Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

ACTES DES APÔTRES

CHAPITRE VIII.


220. Verset 2. Des hommes pieux ensevelirent Étienne, et menèrent grand deuil sur lui.

Même remarque à faire que sur les funérailles de Jean-Baptiste (note 39). Point d'hommages autres que ceux qui sont dus à tout homme qu'on regrette et qu'on vénère; aucune trace d'invocations adressées à ce premier et glorieux martyr; aucune mention, en particulier, de rien qui ressemble au culte des reliques. Et comment les premiers chrétiens auraient-ils eu l'idée de ce culte? Auraient-ils pu ne pas voir que ce serait se mettre au-dessous des Juifs? Jamais les Juifs, en effet, malgré toute leur vénération pour les saints hommes de leur histoire, n'étaient descendus, envers eux, à ce culte grossier; jamais ils ne leur avaient rendu, pas plus à leur mémoire qu'à leurs restes, aucun hommage qui pût s'appeler un culte; jamais ils ne les avaient invoqués, pas plus Moïse, le plus grand de tous, qu'aucun autre. Et les chrétiens se seraient mis à invoquer des morts de la veille ! Et ce que le judaïsme avait proscrit comme une atteinte à l'unité de Dieu, à sa souveraineté, à sa gloire, le christianisme l'aurait fait! Et ce culte, enfin, des reliques, inconnu sous le cérémonialisme mosaïque, l'Évangile l'aurait inauguré !

Versets 3 et suiv. - Persécution. Violences de Saul .Prédication et miracles de Philippe dans la Samarie.


221 . Verset 14. Les apôtres qui étaient à Jérusalem, ayant appris que les habitants de la Samarie avaient reçu la Parole de Dieu, leur envoyèrent Pierre et Jean.

Diriez-vous jamais que des soldats envoyèrent leur général, que des évêques envoyèrent le pape? Nommeriez-vous ainsi côte à côte, à plusieurs reprises, deux hommes que vous croiriez si profondément inégaux? Arriveriez-vous au terme d'un récit long, détaillé, sans que cette inégalité eut apparu par un seul détail, par un seul mot? Voilà pourtant ce que fait ici saint Luc. Pierre et Jean, envoyés ensemble, prient ensemble (verset 15) pour les convertis de Samarie; ensemble encore (verset 17) ils leur imposent les mains. C'est à Pierre et à Jean (verset 18) que Simon offre de l'argent pour acheter le droit de communiquer le Saint-Esprit, et, si c'est Pierre qui lui répond, Pierre ne dit rien que Jean n'eût pu dire ; c'est encore Pierre et Jean (verset 25) qui retournent à Jérusalem, après avoir, dit l'historien, rendu témoignage au Seigneur, et prêché encore sur la route. Toujours les deux, toujours ensemble, toujours, dans toutes les phrases, leurs deux noms avec le même verbe... Et on voudrait que l'auteur du récit ait vu en l'un des deux le chef de l'Église, le pape !

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222. Verset 20. Mais Pierre lui dit: Que ton argent périsse avec toi, puisque tu as cru que le don de Dieu s'acquérait avec de l'argent!

A. Que penserez-vous donc de cette Église où tout ce qui est réputé «don de Dieu,» indulgences, dispenses, grâces de toute espèce, se vend et s'achète ouvertement? Quand il serait prouvé que ce trafic est fort différent aujourd'hui de ce qu'on l'a vu jadis, le principe n'en serait pas moins condamnable. L'Église romaine n'a appelé simonie, du nom de ce malheureux Simon, que la vente et l'achat des dignités ecclésiastiques, autre scandale qui a subsisté dans son sein durant des siècles, et dont une foule de papes se sont rendus coupables ; mais l'origine même de ce mot nous donne le droit de l'appliquer à toute intervention de l'argent dans les choses spirituelles, à toute vente et à tout achat d'une grâce ou du pouvoir de conférer une grâce. Quand, par exemple, un confesseur achète à Rome le droit d'absoudre certains péchés réservés, c'est-à-dire de remettre en état de grâce ceux qui les auront commis, n'est-ce pas, au fond, Simon demandant à pouvoir donner le Saint-Esprit? Pierre refusa; son successeur ne refuse jamais.

B. Et ce n'est pas seulement l'absolution, la grâce, qui est en vente à ce grand marché de Rome ; le titre même et les privilèges de saint s'y achètent comme autre chose, à cela près que ce n'est pas le saint lui-même qui paie. Aucune religion n'a rien offert de comparable à ces bizarres procès de canonisation, si longs, si chers surtout; le sénat romain faisait des dieux, mais avec bien plus de dignité. L'affaire peut durer dix ans, vingt ans, un demi-siècle, un siècle, et, à chaque pas qu'elle fait, nouveaux débours ; les difficultés se multiplient en proportion des sacrifices que vous paraissez disposé à faire pour en venir à bout.

Un saint obscur pour qui personne ne paierait , le pape le canonisera vite et gratis, parfois même sans formalité aucune, comme c'est le cas, par exemple, des martyrs vrais ou supposés dont on exhume les ossements à Rome; mais celui dont la canonisation sera sollicitée par quelque opulent diocèse, la plus éclatante sainteté ne le sauvera pas des longs délais, des frais énormes. Rien de plus curieux que cette marche interminable vers un résultat prévu, certain, et qu'il ne s'agit, tous le savent, que de payer suffisamment. Mais comme il faut que les délais paraissent avoir un but, que l'argent paraisse employé à quelque chose, il y aura des gens pour écrire de longs mémoires, d'autres pour les examiner, d'autres pour prononcer de longs plaidoyers devant le pape, lui démontrant ce que tout le monde sait qu'il est décidé à trouver vrai, lui demandant solennellement ce que tout le monde sait qu'il est décidé à accorder. Accordera-t-il? Pas encore, car voici d'autres gens dont le métier est d'élever des doutes, de demander des informations nouvelles. Ne faut-il pas que la sainteté du futur saint soit à l'abri de tout soupçon ? Encore des sommes à envoyer; encore des quêtes à faire dans la ville ou dans le pays qui a entamé la chose, qui s'en repent peut-être, mais qui ne voudra pas perdre le fruit des sacrifices déjà faits. Enfin, la solution arrive; l'échelle d'or s'est trouvée assez longue, et le saint a pu monter sur l'autel.

Exagérons - nous ? Inventons - nous ? - Tout ce que nous venons de dire, c'est l'histoire, toute récente, de la canonisation de Benoît Labre.

Versets 26 et suiv.- Philippe en route pour Gaza. Un Juif éthiopien est occupé, dans son chariot, à lire Esaïe. Philippe lui demande s'il comprend ce qu'il lit.


223. Verset 31. Il répondit: Comment le pourrais-je, si quelqu'un ne me guide?

On s'est emparé de ces mots pour prouver l'obscurité de la Bible, l'impossibilité de la comprendre sans un guide, la nécessité que ce guide soit infaillible comme elle, et, en définitive, le remplacement de la Bible par ce guide, dispensateur suprême de la foi.

Quand les trois premiers points seraient exacts, le dernier serait encore faux, car il est contredit par le récit même qu'on invoque. Ce récit vous montre en action le droit que nous avons dit être celui de tous les Juifs. Que l'Éthiopien comprenne ou non , toujours est-il qu'il possède la Bible, qu'il la lit, et que, en la lisant , il fait ce que faisaient, par l'ordre de Dieu, tous les Juifs. Dieu avait-il pensé que tous les Juifs, dans ce livre, comprendraient tout ? Non; et cependant tous devaient lire.
Donc, dans le Nouveau Testament, quand tous les chrétiens ne devraient pas tout comprendre, aucune raison pour conclure que le livre lui-même doive leur être ôté.

Mais tous les détails du récit pourraient également être invoqués contre les conséquences qu'on en tire, conséquences, d'ailleurs, qui se réfutent par leur exagération même. Un juif n'a pas compris une prophétie d'Esaïe ; donc les chrétiens doivent renoncer à comprendre par eux-mêmes et l'Ancien Testament, et le Nouveau. Un juif a demandé quelqu'un pour lui expliquer cette prophétie ; donc les chrétiens, qu'ils demandent ou ne demandent pas, seront tenus de recevoir les enseignements de Rome.- Que pensez-vous de ce raisonnement?

On joue sur ce mot quelqu'un ; on l'entend comme s'il signifiait nécessairement quelqu'un, un homme, une autorité en chair et en os. Mais qui vous dit que ce juif entendît par là renoncer à chercher la lumière dans un livre, si un livre plus clair arrivait en sa possession? Qui vous dit que ce livre n'eut pas pu lui ouvrir les yeux, faire ce que fit le diacre, l'amener à dire : «Je crois que Jésus-Christ est le fils de Dieu ! » Supposons qu'il eut existé, ce livre, comme il exista peu après; supposons que le diacre eût pu le lui donner, comme font aujourd'hui les colporteurs des Sociétés Bibliques,- et je vous défie d'oser dire qu'il ne le lui eut pas mis entre les mains.
Mais en voilà assez, même trop. Restons-en à cet argument étrange : « Un juif a demandé qu'on lui expliquât Esaïe ; donc les chrétiens ne liront pas le Nouveau Testament.» Voilà les raisons qu'on est réduit à donner.


224. Relevons encore, à cette occasion, un fait curieux: c'est que l'Église romaine, tout en se donnant pour l'interprète infaillible et nécessaire de l'Écriture Sainte, n'en a cependant jamais publié une interprétation proprement dite. Le nombre des passages dont elle a officiellement fixé le sens est très petit. Elle s'est bornée, en général, à déterminer le dogme, laissant à ses docteurs de l'étayer comme ils voudraient, comme ils pourraient, par des déclarations de l'Écriture. Nous avons vu (note 160) que le concile de Trente a refusé de décider si le sixième chapitre de saint Jean se rapporte ou non à l'Eucharistie; quand donc le cardinal Wiseman déclare voir dans ce chapitre le fondement de la transsubstantiation, il ne donne et ne peut donner que son opinion personnelle : aucun catholique au monde ne sait, de science certaine, si ce fameux chapitre enseigne ou non la présence réelle. Outre les passages nombreux laissés ainsi à l'interprétation individuelle des docteurs, il en est beaucoup d'autres dont l'autorité romaine n'a jamais déterminé que le sens général, laissant encore aux théologiens l'interprétation des détails, bien que les détails, en certains cas, soient de la plus haute importance ; elle enseignera, par exemple, que certaines déclarations du Nouveau Testament établissent l'autorité de l'Église, certaines autres l'autorité du pape, mais elle n'a jamais déterminé exactement ce que les premières donnent à l'Église, ce que les autres donnent au pape, et aucun catholique au monde ne sait, d'une certitude de foi, le vrai sens de ces déclarations.

L'Église romaine a encore moins interprété l'Ancien Testament que le Nouveau, et jamais, en particulier, elle n'a aventuré son infaillibilité dans le champ des prophéties ; autre raison pour que nous trouvions étrange l'argument qu'elle a prétendu tirer de l'histoire ci-dessus. Pour prouver l'obscurité de la Bible, on parle de l'obscurité des prophéties; on en conclut qu'il faut un interprète, que cet interprète est l'Église romaine,- et il se trouve que l'Église romaine n'a jamais interprété les prophéties.

Versets 32 et suiv. - Philippe annonce Jésus-Christ à l'Éthiopien. Celui-ci demande à être baptisé.


225. Verset 37. Philippe lui répondit: Si tu crois de tout ton coeur, cela t'est permis. Et répondant, il dit: Je crois que Jésus-Christ est le fils de Dieu.

Philippe ne lui dira pas, comme certains catéchismes, que ce n'est pas assez d'être chrétien, et qu'il faut encore, de toute nécessité, appartenir à une certaine Église , héritière unique des promesses(*); quand il le verra croire en Jésus-Christ, il ne lui imposera pas de croire en un vicaire de Jésus-Christ. Même remarque à faire sur toutes les conversions racontées dans les Actes et les Épîtres : aucune mention, dans ces récits, d'un engagement envers un chef visible de l'Église.

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(*) Demande. - Suffit-il, pour être sauvé, d'être chrétien Réponse. - Non; il faut encore être catholique. (Catéchisme catholique a Genève)
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226. L'histoire d'Étienne et de Philippe, racontée dans ces trois chapitres, fournirait encore, dans son ensemble, une observation importante.
Étienne et Philippe ont été élus diacres, et c'est comme diacres qu'ils ont reçu (VI, 6) l'imposition des mains; et cependant, immédiatement après, vous les retrouvez prédicateurs, tellement qu'Étienne meurt martyr, et que Philippe devient l'apôtre des Samaritains.

Concluez donc qu'il n'y avait encore, en fait d'organisation et de fonctions, rien de bien défini ; qu'on ne peut raisonnablement, par conséquent, faire remonter à cette époque une organisation strictement hiérarchique et régulière. Cette organisation vous apparaîtra-t-elle mieux plus tard, dans les dernières années de la période apostolique dont vous avez ici l'histoire? Non ; les quelques détails plus réguliers que vous saisirez çà et là vous laisserons encore bien loin de ce qui a été réglé dans les périodes suivantes.

Est-ce à dire que tout ce qui ne s'est pas fait sous les apôtres soit nécessairement mauvais et à rejeter? Non ; l'accroissement de l'Église exigea et légitima des règles dont elle avait pu se passer d'abord. Ce que nous demandons, c'est qu'on ne prétende pas attribuer une origine apostolique, un droit divin, à ce qui n'a été que l'oeuvre des hommes. Ainsi, même ce que nous voyons de bon, de sage, dans les institutions des siècles postérieurs, nous ne devons encore l'approuver que comme venant des hommes, non comme revêtu d'une légitimité divine, et nous restons libres, alors, de rejeter tout ce qui nous paraît mauvais.

Veillons bien, en particulier, dans tous ces sujets, sur l'emploi des mots. Ainsi, par exemple, quand l'Église romaine nous cite l'institution des diacres comme base de celle des sept ordres, des sept degrés de la prêtrise, dont le diaconat est un argument ne repose, en réalité, sur rien, car le diaconat apostolique n'avait point été institué (voir ch. VI) comme un degré menant au ministère, mais comme un ministère à part. Souvent, sans doute, il put se faire qu'on prit les pasteurs parmi les diacres; mais c'était affaire de choix, de convenance, non de hiérarchie. Entre le diacre apostolique, chargé de distribuer les aumônes, et le diacre romain, homme arrivé au sixième ordre et près de recevoir le septième, la prêtrise,- il n'y a réellement de commun que le nom.


CHAPITRE IX

Saul sur le chemin de Damas. Sa conversion. Ananias, appelé de Dieu à se rendre auprès de Saut, objecte que c'est le plus ardent ennemi des chrétiens.


227. Verset 15. Mais le Seigneur lui dit: Va, car il est un vase d'élection pour porter mon nom devant les gentils, devant les rois et devant les enfants d'Israël.

C'est donc de Dieu même que saint Paul reçoit cette qualité d'apôtre des gentils que nous lui verrons prendre constamment dans ses Épîtres ; mais nous verrons aussi combien ce nom, justifié pleinement par son histoire, est en opposition avec le rôle qu'on est forcé de donner à saint Pierre pour faire de lui le premier pape.

Versets 20 et suiv. - Saul prêche à Damas. Il est obligé de fuir. A Jérusalem, le& fidèles se défient de lui.


228. Versets 27 et 28. Alors Barnabas le prit, et l'amena aux apôtres. .. Ainsi, il allait et venait avec eux dans Jérusalem.

Encore un fait où l'intervention du chef de l'Église n'aurait pas pu ne pas être mentionnée. Est-ce aux apôtres que l'historien nous dirait qu'on amena saint Paul? Pourrait-il, du moins, s'en tenir là, et ne pas nommer saint Pierre? L'importance même du rôle que va jouer saint Paul était une raison de plus pour que saint Pierre figurât dans le récit de son admission parmi les prédicateurs de l'Evangile.- Voir note 356.

Versets 31 et suiv. - Les Églises de Judée sont en paix.



229. Verset 32. Il arriva que Pierre, les parcourant toutes, vint aussi vers les saints qui habitaient Lydde.

On vous dira que voilà une tournée papale. Non seulement aucun détail ne l'indique, mais saint Pierre ne fait ici que ce que vous verrez faire à saint Paul dans de bien plus grandes proportions.- Voir note 349.


230. Même verset.

Remarquez ce nom de saints appliqué à tous les fidèles, à tous ceux qui font profession d'être sanctifiés en Jésus-Christ. Ce mot va revenir bien des fois, toujours dans ce sens, et, quand il s'agira des morts, dans le sens d'élus, d'élus glorifiés. Les saints, tels que les entend l'Église romaine, sont inconnus dans l'Écriture. Ils n'y sont pas inconnus seulement dans leur prétendu rôle de protecteurs et de médiateurs; leur existence même comme élus privilégiés, exceptionnels, espèce d'aristocratie groupée autour du trône de Dieu,vous n'en rencontrerez aucune mention, aucune trace. Ceux qui nous sont représentés entourant Dieu dans le ciel, ce sont tous les élus, tous les fidèles arrivés au bonheur éternel.

Si la notion romaine est sans fondement dans l'Écriture, que dirons-nous des développements qu'elle a reçus?
Nous ne répéterons pas ce que nous avons dit (222 B) sur les canonisations, le rôle que l'argent y joue, les singularités qui s'y entassent, etc. Assez d'autres remarques sont à faire.

Arbitraire complet, d'abord, dans le choix des personnages qui recevront ce nom de saints. On ne canonise que ceux sur lesquels l'attention publique s'est plus ou moins fixée, et on sait bien que de très grands saints, dans le bon sens du mot, ont vécu et sont morts dans l'ombre ; en voilà donc qui ne seront jamais, sur la terre, appelés saints, jamais honorés d'aucun culte, bien qu'ils soient évidemment, devant Dieu, égaux ou supérieurs aux autres. Canonisera-t-on, au moins, tous ceux que leurs vertus, connues du monde, ont désignés comme canonisables? Nullement. Comme on veut que la canonisation reste une faveur, un pur effet du bon plaisir de l'Église, on prendra encore les uns et on laissera les autres. Tel donc sera canonisé aujourd'hui, tel dans vingt ans, tel dans cent ans, tel jamais,- et on ne songe pourtant pas à nier qu'ils ne soient déjà tous dans le ciel.

Arbitraire, ensuite, non moins complet et non moins singulier, dans la somme des hommages dont chaque saint sera l'objet. Cette somme, en effet, ne se détermine aucunement d'après l'éclat de leur vie ou le degré de leur sainteté ; on peut remarquer même que les saints les plus honorés, les plus fameux patrons de royaumes ou de villes, sont des saints peu connus dans l'histoire de l'Église, souvent même inconnus ou totalement apocryphes. Un même saint sera ignoré dans un pays, fameux dans un autre, où il sera vénéré moins comme un simple patron que comme un Dieu. Chaque pays, chaque ville, chaque famille, chaque individu est libre de supposer au saint de son choix autant de grandeur que bon lui semble, et de le diviniser en proportion du besoin qu'il en a.

Et tout cela quand l'Écriture n'autorise pas même à affirmer qu'il existe au ciel un seul saint, dans le sens romain de ce mot!

Versets 33 et suiv. - Pierre guérit un paralytique à Lydde, et ressuscite Dorcas à Joppe.


CHAPITRE X

Corneille, divinement averti, envoie chercher Pierre. Vision de Pierre.


231. Verset 15. Et la voix, lui parlant pour la seconde fois, lui dit: Ce que Dieu a purifié, ne le regarde pas comme souillé.

Dieu révèle à saint Pierre que les païens vont être appelés, comme les Juifs, à entrer dans l'Église. Est-ce à dire que cette révélation se lie, comme on l'a prétendu, à la dignité de saint Pierre, chef, nous dit-on, de cette Église universelle où les païens vont entrer? Non; car nous avons vu Ananias, longtemps avant (IX, 15), recevoir la même révélation, et la recevoir pour saint Paul. Si Pierre, en fait, est appelé le premier à introduire un païen dans l'Église, Paul a été désigné le premier comme l'apôtre des païens. La suite du récit, enfin, nous montre que Pierre avait besoin de cette révélation, ayant peu et mal compris, jusque-là, l'universalité du christianisme. Rien donc n'autorise à prétendre que cet enseignement à lui donné, suppose en lui le chef de l'Église.


232. Versets 25 et 26. Et comme Pierre entrait, Corneille alla au-devant de lui, et, se jetant à ses pieds, l'adora. Mais Pierre, le relevant, lui dit: Lève-toi; je ne suis qu'un homme non plus que toi.

Il y a à Rome une statue de saint Pierre dont on a tellement baisé le pied, qu'il en est tout usé. Que, dirait saint Pierre à la vue de cette statue?

Il y a à Rome un homme qui se dit le successeur de saint Pierre, et dont on baise le pied comme celui de la statue. Que dirait saint Pierre à la vue de cet homme?

Une erreur peut être grande, une pratique peut être mauvaise, très mauvaise, et cependant s'expliquer, se comprendre ; mais que les papes en soient venus à se mettre en opposition si flagrante avec celui qu'ils prétendaient reproduire en leur personne,- c'est certainement une des choses les moins compréhensibles qui se soient vues dans ce monde, et les historiens auront un jour besoin de bonnes preuves pour ne pas être accusés d'invraisemblance quand ils peindront la papauté.

Versets 36 et suiv. - Pierre expose à Corneille la doctrine du salut par Jésus-Christ.


233. Verset 45. Tous les prophètes rendent de lui ce témoignage, que quiconque croira en, lui recevra, par son nom, la rémission de ses péchés.

Tous les prophètes, en effet, quand ils annoncent le Christ, représentent la rémission des péchés comme liée à la foi en lui, en lui seul, et, dans le Nouveau Testament, quand le moment arrive de reproduire cette idée en vue d'une application présente, ni le Sauveur lui-même, ni les apôtres, après lui, n'y changent rien, n'y ajoutent rien : le pardon est dans la foi en Jésus. Nulle mention de qui que ce soit d'autre, ni de saints dont les mérites se soient ajoutés aux siens, ni de prêtres par qui la grâce doive nécessairement passer, ni de moments et de lieux où le pardon soit spécialement offert et à meilleur marché.

Entre le pécheur et Jésus, un seul lien, un seul canal : la foi. Le ministre de l'Évangile n'est pas ce lien, n'est pas ce canal : sa tâche est de l'établir dans les âmes en leur prêchant d'appartenir à Christ, d'attendre tout de Christ. - Voilà ce qui ressort et des prophéties messianiques, et des enseignements de Jésus-Christ, et de ceux des apôtres.


CHAPITRE XI

Les fidèles de Jérusalem s'étonnent que des païens aient été baptisés.



234. Versets 2-4. Et lorsque Pierre fut de retour à Jérusalem, les fidèles circoncis disputaient contre lui, disant: Tu es allé chez les incirconcis et tu as mangé avec eux. Mais Pierre commença à leur raconter... etc. Versets 17 et 18. Puis donc que Dieu leur a donné le même don qu'à nous, qui avons cru au Seigneur Jésus-Christ, qui étais-je, moi, pour m'opposer à Dieu ? Ayant entendu ces choses, ils s'apaisèrent.

Ce récit en dit plus que tout ce que nous avons pu dire à l'occasion de quelques-uns des récits précédents,
Pierre est accusé pas un mot, dans la bouche de ses accusateurs, qui permette de supposer qu'on vît en lui le chef de l'Église. Pierre se justifie; pas un mot, dans sa bouche, qui indique ou rappelle cette prétendue dignité. Pas un mot, enfin, dans la bouche de l'historien lui-même, qui ne soit ou étranger ou contraire à cette supposition.

Les chrétiens de Jérusalem, dit-il, disputaient contre Pierre; ayant entendu ses explications, ils s'apaisèrent. De quelque apôtre qu'il fut question, ces mots risqueraient plutôt de paraître trop peu respectueux; et on veut que saint Luc les aient employés en parlant du chef de l'Église, du vicaire de Jésus-Christ !

Versets 19 et suiv.- L'évangile est prêché au loin par les fidèles que la persécution a chassés de Jérusalem.


235. Verset 21. Et la main du Seigneur était avec eux, de sorte qu'un grand nombre de gens crurent, et se convertirent au Seigneur.

Ces exilés de Jérusalem avaient-ils mission officielle pour prêcher l'Évangile?- Non. Ils prêchent pourtant, et Dieu bénit leurs travaux.
C'est donc à tort que l'Église romaine regarde une mission officielle, hiérarchique, comme indispensable à quiconque veut travailler dans le champ du Seigneur. La qualité même de chrétien donne le droit de prêcher le christianisme, ou, pour mieux dire, en impose le devoir. Que ce droit soit réglé, dans chaque Église, par certaines lois, rien de mieux, et nous l'avons déjà dit; que ce devoir, qui est celui de tous, soit particulièrement celui de certains hommes, c'est encore ce que nous voyons établi, en thèse générale, dès les premiers temps de l'Église.

Mais qu'une Église ait le droit d'imposer silence à quiconque n'a pas reçu officiellement d'elle la mission de parler, c'est ce que l'histoire apostolique et le simple bon sens ne permettent pas de soutenir. On demande souvent, par exemple, qui avait donné aux Réformateurs, il y a trois siècles, la charge de réformer l'Église. « Ils n'avaient pas mission pour cela, disent les docteurs romains; ils ont nécessairement erré. » Fausse logique et pure échappatoire. La vérité ou l'erreur soutenue est absolument indépendante du caractère officiel. On peut, avec une mission officielle, enseigner l'erreur ; on peut, sans mission officielle, se trouver le représentant et l'apôtre de la vérité. Ne vous arrêtez pas à ces chicanes de forme ; allez au fond. Ceux qui vous parlent contre les croyances romaines ont-ils raison ou tort? Ont-ils pour eux, oui ou non, l'Écriture Sainte et l'histoire? Voilà la question, toute la question.

Versets 22 et suiv. - Saul et Barnabas à Antioche. Les fidèles de cette ville décident d'envoyer des aumônes à leurs frères de Judée.


236. Verset 30. Ce qu'ils firent en effet, les envoyant aux Anciens (de Jérusalem) par les mains de Barnabas et de Saul.

Aux Anciens. C'est la première fois que nous rencontrons ce nom appliqué aux chefs d'une Église ; on le donnait, depuis longtemps, aux chefs des synagogues. Le mot grec, Presbyteros, Presbyter en latin, est celui dont on a fait successivement Prebstre, Prestre, et enfin Prêtre. Le prêtre, par conséquent , ne peut légitimement être que ce que fut d'abord l'Ancien.

Nous recueillerons donc avec grand soin tous les traits relatifs à cette dernière charge. Nous examinerons si les Anciens, dans l'Église primitive, étaient jamais appelés l'Église, s'ils formaient une caste, et si, en particulier, le célibat leur était imposé nous chercherons surtout s'ils étaient prêtres, dans le sens postérieur de ce mot, c'est-à-dire sacrificateurs, et s'ils formaient un sacerdoce.

Sur ce dernier point, le nom même nous dit déjà le contraire. Les Anciens, chefs des synagogues, n'étaient pas sacrificateurs, n'appartenaient pas au sacerdoce.

Si les chefs des Églises avaient été considérés comme des sacrificateurs, auraient-ils hérité, du nom donné, dans le pays, à des hommes qui ne l'étaient pas? Le mot Hiereus, celui qui veut dire sacrificateur, prêtre (dans le sens romain), revient environ cent quarante fois dans le Nouveau Testament, et, cent quarante fois, c'est quand il est question de prêtres hébreux ou païens. Jamais ce mot n'est dit des chefs de l'Église chrétienne, des ministres de l'Évangile; jamais leur charge n'est désignée par le mot grec qui signifierait sacrificature, sacerdoce. Voir 288 et 460.
Préparez-vous donc à conclure qu'il n'y a, dans le Nouveau Testament, ni prêtres ni prêtrise dans le sens romain de ces mots.


CHAPITRE XII

Nouvelle persécution. Mort de Jacques, frère de Jean. Délivrance miraculeuse de saint Pierre. Colère d'Hérode. Sa mort.


CHAPITRE XIII

Première mission de Saut et de Barnabas. Le proconsul Sergius Paulus. Saul nommé Paul. Paul à Antioche de Pisidie. Il montre que toutes les prophéties relatives au Messie ont eu leur accomplissement en Jésus-Christ.


237. Versets 38 et 39. Sachez donc, Frères, que la rémission des péchés par lui vous est annoncée, et que tout homme qui croit est justifié, en lui, de tout ce dont vous n'avez pu être justifiés par la loi de Moïse.

Voilà ce que saint Paul développera dans toutes ses épîtres - Salut en Jésus, en Jésus seul; condition unique du salut, la foi en Jésus; différence totale entre cette loi et l'ancienne, la loi des oeuvres, des formes.
Autant de fois nous retrouverons cela, autant de fois il nous faudra condamner toute Église qui ne voit pas le salut en Jésus seul, qui y met d'autres conditions que la foi, qui conduit les fidèles a se le figurer attaché à des pratiques, à des cérémonies, à des oeuvres.

Versets 43 et suiv. - Paul convertit un certain nombre de Juifs. Beaucoup résistent, et Paul déclare vouloir se tourner vers les païens. Joie de ceux-ci. Conversions. Paul et Barnabas se rendent à Icone.


CHAPITRE XIV

Conversions. Guérison d'un boiteux à Lystre. On prend Paul et Barnabas pour des dieux, et on veut leur offrir un sacrifices


238. Versets 14 et 15. Mais les apôtres Barnabas et Paul, ayant appris cela , déchirèrent leurs vêtements et se jetèrent au milieu de la foule, en s'écriant: Hommes, pourquoi faites-vous cela? Nous ne sommes que des hommes, soumis aux mêmes infirmités que vous.

Encore deux apôtres refusant, non seulement les sacrifices qu'on veut leur offrir comme à des dieux, mais toute espèce de culte, puisqu'ils déclarent n'être que des hommes, que des pécheurs.
Essayez de vous figurer ces mêmes hommes trouvant bon que leurs images s'élèvent sur des autels; essayez de vous les représenter approuvant qu'on offre devant eux, en manière de sacrifice, le corps de leur divin Maître.

Les théologiens romains prétendront bien vous expliquer comme quoi une messe en l'honneur d'un saint n'est pas précisément une messe en son honneur; mais le sentiment des fidèles n'en est pas moins celui que ce mot exprime , et le sentiment des fidèles est le résultat naturel, inévitable, de ce qu'ils voient faire. Tant qu'on dira des messes au pied de la statue d'un saint, tant que ces messes s'encadreront dans les prières qu'on lui adresse et dans les fêtes qu'on lui consacre,la messe, quoi que vous disiez, sera, en fait, un hommage à ce saint, un sacrifice à lui offert.

Versets 19 et suiv. - Émeute contre les deux apôtres. Ils prêchent dans plusieurs villes, établissent des Anciens (note 256) dans chaque Église, et retournent à Antioche. Ils racontent ce que Dieu a fait par leur ministère, et comment il a « ouvert aux gentils ( notes 227 et 251) la porte de la foi. »


CHAPITRE XV

Les païens devenus chrétiens sont-ils soumis à la loi de Moïse? Paul et Barnabas, à Antioche, s'élèvent contre cette idée. lis sont envoyés à Jérusalem pour consulter les apôtres et les Anciens.



239. Versets 6-23. Les apôtres donc et les Anciens s'assemblèrent pour examiner cette affaire, et, après qu'on eut beaucoup discuté, Pierre se leva et dit...
Alors toute l'assemblée se tut , et ils écoutaient Barnabas et Paul racontant....
Quand ils eurent fini, Jacques prit la parole, et dit : Mes Frères, écoutez-moi. Simon vous a raconté.... C'est pourquoi j'estime qu'il ne faut point inquiéter ceux qui...
Alors les apôtres et les Anciens, avec toute l'Église, décidèrent de choisir quelques-uns d'entre eux pour les envoyer à Antioche... Écrivant par eux en ces termes: Les apôtres, les Anciens et les frères , à nos frères d'entre les gentils qui sont à Antioche...

Encore un récit plein d'arguments contre la suprématie de saint Pierre.
Une discussion s'élève. Est-ce à lui qu'on la soumet? Non. Est-ce lui qui convoque on qui préside l'assemblée? Non. Est-ce lui qui parle le premier? Non, car il ne prend la parole qu'après qu'on a «beaucoup discuté. » Est-ce lui qui parle le dernier, et résume la discussion ? Non. Son discours renfermera-t-il quelque chose qui sente l'autorité? Non ; le discours de Jacques est même notablement plus positif, plus décidé. Jacques nommera-t-il saint Pierre avec un respect particulier? Non ; il serait impossible de le nommer plus simplement et plus familièrement. L'opinion de saint Pierre est-elle celle qu'on adopte? Non, car on ne l'adopte que modifiée par saint Jacques, et modifiée gravement. Est-ce Pierre, enfin, qui va écrire aux fidèles d'Antioche? Non. Est-ce en son nom que la lettre sera écrite? Non. Est-ce lui qui choisit les hommes chargés de la porter? Non. Et voilà en qui on prétend montrer un pape !


240. Ajoutez maintenant que, d'ici à la fin des Actes, Pierre ne reparaît plus et n'est plus même nommé. Paul ne va pas seulement être au premier rang; il occupera seul toute la place. Pas un mot et pas un détail indiquant ou supposant l'existence d'un chef auquel il se rattache. Dans le récit de la fondation de tant d'Églises, dans celui des visites de saint Paul à tant d'Églises déjà fondées, pas un mot non plus ni un détail qui indique ou suppose la pensée de les rattacher à un centre, à un chef visible.


241. Mais le récit que nous étudions est loin de n'être intéressant qu'en ce qui concerne saint Pierre.
L'Église romaine a coutume d'appeler cette assemblée le Concile de Jérusalem. Ne faisons pas d'objections sur ce nom; demandons seulement qu'on en tire les conséquences.

A. Demandons, d'abord, sur quoi on se fondera pour vouloir que le clergé soit l'Église, que les laïques n'aient rien à voir dans les affaires de l'Église. Le concile de Jérusalem est une assemblée générale des fidèles et des pasteurs. (Versets 12, 22 et 23.)

B. Demandons, ensuite, sur quoi on se fondera pour soutenir que les évêques seuls doivent représenter le clergé dans les conciles. Le concile de Jérusalem admet les simples Anciens, c'est-à-dire, si nous parlons comme l'Église romaine, les simples prêtres. (Versets 6, 22 et 23.)

Dira-t-on que ce qui était alors sans inconvénients a pu en avoir plus tard ? Ce n'est pas la question. Nous constatons seulement que les règles postérieures ne sauraient être considérées comme apostoliques, comme règles de droit divin, puisque voici, sous la présidence des apôtres, un concile où il n'y eut rien de semblable.


242. Verset 28. Il a paru bon au Saint-Esprit et à nous...

Ainsi parle, dans sa lettre, l'assemblée de Jérusalem.
Si on vous dit que voilà l'infaillibilité du pape, répondez que ce mot nous ne désigne point saint Pierre, mais « les apôtres, les anciens et les frères, » c'est-à-dire toute l'assemblée (verset 23).
Si on vous dit que voilà l'infaillibilité des conciles, répondez que les conciles sont composés d'hommes faillibles, tandis qu'il y en avait là douze par qui le Saint-Esprit garantissait l'autorité de la décision commune.

Dira-t-on qu'une chose au moins résulte de ce récit, la nécessité d'un tribunal qui tranche les questions?
Nécessité ne prouve rien; il y a bien d'autres choses, dans ce monde, qu'on pourrait aussi juger nécessaires, et que Dieu n'a pas faites. Quoi de plus nécessaire, par exemple, avant la venue de Jésus-Christ, qu'un tribunal qui eût reçu de Dieu le don de reconnaître infailliblement le Messie? N'était-ce pas, semble-t-il, le complément indispensable de l'ancienne révélation ? Dieu en a jugé autrement. Ainsi, dans le christianisme, la question n'est pas de savoir si un tribunal de ce genre est nécessaire, mais s'il existe, si Dieu l'a établi, si l'histoire des premiers temps de l'Église nous le montre établi ou en voie de s'établir. Il ne suffit pas pour cela que nous le rencontrions une fois en exercice; il faudrait qu'on nous le montrât considéré par les apôtres comme chose établie, comme institution permanente. Où en est-il parlé après ce chapitre-ci? Où est-il dit que, en cas de discussions, une assemblée réglera les choses, et les réglera infailliblement? Les occasions, pourtant, ne manquèrent pas; cette même querelle entre la loi et la grâce continua sous bien des formes, et saint Paul y revient dans presque toutes ses épîtres.

Où parle-t-il de faire trancher par un concile, soit les querelles présentes, soit les querelles qu'il prévoit?. L'assemblée de Jérusalem a donc bien pu donner l'idée des conciles, idée, en soi, fort naturelle ; mais que l'autorité de cette assemblée ait dû se retrouver dans les conciles postérieurs, c'est ce que rien n'établit. Ils ont pu enseigner quelquefois la vérité ils ont pu enseigner l'erreur. Aucun privilège exceptionnel ne leur avait été promis, et beaucoup de ces assemblées ne l'ont que trop prouvé, non seulement parleurs doctrines, mais par les embarras et les scandales dont elles ont offert le spectacle. Ce fameux concile de Trente dont les décrets sont aujourd'hui l'Évangile de Rome, on se serait fait moquer de soi, dans les derniers temps de sa tenue, si on avait eu l'air de croire que le Saint-Esprit fut pour rien dans ce qui en sortait.


243. Verset 11. Mais nous croyons que c'est par la grâce du Seigneur Jésus-Christ que nous sommes sauvés, et eux aussi (les païens convertis. )

Saint Pierre, comme saint Paul (note 237), prêche le salut par grâce ; comme saint Paul, il établit une différence radicale, sur ce point, entre l'ancienne loi et la nouvelle; comme saint Paul, par conséquent, il condamne tout ce qui tendra, directement ou indirectement, à transporter dans le christianisme l'esprit de l'ancienne loi, la notion du salut par les oeuvres, par les pratiques, par la pureté légale.

Versets 36 et suiv. - Paul se sépare de Barnabas, et commence , avec Silas, une nouvelle visite des Églises.


CHAPITRE XVI

Rencontre de Paul et de Timothée.


244. Verset 4. Et comme ils allaient de ville en ville, ils transmettaient, pour qu'on les observât, les décisions prises par les apôtres et les Anciens de Jérusalem.

Les occasions ne nous manqueront pas de signaler l'absence de toute mention d'un pouvoir appartenant à Pierre, ou se concentrant en lui. Ne profitons que des principales.
En voici une. Saint Paul traverse plusieurs provinces, confirmant les Églises, nous dit l'historien, c'est-à-dire achevant de les constituer. Où verrez-vous qu'il dise ni fasse rien pour qu'elles se considèrent comme unies sous un chef commun et suprême? Ces décisions qu'il leur communique à toutes au sujet d'une discussion qui les a troublées toutes, c'est au nom «des apôtres et des Anciens de Jérusalem » que saint Luc les dit apportées. Aucune trace d'un pouvoir monarchique, ni déjà constitué, ni en voie de se constituer.

Versets 6 et suiv.- Divers voyages de Paul. Paul et Silas en prison à Philippes. Conversion du geôlier. Crois au Seigneur Jésus-Christ, et tu seras sauvé (note 225). Paul et Silas sont mis en liberté.


CHAPITRE XVII

Paul à Thessalonique, où les Juifs avaient une synagogue


245. Versets 2 et 5. Paul y entra, selon sa coutume, et, pendant trois jours de sabbat, les entretint d'après les Écritures, leur découvrant et leur montrant qu'il avait fallu que le Christ souffrît...

Quiconque vous parlera de religion, de christianisme, demandez-lui de faire comme saint Paul, et de vous entretenir « d'après les Écritures. » Ce qu'un apôtre a fait, on refuserait de le faire? Ce qui lui a paru une méthode bonne et sage, on voudrait vous persuader que c'est une méthode dangereuse?

Dangereuse, en effet, très dangereuse, mais pour l'Église romaine, et c'est pour cela qu'elle n'en veut pas. - Voir la note suivante.

Versets 4 et suiv. - Conversions. Paul et Silas, chassés de Thessalonique, prêchent aux Juifs de Bérée,


246. Verset 11 . Ceux-ci, ayant l'âme plus élevée que ceux de Thessalonique, reçurent la Parole avec beaucoup d'empressement, examinant tous les jours les Écritures pour voir si les choses étaient bien comme on les leur disait.

Ainsi, non seulement saint Paul enseigne « d'après les Écritures,» mais il approuve qu'on y cherche la confirmation de ses paroles ; les Béréens, pour l'avoir fait avec empressement, sont qualifiés d'âmes élevées. Admettrez-vous que ce même saint Paul trouvât mauvais de vous en voir faire autant? Admettrez-vous que ce qui lui a paru louable avec l'Ancien Testament lui parût blâmable avec le Nouveau ? Admettrez-vous qu'il ne vous approuvât pas de recourir à ses propres écrits, pour voir s'ils contiennent bien ce qu'on vous enseigne en son nom?

Cette histoire des Béréens a toujours beaucoup embarrassé les défenseurs du système romain, et ce chapitre est sûrement un de ceux qu'ils désirent le moins voir entre les mains de tout le monde.

Versets 16 et suiv. - Paul à Athènes. Il s'indigne de voir cette ville pleine d'idoles. On le mène à l'Aréopage. Son discours.


247. Versets 22 et 25. Athéniens, il me semble qu'en toutes choses vous êtes dévots jusqu'à l'excès, car, en parcourant votre ville et en examinant les objets de votre culte , j'ai trouvé même un autel sur lequel il est écrit: Au Dieu inconnu.

A. Saint Paul, revenant au monde et se promenant dans Rome, ferait-il des observations bien différentes? S'apercevrait-il facilement que la religion qu'on y professe n'est plus celle d'Athènes?

Il verrait d'autres dieux, d'autres déesses, mais en tout aussi grand nombre, et il pourrait aisément croire que ce sont les divinités de jadis, représentées un peu différemment.

Il verrait, en particulier, une femme tout aussi souvent représentée, tout aussi magnifiquement honorée que l'était Minerve à Athènes.

Comme à Athènes, il verrait porter par les rues, en grande pompe, soit la statue de cette femme, soit celles de beaucoup d'autres divinités.

Comme à Athènes, il verrait, devant ces simulacres, l'encens fumer, les gens se prosterner, et une foule de cérémonies s'accomplir.

Comme à Athènes, il verrait quelques-unes de ces images jouir d'une popularité sans bornes, et posséder, au dire de la foule, des vertus merveilleuses.

Comme à Athènes, il verrait des prêtres de tout rang favoriser et consacrer ce grossier fétichisme de la foule.

B. Quant au Dieu inconnu, il n'en trouverait pas un, mais mille, mais dix mille. Que sont ces innombrables saints qu'on tire des catacombes, qu'on suppose avoir été des martyrs, et dont, le plus souvent, on ne sait rien, pas même le nom? Le pape leur donne un nom quelconque , et tel de ces saints inconnus est aujourd'hui plus honoré, soit à Rome, soit ailleurs, que beaucoup de saints historiques. Ceux-ci, on ose moins leur attribuer des merveilles ; ceux-là , on leur attribue ce qu'on veut, et c'est ainsi que nous avons vu sainte Philomène, par exemple, arriver en quelques années, dans plusieurs pays, à la première place après Marie.


248. Verset 24. Dieu... n'habite point dans des temples faits de main d'homme.

Ce que vous avez entendu dire à Étienne (note 218) en présence du temple de Jérusalem, saint Paul le répète en présence des temples d'Athènes, et, à Athènes comme à Jérusalem, le premier caractère assigné au culte chrétien, la grande et fondamentale différence indiquée entre ce culte et tout autre, c'est sa spiritualité.

Habitués à de magnifiques temples, les païens reprochèrent souvent au nouveau culte la nudité de ses lieux d'assemblée. Que répondent les Pères? S'excusent-ils sur la pauvreté des chrétiens, sur les persécutions? Disent-ils qu'il en sera autrement une fois? Non. Ils acceptent le reproche comme un hommage rendu à la spiritualité, à la divinité du christianisme; ils ne comprennent pas qu'on pût, sans le dégrader, en faire une religion parlant aux sens.



249. Verset 29. Étant donc la race de Dieu, nous ne devons pas croire que la divinité soit semblable à de l'or, à de l'argent ou à de la pierre, travaillés par l'art et par l'imagination de l'homme.

A. On voit que saint Paul se souvient du deuxième commandement , celui qui défend les images et le culte des images, celui qu'on a retranché dans les catéchismes romains, coupant ensuite le dixième en deux afin que le nombre se retrouve. Le voici, ce commandement, tel qu'on le lit au livre de l'Exode, chap. XX.

Tu ne te feras point d'image taillée, ni aucune ressemblance des choses qui sont en haut dans les cieux, ni plus bas sur la terre, ni plus bas encore dans les eaux; tu ne te prosterneras point devant elles et ne les serviras point, car je suis l'Éternel ton Dieu, le Dieu fort, le Dieu jaloux... ,

La défense est donc absolue ; aucun culte à aucune image. On a essayé de répondre que cette loi défendait seulement d'honorer les images elles-mêmes, de les considérer comme étant elles-mêmes et par elles-mêmes des dieux. Erreur. La première partie de la loi défend positivement d'en faire aucune ; la seconde partie de la loi défend donc nécessairement tout culte à elles rendu. C'est, d'ailleurs, ce que disent clairement les termes mêmes. Relisez-les, et demandez-vous, en conscience, s'il y a place entre ces mots pour un culte quelconque. Les Juifs, à qui ce commandement fut donné, l'ont toujours et partout interprété dans le sens d'une interdiction complète. Ce que condamnait l'ancienne loi, si éloignée de la spiritualité chrétienne, vous laisserez-vous persuader que le christianisme l'approuve, l'ordonne?

B. Et quand cette loi ne défendrait, comme on le prétend, que d'honorer les images elles-mêmes, leur attribuant une vertu, une divinité propres, - il ne serait encore que trop facile de montrer combien de fois, en fait, c'est ce qui a lieu.

Trouverez-vous, dans les pays catholiques, beaucoup de gens à qui il soit indifférent d'adresser leurs prières à telle ou à telle madone, à telle ou à telle image du même saint? Si .l'Église romaine n'a jamais dit officiellement que certaines images eussent plus de vertu que d'autres, jamais non plus elle n'a eu que des encouragements pour les dévotions spéciales qui enracinaient cette idée chez les peuples.

Une statue que vous laissez considérer comme le palladium d'une ville ou d'un pays, et que vous entourez, en conséquence, des plus magnifiques hommages, - comment ne serait-elle pas, aux yeux du peuple , tout autre chose qu'une autre statue représentant pourtant le même saint, la même sainte? Et comme il est impossible de rendre les mêmes honneurs à toutes les images de cette sainte , de ce saint, il sera toujours impossible que les fidèles n'attribuent pas à quelqu'une, ou à quelques-unes, une vertu supérieure et divine.

Voilà ce que devient infailliblement, en fait, le culte des images : s'il ne les déifie pas toutes , il y en a toujours qu'il déifie par le seul fait de les honorer plus que d'autres.

Quand nous le disons, on crie à la calomnie; quand on s'oublie un moment, on le dit mieux que nous ne pourrions le dire; témoin un mot du pape actuel, qu'ont rapporté nombre de journaux catholiques. Il avait, dans son oratoire, une statue de la Vierge, et il annonça l'intention d'en faire cadeau à une église. On lui demanda de la bénir. « Je l'ai bénie tant de fois, dit-il, et elle m'a béni tant de fois! » -Une statue a béni le pape, et c'est le pape qui l'affirme.


CHAPITRE XVIII

Paul à Corinthe. Paul devant le proconsul. Il visite Éphèse, Jérusalem, Antioche et d'autres villes. Apollos à Éphèse. Comme saint Paul, c'est « par les Écritures » qu'il prouve la vérité de ses enseignements (note 245).


CHAPITRE XIX

Retour de Paul à Éphèse. Conversions. Guérisons miraculeuses.


250. Verset 12. Tellement qu'on posait sur les malades jusqu'aux mouchoirs et aux linges qui avaient touché le corps de Paul, et ils étaient guéris de leurs maladies, et les malins esprits sortaient.

Ce serait une bien longue et bien ridicule histoire que celle des superstitions qui se sont autorisées de ce trait. On a voulu que ce qui avait eu lieu à une époque exceptionnelle, miraculeuse, se renouvelât indéfiniment dans l'Église; que les reliques de n'importe quel saint eussent à tout jamais la vertu ici attribuée aux linges qu'avait touchés saint Paul. De là ces miracles innombrables qui n'ont servi qu'à faire des superstitieux d'abord et des incrédules ensuite ; de là, ces innombrables fraudes qui ont accompagné le commerce des reliques; de là, enfin, même indépendamment des grands abus, un résultat inévitable - l'oubli de la présence et de la puissance de Dieu.

De quelque habileté qu'on fasse preuve pour expliquer, au besoin, comme quoi on ne prétend pas attribuer aux saints eux-mêmes, à leurs reliques, les effets miraculeux qu'on raconte ou qu'on attend, l'esprit des fidèles, en fait, ira toujours au plus court: c'est aux saints et à la vertu de leurs reliques qu'on attribuera, sans hésiter, tous les effets produits ou attendus.

Le culte des reliques n'aura donc servi, en réalité, qu'à rendre le culte des saints plus grossier, plus matériel, car ce ne sera plus même à eux et à leurs reliques, mais à leurs reliques seules, que les gens attribueront le pouvoir qu'ils invoquent. Est-ce un tableau imaginaire que celui que nous traçons là? - Demandez à qui a vu de près les populations vraiment catholiques.


251 . Verset 18. Beaucoup de ceux qui avaient cru venaient confesser et déclarer leurs actions.

Ce mot confesser a fait dire qu'il y avait là la Confession. Relisez le tout, et vous verrez bien qu'elle n'y est en aucune manière.
Ces gens viennent confesser leurs péchés. A qui? A tout le monde et devant tout le monde, car le mot grec veut dire confesser publiquement, et le mot qui suit veut dire aussi déclarer publiquement. Ces gens, en second lieu, ne viennent point ensuite d'une obligation qui leur ait été imposée; le récit indique, au contraire, un élan spontané de la piété d'un certain nombre. Est-il question, enfin, ou de pénitences imposées, ou d'absolutions données? Nullement.

Mais ne vous en tenez pas à conclure que la Confession sacramentelle n'est pas ici, dans ce trait ; rappelez-vous que vous ne l'avez encore vue dans aucun des traits qui précèdent, et soyez assuré que vous ne la trouverez pas davantage dans les traits qui vont suivre, ni dans les Épîtres non plus.

Versets 21 et suiv. - Paul forme le projet d'aller à Rome (voir note 258). Émeute à Éphèse, excitée par les gens qui fabriquaient de petits modèles du temple de Diane. Harangue de Démétrius.


252. Verset 27. Et il n'est pas seulement à craindre que notre métier ne soit décrié, mais encore que le temple de la grande Diane ne tombe dans le mépris.

Démétrius, quoique ayant intérêt à soutenir le culte de Diane, pouvait être sincère dans sa piété envers elle; mais il est cependant toujours fâcheux que l'empire d'une religion se lie à des intérêts matériels, à des métiers.
Or, l'exploitation matérielle est tout aussi développée dans l'Église romaine qu'elle le fuit jamais chez les païens de la Grèce et de Rome. Si la peinture catholique a produit des chefs-d'oeuvre, elle n'en est pas moins, dans son ensemble, une vaste fabrication, un immense métier. Dites-en autant de la sculpture : Chefs-d'oeuvre çà et là, mais fabrication immense, images par millions. Et que d'autres métiers de toute espèce abrités dans tous les coins et recoins de l'édifice catholique! Que de faiseurs et que de vendeurs de toutes choses! Que d'industries mourant de faim le jour où le catholicisme tomberait! Rome sans le catholicisme serait bien autrement ruinée qu'Éphèse ne craignait de l'être si sa grande Diane tombait sous les coups de saint Paul.

Est-ce là ce que semblait annoncer cette religion qui se vantait de différer si profondément du paganisme, d'être esprit tandis que le paganisme était matière, d'élever l'homme au-dessus de tous les grossiers besoins que le paganisme avait satisfaits? Mais le christianisme est resté ce qu'il était. Toutes ses promesses d'alors, il les a tenues, il les tient. Seulement, ce n'est pas à Rome.


CHAPITRE XX

Paul en Macédoine et en Grèce. Assemblée , à Troas, pour « rompre le pain » (note 206). Résurrection d'un jeune homme. l'au! à Milet. Il ne veut pas repasser à Éphèse.


253. Verset 17. Mais , de Milet, il envoya à Éphèse pour faire venir les Anciens de l'Église.

Exhortation que Paul leur adresse.

Verset 28. Prenez donc garde à vous-mêmes, et à tout le troupeau sur lequel le Saint-Esprit vous a établis évêques, pour paître l'Église de Dieu.

A quels hommes saint Paul donne-t-il ici le nom d'évêques ? A ceux qui ont été appelés, au verset 17, les Anciens de l'Église d'Éphèse.
De là un fait que nous verrons ressortir de partout, et que confirme toute l'antiquité chrétienne : c'est qu'Évêque et Ancien, ou, si on veut, Évêque et Prêtre (note 236), désignaient un seul et même homme. Évêque veut dire surveillant, inspecteur; l'Ancien surveillait, inspectait l'Église. Le premier mot n'indique que la charge ; le second indique l'homme, toujours choisi, en vue de cette charge, parmi les plus âgés, ou, du moins, les plus respectables.

Toutes ces idées mystiques qu'on a professées plus tard sur le caractère épiscopal, sur le droit divin de l'évêque à conférer seul la prêtrise,- non seulement vous ne les trouverez pas dans l'Écriture, mais elles tombent devant cet incontestable fait que les deux noms désignaient le même homme , fait reconnu longtemps encore après l'établissement de l'épiscopat, comme le prouve un passage fameux d'un Père du cinquième siècle , Jérôme.

Jérôme admet pleinement l'identité primitive de l'évêque et de l'Ancien ; il ne voit dans la différence établie qu'un résultat des circonstances, et si les prêtres, dit-il, « savent qu'ils sont soumis, en vertu de la coutume, à celui que l'Église met au-dessus d'eux, les évêques, de leur côté, doivent se souvenir que c'est plutôt la coutume qu'un ordre réel du Seigneur qui les a faits supérieurs aux prêtres. » Les évêques romains s'en sont généralement peu souvenus; mais le concile de Trente n'a pas osé décréter le contraire , de sorte qu'il n'est pas positivement interdit, dans l'Église romaine, de considérer l'épiscopat comme une charge instituée par l'Église , non par Jésus-Christ ou les apôtres. Mais cette manière de l'entendre, seule vraie, est en complet désaccord avec la manière dont cette même charge est généralement définie et exercée. Plus la base divine fait défaut, plus, dans la pratique, on parle, on agit, on commande comme si elle était certaine, inattaquable.

L'épiscopat, considéré comme institution de l'Église, a pu être conservé dans quelques Églises protestantes; l'épiscopat de droit divin n'est qu'une usurpation. Vous trouverez, dans beaucoup de livres catholiques, une falsification audacieuse d'un des versets ci-dessus, falsification dont le germe est déjà dans la Vulgate , car le grec dit « paître l'Église de Dieu,» et la Vulgate met « gouverner l'Église de Dieu. » Prenant donc une portion seulement de la phrase, les quatre mots « Episcopos posuit regere Ecclesiam, » on traduit : « Il (le Saint-Esprit) a établi les évêques pour gouverner l'Église. » Double jeu de mots, par conséquent, d'abord parce que les évêques, dans ce verset, sont les Anciens, les prêtres du verset 17 , puis parce qu'il s'agit là, tout simplement , de rappeler à ces évêques d'Éphèse que Dieu les a faits évêques d'Éphèse, absolument comme vous diriez à n'importe quel curé, en lui rappelant ses devoirs, que c'est Dieu qui l'a mis à la tête de sa paroisse. Voilà les petites ruses que l'épiscopat romain est forcé d'appeler à son secours.


254. Versets 29-52. Car je sais qu'après mon départ il viendra parmi vous des loups ravissants, qui n'épargneront point le troupeau, et que, même d'entre vous, il s'élèvera des gens enseignant des doctrines pernicieuses, pour entraîner les disciples après eux. C'est pourquoi, veillez, vous souvenant que, durant trois ans, je n'ai cessé, nuit et jour, d'avertir chacun de vous avec larmes. Et maintenant, Frères, je vous recommande à Dieu et à la Parole de sa grâce, à Dieu qui peut achever l'édifice, et vous donner l'héritage avec tous les sanctifiés.

Tout semble calculé, dans ce récit et dans ce discours, pour que vous remarquiez bien l'absence de toute mention d'un centre visible d'unité, de vérité.
Paul va partir. Il sait, dit-il, que des loups ravissants viendront, que de graves erreurs s'enseigneront. Que va-t-il ajouter? Qu'ajouterait nécessairement un catholique? Comprendriez-vous qu'il ne parlât pas, ici, de l'Église une et infaillible? Qu'il ne rappelât pas aux Éphésiens ce chef, ce centre , vers lequel ils auraient à tenir leurs yeux fixés? - Rien, absolument rien de semblable. « Veillez,» leur dit saint Paul; voilà tout. Il les recommande « à Dieu et de la Parole de sa grâce,» et, plus tard, écrivant de Rome à ces mêmes Éphésiens, il ne leur parlera pas davantage (voir notes 374 à 376) de rien qui ressemble à l'autorité et à l'unité romaines.


255. Il les recommande « à Dieu et à la Parole de sa grâce, » à cette Parole que, dit-il, il leur a prêchée trois ans. Elle n'est pas encore écrite, cette Parole ; le Nouveau Testament n'existe pas , au moins dans son ensemble. Mais, s'il existait, s'il était entre les mains des Éphésiens, quel sens aurait nécessairement, pour eux, ce voeu de l'apôtre? Pourraient-ils ne pas en conclure qu'ils doivent lire, relire, étudier ce livre, s'y attacher invinciblement? Ne trouveraient-ils pas tout naturel qu'un livre, qui ne change pas, leur fût donné comme le meilleur juge possible des nouveautés dangereuses qui seront prêchées chez eux?

Ce qui n'existait pas encore pour les Éphésiens , c'est ce qui existe pour nous. La recommandation prend donc pour nous le sens qu'elle aurait eu pour eux. Ils auraient lu le livre; lisons-le. Ils l'auraient pris pour juge de toutes les erreurs prêchées ; jugeons , par lui, tout ce qui n'y est pas conforme. Ils auraient veillé, mais à sa lumière; veillons, nous qui le possédons, à sa lumière.


256. Verset 24. Ma vie ne m'est point précieuse, pourvu que j'achève avec joie ma course et le ministère que j'ai reçu du Seigneur Jésus.

Complément de ce que nous avons dit (note 236) sur la nature des noms donnés , dans le Nouveau Testament, aux prédicateurs de l'Évangile, apôtres ou simples pasteurs, et à leurs fonctions dans l'Église. Jamais, vous vous le rappelez, ils ne sont nommés sacrificateurs ; jamais leur charge n'est dite une sacrificature, un sacerdoce.

Quels mots seront donc employés?
Ministre et Ministère. Ministre veut dire serviteur, serviteur qui travaille; c'est l'ouvrier dans le champ du maître. Ministère ne dit absolument rien de plus ; c'est la charge du Ministre. Ce mot de Ministre, que l'Église romaine est parvenue à rendre odieux ou ridicule dans l'esprit de populations ignorantes, c'est celui qu'emploie saint Paul en parlant d'un Timothée, d'un Tite, de tous ses compagnons d'oeuvre, de lui-même, et , cela, comme vous le verrez plus loin, dans les endroits mêmes où il relève le plus magnifiquement la grandeur et la beauté de la charge. d'Ambassadeur de Jésus-Christ. Là, comme ailleurs, totale absence de l'idée sacerdotale. Voir encore note 288.


257. Verset 33. Je n'ai désiré ni l'argent, ni l'or, ni les vêtements de personne.

Paul a donc obéi aux ordres que nous avons vu donner par Jésus-Christ (notes 16 et 25), et, comme Jésus-Christ, il condamne d'avance les richesses énormes que l'Église allait acquérir.


CHAPITRE XXI

Paul à Rhodes, à Tyr, à Césarée, à Jérusalem. Les Anciens (note 236) s'assemblent chez Jacques, et Paul leur raconte ce que Dieu a fait par lui. Paul dans le temple. Soulèvement. Il demande à parler au peuple.


CHAPITRE XXII

Discours de Paul. Son zèle de jadis contre les chrétiens. Sa conversion. Sa vocation comme apôtre des gentils (note 227). Fureur des Juifs.


CHAPITRE XXIII

Paul devant le Sanhédrin. Il est enfermé dans la forteresse.


258. Verset 11. La nuit suivante, le Seigneur lui apparut et lui dit: Paul, aie bon courage, car, de même que tu m'as rendu témoignage à Jérusalem, il faut aussi que tu me rendes témoignage à Rome.

L'Église romaine voudrait bien que saint Pierre fût ici à la place de saint Paul, et que cet appel miraculeux vînt autoriser la grande fable du séjour de saint Pierre à Rome. Non seulement cette base manque, mais nous allons voir commencer la longue série de faits qui démolit cette fable pièce à pièce. Tout ce que l'Église romaine aurait besoin de voir faire par saint Pierre , nous le verrons faire, à partir d'ici, par saint Paul.

La question de la suprématie de saint Pierre entre donc ici dans une nouvelle phase. Nous avons prouvé surabondamment que cette suprématie n'existait pas; les fait prouveront maintenant que, dit-elle existé, Rome et l'évêque de Rome n'ont aucun titre à en recueillir l'héritage.

Versets 12 et suiv. - Des Juifs font voeu de tuer saint Paul. On l'envoie à Césarée.


CHAPITRE XXIV

Paul accusé devant Félix. Frayeur de Félix en l'entendant parler du jugement à venir. Deux ans se passent.


CHAPITRE XXV

Paul accusé devant le nouveau gouverneur, Festus. Il en appelle à l'empereur. Festus le présente au roi Agrippa.


CHAPITRE XXVI

Paul devant Agrippa. Il raconte sa conversion. Agrippa se dit presque tenté de devenir chrétien.


CHAPITRE XXVII

Départ pour Rome. Sidon, l'île de Crète. Tempête. Le vaisseau échoue. Tous abordent.


CHAPITRE XXVIII

Malte. Paul mordu par une vipère. Il guérit le père de Publius. Syracuse. Rhége. Pouzzoles. Rome.


259. Du verset 15 à la fin du chapitre.

Nous voici à Rome avec saint Paul. Saint Pierre y était-il? Non , car il n'y a pas ici un mot sur lui, et vous n'irez pas croire que saint Luc, après l'avoir tant nommé au commencement des Actes, oublie, à Rome, de mentionner sa présence et de le nommer même une fois. Pierre n'y était donc pas alors, et, ce qui n'est pas moins clair, c'est qu'il n'y avait jamais été. Comprendriez-vous que l'historien, présent lui-même à Rome (verset 16), ne fit aucune mention des travaux antérieurs de saint Pierre? Que saint Paul n'en dît non plus pas un mot? Que les principaux d'entre les Juifs (verset 22) eussent l'air de n'en rien savoir et de n'en avoir jamais rien su? Voilà bien quelques chrétiens (verset 15) qui se trouvent à Rome avant que saint Paul y ait prêché ; mais vous l'avez vu en trouver dans beaucoup d'autres villes, car l'Évangile commençait à pénétrer partout, et vous n'avez ici aucun indice, absolument aucun, que ces chrétiens de Rome eussent été, évangélisés par saint Pierre. Voir note 290.

Les défenseurs de la papauté tournent donc nécessairement dans un cercle ; ils ont à soutenir à la fois deux choses dont la première exclut forcément la seconde. Quand on arriverait à démontrer la suprématie de saint Pierre, on ne ferait que rendre plus impossible encore la démonstration du séjour à Rome, car il serait d'autant plus inadmissible que saint Luc dans les Actes et que saint Paul dans ses épîtres n'en eussent jamais fait mention.

On est confus d'avoir à tant insister sur des raisonnements si simples, sur des preuves si claires. Si l'Église romaine n'était condamnée à soutenir que saint Pierre a été à Rome, a prêché l'Évangile à Rome,- jamais lecteur, lisant cette fin des Actes, n'eut soupçonné que Pierre put être alors dans cette ville, ou y avoir jamais été.

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