220. Verset
2. Des
hommes pieux ensevelirent Étienne, et
menèrent grand deuil sur
lui.
Même remarque
à faire que sur les funérailles de
Jean-Baptiste (note
39).
Point d'hommages autres que ceux qui sont dus
à tout homme qu'on regrette et qu'on
vénère; aucune trace d'invocations
adressées à ce premier et glorieux
martyr; aucune mention, en particulier, de rien qui
ressemble au culte des reliques. Et comment les
premiers chrétiens auraient-ils eu
l'idée de ce culte? Auraient-ils pu ne pas
voir que ce serait se mettre au-dessous des Juifs?
Jamais les Juifs, en effet, malgré toute
leur vénération pour les saints
hommes de leur histoire, n'étaient
descendus, envers eux, à ce culte grossier;
jamais ils ne leur avaient rendu, pas plus à
leur mémoire qu'à leurs restes, aucun
hommage qui pût s'appeler un culte; jamais
ils ne les avaient invoqués, pas plus
Moïse, le plus grand de tous, qu'aucun autre.
Et les chrétiens se seraient mis à
invoquer des morts de la veille ! Et ce que le
judaïsme avait proscrit comme une atteinte
à l'unité de Dieu, à sa
souveraineté, à sa gloire, le
christianisme l'aurait fait! Et ce culte, enfin,
des reliques, inconnu sous le
cérémonialisme mosaïque,
l'Évangile l'aurait inauguré
!
Versets 3
et suiv. -
Persécution. Violences de Saul
.Prédication et miracles de Philippe dans la
Samarie.
221 .
Verset 14. Les
apôtres qui étaient à
Jérusalem, ayant appris que les habitants de
la Samarie avaient reçu la Parole de Dieu,
leur envoyèrent Pierre et
Jean.
Diriez-vous jamais
que
des soldats envoyèrent leur
général, que des évêques
envoyèrent le pape? Nommeriez-vous ainsi
côte à côte, à plusieurs
reprises, deux hommes que vous croiriez si
profondément inégaux? Arriveriez-vous
au terme d'un récit long,
détaillé, sans que cette
inégalité eut apparu par un seul
détail, par un seul mot? Voilà
pourtant ce que fait ici saint Luc. Pierre et Jean,
envoyés ensemble, prient ensemble (verset
15) pour les convertis de Samarie; ensemble encore
(verset 17) ils leur imposent les mains. C'est
à Pierre et à Jean (verset 18) que
Simon offre de l'argent pour acheter le droit de
communiquer le Saint-Esprit, et, si c'est Pierre
qui lui répond, Pierre ne dit rien que Jean
n'eût pu dire ; c'est encore Pierre et Jean
(verset 25) qui retournent à
Jérusalem, après avoir, dit
l'historien, rendu témoignage au Seigneur,
et prêché encore sur la route.
Toujours les deux, toujours ensemble, toujours,
dans toutes les phrases, leurs deux noms avec le
même verbe... Et on voudrait que l'auteur du
récit ait vu en l'un des deux le chef de
l'Église, le pape !
.
222. Verset
20. Mais
Pierre lui dit: Que ton argent périsse avec
toi, puisque tu as cru que le don de Dieu
s'acquérait avec de
l'argent!
A. Que
penserez-vous
donc
de cette Église où tout ce qui
est réputé «don de Dieu,»
indulgences, dispenses, grâces de toute
espèce, se vend et s'achète
ouvertement? Quand il serait prouvé que ce
trafic est fort différent aujourd'hui de ce
qu'on l'a vu jadis, le principe n'en serait pas
moins condamnable. L'Église romaine n'a
appelé simonie, du nom de ce malheureux
Simon, que la vente et l'achat des dignités
ecclésiastiques, autre scandale qui a
subsisté dans son sein durant des
siècles, et dont une foule de papes se sont
rendus coupables ; mais l'origine même de ce
mot nous donne le droit de l'appliquer à
toute intervention de l'argent dans les choses
spirituelles, à toute vente et à tout
achat d'une grâce ou du pouvoir de
conférer une grâce. Quand, par
exemple, un confesseur achète à Rome
le droit d'absoudre certains péchés
réservés, c'est-à-dire de
remettre en état de grâce ceux qui les
auront commis, n'est-ce pas, au fond, Simon
demandant à pouvoir donner le Saint-Esprit?
Pierre refusa; son successeur ne refuse
jamais.
B.
Et ce
n'est pas seulement l'absolution, la grâce,
qui est en vente à ce grand marché de
Rome ; le titre même et les privilèges
de saint s'y achètent comme autre chose,
à cela près que ce n'est pas le saint
lui-même qui paie. Aucune religion n'a rien
offert de comparable à ces bizarres
procès de canonisation, si longs, si chers
surtout; le sénat romain faisait des dieux,
mais avec bien plus de dignité. L'affaire
peut durer dix ans, vingt ans, un
demi-siècle, un siècle, et, à
chaque pas qu'elle fait, nouveaux débours ;
les difficultés se multiplient en proportion
des sacrifices que vous paraissez disposé
à faire pour en venir à
bout.
Un saint obscur pour
qui
personne ne paierait , le pape le canonisera vite
et gratis, parfois même sans formalité
aucune, comme c'est le cas, par exemple, des
martyrs vrais ou supposés dont on exhume les
ossements à Rome; mais celui dont la
canonisation sera sollicitée par quelque
opulent diocèse, la plus éclatante
sainteté ne le sauvera pas des longs
délais, des frais énormes. Rien de
plus curieux que cette marche interminable vers un
résultat prévu, certain, et qu'il ne
s'agit, tous le savent, que de payer suffisamment.
Mais comme il faut que les délais paraissent
avoir un but, que l'argent paraisse employé
à quelque chose, il y aura des gens pour
écrire de longs mémoires, d'autres
pour les examiner, d'autres pour prononcer de longs
plaidoyers devant le pape, lui démontrant ce
que tout le monde sait qu'il est
décidé à trouver vrai, lui
demandant solennellement ce que tout le monde sait
qu'il est décidé à accorder.
Accordera-t-il? Pas encore, car voici d'autres gens
dont le métier est d'élever des
doutes, de demander des informations nouvelles. Ne
faut-il pas que la sainteté du futur saint
soit à l'abri de tout soupçon ?
Encore des sommes à envoyer; encore des
quêtes à faire dans la ville ou dans
le pays qui a entamé la chose, qui s'en
repent peut-être, mais qui ne voudra pas
perdre le fruit des sacrifices déjà
faits. Enfin, la solution arrive; l'échelle
d'or s'est trouvée assez longue, et le saint
a pu monter sur l'autel.
Exagérons - nous ?
Inventons - nous ? - Tout ce que nous venons de
dire, c'est l'histoire, toute récente, de la
canonisation de Benoît Labre.
Versets 26
et suiv.-
Philippe en route pour Gaza. Un Juif
éthiopien est occupé, dans son
chariot, à lire Esaïe. Philippe lui
demande s'il comprend ce qu'il lit.
223. Verset
31. Il
répondit: Comment le pourrais-je, si
quelqu'un ne me guide?
On s'est emparé de
ces mots pour prouver l'obscurité de la
Bible, l'impossibilité de la comprendre sans
un guide, la nécessité que ce guide
soit infaillible comme elle, et, en
définitive, le remplacement de la Bible par
ce guide, dispensateur suprême de la
foi.
Quand les trois
premiers
points seraient exacts, le dernier serait encore
faux, car il est contredit par le récit
même qu'on invoque. Ce récit vous
montre en action le droit que nous avons dit
être celui de tous les Juifs. Que
l'Éthiopien comprenne ou non , toujours
est-il qu'il possède la Bible, qu'il la lit,
et que, en la lisant , il fait ce que faisaient,
par l'ordre de Dieu, tous les Juifs. Dieu avait-il
pensé que tous les Juifs, dans ce livre,
comprendraient tout ? Non; et cependant tous
devaient lire.
Donc, dans le
Nouveau
Testament, quand tous les chrétiens ne
devraient pas tout comprendre, aucune raison pour
conclure que le livre lui-même doive leur
être ôté.
Mais tous les
détails du récit pourraient
également être invoqués contre
les conséquences qu'on en tire,
conséquences, d'ailleurs, qui se
réfutent par leur exagération
même. Un juif n'a pas compris une
prophétie d'Esaïe ; donc les
chrétiens doivent renoncer à
comprendre par eux-mêmes et l'Ancien
Testament, et le Nouveau. Un juif a demandé
quelqu'un pour lui expliquer cette prophétie
; donc les chrétiens, qu'ils demandent ou ne
demandent pas, seront tenus de recevoir les
enseignements de Rome.- Que pensez-vous de ce
raisonnement?
On joue sur ce mot
quelqu'un ; on l'entend comme s'il signifiait
nécessairement quelqu'un, un homme, une
autorité en chair et en os. Mais qui vous
dit que ce juif entendît par là
renoncer à chercher la lumière dans
un livre, si un livre plus clair arrivait en sa
possession? Qui vous dit que ce livre n'eut pas pu
lui ouvrir les yeux, faire ce que fit le diacre,
l'amener à dire : «Je crois que
Jésus-Christ est le fils de Dieu ! »
Supposons qu'il eut existé, ce livre, comme
il exista peu après; supposons que le diacre
eût pu le lui donner, comme font aujourd'hui
les colporteurs des Sociétés
Bibliques,- et je vous défie d'oser dire
qu'il ne le lui eut pas mis entre les
mains.
Mais en voilà
assez, même trop. Restons-en à cet
argument étrange : « Un juif a
demandé qu'on lui expliquât Esaïe
; donc les chrétiens ne liront pas le
Nouveau Testament.» Voilà les raisons
qu'on est réduit à donner.
224.
Relevons encore, à cette
occasion, un fait curieux: c'est que
l'Église romaine, tout en se donnant pour
l'interprète infaillible et
nécessaire de l'Écriture Sainte, n'en
a cependant jamais publié une
interprétation proprement dite. Le nombre
des passages dont elle a officiellement fixé
le sens est très petit. Elle s'est
bornée, en général, à
déterminer le dogme, laissant à ses
docteurs de l'étayer comme ils voudraient,
comme ils pourraient, par des déclarations
de l'Écriture. Nous avons vu (note
160)
que le concile de Trente a refusé de
décider si le sixième chapitre de
saint Jean se rapporte ou non à
l'Eucharistie; quand donc le cardinal Wiseman
déclare voir dans ce chapitre le fondement
de la transsubstantiation, il ne donne et ne peut
donner que son opinion personnelle : aucun
catholique au monde ne sait, de science certaine,
si ce fameux chapitre enseigne ou non la
présence réelle. Outre les passages
nombreux laissés ainsi à
l'interprétation individuelle des docteurs,
il en est beaucoup d'autres dont l'autorité
romaine n'a jamais déterminé que le
sens général, laissant encore aux
théologiens l'interprétation des
détails, bien que les détails, en
certains cas, soient de la plus haute importance ;
elle enseignera, par exemple, que certaines
déclarations du Nouveau Testament
établissent l'autorité de
l'Église, certaines autres l'autorité
du pape, mais elle n'a jamais
déterminé exactement ce que les
premières donnent à l'Église,
ce que les autres donnent au pape, et aucun
catholique au monde ne sait, d'une certitude de
foi, le vrai sens de ces
déclarations.
L'Église romaine a
encore moins interprété l'Ancien
Testament que le Nouveau, et jamais, en
particulier, elle n'a aventuré son
infaillibilité dans le champ des
prophéties ; autre raison pour que nous
trouvions étrange l'argument qu'elle a
prétendu tirer de l'histoire ci-dessus. Pour
prouver l'obscurité de la Bible, on parle de
l'obscurité des prophéties; on en
conclut qu'il faut un interprète, que cet
interprète est l'Église romaine,- et
il se trouve que l'Église romaine n'a jamais
interprété les
prophéties.
Versets 32
et suiv. -
Philippe annonce Jésus-Christ à
l'Éthiopien. Celui-ci demande à
être baptisé.
225. Verset
37.
Philippe lui répondit: Si tu crois de tout
ton coeur, cela t'est permis. Et répondant,
il dit: Je crois que Jésus-Christ est le
fils de Dieu.
Philippe ne lui dira
pas,
comme certains catéchismes, que ce n'est pas
assez d'être chrétien, et qu'il faut
encore, de toute nécessité,
appartenir à une certaine Église ,
héritière unique des promesses(*);
quand il le verra croire en Jésus-Christ, il
ne lui imposera pas de croire en un vicaire de
Jésus-Christ. Même remarque à
faire sur toutes les conversions racontées
dans les Actes et les Épîtres : aucune
mention, dans ces récits, d'un engagement
envers un chef visible de l'Église.
***
(*) Demande. -
Suffit-il,
pour être sauvé, d'être
chrétien Réponse. - Non; il faut
encore être catholique. (Catéchisme
catholique a Genève)
***
226.
L'histoire d'Étienne et de
Philippe, racontée dans ces trois chapitres,
fournirait encore, dans son ensemble, une
observation importante.
Étienne et
Philippe ont été élus diacres,
et c'est comme diacres qu'ils ont reçu (VI,
6) l'imposition des mains; et cependant,
immédiatement après, vous les
retrouvez prédicateurs, tellement
qu'Étienne meurt martyr, et que Philippe
devient l'apôtre des Samaritains.
Concluez donc qu'il
n'y
avait encore, en fait d'organisation et de
fonctions, rien de bien défini ; qu'on ne
peut raisonnablement, par conséquent, faire
remonter à cette époque une
organisation strictement hiérarchique et
régulière. Cette organisation vous
apparaîtra-t-elle mieux plus tard, dans les
dernières années de la période
apostolique dont vous avez ici l'histoire? Non ;
les quelques détails plus réguliers
que vous saisirez çà et là
vous laisserons encore bien loin de ce qui a
été réglé dans les
périodes suivantes.
Est-ce à dire que
tout ce qui ne s'est pas fait sous les
apôtres soit nécessairement mauvais et
à rejeter? Non ; l'accroissement de
l'Église exigea et légitima des
règles dont elle avait pu se passer d'abord.
Ce que nous demandons, c'est qu'on ne
prétende pas attribuer une origine
apostolique, un droit divin, à ce qui n'a
été que l'oeuvre des hommes. Ainsi,
même ce que nous voyons de bon, de sage, dans
les institutions des siècles
postérieurs, nous ne devons encore
l'approuver que comme venant des hommes, non comme
revêtu d'une légitimité divine,
et nous restons libres, alors, de rejeter tout ce
qui nous paraît mauvais.
Veillons bien, en
particulier, dans tous ces sujets, sur l'emploi des
mots. Ainsi, par exemple, quand l'Église
romaine nous cite l'institution des diacres comme
base de celle des sept ordres, des sept
degrés de la prêtrise, dont le
diaconat est un argument ne repose, en
réalité, sur rien, car le diaconat
apostolique n'avait point été
institué (voir
ch.
VI) comme un
degré menant au
ministère, mais comme un ministère
à part. Souvent, sans doute, il put se faire
qu'on prit les pasteurs parmi les diacres; mais
c'était affaire de choix, de convenance, non
de hiérarchie. Entre le diacre apostolique,
chargé de distribuer les aumônes, et
le diacre romain, homme arrivé au
sixième ordre et près de recevoir le
septième, la prêtrise,- il n'y a
réellement de commun que le nom.
Saul sur le chemin de Damas. Sa conversion. Ananias, appelé de Dieu à se rendre auprès de Saut, objecte que c'est le plus ardent ennemi des chrétiens.
227. Verset
15. Mais
le Seigneur lui dit: Va, car il est un vase
d'élection pour porter mon nom devant les
gentils, devant les rois et devant les enfants
d'Israël.
C'est donc de Dieu
même que saint Paul reçoit cette
qualité d'apôtre des gentils que nous
lui verrons prendre constamment dans ses
Épîtres ; mais nous verrons aussi
combien ce nom, justifié pleinement par son
histoire, est en opposition avec le rôle
qu'on est forcé de donner à saint
Pierre pour faire de lui le premier
pape.
Versets 20
et suiv. -
Saul prêche à Damas. Il est
obligé de fuir. A Jérusalem, le&
fidèles se défient de lui.
228.
Versets 27 et 28.
Alors Barnabas le prit, et l'amena aux
apôtres. .. Ainsi, il allait et venait avec
eux dans Jérusalem.
Encore un fait où
l'intervention du chef de l'Église n'aurait
pas pu ne pas être mentionnée. Est-ce
aux apôtres que l'historien nous dirait qu'on
amena saint Paul? Pourrait-il, du moins, s'en tenir
là, et ne pas nommer saint Pierre?
L'importance même du rôle que va jouer
saint Paul était une raison de plus pour que
saint Pierre figurât dans le récit de
son admission parmi les prédicateurs de
l'Evangile.- Voir note
356.
Versets 31
et suiv. -
Les Églises de Judée sont en
paix.
229. Verset
32. Il
arriva que Pierre, les parcourant toutes, vint
aussi vers les saints qui habitaient
Lydde.
On vous dira que
voilà une tournée papale. Non
seulement aucun détail ne l'indique, mais
saint Pierre ne fait ici que ce que vous verrez
faire à saint Paul dans de bien plus grandes
proportions.- Voir note
349.
230. Même
verset.
Remarquez ce nom de
saints appliqué à tous les
fidèles, à tous ceux qui font
profession d'être sanctifiés en
Jésus-Christ. Ce mot va revenir bien des
fois, toujours dans ce sens, et, quand il s'agira
des morts, dans le sens d'élus,
d'élus glorifiés. Les saints, tels
que les entend l'Église romaine, sont
inconnus dans l'Écriture. Ils n'y sont pas
inconnus seulement dans leur prétendu
rôle de protecteurs et de médiateurs;
leur existence même comme élus
privilégiés, exceptionnels,
espèce d'aristocratie groupée autour
du trône de Dieu,vous n'en rencontrerez
aucune mention, aucune trace. Ceux qui nous sont
représentés entourant Dieu dans le
ciel, ce sont tous les élus, tous les
fidèles arrivés au bonheur
éternel.
Si la notion romaine
est
sans fondement dans l'Écriture, que
dirons-nous des développements qu'elle a
reçus?
Nous ne
répéterons pas ce que nous avons dit
(222 B)
sur
les canonisations, le rôle que l'argent y
joue, les singularités qui s'y entassent,
etc. Assez d'autres remarques sont à
faire.
Arbitraire complet,
d'abord, dans le choix des personnages qui
recevront ce nom de saints. On ne canonise que ceux
sur lesquels l'attention publique s'est plus ou
moins fixée, et on sait bien que de
très grands saints, dans le bon sens du mot,
ont vécu et sont morts dans l'ombre ; en
voilà donc qui ne seront jamais, sur la
terre, appelés saints, jamais honorés
d'aucun culte, bien qu'ils soient
évidemment, devant Dieu, égaux ou
supérieurs aux autres. Canonisera-t-on, au
moins, tous ceux que leurs vertus, connues du
monde, ont désignés comme
canonisables? Nullement. Comme on veut que la
canonisation reste une faveur, un pur effet du bon
plaisir de l'Église, on prendra encore les
uns et on laissera les autres. Tel donc sera
canonisé aujourd'hui, tel dans vingt ans,
tel dans cent ans, tel jamais,- et on ne songe
pourtant pas à nier qu'ils ne soient
déjà tous dans le ciel.
Arbitraire, ensuite,
non
moins complet et non moins singulier, dans la somme
des hommages dont chaque saint sera l'objet. Cette
somme, en effet, ne se détermine aucunement
d'après l'éclat de leur vie ou le
degré de leur sainteté ; on peut
remarquer même que les saints les plus
honorés, les plus fameux patrons de royaumes
ou de villes, sont des saints peu connus dans
l'histoire de l'Église, souvent même
inconnus ou totalement apocryphes. Un même
saint sera ignoré dans un pays, fameux dans
un autre, où il sera
vénéré moins comme un simple
patron que comme un Dieu. Chaque pays, chaque
ville, chaque famille, chaque individu est libre de
supposer au saint de son choix autant de grandeur
que bon lui semble, et de le diviniser en
proportion du besoin qu'il en a.
Et tout cela quand
l'Écriture n'autorise pas même
à affirmer qu'il existe au ciel un seul
saint, dans le sens romain de ce mot!
Versets 33
et suiv. -
Pierre guérit un paralytique à Lydde,
et ressuscite Dorcas à Joppe.
Corneille, divinement averti, envoie chercher Pierre. Vision de Pierre.
231. Verset
15. Et la
voix, lui parlant pour la seconde fois, lui dit: Ce
que Dieu a purifié, ne le regarde pas comme
souillé.
Dieu révèle
à saint Pierre que les païens vont
être appelés, comme les Juifs,
à entrer dans l'Église. Est-ce
à dire que cette révélation se
lie, comme on l'a prétendu, à la
dignité de saint Pierre, chef, nous dit-on,
de cette Église universelle où les
païens vont entrer? Non; car nous avons vu
Ananias, longtemps avant (IX, 15), recevoir la
même révélation, et la recevoir
pour saint Paul. Si Pierre, en fait, est
appelé le premier à introduire un
païen dans l'Église, Paul a
été désigné le premier
comme l'apôtre des païens. La suite du
récit, enfin, nous montre que Pierre avait
besoin de cette révélation, ayant peu
et mal compris, jusque-là,
l'universalité du christianisme. Rien donc
n'autorise à prétendre que cet
enseignement à lui donné, suppose en
lui le chef de l'Église.
232.
Versets 25 et 26.
Et comme Pierre entrait, Corneille alla au-devant
de lui, et, se jetant à ses pieds, l'adora.
Mais Pierre, le relevant, lui dit: Lève-toi;
je ne suis qu'un homme non plus que
toi.
Il y a à Rome une
statue de saint Pierre dont on a tellement
baisé le pied, qu'il en est tout usé.
Que, dirait saint Pierre à la vue de cette
statue?
Il y a à Rome un
homme qui se dit le successeur de saint Pierre, et
dont on baise le pied comme celui de la statue. Que
dirait saint Pierre à la vue de cet
homme?
Une erreur peut
être grande, une pratique peut être
mauvaise, très mauvaise, et cependant
s'expliquer, se comprendre ; mais que les papes en
soient venus à se mettre en opposition si
flagrante avec celui qu'ils prétendaient
reproduire en leur personne,- c'est certainement
une des choses les moins compréhensibles qui
se soient vues dans ce monde, et les historiens
auront un jour besoin de bonnes preuves pour ne pas
être accusés d'invraisemblance quand
ils peindront la papauté.
Versets 36
et suiv. -
Pierre expose à Corneille la doctrine du
salut par Jésus-Christ.
233. Verset
45. Tous
les prophètes rendent de lui ce
témoignage, que quiconque croira en, lui
recevra, par son nom, la rémission de ses
péchés.
Tous les
prophètes, en effet, quand ils annoncent le
Christ, représentent la rémission des
péchés comme liée à la
foi en lui, en lui seul, et, dans le Nouveau
Testament, quand le moment arrive de reproduire
cette idée en vue d'une application
présente, ni le Sauveur lui-même, ni
les apôtres, après lui, n'y changent
rien, n'y ajoutent rien : le pardon est dans la foi
en Jésus. Nulle mention de qui que ce soit
d'autre, ni de saints dont les mérites se
soient ajoutés aux siens, ni de
prêtres par qui la grâce doive
nécessairement passer, ni de moments et de
lieux où le pardon soit spécialement
offert et à meilleur
marché.
Entre le pécheur
et Jésus, un seul lien, un seul canal : la
foi. Le ministre de l'Évangile n'est pas ce
lien, n'est pas ce canal : sa tâche est de
l'établir dans les âmes en leur
prêchant d'appartenir à Christ,
d'attendre tout de Christ. - Voilà ce qui
ressort et des prophéties messianiques, et
des enseignements de Jésus-Christ, et de
ceux des apôtres.
Les fidèles de Jérusalem s'étonnent que des païens aient été baptisés.
234.
Versets 2-4. Et
lorsque Pierre fut de retour à
Jérusalem, les fidèles circoncis
disputaient contre lui, disant: Tu es allé
chez les incirconcis et tu as mangé avec
eux. Mais Pierre commença à leur
raconter... etc. Versets 17 et 18. Puis donc que
Dieu leur a donné le même don
qu'à nous, qui avons cru au Seigneur
Jésus-Christ, qui étais-je, moi, pour
m'opposer à Dieu ? Ayant entendu ces choses,
ils s'apaisèrent.
Ce récit en dit
plus que tout ce que nous avons pu dire à
l'occasion de quelques-uns des récits
précédents,
Pierre est accusé
pas un mot, dans la bouche de ses accusateurs, qui
permette de supposer qu'on vît en lui le chef
de l'Église. Pierre se justifie; pas un mot,
dans sa bouche, qui indique ou rappelle cette
prétendue dignité. Pas un mot, enfin,
dans la bouche de l'historien lui-même, qui
ne soit ou étranger ou contraire à
cette supposition.
Les chrétiens de
Jérusalem, dit-il, disputaient contre
Pierre; ayant entendu ses explications, ils
s'apaisèrent. De quelque apôtre qu'il
fut question, ces mots risqueraient plutôt de
paraître trop peu respectueux; et on veut que
saint Luc les aient employés en parlant du
chef de l'Église, du vicaire de
Jésus-Christ !
Versets 19
et suiv.-
L'évangile est prêché au loin
par les fidèles que la persécution a
chassés de Jérusalem.
235. Verset
21. Et la
main du Seigneur était avec eux, de sorte
qu'un grand nombre de gens crurent, et se
convertirent au Seigneur.
Ces exilés de
Jérusalem avaient-ils mission officielle
pour prêcher l'Évangile?- Non. Ils
prêchent pourtant, et Dieu bénit leurs
travaux.
C'est donc à tort
que l'Église romaine regarde une mission
officielle, hiérarchique, comme
indispensable à quiconque veut travailler
dans le champ du Seigneur. La qualité
même de chrétien donne le droit de
prêcher le christianisme, ou, pour mieux
dire, en impose le devoir. Que ce droit soit
réglé, dans chaque Église, par
certaines lois, rien de mieux, et nous l'avons
déjà dit; que ce devoir, qui est
celui de tous, soit particulièrement celui
de certains hommes, c'est encore ce que nous voyons
établi, en thèse
générale, dès les premiers
temps de l'Église.
Mais qu'une Église
ait le droit d'imposer silence à quiconque
n'a pas reçu officiellement d'elle la
mission de parler, c'est ce que l'histoire
apostolique et le simple bon sens ne permettent pas
de soutenir. On demande souvent, par exemple, qui
avait donné aux Réformateurs, il y a
trois siècles, la charge de réformer
l'Église. « Ils n'avaient pas mission
pour cela, disent les docteurs romains; ils ont
nécessairement erré. » Fausse
logique et pure échappatoire. La
vérité ou l'erreur soutenue est
absolument indépendante du caractère
officiel. On peut, avec une mission officielle,
enseigner l'erreur ; on peut, sans mission
officielle, se trouver le représentant et
l'apôtre de la vérité. Ne vous
arrêtez pas à ces chicanes de forme ;
allez au fond. Ceux qui vous parlent contre les
croyances romaines ont-ils raison ou tort? Ont-ils
pour eux, oui ou non, l'Écriture Sainte et
l'histoire? Voilà la question, toute la
question.
Versets 22
et suiv. -
Saul et Barnabas à Antioche. Les
fidèles de cette ville décident
d'envoyer des aumônes à leurs
frères de Judée.
236. Verset
30. Ce
qu'ils firent en effet, les envoyant aux Anciens
(de Jérusalem) par les mains de Barnabas et
de Saul.
Aux Anciens. C'est
la
première fois que nous rencontrons ce nom
appliqué aux chefs d'une Église ; on
le donnait, depuis longtemps, aux chefs des
synagogues. Le mot grec, Presbyteros, Presbyter en
latin, est celui dont on a fait successivement
Prebstre, Prestre, et enfin Prêtre. Le
prêtre, par conséquent , ne peut
légitimement être que ce que fut
d'abord l'Ancien.
Nous recueillerons
donc
avec grand soin tous les traits relatifs à
cette dernière charge. Nous examinerons si
les Anciens, dans l'Église primitive,
étaient jamais appelés
l'Église, s'ils formaient une caste, et si,
en particulier, le célibat leur était
imposé nous chercherons surtout s'ils
étaient prêtres, dans le sens
postérieur de ce mot, c'est-à-dire
sacrificateurs, et s'ils formaient un
sacerdoce.
Sur ce dernier
point, le
nom même nous dit déjà le
contraire. Les Anciens, chefs des synagogues,
n'étaient pas sacrificateurs,
n'appartenaient pas au sacerdoce.
Si les chefs des
Églises avaient été
considérés comme des sacrificateurs,
auraient-ils hérité, du nom
donné, dans le pays, à des hommes qui
ne l'étaient pas? Le mot Hiereus, celui qui
veut dire sacrificateur, prêtre (dans le sens
romain), revient environ cent quarante fois dans le
Nouveau Testament, et, cent quarante fois, c'est
quand il est question de prêtres
hébreux ou païens. Jamais ce mot n'est
dit des chefs de l'Église chrétienne,
des ministres de l'Évangile; jamais leur
charge n'est désignée par le mot grec
qui signifierait sacrificature, sacerdoce. Voir 288
et 460.
Préparez-vous donc
à conclure qu'il n'y a, dans le Nouveau
Testament, ni prêtres ni prêtrise dans
le sens romain de ces mots.
Nouvelle persécution. Mort de Jacques, frère de Jean. Délivrance miraculeuse de saint Pierre. Colère d'Hérode. Sa mort.
Première mission de Saut et de Barnabas. Le proconsul Sergius Paulus. Saul nommé Paul. Paul à Antioche de Pisidie. Il montre que toutes les prophéties relatives au Messie ont eu leur accomplissement en Jésus-Christ.
237.
Versets 38 et 39.
Sachez donc, Frères, que la rémission
des péchés par lui vous est
annoncée, et que tout homme qui croit est
justifié, en lui, de tout ce dont vous
n'avez pu être justifiés par la loi de
Moïse.
Voilà ce que saint
Paul développera dans toutes ses
épîtres - Salut en Jésus, en
Jésus seul; condition unique du salut, la
foi en Jésus; différence totale entre
cette loi et l'ancienne, la loi des oeuvres, des
formes.
Autant de fois nous
retrouverons cela, autant de fois il nous faudra
condamner toute Église qui ne voit pas le
salut en Jésus seul, qui y met d'autres
conditions que la foi, qui conduit les
fidèles a se le figurer attaché
à des pratiques, à des
cérémonies, à des
oeuvres.
Versets 43
et suiv. -
Paul convertit un certain nombre de Juifs. Beaucoup
résistent, et Paul déclare vouloir se
tourner vers les païens. Joie de ceux-ci.
Conversions. Paul et Barnabas se rendent à
Icone.
Conversions. Guérison d'un boiteux à Lystre. On prend Paul et Barnabas pour des dieux, et on veut leur offrir un sacrifices
238.
Versets 14 et 15.
Mais les apôtres Barnabas et Paul, ayant
appris cela , déchirèrent leurs
vêtements et se jetèrent au milieu de
la foule, en s'écriant: Hommes, pourquoi
faites-vous cela? Nous ne sommes que des hommes,
soumis aux mêmes infirmités que
vous.
Encore deux apôtres
refusant, non seulement les sacrifices qu'on veut
leur offrir comme à des dieux, mais toute
espèce de culte, puisqu'ils déclarent
n'être que des hommes, que des
pécheurs.
Essayez de vous
figurer
ces mêmes hommes trouvant bon que leurs
images s'élèvent sur des autels;
essayez de vous les représenter approuvant
qu'on offre devant eux, en manière de
sacrifice, le corps de leur divin
Maître.
Les théologiens
romains prétendront bien vous expliquer
comme quoi une messe en l'honneur d'un saint n'est
pas précisément une messe en son
honneur; mais le sentiment des fidèles n'en
est pas moins celui que ce mot exprime , et le
sentiment des fidèles est le résultat
naturel, inévitable, de ce qu'ils voient
faire. Tant qu'on dira des messes au pied de la
statue d'un saint, tant que ces messes
s'encadreront dans les prières qu'on lui
adresse et dans les fêtes qu'on lui
consacre,la messe, quoi que vous disiez, sera, en
fait, un hommage à ce saint, un sacrifice
à lui offert.
Versets 19
et suiv. -
Émeute contre les deux apôtres. Ils
prêchent dans plusieurs villes,
établissent des Anciens (note
256) dans chaque
Église, et retournent à Antioche. Ils
racontent ce que Dieu a fait par leur
ministère, et comment il a « ouvert aux
gentils ( notes 227
et 251)
la
porte de la foi. »
Les païens devenus chrétiens sont-ils soumis à la loi de Moïse? Paul et Barnabas, à Antioche, s'élèvent contre cette idée. lis sont envoyés à Jérusalem pour consulter les apôtres et les Anciens.
239.
Versets 6-23. Les
apôtres donc et les Anciens
s'assemblèrent pour examiner cette affaire,
et, après qu'on eut beaucoup discuté,
Pierre se leva et dit...
Alors toute
l'assemblée se tut , et ils
écoutaient Barnabas et Paul
racontant....
Quand ils
eurent fini,
Jacques prit la parole, et dit : Mes Frères,
écoutez-moi. Simon vous a raconté....
C'est pourquoi j'estime qu'il ne faut point
inquiéter ceux qui...
Alors les
apôtres et les Anciens, avec toute
l'Église, décidèrent de
choisir quelques-uns d'entre eux pour les envoyer
à Antioche... Écrivant par eux en ces
termes: Les apôtres, les Anciens et les
frères , à nos frères d'entre
les gentils qui sont à
Antioche...
Encore un récit
plein d'arguments contre la suprématie de
saint Pierre.
Une discussion
s'élève. Est-ce à lui qu'on la
soumet? Non. Est-ce lui qui convoque on qui
préside l'assemblée? Non. Est-ce lui
qui parle le premier? Non, car il ne prend la
parole qu'après qu'on a «beaucoup
discuté. » Est-ce lui qui parle le
dernier, et résume la discussion ? Non. Son
discours renfermera-t-il quelque chose qui sente
l'autorité? Non ; le discours de Jacques est
même notablement plus positif, plus
décidé. Jacques nommera-t-il saint
Pierre avec un respect particulier? Non ; il serait
impossible de le nommer plus simplement et plus
familièrement. L'opinion de saint Pierre
est-elle celle qu'on adopte? Non, car on ne
l'adopte que modifiée par saint Jacques, et
modifiée gravement. Est-ce Pierre, enfin,
qui va écrire aux fidèles d'Antioche?
Non. Est-ce en son nom que la lettre sera
écrite? Non. Est-ce lui qui choisit les
hommes chargés de la porter? Non. Et
voilà en qui on prétend montrer un
pape !
240.
Ajoutez maintenant que, d'ici
à la fin des Actes, Pierre ne reparaît
plus et n'est plus même nommé. Paul ne
va pas seulement être au premier rang; il
occupera seul toute la place. Pas un mot et pas un
détail indiquant ou supposant l'existence
d'un chef auquel il se rattache. Dans le
récit de la fondation de tant
d'Églises, dans celui des visites de saint
Paul à tant d'Églises
déjà fondées, pas un mot non
plus ni un détail qui indique ou suppose la
pensée de les rattacher à un centre,
à un chef visible.
241. Mais
le récit que nous
étudions est loin de n'être
intéressant qu'en ce qui concerne saint
Pierre.
L'Église romaine a
coutume d'appeler cette assemblée le Concile
de Jérusalem. Ne faisons pas d'objections
sur ce nom; demandons seulement qu'on en tire les
conséquences.
A.
Demandons, d'abord, sur quoi on se fondera pour
vouloir que le clergé soit l'Église,
que les laïques n'aient rien à voir
dans les affaires de l'Église. Le concile de
Jérusalem est une assemblée
générale des fidèles et des
pasteurs. (Versets 12, 22 et 23.)
B.
Demandons, ensuite, sur quoi on se fondera pour
soutenir que les évêques seuls doivent
représenter le clergé dans les
conciles. Le concile de Jérusalem admet les
simples Anciens, c'est-à-dire, si nous
parlons comme l'Église romaine, les simples
prêtres. (Versets 6, 22 et 23.)
Dira-t-on que ce qui
était alors sans inconvénients a pu
en avoir plus tard ? Ce n'est pas la question. Nous
constatons seulement que les règles
postérieures ne sauraient être
considérées comme apostoliques, comme
règles de droit divin, puisque voici, sous
la présidence des apôtres, un concile
où il n'y eut rien de semblable.
242. Verset
28. Il a
paru bon au Saint-Esprit et à
nous...
Ainsi parle, dans sa
lettre, l'assemblée de
Jérusalem.
Si on vous dit que
voilà l'infaillibilité du pape,
répondez que ce mot nous ne désigne
point saint Pierre, mais « les apôtres,
les anciens et les frères, »
c'est-à-dire toute l'assemblée
(verset 23).
Si on vous dit que
voilà l'infaillibilité des conciles,
répondez que les conciles sont
composés d'hommes faillibles, tandis qu'il y
en avait là douze par qui le Saint-Esprit
garantissait l'autorité de la
décision commune.
Dira-t-on qu'une
chose au
moins résulte de ce récit, la
nécessité d'un tribunal qui tranche
les questions?
Nécessité
ne prouve rien; il y a bien d'autres choses, dans
ce monde, qu'on pourrait aussi juger
nécessaires, et que Dieu n'a pas faites.
Quoi de plus nécessaire, par exemple, avant
la venue de Jésus-Christ, qu'un tribunal qui
eût reçu de Dieu le don de
reconnaître infailliblement le Messie?
N'était-ce pas, semble-t-il, le
complément indispensable de l'ancienne
révélation ? Dieu en a jugé
autrement. Ainsi, dans le christianisme, la
question n'est pas de savoir si un tribunal de ce
genre est nécessaire, mais s'il existe, si
Dieu l'a établi, si l'histoire des premiers
temps de l'Église nous le montre
établi ou en voie de s'établir. Il ne
suffit pas pour cela que nous le rencontrions une
fois en exercice; il faudrait qu'on nous le
montrât considéré par les
apôtres comme chose établie, comme
institution permanente. Où en est-il
parlé après ce chapitre-ci? Où
est-il dit que, en cas de discussions, une
assemblée réglera les choses, et les
réglera infailliblement? Les occasions,
pourtant, ne manquèrent pas; cette
même querelle entre la loi et la grâce
continua sous bien des formes, et saint Paul y
revient dans presque toutes ses
épîtres.
Où parle-t-il de
faire trancher par un concile, soit les querelles
présentes, soit les querelles qu'il
prévoit?. L'assemblée de
Jérusalem a donc bien pu donner
l'idée des conciles, idée, en soi,
fort naturelle ; mais que l'autorité de
cette assemblée ait dû se retrouver
dans les conciles postérieurs, c'est ce que
rien n'établit. Ils ont pu enseigner
quelquefois la vérité ils ont pu
enseigner l'erreur. Aucun privilège
exceptionnel ne leur avait été
promis, et beaucoup de ces assemblées ne
l'ont que trop prouvé, non seulement
parleurs doctrines, mais par les embarras et les
scandales dont elles ont offert le spectacle. Ce
fameux concile de Trente dont les décrets
sont aujourd'hui l'Évangile de Rome, on se
serait fait moquer de soi, dans les derniers temps
de sa tenue, si on avait eu l'air de croire que le
Saint-Esprit fut pour rien dans ce qui en
sortait.
243. Verset
11. Mais
nous croyons que c'est par la grâce du
Seigneur Jésus-Christ que nous sommes
sauvés, et eux aussi (les païens
convertis. )
Saint Pierre, comme
saint
Paul (note 237),
prêche
le salut par grâce ; comme saint
Paul, il établit une différence
radicale, sur ce point, entre l'ancienne loi et la
nouvelle; comme saint Paul, par conséquent,
il condamne tout ce qui tendra, directement ou
indirectement, à transporter dans le
christianisme l'esprit de l'ancienne loi, la notion
du salut par les oeuvres, par les pratiques, par la
pureté légale.
Versets 36
et suiv. -
Paul se sépare de Barnabas, et commence ,
avec Silas, une nouvelle visite des
Églises.
Rencontre de Paul et de Timothée.
244. Verset
4. Et
comme ils allaient de ville en ville, ils
transmettaient, pour qu'on les observât, les
décisions prises par les apôtres et
les Anciens de Jérusalem.
Les occasions ne
nous
manqueront pas de signaler l'absence de toute
mention d'un pouvoir appartenant à Pierre,
ou se concentrant en lui. Ne profitons que des
principales.
En voici une. Saint
Paul
traverse plusieurs provinces, confirmant les
Églises, nous dit l'historien,
c'est-à-dire achevant de les constituer.
Où verrez-vous qu'il dise ni fasse rien pour
qu'elles se considèrent comme unies sous un
chef commun et suprême? Ces décisions
qu'il leur communique à toutes au sujet
d'une discussion qui les a troublées toutes,
c'est au nom «des apôtres et des Anciens
de Jérusalem » que saint Luc les dit
apportées. Aucune trace d'un pouvoir
monarchique, ni déjà
constitué, ni en voie de se
constituer.
Versets 6
et suiv.-
Divers voyages de Paul. Paul et Silas en prison
à Philippes. Conversion du geôlier.
Crois au Seigneur Jésus-Christ, et tu seras
sauvé (note 225).
Paul
et Silas sont mis en liberté.
Paul à Thessalonique, où les Juifs avaient une synagogue
245.
Versets 2 et 5.
Paul y entra, selon sa coutume, et, pendant trois
jours de sabbat, les entretint d'après les
Écritures, leur découvrant et leur
montrant qu'il avait fallu que le Christ
souffrît...
Quiconque vous
parlera de
religion, de christianisme, demandez-lui de faire
comme saint Paul, et de vous entretenir «
d'après les Écritures. » Ce
qu'un apôtre a fait, on refuserait de le
faire? Ce qui lui a paru une méthode bonne
et sage, on voudrait vous persuader que c'est une
méthode dangereuse?
Dangereuse, en
effet,
très dangereuse, mais pour l'Église
romaine, et c'est pour cela qu'elle n'en veut pas.
- Voir la note suivante.
Versets 4
et suiv. -
Conversions. Paul et Silas, chassés de
Thessalonique, prêchent aux Juifs de
Bérée,
246. Verset
11 .
Ceux-ci, ayant l'âme plus
élevée que ceux de Thessalonique,
reçurent la Parole avec beaucoup
d'empressement, examinant tous les jours les
Écritures pour voir si les choses
étaient bien comme on les leur
disait.
Ainsi, non seulement
saint Paul enseigne « d'après les
Écritures,» mais il approuve qu'on y
cherche la confirmation de ses paroles ; les
Béréens, pour l'avoir fait avec
empressement, sont qualifiés d'âmes
élevées. Admettrez-vous que ce
même saint Paul trouvât mauvais de vous
en voir faire autant? Admettrez-vous que ce qui lui
a paru louable avec l'Ancien Testament lui
parût blâmable avec le Nouveau ?
Admettrez-vous qu'il ne vous approuvât pas de
recourir à ses propres écrits, pour
voir s'ils contiennent bien ce qu'on vous enseigne
en son nom?
Cette histoire des
Béréens a toujours beaucoup
embarrassé les défenseurs du
système romain, et ce chapitre est
sûrement un de ceux qu'ils désirent le
moins voir entre les mains de tout le
monde.
Versets 16
et suiv. -
Paul à Athènes. Il s'indigne de voir
cette ville pleine d'idoles. On le mène
à l'Aréopage. Son
discours.
247.
Versets 22 et 25.
Athéniens, il me semble qu'en toutes choses
vous êtes dévots jusqu'à
l'excès, car, en parcourant votre ville et
en examinant les objets de votre culte , j'ai
trouvé même un autel sur lequel il est
écrit: Au Dieu inconnu.
A.
Saint
Paul, revenant au monde et se promenant dans Rome,
ferait-il des observations bien différentes?
S'apercevrait-il facilement que la religion qu'on y
professe n'est plus celle
d'Athènes?
Il verrait d'autres
dieux, d'autres déesses, mais en tout aussi
grand nombre, et il pourrait aisément croire
que ce sont les divinités de jadis,
représentées un peu
différemment.
Il verrait, en
particulier, une femme tout aussi souvent
représentée, tout aussi
magnifiquement honorée que l'était
Minerve à Athènes.
Comme à
Athènes, il verrait porter par les rues, en
grande pompe, soit la statue de cette femme, soit
celles de beaucoup d'autres
divinités.
Comme à
Athènes, il verrait, devant ces simulacres,
l'encens fumer, les gens se prosterner, et une
foule de cérémonies
s'accomplir.
Comme à
Athènes, il verrait quelques-unes de ces
images jouir d'une popularité sans bornes,
et posséder, au dire de la foule, des vertus
merveilleuses.
Comme à
Athènes, il verrait des prêtres de
tout rang favoriser et consacrer ce grossier
fétichisme de la foule.
B. Quant
au
Dieu
inconnu, il n'en trouverait pas un, mais mille,
mais dix mille. Que sont ces innombrables saints
qu'on tire des catacombes, qu'on suppose avoir
été des martyrs, et dont, le plus
souvent, on ne sait rien, pas même le nom? Le
pape leur donne un nom quelconque , et tel de ces
saints inconnus est aujourd'hui plus honoré,
soit à Rome, soit ailleurs, que beaucoup de
saints historiques. Ceux-ci, on ose moins leur
attribuer des merveilles ; ceux-là , on leur
attribue ce qu'on veut, et c'est ainsi que nous
avons vu sainte Philomène, par exemple,
arriver en quelques années, dans plusieurs
pays, à la première place
après Marie.
248. Verset
24.
Dieu... n'habite point dans des temples faits de
main d'homme.
Ce que vous avez
entendu
dire à Étienne (note
218)
en présence du temple de Jérusalem,
saint Paul le répète en
présence des temples d'Athènes, et,
à Athènes comme à
Jérusalem, le premier caractère
assigné au culte chrétien, la grande
et fondamentale différence indiquée
entre ce culte et tout autre, c'est sa
spiritualité.
Habitués à
de magnifiques temples, les païens
reprochèrent souvent au nouveau culte la
nudité de ses lieux d'assemblée. Que
répondent les Pères? S'excusent-ils
sur la pauvreté des chrétiens, sur
les persécutions? Disent-ils qu'il en sera
autrement une fois? Non. Ils acceptent le reproche
comme un hommage rendu à la
spiritualité, à la divinité du
christianisme; ils ne comprennent pas qu'on
pût, sans le dégrader, en faire une
religion parlant aux sens.
249. Verset
29.
Étant donc la race de Dieu, nous ne devons
pas croire que la divinité soit semblable
à de l'or, à de l'argent ou à
de la pierre, travaillés par l'art et par
l'imagination de l'homme.
A. On voit
que saint Paul se souvient du
deuxième commandement , celui qui
défend les images et le culte des images,
celui qu'on a retranché dans les
catéchismes romains, coupant ensuite le
dixième en deux afin que le nombre se
retrouve. Le voici, ce commandement, tel qu'on le
lit au livre de l'Exode, chap. XX.
Tu ne te
feras point
d'image taillée, ni aucune ressemblance des
choses qui sont en haut dans les cieux, ni plus bas
sur la terre, ni plus bas encore dans les eaux; tu
ne te prosterneras point devant elles et ne les
serviras point, car je suis l'Éternel ton
Dieu, le Dieu fort, le Dieu jaloux...
,
La défense est
donc absolue ; aucun culte à aucune image.
On a essayé de répondre que cette loi
défendait seulement d'honorer les images
elles-mêmes, de les considérer comme
étant elles-mêmes et par
elles-mêmes des dieux. Erreur. La
première partie de la loi défend
positivement d'en faire aucune ; la seconde partie
de la loi défend donc nécessairement
tout culte à elles rendu. C'est, d'ailleurs,
ce que disent clairement les termes mêmes.
Relisez-les, et demandez-vous, en conscience, s'il
y a place entre ces mots pour un culte quelconque.
Les Juifs, à qui ce commandement fut
donné, l'ont toujours et partout
interprété dans le sens d'une
interdiction complète. Ce que condamnait
l'ancienne loi, si éloignée de la
spiritualité chrétienne, vous
laisserez-vous persuader que le christianisme
l'approuve, l'ordonne?
B. Et quand
cette loi ne
défendrait, comme on le prétend, que
d'honorer les images elles-mêmes, leur
attribuant une vertu, une divinité propres,
- il ne serait encore que trop facile de montrer
combien de fois, en fait, c'est ce qui a
lieu.
Trouverez-vous, dans
les
pays catholiques, beaucoup de gens à qui il
soit indifférent d'adresser leurs
prières à telle ou à telle
madone, à telle ou à telle image du
même saint? Si .l'Église romaine n'a
jamais dit officiellement que certaines images
eussent plus de vertu que d'autres, jamais non plus
elle n'a eu que des encouragements pour les
dévotions spéciales qui enracinaient
cette idée chez les peuples.
Une statue que vous
laissez considérer comme le palladium d'une
ville ou d'un pays, et que vous entourez, en
conséquence, des plus magnifiques hommages,
- comment ne serait-elle pas, aux yeux du peuple ,
tout autre chose qu'une autre statue
représentant pourtant le même saint,
la même sainte? Et comme il est impossible de
rendre les mêmes honneurs à toutes les
images de cette sainte , de ce saint, il sera
toujours impossible que les fidèles
n'attribuent pas à quelqu'une, ou à
quelques-unes, une vertu supérieure et
divine.
Voilà ce que
devient infailliblement, en fait, le culte des
images : s'il ne les déifie pas toutes , il
y en a toujours qu'il déifie par le seul
fait de les honorer plus que d'autres.
Quand nous le
disons, on
crie à la calomnie; quand on s'oublie un
moment, on le dit mieux que nous ne pourrions le
dire; témoin un mot du pape actuel, qu'ont
rapporté nombre de journaux catholiques. Il
avait, dans son oratoire, une statue de la Vierge,
et il annonça l'intention d'en faire cadeau
à une église. On lui demanda de la
bénir. « Je l'ai bénie tant de
fois, dit-il, et elle m'a béni tant de fois!
» -Une statue a béni le pape, et c'est
le pape qui l'affirme.
Paul à Corinthe. Paul devant le proconsul. Il visite Éphèse, Jérusalem, Antioche et d'autres villes. Apollos à Éphèse. Comme saint Paul, c'est « par les Écritures » qu'il prouve la vérité de ses enseignements (note 245).
Retour de Paul à Éphèse. Conversions. Guérisons miraculeuses.
250. Verset
12.
Tellement qu'on posait sur les malades jusqu'aux
mouchoirs et aux linges qui avaient touché
le corps de Paul, et ils étaient
guéris de leurs maladies, et les malins
esprits sortaient.
Ce serait une bien
longue
et bien ridicule histoire que celle des
superstitions qui se sont autorisées de ce
trait. On a voulu que ce qui avait eu lieu à
une époque exceptionnelle, miraculeuse, se
renouvelât indéfiniment dans
l'Église; que les reliques de n'importe quel
saint eussent à tout jamais la vertu ici
attribuée aux linges qu'avait touchés
saint Paul. De là ces miracles innombrables
qui n'ont servi qu'à faire des superstitieux
d'abord et des incrédules ensuite ; de
là, ces innombrables fraudes qui ont
accompagné le commerce des reliques; de
là, enfin, même indépendamment
des grands abus, un résultat
inévitable - l'oubli de la présence
et de la puissance de Dieu.
De quelque
habileté qu'on fasse preuve pour expliquer,
au besoin, comme quoi on ne prétend pas
attribuer aux saints eux-mêmes, à
leurs reliques, les effets miraculeux qu'on raconte
ou qu'on attend, l'esprit des fidèles, en
fait, ira toujours au plus court: c'est aux saints
et à la vertu de leurs reliques qu'on
attribuera, sans hésiter, tous les effets
produits ou attendus.
Le culte des
reliques
n'aura donc servi, en réalité,
qu'à rendre le culte des saints plus
grossier, plus matériel, car ce ne sera plus
même à eux et à leurs reliques,
mais à leurs reliques seules, que les gens
attribueront le pouvoir qu'ils invoquent. Est-ce un
tableau imaginaire que celui que nous
traçons là? - Demandez à qui a
vu de près les populations vraiment
catholiques.
251 .
Verset 18.
Beaucoup de ceux qui avaient cru venaient confesser
et déclarer leurs actions.
Ce mot confesser a
fait
dire qu'il y avait là la Confession. Relisez
le tout, et vous verrez bien qu'elle n'y est en
aucune manière.
Ces gens viennent
confesser leurs péchés. A qui? A tout
le monde et devant tout le monde, car le mot grec
veut dire confesser publiquement, et le mot qui
suit veut dire aussi déclarer publiquement.
Ces gens, en second lieu, ne viennent point ensuite
d'une obligation qui leur ait été
imposée; le récit indique, au
contraire, un élan spontané de la
piété d'un certain nombre. Est-il
question, enfin, ou de pénitences
imposées, ou d'absolutions données?
Nullement.
Mais ne vous en
tenez pas
à conclure que la Confession sacramentelle
n'est pas ici, dans ce trait ; rappelez-vous que
vous ne l'avez encore vue dans aucun des traits qui
précèdent, et soyez assuré que
vous ne la trouverez pas davantage dans les traits
qui vont suivre, ni dans les Épîtres
non plus.
Versets 21
et suiv. -
Paul forme le projet d'aller à Rome (voir note
258).
Émeute à Éphèse,
excitée par les gens qui fabriquaient de
petits modèles du temple de Diane. Harangue
de Démétrius.
252. Verset
27. Et il
n'est pas seulement à craindre que notre
métier ne soit décrié, mais
encore que le temple de la grande Diane ne tombe
dans le mépris.
Démétrius,
quoique ayant intérêt à
soutenir le culte de Diane, pouvait être
sincère dans sa piété envers
elle; mais il est cependant toujours fâcheux
que l'empire d'une religion se lie à des
intérêts matériels, à
des métiers.
Or, l'exploitation
matérielle est tout aussi
développée dans l'Église
romaine qu'elle le fuit jamais chez les païens
de la Grèce et de Rome. Si la peinture
catholique a produit des chefs-d'oeuvre, elle n'en
est pas moins, dans son ensemble, une vaste
fabrication, un immense métier. Dites-en
autant de la sculpture : Chefs-d'oeuvre
çà et là, mais fabrication
immense, images par millions. Et que d'autres
métiers de toute espèce
abrités dans tous les coins et recoins de
l'édifice catholique! Que de faiseurs et que
de vendeurs de toutes choses! Que d'industries
mourant de faim le jour où le catholicisme
tomberait! Rome sans le catholicisme serait bien
autrement ruinée qu'Éphèse ne
craignait de l'être si sa grande Diane
tombait sous les coups de saint Paul.
Est-ce là ce que
semblait annoncer cette religion qui se vantait de
différer si profondément du
paganisme, d'être esprit tandis que le
paganisme était matière,
d'élever l'homme au-dessus de tous les
grossiers besoins que le paganisme avait
satisfaits? Mais le christianisme est resté
ce qu'il était. Toutes ses promesses
d'alors, il les a tenues, il les tient. Seulement,
ce n'est pas à Rome.
Paul en Macédoine et en Grèce. Assemblée , à Troas, pour « rompre le pain » (note 206). Résurrection d'un jeune homme. l'au! à Milet. Il ne veut pas repasser à Éphèse.
253. Verset
17. Mais ,
de Milet, il envoya à Éphèse
pour faire venir les Anciens de
l'Église.
Exhortation que
Paul leur
adresse.
Verset 28.
Prenez donc
garde à vous-mêmes, et à tout
le troupeau sur lequel le Saint-Esprit vous a
établis évêques, pour
paître l'Église de
Dieu.
A quels hommes saint
Paul
donne-t-il ici le nom d'évêques ? A
ceux qui ont été appelés, au
verset 17, les Anciens de l'Église
d'Éphèse.
De là un fait que
nous verrons ressortir de partout, et que confirme
toute l'antiquité chrétienne : c'est
qu'Évêque et Ancien, ou, si on veut,
Évêque et Prêtre (note
236),
désignaient un seul et même homme.
Évêque veut dire surveillant,
inspecteur; l'Ancien surveillait, inspectait
l'Église. Le premier mot n'indique que la
charge ; le second indique l'homme, toujours
choisi, en vue de cette charge, parmi les plus
âgés, ou, du moins, les plus
respectables.
Toutes ces idées
mystiques qu'on a professées plus tard sur
le caractère épiscopal, sur le droit
divin de l'évêque à
conférer seul la prêtrise,- non
seulement vous ne les trouverez pas dans
l'Écriture, mais elles tombent devant cet
incontestable fait que les deux noms
désignaient le même homme , fait
reconnu longtemps encore après
l'établissement de l'épiscopat, comme
le prouve un passage fameux d'un Père du
cinquième siècle ,
Jérôme.
Jérôme admet
pleinement l'identité primitive de
l'évêque et de l'Ancien ; il ne voit
dans la différence établie qu'un
résultat des circonstances, et si les
prêtres, dit-il, « savent qu'ils sont
soumis, en vertu de la coutume, à celui que
l'Église met au-dessus d'eux, les
évêques, de leur côté,
doivent se souvenir que c'est plutôt la
coutume qu'un ordre réel du Seigneur qui les
a faits supérieurs aux prêtres. »
Les évêques romains s'en sont
généralement peu souvenus; mais le
concile de Trente n'a pas osé
décréter le contraire , de sorte
qu'il n'est pas positivement interdit, dans
l'Église romaine, de considérer
l'épiscopat comme une charge
instituée par l'Église , non par
Jésus-Christ ou les apôtres. Mais
cette manière de l'entendre, seule vraie,
est en complet désaccord avec la
manière dont cette même charge est
généralement définie et
exercée. Plus la base divine fait
défaut, plus, dans la pratique, on parle, on
agit, on commande comme si elle était
certaine, inattaquable.
L'épiscopat,
considéré comme institution de
l'Église, a pu être conservé
dans quelques Églises protestantes;
l'épiscopat de droit divin n'est qu'une
usurpation. Vous trouverez, dans beaucoup de livres
catholiques, une falsification audacieuse d'un des
versets ci-dessus, falsification dont le germe est
déjà dans la Vulgate , car le grec
dit « paître l'Église de
Dieu,» et la Vulgate met « gouverner
l'Église de Dieu. » Prenant donc une
portion seulement de la phrase, les quatre mots
« Episcopos posuit regere Ecclesiam, » on
traduit : « Il (le Saint-Esprit) a
établi les évêques pour
gouverner l'Église. » Double jeu de
mots, par conséquent, d'abord parce que les
évêques, dans ce verset, sont les
Anciens, les prêtres du verset 17 , puis
parce qu'il s'agit là, tout simplement , de
rappeler à ces évêques
d'Éphèse que Dieu les a faits
évêques d'Éphèse,
absolument comme vous diriez à n'importe
quel curé, en lui rappelant ses devoirs, que
c'est Dieu qui l'a mis à la tête de sa
paroisse. Voilà les petites ruses que
l'épiscopat romain est forcé
d'appeler à son secours.
254.
Versets 29-52.
Car je sais qu'après mon départ il
viendra parmi vous des loups ravissants, qui
n'épargneront point le troupeau, et que,
même d'entre vous, il s'élèvera
des gens enseignant des doctrines pernicieuses,
pour entraîner les disciples après
eux. C'est pourquoi, veillez, vous souvenant que,
durant trois ans, je n'ai cessé, nuit et
jour, d'avertir chacun de vous avec larmes. Et
maintenant, Frères, je vous recommande
à Dieu et à la Parole de sa
grâce, à Dieu qui peut achever
l'édifice, et vous donner l'héritage
avec tous les sanctifiés.
Tout semble
calculé, dans ce récit et dans ce
discours, pour que vous remarquiez bien l'absence
de toute mention d'un centre visible
d'unité, de
vérité.
Paul va partir. Il
sait,
dit-il, que des loups ravissants viendront, que de
graves erreurs s'enseigneront. Que va-t-il ajouter?
Qu'ajouterait nécessairement un catholique?
Comprendriez-vous qu'il ne parlât pas, ici,
de l'Église une et infaillible? Qu'il ne
rappelât pas aux Éphésiens ce
chef, ce centre , vers lequel ils auraient à
tenir leurs yeux fixés? - Rien, absolument
rien de semblable. « Veillez,» leur dit
saint Paul; voilà tout. Il les recommande
« à Dieu et de la Parole de sa
grâce,» et, plus tard, écrivant
de Rome à ces mêmes
Éphésiens, il ne leur parlera pas
davantage (voir notes 374
à 376)
de
rien qui ressemble à l'autorité et
à l'unité romaines.
255. Il les
recommande « à
Dieu et à la Parole de sa grâce,
» à cette Parole que, dit-il, il leur a
prêchée trois ans. Elle n'est pas
encore écrite, cette Parole ; le Nouveau
Testament n'existe pas , au moins dans son
ensemble. Mais, s'il existait, s'il était
entre les mains des Éphésiens, quel
sens aurait nécessairement, pour eux, ce
voeu de l'apôtre? Pourraient-ils ne pas en
conclure qu'ils doivent lire, relire,
étudier ce livre, s'y attacher
invinciblement? Ne trouveraient-ils pas tout
naturel qu'un livre, qui ne change pas, leur
fût donné comme le meilleur juge
possible des nouveautés dangereuses qui
seront prêchées chez eux?
Ce qui n'existait
pas
encore pour les Éphésiens , c'est ce
qui existe pour nous. La recommandation prend donc
pour nous le sens qu'elle aurait eu pour eux. Ils
auraient lu le livre; lisons-le. Ils l'auraient
pris pour juge de toutes les erreurs
prêchées ; jugeons , par lui, tout ce
qui n'y est pas conforme. Ils auraient
veillé, mais à sa lumière;
veillons, nous qui le possédons, à sa
lumière.
256. Verset
24. Ma vie
ne m'est point précieuse, pourvu que
j'achève avec joie ma course et le
ministère que j'ai reçu du Seigneur
Jésus.
Complément de ce
que nous avons dit (note
236) sur la
nature
des noms donnés , dans le Nouveau Testament,
aux prédicateurs de l'Évangile,
apôtres ou simples pasteurs, et à
leurs fonctions dans l'Église. Jamais, vous
vous le rappelez, ils ne sont nommés
sacrificateurs ; jamais leur charge n'est dite une
sacrificature, un sacerdoce.
Quels mots seront
donc
employés?
Ministre et
Ministère. Ministre veut dire serviteur,
serviteur qui travaille; c'est l'ouvrier dans le
champ du maître. Ministère ne dit
absolument rien de plus ; c'est la charge du
Ministre. Ce mot de Ministre, que l'Église
romaine est parvenue à rendre odieux ou
ridicule dans l'esprit de populations ignorantes,
c'est celui qu'emploie saint Paul en parlant d'un
Timothée, d'un Tite, de tous ses compagnons
d'oeuvre, de lui-même, et , cela, comme vous
le verrez plus loin, dans les endroits mêmes
où il relève le plus magnifiquement
la grandeur et la beauté de la charge.
d'Ambassadeur de Jésus-Christ. Là,
comme ailleurs, totale absence de l'idée
sacerdotale. Voir encore note
288.
257. Verset
33. Je
n'ai désiré ni l'argent, ni l'or, ni
les vêtements de personne.
Paul a donc obéi
aux ordres que nous avons vu donner par
Jésus-Christ (notes
16
et 25),
et,
comme Jésus-Christ, il condamne d'avance les
richesses énormes que l'Église allait
acquérir.
Paul à Rhodes, à Tyr, à Césarée, à Jérusalem. Les Anciens (note 236) s'assemblent chez Jacques, et Paul leur raconte ce que Dieu a fait par lui. Paul dans le temple. Soulèvement. Il demande à parler au peuple.
Discours de Paul. Son zèle de jadis contre les chrétiens. Sa conversion. Sa vocation comme apôtre des gentils (note 227). Fureur des Juifs.
Paul devant le Sanhédrin. Il est enfermé dans la forteresse.
258. Verset
11. La
nuit suivante, le Seigneur lui apparut et lui dit:
Paul, aie bon courage, car, de même que tu
m'as rendu témoignage à
Jérusalem, il faut aussi que tu me rendes
témoignage à Rome.
L'Église romaine
voudrait bien que saint Pierre fût ici
à la place de saint Paul, et que cet appel
miraculeux vînt autoriser la grande fable du
séjour de saint Pierre à Rome. Non
seulement cette base manque, mais nous allons voir
commencer la longue série de faits qui
démolit cette fable pièce à
pièce. Tout ce que l'Église romaine
aurait besoin de voir faire par saint Pierre , nous
le verrons faire, à partir d'ici, par saint
Paul.
La question de la
suprématie de saint Pierre entre donc ici
dans une nouvelle phase. Nous avons prouvé
surabondamment que cette suprématie
n'existait pas; les fait prouveront maintenant que,
dit-elle existé, Rome et
l'évêque de Rome n'ont aucun titre
à en recueillir
l'héritage.
Versets 12
et suiv. -
Des Juifs font voeu de tuer saint Paul. On l'envoie
à Césarée.
Paul accusé devant Félix. Frayeur de Félix en l'entendant parler du jugement à venir. Deux ans se passent.
Paul accusé devant le nouveau gouverneur, Festus. Il en appelle à l'empereur. Festus le présente au roi Agrippa.
Paul devant Agrippa. Il raconte sa conversion. Agrippa se dit presque tenté de devenir chrétien.
Départ pour Rome. Sidon, l'île de Crète. Tempête. Le vaisseau échoue. Tous abordent.
Malte. Paul mordu par une vipère. Il guérit le père de Publius. Syracuse. Rhége. Pouzzoles. Rome.
259. Du
verset 15
à la fin du chapitre.
Nous voici à Rome
avec saint Paul. Saint Pierre y était-il?
Non , car il n'y a pas ici un mot sur lui, et vous
n'irez pas croire que saint Luc, après
l'avoir tant nommé au commencement des
Actes, oublie, à Rome, de mentionner sa
présence et de le nommer même une
fois. Pierre n'y était donc pas alors, et,
ce qui n'est pas moins clair, c'est qu'il n'y avait
jamais été. Comprendriez-vous que
l'historien, présent lui-même à
Rome (verset 16), ne fit aucune mention des travaux
antérieurs de saint Pierre? Que saint Paul
n'en dît non plus pas un mot? Que les
principaux d'entre les Juifs (verset 22) eussent
l'air de n'en rien savoir et de n'en avoir jamais
rien su? Voilà bien quelques
chrétiens (verset 15) qui se trouvent
à Rome avant que saint Paul y ait
prêché ; mais vous l'avez vu en
trouver dans beaucoup d'autres villes, car
l'Évangile commençait à
pénétrer partout, et vous n'avez ici
aucun indice, absolument aucun, que ces
chrétiens de Rome eussent été,
évangélisés par saint Pierre.
Voir note
290.
Les défenseurs de
la papauté tournent donc
nécessairement dans un cercle ; ils ont
à soutenir à la fois deux choses dont
la première exclut forcément la
seconde. Quand on arriverait à
démontrer la suprématie de saint
Pierre, on ne ferait que rendre plus impossible
encore la démonstration du séjour
à Rome, car il serait d'autant plus
inadmissible que saint Luc dans les Actes et que
saint Paul dans ses épîtres n'en
eussent jamais fait mention.
On est confus
d'avoir
à tant insister sur des raisonnements si
simples, sur des preuves si claires. Si
l'Église romaine n'était
condamnée à soutenir que saint Pierre
a été à Rome, a
prêché l'Évangile à
Rome,- jamais lecteur, lisant cette fin des Actes,
n'eut soupçonné que Pierre put
être alors dans cette ville, ou y avoir
jamais été.
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