunement de l'Église en
général, mais d'une Église, de
celle des Galates , et c'est à eux qu'il dit
d'anathématiser les faux docteurs, toujours,
bien entendu , dans la supposition que
l'Église de Galatie aura conservé
l'Évangile intact.
Le conservera-t-elle
intact ?
Cela, Paul ne le lui
garantit point; il ne lui indique non plus aucune
Église, aucun corps, aucun chef à qui
elle ait à s'adresser pour savoir
infailliblement ce qui en est.
Il n'y a donc là,
en somme, qu'une invitation pressante à
rester fidèle aux enseignements
reçus, à écarter toute cause
d'erreur; il s'agit, non pas d'un droit absolu
accordé à qui que ce soit , mais du
droit général de condamner l'erreur
ait nom de la vérité, droit
lié à la possession de la
vérité, et s'évanouissant
dès que cette possession discontinue. Ce
droit, par conséquent, tout le monde peut y
prétendre ; c'est celui de rejeter tout ce
qui n'est pas d'accord avec la doctrine
évangélique, avec ce que saint Paul
avait prêché aux Corinthiens, avec ce
qu'il leur écrivait , avec
l'Écriture, enfin , puisque c'est là
seulement que nous avons, sans altération
possible, la doctrine de saint Paul, des autres
apôtres, du Sauveur. Ce droit, quand une
Église le refuse aux fidèles, elle
avoue , par cela même, la peur qu'elle a
qu'ils ne découvrent chez elle un «
évangile différent » de celui
qui fut prêché jadis.
Versets 11
et suiv. -
Paul raconte comment il a été
appelé à l'apostolat. Ceux qui
l'avaient précédé dans cette
charge n'ont été pour rien dans
l'appel. Après sa conversion, il s'est
rendu, non à Jérusalem, mais à
Damas.
354. Verset
18.
Ensuite, au bout de trois ans, je retournai
à Jérusalem pour voir Pierre, et je
demeurai quinze jours avec lui.
On a souvent dit,
sur ce
verset, qu'il fallait bien que saint Pierre
fût le chef de l'Église , puisque
saint Paul allait le voir.-Est-ce que la position
et l'influence de saint Pierre , telle que nous
l'admettons (notes 24
et 205)
, ne
justifiait pas suffisamment cette
visite?
Ce verset,
d'ailleurs,
fait partie d'un raisonnement tout contraire
à ce qu'on en tire en l'isolant. La
thèse de saint Paul dans ce chapitre, c'est,
vous l'avez vu, qu'aucun homme n'a
été ni n'est pour rien dans son
apostolat. Si donc sa visite à saint Pierre
avait eu le sens qu'on veut y voir, la mention de
cette visite irait diamétralement à
fin contraire; Paul dirait, à la fois , que
son apostolat est indépendant de tout homme,
- et qu'il est allé reconnaître
l'autorité d'un homme, chef de
l'Église et des apôtres.
Enfin, le verset
fût-il isolé, les termes mêmes
s'opposeraient encore à
l'interprétation romaine. Je retournai
à Jérusalem, pour voir Pierre, et je
demeurai quinze jours chez lui. Qu'on veuille bien
nous dire si saint Paul , parlant de n'importe qui,
aurait pu s'exprimer plus simplement et plus
familièrement. Le grec est encore plus
simple, encore plus familier. Ce mot voir, qu'on a
tant paraphrasé, dont on a fait contempler,
vénérer, presque adorer, - c'est , en
grec, tout simplement voir, aller voir, faire une
visite à quelqu'un, lier connaissance avec
quelqu'un, et, d'après ce qui
précède, c'est cette dernière
expression qui serait la plus exacte. Paul ne
connaît pas Pierre ; il désire le
connaître; il va le voir.
Voilà ce qu'on a
travesti en une visite au pape, en un
pèlerinage auprès du
pape.
Si quelque doute
vous
restait, lisez le chapitre suivant.
Nouveau voyage à Jérusalem. quatorze ans après l'autre. Personne, dit-il, n'hésita à le reconnaître comme apôtre.
355.
Versets 7 et 8.
Au contraire, quand ils virent que
l'Évangile m'a été
confié pour le prêcher aux
incirconcis, comme à Pierre pour le
prêcher aux circoncis, car Celui (Dieu) qui a
agi en Pierre pour faire de lui l'apôtre des
Juifs, a aussi agi en moi pour faire de moi
l'apôtre des gentils....
Confirmation de nos
remarques (notes 227,
231,
276)
sur
l'apostolat de saint Pierre. La conversion de
Corneille ne fut qu'un fait isolé partout
ailleurs, saint Pierre est représenté
comme l'apôtre des Juifs, qualification
inconciliable avec la qualité de chef de
l'Église universelle.
Confirmation , en
outre ,
de nos remarques sur l'absence d'indices de son
séjour à Rome. Le voici à
Jérusalem quatorze ans après le
premier voyage de saint Paul , dix-sept ans, par
conséquent, après la conversion de
celui-ci, vingt ans, au moins , après la
mort de Jésus-Christ. Ajoutez que c'est
à ce moment même qu'il est
appelé l'apôtre des Juifs, ce qui
exclut l'idée qu'il fut allé, dans
l'intervalle, porter l'Évangile aux
païens, et, surtout, qu'il l'eut porté
à Rome, capitale du paganisme.
356. Verset
9. Ayant
reconnu la grâce qui m'avait
été donnée, Jacques,
Céphas et Jean, ceux qui sont
regardés comme des colonnes, me
donnèrent, à Barnabas et à moi
, la main d'association , nous pour aller vers les
gentils, eux pour aller vers les
Juifs.
Remarquez ces
derniers
mots Paul va continuer à être
l'apôtre des païens, et Céphas
(Pierre) restera celui des Juifs. Ainsi, vingt ans
après la mort du Sauveur, non seulement
Pierre a été jusque-là
l'apôtre des Juifs, mais il est
considéré et se considère
lui-même comme devant garder
indéfiniment cette charge.
Remarquez aussi
l'ordre
des noms : Jacques, Pierre et Jean. Si Pierre est
le chef, le chef suprême, voilà qui
est bien étrange. Un catholique,
fût-il lui-même très-haut
placé dans l'Église,
archevêque, cardinal, - croyez-vous qu'il lui
arrivât jamais , dans un écrit
quelconque, de mettre le nom du pape après
un autre nom, entre deux noms, tellement que
l'égalité des trois parût
complète?
Ne dites pas que
c'est
une affaire de mots.
Les noms ne sont pas
des
mots; l'homme le moins habitué aux
exactitudes du langage ne tombera jamais, quand il
s'agit de personnes, dans une inexactitude
comparable à celle que saint Paul se
fût permise en cet endroit. Non seulement il
met les trois noms sur le même rang, mais il
réunit les trois hommes sous un qualificatif
unique : Jacques , Céphas et Jean, «
qui sont regardés comme des colonnes. »
Enfin , c'est par eux trois, dit-il , que la main
d'association lui a été
donnée. Eux trois ! Mais si saint Pierre est
le chef de l'Église , si c'est la communion
avec saint Pierre qui fait la
légitimité de tout ministère
dans l'Église , pourquoi parler de deux
autres? Pourquoi ne le nommer qu'avec eux, au
milieu d'eux?
Ainsi, les noms,
l'ordre
des noms, la qualification donnée, l'action
faite , tout suppose l'égalité des
trois hommes, tout serait étrange, absurde ,
dans la supposition qu'un des trois fût le
chef suprême. N'oubliez pas que le fait se
passe au moins vingt ans après
l'établissement de l'Église, de sorte
que l'autorité de saint Pierre ,
supposé qu'elle fût ce qu'on affirme ,
avait eu largement le temps d'être reconnue
et déterminée.
357. Verset
11. Mais
lorsque Pierre vint à Antioche, je lui
résistai en face, parce qu'il
méritait d'être
repris.
L'Église romaine
se débat vainement contre ce verset. De tous
les arguments qu'elle a cherchés, un seul a
quelque apparence. « N'a-t-on pas vu des papes
, vous dit-on , repris par leurs
inférieurs?» Oui ; mais toujours avec
accompagnement d'hommages à leur
dignité souveraine, avec protestations de
douleur et d'humilité , tellement qu'on ne
lira pas une phrase , dans ces cas , sans voir
clairement qu'il s'agit du Pape.
Qu'avez-vous de
semblable
ici?
Relisez ce verset et
les
suivants. Où est-ce que saint Paul a l'air,
je ne dirai même pas de s'excuser, mais de
penser qu'il ait besoin d'excuse? Quand il se
serait oublié, dans le feu de la discussion,
jusqu'à ne pas adoucir ses reproches par
quelque formule de respect, admettrez-vous qu'il
pût en être de même dans un
récit écrit plus tard , et
destiné à l'instruction des
Églises ?
Paul n'a donc point
vu en
saint Pierre le chef de l'Église
chrétienne, le vicaire de
Jésus-Christ. Paul, dans la discussion qu'il
nous raconte, ne s'est pas douté qu'il
lattât contre son supérieur. Paul
écrit à des gens qui ne voient en
saint Pierre rien de plus que ce qu'il y voit
lui-même. Pierre n'était donc pour
personne, à cette époque, le chef de
l'Église, et, s'il ne l'était pas
à cette époque, vingt-deux ou
vingt-trois ans après la mort de
Jésus-Christ, car cette épître
est de l'an 55 ou 56, - il ne l'a jamais
été.
358. Mais
en quoi donc consistait-elle,
cette erreur que saint Paul releva si vivement chez
saint Pierre, bien que celui-ci, au fond , ne
l'eût pas professée , mais
indirectement et involontairement
favorisée?
Cette erreur,
c'était un demi-retour à l'ancienne
idée judaïque de la justification
«par les oeuvres de la loi, » erreur
considérée par saint Paul, nous
l'avons vu, comme « un autre évangile,
» n'ayant de l'Évangile que le
nom.
Le récit de sa
discussion avec saint Pierre avait donc, dans cette
épître , deux buts, l'un, de prouver
l'indépendance de son apostolat, l'autre, de
justifier sa sévérité envers
les Galates , enclins à la même
erreur, et d'amener l'exposé complet de la
question. C'est à quoi les chapitres
suivants sont consacrés. Otez-en le mot de
Galates, et vous avez un plaidoyer complet contre
les tendances romaines dans la question du
salut.
359. Verset
20. Ce
n'est plus moi qui vis, mais c'est Christ qui vit
en moi.
Cette belle pensée
va dominer toute la discussion ; elle doit dominer
également toute discussion sur les dogmes et
les tendances d'une Église.
C'est donc ici la
grande
question que nous poserons toujours à
l'Église romaine. Est-ce la Vie en Christ,
est-ce Christ vivant en nous, que vous créez
et que vous développez chez vos
fidèles? La Vie en Christ n'est-elle pas
d'autant moindre que vos fidèles sont plus
catholiques, et que les saints, la Vierge, les
pratiques, l'ensemble, enfin, de ce que vous
prêchez tant, occupe plus de place dans leur
piété, dans leur culte? Si cela est,
cette piété est condamnée.
Elle a droit , quand elle est sincère ,
à notre respect ; mais notre respect n'ira
pas jusqu'à nous empêcher de dire que
ce n'est pas une piété
chrétienne, puisque ce n'est pas la Vie en
Christ.
360. Verset
5.
Êtes-vous si insensés, qu'après
avoir commencé par l'esprit vous finissiez
maintenant par la chair?
L'esprit, c'est le
christianisme spirituellement conçu et
appliqué, le culte esprit et vie, le salut
par la foi, la vie en Christ; la chair, c'est le
christianisme devenant une religion d'observances,
un culte de pratiques et de
cérémonies, le salut, enfin, par les
oeuvres.
Voilà ce que saint
Paul établit dans ce chapitre , et, tout ce
qu'il dit de l'ancienne loi en regard de la
nouvelle, il le dit, par cela même, de toute
loi qui reproduira l'ancienne, de toute
Église où reparaîtra ,
n'importe sous quelle forme, cet
élément judaïque, formaliste,
qu'il reproche aux Galates d'avoir
ressuscité dans le christianisme.
Développements. Nous étions, sous l'ancienne loi, des enfants. L'enfant est un esclave, mais un esclave dont l'esclavage a pour but de le préparer à la liberté. L'économie formaliste était, de même, un esclavage, mais un esclavage ayant pour but de nous préparer à la liberté, à l'économie chrétienne, toute spirituelle. Rentrer plus ou moins sous l'économie formaliste, c'est abjurer le christianisme en tant que loi spirituelle et loi de liberté.
361.
Versets 9-11.
Maintenant que vous avez connu Dieu (Dieu dans
l'Évangile),... comment retournez-vous
encore à ces faibles et misérables
rudiments, auxquels vous voulez vous assujettir de
nouveau ? Vous observez les jours, les mois, les
temps, les années. Je crains que je n'aie
travaillé en vain chez vous.
.Le reproche est de
plus
en plus précis; quand vous n'auriez pas bien
compris, au précédent chapitre, ce
que saint Paul entendait par l'esprit et la chair,
vous ne pouvez plus; ici, ne pas le comprendre. Les
Galates se sont mis à observer
judaïquement les jours, les mois ; ils ont
attaché le salut à l'observation de
certaines formes, à la pratique de certaines
oeuvres, et, par cela , selon saint Paul , ils ne
sont plus sous l'alliance de grâce. Il
craint, dit-il, de la leur avoir
prêchée en vain.
Que dirait-il donc,
saint
Paul, dans les pays où le catholicisme a
développé librement ses formes et ses
prescriptions?
Là, pas un
sentiment qui ne soit devenu une oeuvre. La
prière, c'est le chapelet ; la repentance ,
c'est la confession. La pénitence, c'est
l'accomplissement matériel de certaines
peines imposées. La mortification, c'est de
faire maigre à certains jours. Le grand
devoir envers Dieu, c'est d'assister
régulièrement à la Messe. Le
pardon vous arrive, à l'ordinaire, sous la
forme d'un mot prononcé par le confesseur,
et, à l'extraordinaire, sous celle
d'indulgences calculées en jours, en mois,
en années, indulgences payables soit en
argent, soit en oeuvres. L'idée de la
Providence s'incarne dans les médailles et
dans les scapulaires, préservatifs contre
tout mal. La valeur d'une prière
dépend du lieu où on aura prié
; celle d'une communion , du lieu où on aura
communié. L'idée de Dieu s'humanise
dans celle du saint qu'on vous indique comme votre
appui auprès de lui , et se
matérialise ensuite dans les reliques ou
dans la statue de ce saint, dont vous
achèterez la protection par des cadeaux, par
de gros cierges et de splendides
fêtes.
Oh ! que saint Paul
eut
trouvé les Galates bons chrétiens, en
comparaison de ceux que fait Rome quand elle peut
les faire absolument selon son goût ! Ces
quelques restes mosaïques qu'il s'indignait de
voir reparaître, qu'était-ce donc au
prix de ce développement immense du
formalisme catholique ? Saint Pierre , par un
excès d'indulgence , avait paru favoriser
quelque peu la tendance judaïsante , et saint
Pierre est repris « en face » par saint
Paul. Essayez de vous figurer saint Paul en face
d'un pape d'aujourd'hui , en face de tout ce que la
papauté a bâti ou laissé
bâtir sur ce terrain que saint Paul ordonnait
d'abandonner à tout jamais !
L'apôtre, laissant les figures, reprend sa thèse. « Si vous vous faites circoncire (si vous restez dans le système et l'esprit de l'ancienne alliance) , Christ ne vous servira de rien. Si vous voulez être justifiés parla loi (par les oeuvres), vous êtes déchue de la grâce (vous sortez de l'alliance de grâce). »
362. Verset
6. Car, en
Jésus-Christ, il ne sert de rien
d'être circoncis ou de ne pas l'être;
ce qui sert, c'est la foi, agissante par la
charité.
Résumé du
christianisme, et, en même temps,
réponse à la grande objection qu'on
fait toujours au salut par la foi. Ce qui sert,
vous dit saint Paul, c'est la foi, mais la foi
agissante par la charité, car elle ne serait
plus la foi si elle ne produisait les oeuvres.
Saint Paul représente donc les oeuvres comme
le fruit, le fruit nécessaire de la foi ; il
les veut, mais il les veut découlant de leur
vraie source.. N'allez pas dire que peu importe
l'ordre dans lequel on placera les deux choses, foi
et oeuvres. Si vous mettez les oeuvres les
premières, le coeur humain est
infailliblement conduit à se confier en
elles, à croire au salut par elles , et le
salut par Jésus-Christ se trouve, en fait,
rejeté.
363. Verset
15. Vous
avez été appelés à la
liberté, mes Frères; seulement, que
la liberté ne vous soit pas une occasion de
vivre selon la chair, mais assujettissez - vous les
uns aux autres par la
charité.
Réponse à
une autre objection, ou à une autre forme de
l'objection ci-dessus. Celui qui se croira
justifié par la foi seule s'abandonnera,
nous dit-on, à toutes ses passions. Nous
avons répondu ailleurs (note
270)
; saint Paul confirme ce que nous avons dit. La
liberté, pour le chrétien, n'est pas
et ne peut pas être le droit de faire le mal.
C'est le remplacement de la crainte par l'amour ,
des ordonnances de détail par la grande et
unique loi : « Tu aimeras Dieu de tout ton
coeur, de toute ton âme et de toute ta
pensée, et ton prochain comme
toi-même. » Cette dernière
idée, saint Paul l'exprime admirablement en
disant: « Assujettissez-vous les uns aux
autres par la charité. » Voilà
l'assujettissement chrétien. Ordre moral,
ordre social, tout est là, et c'est ce que
saint Paul explique dans les versets
suivants.
Exhortation au support et à la douceur.
364. Verset
2. Portez
les fardeaux les uns des autres.- Verset 5. Chacun
portera son propre fardeau.
Ces deux versets
semblent
se contredire. Deux versets intermédiaires
les lient et les expliquent.
Supportez
mutuellement
vos défauts ; mais n'allez pas, en
supportant ceux des autres, faire des comparaisons
et vous croire meilleurs. Chacun sera jugé,
au dernier jour, non sur ce qu'auront
été les autres, mais sur ce qu'il
aura été lui-même: Chacun
portera son propre fardeau.- Voilà la
pensée de saint Paul.
En isolant le
premier
verset, on y a vu la doctrine romaine de la
transmission des mérites. Les saints, a-t-on
dit, nous prêtent de quoi alléger le
fardeau de nos péchés; il nous aident
à le porter; ils le portent. - Jeu de mots.
Il s'agit de charité, de support ;
dès qu'on lit les cinq versets à la
fois, impossible d'y apercevoir autre chose. Le
verset 5 ne serait-il pas, d'ailleurs, le
renversement de la doctrine qu'on prétend
voir au verset 2 ?
Chacun, devant le
juge,
« portera son propre fardeau. »
L'allégement ne vient donc et ne peut venir
que de Jésus-Christ. C'est lui « qui a
porté nos péchés en son corps
sur le bois, » nous dit saint Pierre; c'est
à lui, à lui seul, que toute
l'Écriture nous invite à nous
adresser.
Versets 7
et suivant.
- Derniers conseils aux Galates. Paul
déclare ne vouloir se glorifier qu'eu la
croix de Jésus-Christ, par laquelle, dit-il,
le vieil homme meurt au monde.
365. Verset
15. Car,
en Jésus-Christ, il ne sert de rien
d'être circoncis ou de ne pas l'être;
mais il faut être une nouvelle
créature.
Voilà l'expression
la plus haute de l'action du christianisme:
Création, en nous, du nouvel homme. Or, s'il
est un fait que l'expérience
démontre, c'est l'impuissance du formalisme
à opérer cette
régénération. Les pratiques
occupent le vieil homme , mais ne le
détruisent pas; au contraire, en mettant la
piété, à sa portée ,
elles lui persuadent qu'il peut être pieux,
qu'il l'est, qu'il n'a qu'à continuer. De
là le goût de tant de mondains pour
cet esclavage qui leur laisse une si grande
liberté, précisément là
où ils la veulent. Il est commode de n'avoir
pas à se régénérer,
mais à se confesser. Il est commode de
n'avoir pas à se repentir de ses fautes,
mais à les expier en récitant
quelques prières ou en faisant quelques
aumônes. Il est commode de rester toujours le
même, et de faire, chemin faisant, provision
d'indulgences. Il est commode de ne se rien
refuser, et de faire maigre un jour par semaine. Il
est commode de subir l'autorité du
prêtre, quand elle ne s'emploie qu'à
ouvrir le ciel à deux battants, en
récompense de cette soumission même.
Le catholicisme, ce n'est pas la création de
l'homme nouveau ; c'est le ciel s'ouvrant au vieil
homme.
366. Verset
17. Au
reste, que personne ne me fasse de la peine, car je
porte sur mon corps les marques du Seigneur
Jésus.
Ces marques,
c'étaient celles des verges dont il avait
été battu trois fois, celles des
pierres dont on l'avait lapidé
c'étaient aussi, sans doute, celles que des
souffrances de tout genre avaient imprimées
sur ses traits. De là le saint orgueil avec
lequel il les rappelle.
L'Église romaine a
voulu renchérir sur tout cela. Elle a fait
croire ou laissé croire que plusieurs de ses
saints avaient porté, à la lettre,
les marques de Jésus-Christ, celles de la
crucifixion, miraculeusement imprimées sur
leurs mains et sur leurs pieds, Les marques ont pu
être réelles, car il n'y avait rien de
plus facile, avec un peu de courage et dans
l'ardeur d'une fièvre mystique, que de se
les imprimer ; la fraude était de les
proclamer miraculeuses, et, cette fraude, Rome s'y
est associée par la canonisation de ceux qui
l'avaient commise. Quelques-uns furent-ils de bonne
foi? C'est possible. Nous ne dirons plus , alors,
que Rome s'est associée à leur
fraude, mais qu'elle a divinisé leur
folie.
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