Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

ACTES DES APÔTRES

CHAPITRE PREMIER


200. Versets 1 et 2. J'ai parlé dans mon premier livre, ô Théophile, de toutes les choses que Jésus a faites et enseignées, depuis le commencement jusqu'au jour qu'il fut élevé au ciel.

Nous sommes donc autorisés à dire de saint Luc, auteur des Actes, ce que nous avons dit de saint Jean : saint Luc, comme saint Jean, se montre persuadé qu'il n'a rien omis d'important dans l'histoire de Jésus-Christ. Il a parlé dans son Évangile, dit-il, de tout ce que Jésus a fait et enseigné et si ce tout ne peut pas être pris à la lettre, puisque les trois autres auteurs rapportent certaines choses omises par saint Luc, ce mot exclut cependant l'idée de toute omission grave, de tout vide laissé pour être rempli plus tard. C'est ce dont nous allons nous convaincre toujours mieux par les Actes et les Épîtres, plus contraires encore, s'il est possible, à tout ce que l'Église romaine a enseigné au nom de la Tradition.

Versets 3 et suiv.- L'ascension (note 148). Les apôtres retournent à Jérusalem. La chambre haute.


201. Verset 14. ils persévéraient tous, d'un même esprit, dans la prière et la supplication, avec les femmes, et Marie, mère de Jésus, et ses frères.

Ainsi, après comme avant la mort de Jésus, toujours ses frères avec sa mère, toujours ce mot que rien n'indique être écrit dans un autre sens que le sens propre; toujours, chez l'historien, absence de toute attention donnée à une question qu'on voudrait nous faire considérer comme si grave.

Mais ce qui est grave, très grave, c'est que voilà le seul et unique endroit, en dehors des quatre Évangiles, où Marie soit nommée. Et même, comment l'est-elle? Vous le voyez : ce n'est qu'en passant, à la suite des apôtres, entre les frères de Jésus et quelques femmes pieuses. Pas un détail, pas un mot de plus, et, répétons-le, dans tout le reste des Actes, dans toutes les Épîtres, rien, absolument rien sur elle. On est forcé de nous renvoyer à quelques versets de l'Apocalypse (Chap. XII), versets où elle n'est pas nommée, où on ne l'a vue qu'après des siècles et lorsqu'on a voulu la voir, et où il n'est même question de rien de semblable au rôle que l'Église romaine lui assigne. Voir note 483.

Ceux donc qui, bravant ce silence et n'y voyant qu'une occasion d'inventer plus à l'aise, donnent au peuple de longs romans intitulés Histoires de Marie , nous ne voulons rien leur dire. Ils ont pris leur parti de se passer de la vérité un appel à leur conscience serait peine perdue.

Mais ceux qui n'ont fait que suivre le torrent et s'y abandonner de, bonne foi, nous les conjurerons de s'arrêter un moment ici avec nous. Qu'ils laissent les échappatoires misérables qu'on leur a peut-être enseignées; qu'ils se placent franchement, simplement, en présence du fait. Quand ils oublieraient tout ce que les Évangiles nous ont fourni d'arguments contre le culte de Marie, contre le rôle attribué à Marie,- ce silence absolu sur son rôle et sur elle-même ne leur en dirait-il donc pas assez? Voici, de la main d'un Évangéliste, l'histoire des premières années de l'Église. Il nomme une fois Marie, au commencement, et n'en parle plus. Voici, de la main de plusieurs apôtres, vingt-et-une épîtres qui touchent à toutes les questions. Parleront-ils de Marie ? La nommeront-ils au moins ? Non ; jamais.

Quand le Nouveau Testament aurait été revu et corrigé par le plus ardent adversaire de l'Église romaine, qu'aurait-il imaginé de plus fort que d'effacer, à partir du premier chapitre des Actes, ce nom que l'Église romaine vous enseigne à avoir sans cesse à la bouche, sans cesse dans le coeur ? Les litanies de la Vierge l'appellent la reine des apôtres , Regina apostolorum; les apôtres, non seulement ne l'appellent pas leur reine, mais ne lui attribuent aucun pouvoir quelconque, ni sur eux, ni sur personne, et, à partir de la mort de Jésus-Christ, ne parlent pas plus d'elle que si elle n'eût jamais vécu.

Versets 15 et suiv. - Pierre propose qu'on donne un successeur à Judas.


202. Versets 25-26. Alors ils en présentèrent deux... Et priant, ils dirent: Toi, Seigneur, qui connais les coeurs de tous, montre-nous lequel de ces deux tu as choisi .... Et ils tirèrent au sort, et le sort tomba sur Matthias, qui fut associé aux onze apôtres.

Ainsi, ce n'est ni saint Pierre qui choisit, ni saint Pierre qui ordonne qu'on tire au sort, ni lui qui présente les deux hommes entre lesquels le sort décidera, ni lui qui prononce la prière, ni lui qui confère à Matthias la qualité d'apôtre, car il est dit simplement que Matthias « fut associé » aux autres.

Direz-vous que saint Pierre peut avoir fait tout cela sans que l'historien l'ait dit? Singulière manière, alors, de nous raconter son histoire, surtout au début du livre, et de nous préparer à voir en lui le chef de l'Église! Parlons sérieusement. Une seule chose, dans tout ce récit, est donnée comme venant de saint Pierre : la proposition d'élire un douzième apôtre. Est-ce autre chose qu'une proposition ? Non ; rien n'indique un ordre. On a essayé d'en voir un dans le « Il faut» du verset 21. « Il faut donc, dit l'apôtre, que, parmi ceux qui ont été avec nous , il y en ait un qui... etc.» Mais quand « Il faut » est précédé et suivi de raisons, d'explications, est-ce un ordre? Y voit-on jamais autre chose que l'équivalent de « Il convient, il est bon ? »

Ajoutez que saint Pierre ne parle pas ici devant ses collègues seulement, envers qui il pourrait vouloir user de déférence, mais devant toute l'assemblée, devant cent vingt personnes, est-il dit au verset 15. C'est cette assemblée qui fait tout. Et pourtant, de toutes les choses que saint Pierre eût pu avoir à faire comme chef de l'Église et vicaire de Jésus-Christ, aucune ne rentrait mieux dans ses attributions. Jésus avait choisi les douze ; à son vicaire de les compléter après lui. Mais non. Pierre ne dit rien qu'un autre apôtre n'eût pu dire comme lui; Pierre ne fait, seul et par lui-même, absolument rien.


CHAPITRE II

Le Saint-Esprit descend sur les apôtres.


203. Verset 4. Et ils furent tous remplis du Saint-Esprit...

De même qu'il n'y a pas eu de degrés dans la promesse, il n'y en a pas dans l'accomplissement. ils furent tous remplis du Saint-Esprit, dit saint Luc; tous, dans la suite du récit, vous les verrez ayant les mêmes dons. Aucune mention d'aucune grâce accordée en particulier à saint Pierre, ou reçue par lui à un plus haut degré.

Versets 5 et suiv.- Étonnement des juifs. Discours de Pierre. Il proclame la résurrection de Jésus-Christ. Les Juifs disent à Pierre et aux autres apôtres: « Hommes frères, que ferons-nous ? »


204. Verset 38. Pierre leur répondit: Convertissez-vous...

Nous avons dit (note 2) comment les versions catholiques changent ce dernier mot. Rappelons-nous que le sens exact du mot grec est se repentir, Se convertir, ou, plus exactement encore, se repentir et se convertir.
Ne permettez donc pas qu'en traduisant par « Faire pénitence» on insinue l'idée du sacrement romain, comme si saint Pierre eût ici institué la Confession ou rappelé un sacrement existant. Vous n'avez vu et ne verrez rien de semblable. « Convertissez-vous, dit saint Pierre, et que chacun de vous soit baptisé, pour obtenir la rémission de ses péchés.» Aucune mention d'un pouvoir exercé là par les apôtres, d'une rémission venant d'eux ou prononcée par eux. Voir note 196 B.

Versets 41 et suiv. - Trois mille personnes reçoivent le baptême.


205. Verset 42. Ils persévéraient tous dans la doctrine des apôtres, dans la communion fraternelle, dans la fraction du pain et dans les prières.

C'est Pierre qui a parlé aux Juifs; mais on dirait que l'historien a craint les conséquences qu'on pourrait vouloir tirer de là, car il ajoute aussitôt que les convertis persévéraient dans la doctrine «des apôtres, » et c'est déjà « aux apôtres, » en même temps qu'à Pierre, qu'il nous a montré les Juifs disant : « Frères, que ferons-nous ? »

Reste le fait que c'est Pierre qui a parlé, et ce fait, en soi, ne prouve rien. En quelle qualité a-t-il parlé? Voilà la question, la seule. Relisez le discours, et voyez s'il renferme rien qui n'eût pu être dit par un quelconque des apôtres. Pierre a parlé parce qu'il est plus hardi, plus ardent, comme le prouvent tous les traits de son histoire ; il parlera encore, par la même raison, plus d'une fois, et nous le verrons exerçant cette primauté d'influence, de zèle, que personne n'a jamais niée. Mais il s'agit de tout autre chose ; il s'agit de le montrer exerçant une autorité proprement dite, régulière, hiérarchique, et voilà de quoi nous affirmons qu'il n'existe aucune trace.


206. Même verset.

Ce mot «Fraction du pain» va revenir plusieurs fois, et vous retrouvez déjà l'idée an verset 46 : « Ils rompaient le pain dans les maisons. » Admettrez-vous que l'historien pût croire à la transsubstantiation, et appeler la Cène du simple nom de «Fraction du pain? » Ce même verset 46 nous montre aussi ce que nous verrons partout, l'Eucharistie dans un repas, comme au jour de l'institution. Admettrez-vous que ce pût être la Messe?


207. Verset 47. Et le Seigneur ajoutait tous les jours à l'Église ceux qui étaient sauvés.

La Vulgate met ici : « Ceux qui devaient être sauvés (qui salvi fierent); » traduction favorable à l'idée romaine du salut dans l'Église , par l'Église, ce qui veut toujours dire dans l'Église romaine et par l'Église romaine.

L'Église, la société chrétienne, s'augmentait tous les jours de gens devenant chrétiens, et, comme tels, entrant dans la voie du salut. Voilà le sens du verset grec.

Ils devenaient donc membres de l'Église, parce que la foi chrétienne, la foi qui sauve, devenait la leur ; le fait de devenir membres de l'Église est indiqué comme une conséquence, nullement comme une cause. Ils sont de l'Église parce qu'ils sont chrétiens; ils ne sont pas chrétiens parce qu'ils sont de l'Église. L'Église désigne ici l'ensemble de ceux qui sont sauvés, l'ensemble, par conséquent, des vrais chrétiens. Le mot Église, dans le Nouveau Testament, a toujours ce sens-là, à moins qu'il ne désigne une Église particulière, locale, ou bien encore l'ensemble des Églises locales, la totalité des gens appelés chrétiens; jamais vous ne trouverez ce mot avec le sens d'unité visible universelle, de corps unique organisé, ayant quelque part son centre, et, au-dessus de tous ses membres, un chef humain.
Rappelons-nous bien cette remarque; nous en aurons plusieurs fois besoin.


CHAPITRE III

Pierre guérit un boiteux.


208. Verset 7. Et l'ayant pris par la main droite , il le fit lever, et aussitôt les plantes et les chevilles de ses pieds s'affermirent.

On a souvent cité ce miracle comme une preuve de la suprématie de saint Pierre , car, a-t-on dit, ce fut le premier miracle qui se fit après la mort de Jésus-Christ.

Quand ce serait le premier, la preuve ne vaudrait rien. Rien , en effet , dans tout le récit , n'indique que ce miracle ait en lieu en vertu d'un pouvoir ou d'un droit spécial ; il est même plutôt donné comme l'oeuvre commune de Pierre et de Jean. C'est Pierre et Jean (verset 11) que le boiteux guéri tient par la main, et qu'il présente au peuple; c'est Pierre et Jean (versets 12 et IV, 9) que Pierre lui-même représente comme ayant agi en commun dans la guérison du boiteux.

Mais pourquoi discuter? Le point de départ est faux. Ce miracle est le premier raconté fut-il le premier opéré? Non, car il a été dit précédemment (II, 43) que « tous les esprits étaient dans la crainte, vu qu'il se faisait, par les apôtres, beaucoup de miracles et de prodiges.»

Versets 12 et suiv. - Discours de Pierre aux Juifs. ils ont fait mourir le saint et le juste, mais Dieu l'a ressuscité.


209. Verset 21. Il faut que le ciel le reçoive, jusqu'au temps du rétablissement de toutes choses...

Confirmation de ce que nous avons dit (note 100) sur Jésus résidant au ciel. Jamais les écrivains sacrés n'ajoutent qu'il en descende pour être présent dans la Cène; jamais ils ne mentionnent cette présence locale, réelle, que l'Église romaine a enseignée.


CHAPITRE IV

Pierre et Jean devant le Sanhédrin. Discours de Pierre. Témoignage qu'il rend à Jésus-Christ.


210. Verset 11. C'est là cette pierre qui a été rejetée par vous qui bâtissiez, et qui est devenue la pierre angulaire.

L'image de la pierre revient deux fois dans la bouche de saint Pierre, ici et dans sa première épître (II, 4-8) ; les deux fois, c'est à Jésus-Christ qu'il l'applique. Aucune allusion à lui-même; aucun indice qu'il se crût aussi désigné par cette image.


211. Verset 12. Et il n'y a point de salut en aucun autre.

On a souvent mis «par aucun autre. » Le grec « en aucun autre » a quelque chose de plus positif encore; il semble indiquer mieux, non seulement qu'on ne peut pas être sauvé, pleinement sauvé, par un autre que Jésus-Christ, mais qu'on ne peut pas même l'être à moitié, l'être en partie, et que le salut est en lui, en lui seul.

Au reste, ce n'est pas une question où il soit nécessaire de presser le sens des mots ; les déclarations qui s'y rapportent sont surabondamment fortes et nettes. Le salut en Jésus, en Jésus seul, revient partout; aucune place à côté de Jésus, dans cette oeuvre, pour qui que ce soit. Les litanies de la Vierge font d'elle la porte du ciel; saint Pierre vous déclare qu' « Il n'y a point de salut en aucun autre » que Jésus-Christ. Choisissez.

Versets 13 et suiv. - On défend à Pierre et à Jean d'enseigner au nom de Jésus; ils déclarent vouloir continuer. Les apôtres prient en commun, et sont remplis d'une force nouvelle. Union des fidèles. Leur piété leur bienfaisance.


CHAPITRE V

Ananias et Saphira. Leur mensonge. Leur châtiment. Les apôtres font de nombreux miracles.


212. Verset 15. Tellement qu'on apportait les malades dans les rues, et qu'on les y mettait sur des lits et des couchettes, afin que, Pierre venant à passer, son ombre au moins couvrît quelqu'un d'entre eux.

Pierre venant à passer. Pourquoi plutôt Pierre que les autres? Parce que la mort effrayante d'Ananias et de Saphira a vivement attiré l'attention sur lui; parce que c'est lui qu'on a vu paraître dans des occasions importantes; peut-être aussi parce qu'il a opéré des guérisons plus frappantes ou plus nombreuses. L'historien se tait sur ce dernier point; mais il vient de redire (verset 12) que « les apôtres faisaient beaucoup de miracles, » de sorte que, même en supposant que saint Pierre en eût fait plus que les autres, vous n'avez encore aucune preuve qu'il y eût là, chez lui, un pouvoir exceptionnel, supérieur. Enfin, tout ce que l'Évangéliste attribue ici à saint Pierre, vous le verrez plus loin (XIX, 11-12) attribué à saint Paul.

Versets 17 et suiv. - Les apôtres en prison. Leur délivrance. On les amène au Sanhédrin. Le souverain sacrificateur leur rappelle qu'il leur a été défendu d'enseigner au nom de Jésus.


213. Verset 29. Pierre et les autres apôtres répondirent....

Pierre et les autres apôtres. C'est comme pour les miracles : l'historien semble avoir voulu prendre toutes ses précautions pour que saint Pierre, quoique plus en vue, ne fût pas regardé comme en dehors et au-dessus des autres. Repassez ces divers récits, et, partout où saint Pierre a un moment été seul en ayant, ses collègues, aussitôt après; sont remis sur le même rang que lui.

Remarquez encore que, dans le récit de ces deux comparutions devant le Sanhédrin, la première avec saint Jean, la seconde avec tous ses collègues, rien n'indique que saint Pierre fût spécialement mis en accusation, ce qui serait évidemment arrivé pour peu qu'on eût vu en lui le chef de la nouvelle secte. C'est lui qui répond, mais ce n'est pas lui, individuellement, qu'on interroge ; ce n'est pas non plus personnellement à lui qu'on signifie la défense, ni qu'on reproche ensuite de l'avoir violée. Bref, pas un mot qui s'adresse à lui comme au chef. Vous allez voir bientôt un chrétien individuellement accusé, individuellement condamné, et ce ne sera pas Pierre, mais Étienne.


214. Même verset. Il faut obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes.

Grande et sainte maxime, mais dont on a fort abusé. Obéir à Dieu n'a été souvent qu'un prétexte pour désobéir aux lois humaines, pour usurper, au nom de Dieu, tous les droits. L'Église romaine s'est fait gloire d'exalter ce sentiment chez ses prêtres; l'histoire peut dire ce qu'ils y ont mêlé d'ambition, d'orgueil et de despotisme.

Versets 33 et suiv. - Colère des Juifs. Conseil de Gamaliel. Nouvelle défense faite aux apôtres. Ils prêchent avec encore plus de zèle.

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CHAPITRE VI

On sent le besoin d'une nouvelle classe de ministres.



215. Versets 2-6. C'est pourquoi les douze, ayant convoqué tous les disciples, leur dirent: Il n'est pas convenable que nous laissions la prédication de la Parole, pour servir aux tables. Choisissez donc, Frères, sept hommes d'entre vous.... afin que nous les établissions dans cet emploi. Et pour nous, nous nous consacrerons entièrement à la prière et an ministère de la Parole. Ce discours plut à toute l'assemblée, et ils élurent Étienne, homme plein de foi et du Saint-Esprit, Philippe, Prochore.... Et ils les présentèrent aux apôtres, qui, après avoir prié, leur imposèrent les mains.

Confirmation, par ce récit, de toutes nos remarques sur les récits précédents.
Voici, en effet, la seconde affaire qui pouvait appeler l'exercice d'une autorité proprement dite. Dans la première, celle du remplacement de Judas, vous avez vu (note 202) saint Pierre faire une proposition, rien de plus; dans celle-ci, Pierre n'est pas même nommé. Ce sont « les douze » qui convoquent l'assemblée et lui proposent la résolution à prendre ; c'est l'assemblée qui élit les sept diacres; ce sont « les apôtres » qui leur imposent les mains.

Direz-vous que cela n'exclut pas saint Pierre? Comme un des douze, non ; comme chef de l'Église, oui. Ne lui attribuer, dans une occasion semblable, rien de ce qui se dit ni rien de ce qui se fait, ce serait, de la part de l'historien, une ineptie dont il n'est pas permis de le supposer capable. Il s'agissait, remarquez-le bien, non d'une élection seulement, mais d'une institution, la première depuis que les apôtres n'avaient plus Jésus avec eux; l'institution des diacres fut le premier commencement d'organisations dans l'Église. Et voilà où saint Luc aurait omis de mentionner l'intervention du chef, même de le nommer ! Voilà où il aurait raconté comme faites par « les douze», par l'assemblée entière, ces choses que le plus simple bon sens lui commandait d'attribuer à saint Pierre ! Et que parlons-nous de bon sens? C'est encore trop.

Un historien n'a pas besoin de bon sens pour dire ce qui est. En faut-il, quand le pape a fait une chose, pour dire qu'il l'a faite? Ainsi, point d'échappatoire possible : le jour de l'institution des diacres, Pierre n'était pas le chef de l'Église.


216. Un autre fait ressort de ce récit : la participation des laïques à l'administration de l'Église. Les apôtres imposent les mains aux diacres, mais c'est l'assemblée qui les a élus.
C'est l'assemblée aussi qui a voté l'institution des diacres, proposée par les apôtres : « Ce discours plut à toute l'assemblée,» est-il dit. Il est souvent difficile, en pratique, de déterminer dans quelles limites les laïques devront intervenir; mais, en les excluant totalement, l'Église romaine s'est évidemment écartée de la tradition apostolique.


217. Notons, sur ce récit encore, que la prédication est représentée par les apôtres comme la principale et presque l'unique fonction du ministère évangélique; ils veulent, disent-ils, pouvoir se consacrer entièrement à la prière « et au ministère de la Parole.» Nous retrouverons souvent cette idée, si évidemment contraire à celle d'un ministère sacerdotal et cérémoniel.

Versets 8 et suiv. - Zèle et succès d'Étienne, un des diacres. On l'accuse de blasphème, et on le conduit au Sanhédrin. ,


CHAPITRE VII

Discours d'Etienne. Résumé de l'histoire des Juifs, d'Abraham à Salomon. Salomon bâtit le temple.


218. Versets 48 et 49. Mais le Très-haut n'habite point dans des temples faits par la main des hommes.... Quelle maison me bâtiriez-vous, dit le Seigneur, ou quel serait le lieu de mon séjour?

Étienne veut passer de l'histoire du judaïsme à celle du christianisme. Parmi toutes les idées qui pouvaient lui servir de transition, il prend celle de la spiritualité du nouveau culte. «Salomon a bâti le temple; mais Salomon lui-même, dans la prière de dédicace (1 Rois VIII, 27), a dit que Dieu n'habite point dans des temples faits de main d'homme. Ce que Salomon a dit, l'Évangile vient le réaliser.» Voilà la marche du raisonnement d'Etienne.

Si donc, directement ou indirectement, une Église ramène l'ancien culte; si elle a des sanctuaires où Dieu soit supposé habiter plus que dans d'autres, et où plus de grâces soient promises; si les cérémonies et les magnificences se multiplient dans ses temples comme dans celui de Salomon,- cette Église a mis de côté ce qu'Étienne indiquait comme le caractère essentiel, non seulement du culte chrétien, mais du christianisme. Au reste, avant l'autorité d'Étienne, nous avons eu celle de Jésus-Christ.- Voir aux notes 97, 154, 155.

Versets 51 et suiv. - Étienne reproche aux Juifs leur incrédulité présente, suite de leur incrédulité passée.


219. Verset 52. Quel est le prophète que vos pères n'aient pas persécuté? Ils ont tué ceux qui leur annonçaient l'avènement du juste, que vous avez livré et dont vous avez été les meurtriers.

Nous avons vu (note 68) combien tout reproche de ce genre, adressé à la nation juive, est embarrassant pour l'Église romaine. Quand nous lui accorderions le bénéfice de toutes les promesses faites à l'Église en général, ce ne serait encore, en fait, rien de semblable à l'infaillibilité dont elle se dit en possession. L'Église juive n'avait pas une moins divine origine, n'était pas l'héritière de moins belles promesses. Si elle a erré, Rome peut errer; si elle a repoussé le Christ, Rome peut l'avoir défiguré.

Versets 54 et suiv. - Colère des Juifs; mort d'Étienne.

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