Qu'est-ce que l'homme mortel, pour que tu te souviennes de lui? Qu'est ce que le fils de l'homme, pour qu'il soit l'objet de tes soins ? Ps. VIII, 5.
C'EST en considérant
l'étendue des Cieux déployés
sur nos têtes que David tenait ce langage. En
effet, mes Frères, lorsque dans les heures
tranquilles de la nuit nous contemplons ces feux,
ces astres divers, ces mondes innombrables que la
main du Créateur a semés dans le
firmament, et qui nous donnent de sa puissance une
idée si haute qu'elle est presque effrayante
pour notre faiblesse; lorsqu'ensuite, portant
nos regards sur nous-mêmes,
retombant sur notre néant, nous voyant
perdus au milieu de cette immensité, nous
songeons aux soins bienfaisans de la Providence,
nous pensons que cet Être si grand dont les
Cieux annoncent la gloire, est le même Dieu
qui nous prévient tous les jours par mille
et mille bienfaits de détail, qui nous
soutient, nous supporte, nous pardonne, use
à notre égard de tant de patience, de
tant d'indulgence, comment ne pas être
étonnés, confondus de cette
bonté infinie dont nous sommes l'objet ?
comment ne pas sentir notre coeur pressé du
sentiment de son indignité?
O mon Créateur! je me prosterne à tes
pieds, et je te bénis. Dans cette foule
d'êtres que ta puissance a tirés du
néant, ton amour distingue l'homme. Faible
vermisseau, enfant de la poussière, abject
à tes yeux par tant de péchés,
tant d'erreurs, tant de souillures, il n'est
cependant pas oublié de ta Providence: tes
gratuités l'environnent,
tu lui prodigues tes faveurs, tu le destines
à des biens infinis.
O Sagesse! ô Pouvoir! ô
Miséricorde incompréhensible! Qu'est-ce
que
l'homme
mortel, pour que tu te souviennes de lui
?
Quelque propre que soit le spectacle des Cieux
à faire sur nous cette impression, il en est
un autre moins imposant sans doute, mais plus
touchant encore: c'est celui qui frappe nos regards
à cette époque, c'est la renaissance
de la nature. Il me semble que c'est le moment
où l'idée des bienfaits de Dieu et de
l'ingratitude de l'homme doit se présenter
à nous sous des traits plus vifs et plus
pénétrans. Il me semble que c'est le
moment où plus que jamais nous devons sentir
le besoin de mettre nos campagnes sous la
protection du Ciel, d'attirer sur elles sa
bénédiction; où nous devons,
en les parcourant, nous élever a Lui,
où, réunis dans le sanctuaire, nous
devons tous ensemble présenter au Seigneur
des coeurs touchés de ses
bienfaits et pénétrés de notre
indignité, implorer tous ensemble son
secours et nous dévouer à son
service. Dieu veuille que ce soit le fruit de ce
discours; Dieu veuille que le sentiment qui
s'élèvera dans nos coeurs soit pour
l'avenir le gage d'une reconnaissance sans bornes
et d'une entière fidélité!
Ainsi soit-il.
S'il est un tableau fait pour exciter, notre
admiration, notre reconnaissance, c'est sans doute
le retour de ce printemps qui vient nous
annoncer les richesses de l'année:
c'est alors qu'un beau jour suffit pour exciser le
sentiment du bonheur.
D'abord aux âpres frimas succède un
air plus doux et délicieux à
respirer. Les oiseaux, par leurs concerts,
Annoncent le changement qui se prépare; ils
invitent l'homme à la joie. La nature semble
étaler à nos yeux les présens
qu'elle nous destine pour les saisons suivantes.
Nos prairies se couvrent d'une herbe épaisse
et verdoyante; nos champs
élèvent avec fierté ces tiges
précieuses que l'été doit
jaunir; les rameaux tortueux de la vigne
s'émeuvent pour annoncer le sentiment de vie
qui les pénètre; les arbres se
couvrent de boutons qui bientôt s'ouvrent, se
développent et produisent la plus brillante
décoration.
Ainsi, remarquez- le, ce n'est pas seulement de
l'espoir des biens à venir que nous
jouissons: cet espoir est excité dans nos
âmes par des signes enchanteurs. Ce sont des
fleurs charmantes dont les couleurs et les parfums
se varient à l'infini, qui nous
présagent les fruits de l'automne. Ainsi le
Tout- Puissant daigna s'occuper non-seulement de
nos besoins, mais encore de nos plaisirs. Comment
pourrions-nous y penser sans attendrissement? Il
traite l'homme comme un hôte chéri,
dont il s'empresse à parer la demeure.
Chaque plante, chaque arbuste est chargé de
lui payer un tribut d'agrément, et de
s'embellir pour cette fête dont il est
l'objet. Cette terre, toujours
froide, sombre, triste et rembrunie dans son
intérieur, se décore à
l'extérieur par l'ordre du Souverain.
Et ce qui rend plus touchante et plus sensible
cette scène d'enchantement, c'est
l'époque de froidure et de mort qui l'a
précédée. Il semble que la
nature, après nous avoir offert dans le
cours des saisons l'image de notre accroissement,
de nos progrès, de notre décadence,
veuille réveiller en nous un espoir divin,
et nous offrir dans sa renaissance l'image de cette
résurrection de l'homme, promise par
Jésus. Il semble que, pour nous offrir
l'emblème du prodige dont nous serons un
jour l'objet, elle multiplie autour de nous les
prodiges.
Cette terre, parée de fleurs et brillante de
jeunesse, était naguère
inféconde et flétrie; ces rameaux,
pleins d'une sève active qui les couvre de
feuilles et de guirlandes, n'étaient qu'un
bois mort, semblable à celui
qui pétille dans nos
foyers; ce soleil, dont la chaleur ranime et
fertilise nos campagnes, paraissait un astre sans
chaleur et sans vie, dont les rayons ne portaient
qu'une froide clarté; ces insectes dont nous
entendons le bourdonnement, ces oiseaux dont les
chants nous ravissent, étaient languissans
et endormis dans leurs retraites.
O homme! compte, si tu le peux, ces miracles qui
s'opèrent autour de toi et pour toi. Qui
es-tu, pour que le Très- Haut se souvienne
de toi ? Qui es-tu, pour que le Tout-Puissant fasse
de toi l'objet de soins si tendres, si attentifs,
si ingénieux? Hélas! nous n'occupons
qu'un point dans l'espace; nos forces sont
débiles, notre intelligence bornée:
parmi les objets qui nous environnent, il n'en est
aucun qui ne la surpasse; notre durée est
courte, incertaine. L'homme ne paraît
revêtu de quelque dignité que lorsque,
prosterné devant son Dieu, il s'unit
à lui par les élans
de son âme: il n'est rien en lui de grand que
la faculté de sentir sa petitesse, de
s'anéantir devant l'infini. Qu'est-ce
que l'homme mortel, pour que
tu te souviennes de lui ?
Mais, Seigneur, ce n'est point le sentiment de
notre petitesse qui oppresse notre coeur quand nous
songeons à tes bienfaits. Non, non, en
relevant davantage ton amour, elle serait douce
à ressentir. Si nous n'étions que
petits, si nous n'étions que cendre et
poussière nous pourrions jouir du sentiment
de notre indépendance et du bonheur de
t'abandonner notre sort; nous trouverions de la
douceur à nous perdre dans ton
immensité; nous trouverions de la douceur
à nous sentir accablés de ta
grandeur, accablés de tes
gratuités.
C'est parce que nous sommes coupables, c'est parce
que nous sommes pécheurs, que nous ne
pouvons répéter sans un
mélange de honte et de
douleur ces paroles du
Roi-Prophète: Qu'est-
ce que l'homme mortel, pour
que tu te souviennes de lui?
Ah! sans doute, il faudrait des créatures
innocentes pour être l'objet de tes
bontés, pour être en harmonie avec
cette nature parée de tes mains. Pour
l'homme, avant sa chute, tu avais
préparé des campagnes encore p lus
riantes: le péché l'en bannit; mais
cette terre que tu lui donnes à cultiver est
encore trop belle et trop fertile pour un coupable;
elle est encore couverte de tes présens,
embellie par tes soins, remplie de tes richesses.
C'est autant de reproches de son ingratitude qui
lui sont adressés. Si du moins il existait
quelque petite société, quelque
peuplade qui, par des moeurs plus pures, se
montrât plus digne des faveurs du Ciel! si
dans les champs, où l'homme est en quelque
sorte séparé d'un monde corrompu,
où il vit entouré de la gloire et des
bontés du Créateur, il était
plus reconnaissant, plus
sensible!
Mais, hélas! dans un siècle de
dégradation, quel asile est assez
reculé contre la contagion des vices? Elle
pénètre un peu plus tard dans les
hameaux; mais enfin elle y pénètre.
Au bout d'un certain espace de temps,
l'irréligion, l'égoïsme, le
libertinage y répandent leur poison comme
dans les cités.
Nous sont-ils inconnus ces hommes qui, au milieu
même des merveilles de la Providence, osent
censurer ses dispensations, osent, dans leur
ignorante audace, dans leur folie sacrilège,
nier son existence; osent, qui le croirait ? lui
ôter le gouvernement du monde pour le donner
au hasard, aux astres dont ils connaissent à
peine le nom? Que parmi les citoyens des villes, on
en voie dont l'esprit, gâté par de
mauvaises lectures ou par l'orgueil des demi-
connaissances, tombe dans cet égarement, ils
sont dignes de pitié. La trempe de leur
jugement ne s'est point trouvée assez forte,
assez sûre contre ces
dangers.
Mais que l'habitant des campagnes, destiné
par la Providence à conserver dans leur
intégrité la droiture du sens et la
simplicité de l'esprit, se prenne dans un
piège qui n'était pas dressé
sur ses pas, aille périr sur un
écueil qui ne se trouvait point sur sa
route, quoi de plus étrange et de plus
révoltant!
Ah! si le cultivateur religieux et sensible, dont
l'âme s'élève à Dieu au
milieu des belles scènes de la nature, est
un être non moins intéressant que
respectable, celui qui, recevant tout du Seigneur
sans intermédiaire, refuse de lui rendre
hommage, celui qui le méconnaît au
milieu de ses oeuvres et de ses bienfaits, le
cultivateur impie est un monstre moral. De tels
hommes sont rares, très-rares sans doute;
mais n'en est-il pas plusieurs qui semblent
regarder les dons du Ciel comme leur
propriété, comme le fruit de leur
industrie, qui ne pensent pas avoir à payer
aucune redevance au Souverain-
Dispensateur, avoir a solliciter
son secours, à mériter en quelque
sorte qu'il déploie en leur faveur sa
puissance ?
En les voyant tout occupés du soin de
cultiver leurs domaines, et ne songeant point
à faire descendre sur eux la
bénédiction du Ciel, on croirait que
ce sont eux qui font lever le soleil sur leurs
champs, qui amassent les nuages dans les airs, les
font distiller en pluies bienfaisantes, et font
circuler la sève dans les rameaux.
Insensés! ils oublient ce qu'au raient pu
leur apprendre ces fléaux du Ciel, qui, plus
d'une fois, ont confondu leurs espérances,
ce que répètent de mille
manières nos Écritures: Paul
plante, Apollos
arrose, mais c'est Dieu qui donne
l'accroissement
(I
Cor., III, 6.). C'est
en
vain que vous vous levez matin, que vous vous
couchez tard et que vous mangez le pain de douleur,
Dieu seul donne du repos à celui qu'il
aime (Ps.
CXXVII,
2).
N'est -il pas des hommes qui vont plus loin? Ces
mêmes travaux de la terre, qui leur
rappellent sans cesse la Providence et le besoin
qu'ils ont de son secours, sont pour eux une
occasion de l'offenser, une occasion de
s'éloigner de nos temples et de violer nos
sabbats!
Quel spectacle, grand Dieu! des profanateurs
troublent avec audace le silence de la nature, ce
silence de nos jours sacrés, si auguste et
si touchant! On les voit se livrer à un
travail défendu avec une ardeur criminelle
à la vue des Cieux, à la vue de ce
temple où les fidèles réunis
invoquent l'Éternel, comme s'ils voulaient
insulter à leur dévotion et braver le
Tout-Puissant sous ses regards!
N'est-il pas des hommes qui, loin de devenir bons
et généreux, à l'exemple du
Dieu qui ne cesse de les bénir, se montrent
durs et sans entrailles, ne pensent qu'à
eux-mêmes, à leurs convenances,
à leurs besoins, et
même, en recueillant les biens de la terre,
négligent de faire la part de l'indigent et
du malheureux?
N'est-il pas des hommes qui, malgré la
douceur de ces tableaux champêtres, au milieu
de cette harmonie qui nous invite à la paix
et à l'amour, nourrissent des sentimens de
jalousie, de haine, d'envie, se livrent à
des querelles, à des rapines, et ne songent
qu'à donner cours à la
malignité de leurs passions?
N'en est-il pas enfin qui tournent en dissolution
les grâces du Ciel, qui ne voient dans les
années fertiles qu'une occasion de se livrer
à l'intempérance, et que les
années de disette ne peuvent rendre plus
sages? Hélas! mes Frères, nous avons
été mis à ces deux
épreuves, et dans l'une et l'autre le Dieu
qui nous pesait à sa balance, nous a
trouvés légers. Ses châtimens
n'ont laissé en nous aucune trace profonde;
ils n'ont fait qu'une impression passagère;
ils n'ont point produit de
véritable réforme, la réforme
du coeur; et lorsque l'Éternel a ouvert de
nouveau sa main, peu d'hommes ont ressenti cette
joie noble et religieuse qui devait nous animer:
pour le grand nombre cette abondance est devenue
une occasion de chute.
Je le sais, mes chers Frères, et c'est
là ma consolation, il est parmi nous des
âmes pures, charitables, des hommes
éclairés et religieux, qui savent se
résigner à la volonté du
Très- Haut, lui rapporter leurs
succès, se faire un devoir sacré, un
plaisir, un besoin de lui rendre leurs hommages: ce
sont eux qui composent habituellement nos
assemblées. Mais, dans ce nombre même
en est-il beaucoup à qui la conscience n'ait
rien à reprocher, qui, pensant aux
grâces du Seigneur, n'aient pas à
s'humilier dans le sentiment de leur
indignité? Et, d'ailleurs, font ils le grand
nombre? Hélas! les personnes qui
viennent dans le sanctuaire avec
joie avec assiduité,
forment la moindre partie de ce troupeau; et
lorsque mes pensées se portent sur ceux qui
en demeurent éloignés, sur ceux que
la tiédeur, le relâchement, les
passions terrestres retiennent loin de leur Dieu,
sur ceux qui ne s'approchent de lui que des
lèvres; lorsque je réfléchis
à tant. de péchés de tout
genre que les années
précédentes ont vus dans leur coeurs
et que celle-ci verra peut-être encore,
l'aspect riant de la nature s'obscurcit à
mes yeux, la verdure du printemps se
flétrit, je crois voir le Très-Haut
se préparer à nous punir.
Et c'est ainsi, mes Frères, que le
péché empoisonne tout; c'est ainsi
que l'indignité de l'homme est un poids
qu'il ne peut secouer, et qui retombe sans cesse
sur son coeur. Il semble, dans ces jours de
relâchement et d'impiété, que
le douloureux contraste des bienfaits du Ciel et de
l'ingratitude des hommes
élève dans l'âme un
pressentiment sinistre, une terreur
secrète.
Fidèles! qui m'écoutez, n'avez-vous
pas reçu mille fois ces impressions? Si,
malgré notre tiédeur, nos
infidélités, le Seigneur daigne
répandre sur nous ses grâces, s'il
nous accorde des saisons fertiles, s'il fait
mûrir les fruits que le printemps nous
annonce, nous n'en jouirons qu'avec crainte, avec
tremblement, nous penserons qu'il se prépare
à nous retirer ses faveurs.
S'il nous envoie des signes menaçans, notre
coeur nous dira que nous avons mérité
d'être frappés de ses coups; nous
croirons le voir tenir en réserve dans sa
main des fléaux plus cruels.
Peut-être ces pensées, ces sentimens
ne sont-ils connus que des âmes sensibles et
religieuses. Qu'ils nous disent cependant, ces
hommes terrestres, qu'ils nous disent quels
troubles les agitent et les privent quelquefois des
douceurs du sommeil à l'approche du
péril, que dis-je?
à la simple apparence d'une calamité
qui peut les priver du fruit de leurs travaux?
Lorsqu'après les premières chaleurs
du printemps ils voient cette froidure, si
redoutable pour les tendres jets de la saison, se
répandre dans l'atmosphère, blanchir
de nouveau le sommet des monts et nous menacer
d'une gelée fatale; lorsque l'aquilon
furieux tourmente la nature et secoue avec fureur
les rameaux des arbres, comme pour les
dépouiller des fleurs qui font notre
espérance, avant qu'elles aient pu se
changer en fruits; lorsqu'un soleil brûlant
dessèche les plantes, durcit la terre,
arrête toute végétation, ou que
des pluies trop abondantes semblent devoir inonder
nos champs et corrompre la semence qui leur fut
confiée; lorsque de sombres nuages,
précurseurs de la grêle,
poussés par les vents, parcourent l'horizon
et s'avancent rapidement sur nos têtes, la
conscience n'entre-t-elle pour rien dans leurs
terreurs? le bras de la justice
divine, armé du glaive, ne s'offre-t-il
jamais à leurs yeux?
O Dieu! écarte loin de nous ces tristes
présages; o Dieu! bénis nos
espérances, répands la
sérénité dans les airs, et
ramène la piété dans le coeur
de l'homme.
O mes chers Frères! nous tous qui avons
offensé le Seigneur par notre ingratitude,
nos désordres ou notre tiédeur;
jeunes gens! chefs de famille! vieillards! revenons
tous à notre Dieu avec un nouveau
zèle. Que la reconnaissance, le repentir, la
crainte, l'espérance, que tous les sentimens
réunis nous fassent tomber à ses
pieds, nous ramènent dans son sein!
A cette époque, la nature, la Providence, la
Religion concourent ensemble pour disposer notre
coeur et nous unir à notre Dieu. La douceur
de l'air qu'on respire, tous ces objets rians qui
frappent nos regards, semblent nous dire: Si votre
âme est tranquille et bien
réglée, vous serez
heureux. Nos campagnes paraissent un Éden,
où il ne manque que l'innocence: tout flatte
notre espoir, tout doit animer notre
reconnaissance. Et, je le répète,
c'est en vain que nous remarquerions, que nous
admirerions toutes les merveilles dont nous sommes
témoins: nous n'aurons que des jouissances
imparfaites, ou plutôt nous ne jouirons de
rien, si nous considérons la magnificence de
la terre sans nous élever avec amour
à Celui qui en est l'auteur, si nous ne le
bénissons pas en voyant partout les traces
de sa parfaite sagesse, de son ineffable
bonté.
La Providence ajoute de nouvelles faveurs à
celles dont nous sommes comblés dans la
nature. Elle ne se lasse point de veiller à
notre conservation, de pourvoir à nos
besoins, de nous instruire par les
événemens qu'elle dispense, de faire
tourner toutes
choses au bien de ceux qui aiment
Dieu (Rom.
VIII,
28.)
Si elle a permis que nous fussions atteints par ces
calamités dont elle se sert pour visiter
cette terre coupable, pour éprouver et
purifier l'Église, du moins elle ne nous a
pas fait boire jusqu'à la lie dans la coupe
du malheur. Vous le savez, vous l'avez dit plus
d'une fois, nous avons été
privilégiés jusque dans nos peines:
elle nous a ménagé des consolations
et des ressources. Maintenant elle a fait arriver
l'heure de la délivrance. Nous sommes
appelés à la bénir pour ses
gratuités éclatantes, pour les
grandes choses qu'elle a faites. Non-seulement elle
nous épargne la douleur de l'entendre
blasphémer par les mondains, comme cela
fût arrivé si l'issue des
événemens eût été
différente, mais elle nous accorde
l'inappréciable faveur d'assister à
l'accomplissement de ses desseins; elle
dévoile tellement sa marche, elle se rend
tellement visible à nos yeux, que l'homme le
plus aveugle et le plus
insensible est forcé de la reconnaître
et de l'adorer.
La Religion nous parle d'une voix plus forte encore
et plus touchante: deux de ces plus grandes
solennités se rencontrent avec les
magnifiques scènes du printemps. Cette
fête de Pâque que nous venons de
célébrer, cette fête où
tous les prodiges de l'amour divin ont
été mis sous nos yeux, où, en
approchant de la table sainte, nous avons dû
nous sentir écrasés du poids de notre
indignité et des miséricordes du
Seigneur, où du fond de notre coeur, s'il
est encore sensible, a dû sortir cette voix: Qu'est-ce
que
l'homme
mortel, pour que tu te souviennes de
lui? cette fête
de Pâque, célébrée au
moment où tout renaît sur la terre, en
mémoire d'un Sauveur ressuscité,
comme elle nous presse de marcher en
nouveauté de vie (Rom.
VI,
4), comme
elle nous appelle à
ressusciter avec lu i!
Nous l'avons promis sur les symboles augustes de
son corps et de son sang. Puissions-nous être
fidèles à cet heureux engagement!
Puissent nos coeurs s'ouvrir aux douces influences
de la Religion, comme nos champs aux rosées
du Ciel! Puissions-nous, dans les jours qui
s'approchent, dans cette Pentecôte
chrétienne où les trésors de
la grâce nous seront ouverts, puissions-nous
recevoir une abondante mesure de cet Esprit sans
lequel nous ne pouvons rien, de cet Esprit qui nous
sanctifie et nous console, qui nous
scelle pour le jour de la
Rédemption
(Ephés.,IV,
30).
Alors, par la pureté de nos moeurs et la
ferveur de notre dévotion, nous ferons
descendre sur nous toutes les
bénédictions du Seigneur; alors, en
voyant renaître la nature, en admirant les
bienfaits de la Providence et les merveilles de la
grâce, nous dirons encore: Qu'est-ce
que l'homme
mortel, pour
que tu
te
souviennes de lui?
mais nous le dirons avec ce doux sentiment
qu'éprouvent les bienheureux lorsque, dans
l'exaltation, dans l'ivresse de leur âme, ils
s'entretiennent des gratuités du Dieu
Sauveur, lorsqu'ils se perdent avec délices
dans le sentiment de l'infinie miséricorde
et de l'amour infini. Amen.
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