Déchargez-vous sur Dieu de tout ce qui pourrait vous inquiéter, car lui-même prend soin de vous, I Pierre, V, 7.
QU'il nous est doux, mes
Frères; de vous adresser cette exhortation!
Que la Religion, qui la met dans notre bouche, qui
nous charge de vous la répéter, doit
vous paraître aimable! Dans ces jours
sacrés où elle vous rassemble et vous
invite à goûter le repos que demande
la nature, elle ne s'occupe pas moins, que dis-je?
elle s'occupe surtout de l'intérêt de
vos âmes: elle veut les soutenir, les
fortifier, les nourrir des plus
sublimes et des plus salutaires
vérités. Ce n'est pas assez pour elle
d'assurer quelque relâche à vos corps
en suspendant le cours de vos occupations et de
travaux souvent pénibles, elle veut soulager
vos coeurs du fardeau plus pesant des
inquiétudes. Semblable à la
mère tendre qui ne néglige aucun soin
relatif au bonheur de ses enfans, cette
Religion divine veille sur tous nos
intérêts: elle les embrasse tous dans
sa sollicitude, elle nous fait du bien sous tous
les rapports.
Hâtons-nous de prêter l'oreille
à sa voix consolante: Déchargez-vous
sur Dieu de tout
ce qui peut vous inquiéter.
Venez apprendre, mes Frères,
à vous faire une juste idée de ce
devoir; venez en sentir la justice; venez en
apprécier l'influence sur votre bonheur. Et
puissent les soins bienfaisans du Dieu qui vous
parle ainsi, n'être aujourd'hui perdus pour
aucun de vous! Ainsi
soit-il.
I. Pour
comprendre le sens des
paroles de mon texte, observons
d'abord qu'elles ne peuvent s'appliquer aux
inquiétudes que causent les passions,
à ces inquiétudes toujours
criminelles par leur nature ou leur
excès.
L'avare est tourmenté par la crainte de
perdre ce qu'il possède; l'envieux par la
perspective des succès d'autrui;
l'ambitieux, l'homme vain, par le désir de
supplanter un concurrent, d'effacer un rival; le
libertin par l'incertitude de réussir dans
ses honteux desseins.
Ce n'est point à de tels hommes, sans doute,
qu'on peut dire: Déchargez-vous
sur
Dieu, etc. Cette
invitation suppose quelque rapport entre Celui qui
la fait et ceux à qui elle s'adresse. Loin
que la sainteté, la justice de Dieu lui
permettent d'accomplir de pareils souhaits, de
calmer de telles alarmes, il détourne de
ceux qui s'y livrent ses regards indignés.
Réprimez, leur dit-il, ces désirs
insensés et vicieux, mettez un frein
à ces passions désordonnées;
arrachez-en de votre coeur
jusqu'à la racine; abstenez-vous
des passions de la
chair, qui font la guerre à
l'âme
(1
Pierre II, 11).
II n'est pour vous de repos
qu'à ce
prix.
Il n'est pas non plus question dans notre texte de
ces inquiétudes qui naissent d'une
conscience coupable. L'homme souillé de
quelque crime, ou dont le coeur est la proie d'une
plaie mortelle, craint sans cesse de voir son fatal
secret découvert: il redoute ou le
mépris de ses semblables, ou le
châtiment qu'infligent les lois, ou cette
justice plus formidable dont le bras est
levé sur lui. De telles inquiétudes
ne sont que trop fondées; ce n'est pas
à cet homme qu'on peut dire: Déchargez-vous
sur
Dieu, etc. Il
faut, dit
l'Écriture
(Jérémie
II,
19.), qu'il
connaisse et qu'il voie quels
maux, quelles amertumes on se prépare en
abandonnant l'Éternel.
Il faut qu'il apprenne, par ses
terreurs, à respecter le
Dieu Saint qu'il offensa et les lois
éternelles qu'il a violées. Il faut
qu'il sente profondément les peines
attachées à leur violation: le comble
du malheur pour lui seroit d'y devenir insensible.
Le tourment qu'il éprouve est le feu qui
purifie, le fer enfoncé dans la partie
malade pour en extraire les chairs corrompues: le
succès du remède est la proportion de
la douleur qu'il ressent, c'est le seul moyen
d'être amené au Sauveur des hommes,
à Celui qui peut le justifier et changer son
coeur; c'est la seule ressource, le seul espoir de
salut qui lui
reste.
À quel genre de craintes peut donc
s'appliquer l'exhortation de l'Apôtre? Elle
s'applique, mes Frères, à ces
inquiétudes naturelles, innocentes
jusqu'à certain degré, qui ne sont,
hélas! que trop variées et trop
communes ici bas.
Vous, mon cher Frère, vous n'avez pu,
malgré vos efforts et votre économie,
vous tirer de la misère, ou
bien vous avez perdu par des
revers imprévus le fruit d'un travail
légitime, assidu, peut-être
l'héritage de vos pères.
L'épuisement de vos forces et le
déclin de votre santé ne vous
permettent plus d'améliorer votre condition
ou de changer vos habitudes. Vous craignez pour la
fin de votre vie la dépendance, l'abandon,
la détresse; mais la sensualité,
l'orgueil, l'avarice n'entrent pour rien dans vos
peines. C'est à vous que Dieu dit par ma
bouche: Déchargez-vous
sur moi de tout
ce qui peut vous inquiéter.
Vous, vous êtes affecté
profondément des bruits injurieux que la
calomnie sème contre vous, et qu'un hasard
cruel, des circonstances malheureuses peuvent
accréditer. Vous craignez de perdre la
confiance, la considération publique; vous
craignez que les coeurs même qui vous sont le
plus attachés, n'en reçoivent quelque
atteinte. L'avenir se rembrunit pour vous, il se
présente à vos
yeux que l'abandon,
l'humiliation; mais des penchans coupables,
l'aigreur, le ressentiment, l'amour du monde
n'entrent pour rien dans vos alarmes. C'est
à vous que Dieu dit: Déchargez-vous
sur
moi,
etc.
Vous vous affligez d'un malheur public ou
particulier; vous déplorez un
événement dont les
conséquences peuvent être funestes;
vous craignez pour votre famille, pour votre
patrie, pour l'Église dont vous êtes
membres; mais les passions humaines, l'esprit de
parti n'entrent pour rien dans vos craintes. C'est
à vous que Dieu dit: Déchargez-
vous sur
moi,
etc.
Vous voudriez laisser à vos enfans un sort
assuré: vous craignez de ne pouvoir faire
assez pour leur éducation; la faiblesse de
votre santé vous fait redouter de les
abandonner jeunes et sans guide dans un monde
corrompu; vous frémissez à
l'idée des périls auxquels ils seront
exposés: vous craignez peut-être de
les voir éloignés de vous par
de fâcheuses
circonstances, arrachés à votre
amour, à vos soins bienfaisans. Toutes les
fois que vos regards s'arrêtent sur eux,
mille terreurs assiègent votre imagination
et bouleversent votre âme; mais c'est le
désir de leur vrai bonheur, la
piété, la foi qui vous animent, et
non l'amour-propre ou l'ambition. C'est encore
à vous que Dieu dit: Déchargez-vous
sur
moi,
etc.
Ainsi, mes Frères, celui pour qui Dieu fait
entendre cette voix, c'est le juste qui n'est ni le
jouet des penchans vicieux, ni la proie du remords:
c'est celui du moins qui s'efforce de marcher dans
les voies de la vertu chrétienne, et dont le
coeur est sincèrement tourné vers le
Seigneur: c'est le fidèle battu par les
orages de la vie, exposé à mille
dangers par sa nature et sa condition ici-bas,
soumis à la crainte par sa
sensibilité, par sa faiblesse. Dieu lui tend
sa main secourable; il craint qu'il ne succombe
sous le fardeau qui l'accable; il l'aide à
soutenir, à porter ce
fardeau; il lui fait ouïr ces douces paroles: Déchargez-vous
sur
moi,
etc.
Chrétiens! j'aime à supposer que je
puis les adresser ces paroles à tous les
membres de cette assemblée. J'aime à
vous considérer tous comme les enfans du
Dieu que vous venez adorer. J'aime à
supposer qu'après avoir suspendu vos travaux
et vous être distingués de ces enfans
du monde qui profanent le jour du Seigneur, de ces
spéculateurs insensés qui pensent
élever leur fortune sur le mépris des
lois du Souverain Arbitre de nos destinées,
vous êtes venus chercher ici le repos de vos
âmes, qui s'ouvrent d'elles-mêmes au
devoir consolant que je prêche
aujourd'hui.
Mais il ne suffit pas de savoir a qui s'adresse
cette exhortation, il faut comprendre encore ce que
Dieu nous demande et ce qu'il nous
offre.
II. Et
d'abord, il ne nous invite pas,
sans doute, à compter qu'il fournira seul
à nos besoins, tandis que
nous-mêmes resterons oisifs. S'il nous a
donné l'industrie et l'intelligence, c'est
afin que nous soyons les artisans de notre bonheur,
que nous agissions du moins avec lui. Il ne
prétend pas autoriser la paresse et
l'imprudence: le fidèle travaille comme si
tout dépendait de lui, et il attend sans
inquiétude l'événement parce
que tout dépend de
Dieu.
Ce serait se tromper encore grossièrement,
que d'espérer que le Maître du monde
agira d'une manière sensible,
extraordinaire, pour écarter les maux qui
nous menacent, ou faire réussir nos projets.
Il se plaît quelquefois à frapper ses
coups où l'on ne peut
méconnaître sa main, et qui disent
à notre coeur, saisi d'une religieuse
émotion: Certainement,
l'Éternel est
ici (Genèse,
XXVIII,
16.); mais quand
il
le fait, le Seigneur a moins égard à
sa force qu'à notre faiblesse. S'il emploie
des signes extérieurs, c'est à cause
de l'impression que font sur nous les
objets sensibles. Eh! qu'a-t-il
besoin de changer la face des
événemens, lui qui peut toujours en
tirer l'accomplissement de ses desseins? Lui qui
peut changer leur effet pour nous! lui qui peut
agir sur notre coeur et lui faire goûter des
jouissances dans les situations les plus
redoutées!
Aussi, mes Frères, dans le cours ordinaire
de sa Providence, il aime éprouver notre
foi, notre confiance. Il nous traite presque
toujours comme il nous traite pour notre
subsistance, qui dépend du fruit incertain
des moissons, d'une plante fragile, sans cesse
battue par les vents, exposée aux
déprédations des insectes et des
oiseaux. Il aime à voir le fidèle,
les yeux attachés sur le Ciel,
découvrir à travers les nuages qui
l'obscurcissent, les rayons du Soleil suprême
qui féconde et vivifie la nature, compter
sur un Dieu qui voile sa face, adorer ses desseins
sans les comprendre. Ainsi, Chrétiens, ce
que vous pouvezattendre du
Seigneur, ce n'est pas qu'il dissipera vos alarmes
par des coups éclatans, ni même qu'il
les dissipera toujours, mais qu'il en adoucira
l'impression, qu'il la surmontera par le sentiment
de sa grâce. Ce n'est pas qu'il changera
toujours votre condition, mais qu'il vous rendra
capable de la supporter, qu'il fera tout concourir
au bonheur général et même
à votre avantage
particulier.
Se décharger sur Dieu de tout ce qui
pourrait nous inquiéter, c'est donc remettre
en ses mains, avec une entière confiance,
nos intérêts et notre sort: c'est ne
pas nous servir de la faculté de
prévoir pour entasser dans l'avenir tous les
maux possibles, ne pas même porter des
regards inquiets sur cet avenir que lui-même
arrange pour nous: c'est voir approcher
l'événement sans trouble et sans
impatience.
L'homme qui peut se reconnaître à ces
traits, fût-il dans la situation la plus
périlleuse, ne sera jamais tenté de
faire des démarches
qu'interdisent la foi et la piété: il
craindrait trop d'irriter Celui qui règne
sur l'univers, ou de se soustraire à ses
vues bienfaisantes. Lors même que tout
paraît désespéré, que
tout appui lui manque, qu'il est abandonné
de la nature entière, il ne cesse pas de
compter sur son Dieu; et si ce Dieu ne vient pas
toujours à son aide, comme il l'aurait
souhaité, s'il ne le délivre pas
toujours du danger, le trouble cependant n'approche
pas de son coeur. Les vues de mon Dieu, se dit-il
à lui-même, sont supérieures
aux miennes; il sait mieux que moi ce qui me
convient; que sa
volonté soit faite, et non pas la
mienne (Matt.,
XXVI,
39.). Ainsi, par confiance, par résignation,
par amour, il accepte même les souffrances,
si Dieu juge à propos de les lui
dispenser.
III. Toute
sublime, tout
élevée au-dessus de la nature que
paraisse une telle conduite, elle n'est cependant
que la conséquence nécessaire de nos
relations avec Dieu. Nous y
sommes appelés également par la
raison et par la toi. Pourquoi devons-nous nous
décharger
sur
Dieu de ce qui pourrait nous
inquiéter?
C'est parce que Lui-même
prend soin de
nous.
Oui, grand Dieu! tu prends soin de nous. C'est
là une vérité gravée
dans les Cieux, sur la terre et dans le coeur de
l'homme. C'est par toi que roulent les astres:
c'est toi qui revêts le printemps de sa
parure: c'est toi qui conserves les espèces
des plantes et des animaux; négligerais-tu
ton plus bel ouvrage sur la terre, ton ouvrage le
plus chéri? Tu
fais croître les lis des champs, tu nourris
les oiseaux de l'air; abandonnerais-tu l'homme qui
vaut beaucoup plus qu'eux?
(Matt.,
VI,
26-30.) Mais
c'est pour lui que tu
commandes à la terre de donner son fruit
dans son temps, que tu commandes aux saisons de se
succéder. Ne craignez donc point, mes
Frères, au milieu de cette foule
d'êtres qui nous
environnent; je vous le déclare en son nom,
nous sommes les premiers que distinguent ses
regards, nous sommes le principal objet des soins
de sa Providence,
Eh! pourquoi ces lois qu'il nous donne, cette
Révélation dont il nous enrichit, ce
Fils qu'il nous envoie, cette
Parole éternelle faite
chair (Jean,
I,
14.), ce
grand Rédempteur
immolé pour nous, s'il ne voulait pas nous
donner
toutes
choses avec lui
(Rom.,
VIII,
32.), s'il
n'avait
qu'indifférence pour notre sort? Pourquoi
cette activité qu'il a mise dans notre
âme, ce plaisir qu'il nous fait trouver dans
l'exercice de nos facultés, cet
intérêt si pressant qu'il nous fait
prendre au bonheur de nos enfans, au sort de ceux
pour qui nous avons fait quelque chose, qui
dépendent de nous par quelque endroit,
à la conservation même des ouvrages
sortis de nos mains? Ces dispositions ne nous
annoncent-elles pas que Celui de qui nous
les tenons agit
sans cesse (Jean,
V,
17.), déploie
sans cesse ses
perfections divines, qu'il conserve, protège
toutes les créatures, et veille
particulièrement sur celles qu'il a
douées des plus belles
facultés?
Et n'est-ce pas encore ce que nous dit
l'expérience? Si l'histoire des peuples nous
offre les grands traits d'une Providence qui dirige
tout, se joue des passions des hommes, les fait
servir au succès, de ses desseins, notre
propre histoire ne nous offre-t-elle pas des traits
plus particuliers et plus touchans qui portent dans
notre coeur la persuasion de cette
vérité ravissante: Dieu
prend soin de
nous? En
repassant
votre vie, mes chers Frères, depuis votre
naissance, ne croyez-vous pas avoir
été conduits par une invisible main
qui vous éloignait des écueils que
vous n'aperceviez même pas, et par des
chemins souvent détournés vous
faisait arriver au
but?
Combien de fois une petite circonstance, qui
d'abord ne paraissait
rien,à
décidé notre sort, amené notre
bonheur! Combien d'événemens, qui, de
loin, semblaient funestes, sont devenus pour nous
une source d'instructions, souvent de jouissances!
Combien de fois ce Dieu qui nous dirige ne s'est-il
pas joué de nos conjectures
inquiètes, de nos murmures
téméraires! Et, sans sortir de la vie
champêtre, des objets qui nous entourent,
combien de preuves remarquables et touchantes
n'avons-nous pas de cette bonté, de cette
puissance divine, si supérieures à
nos pensées!
Tantôt des saisons contraires nous faisaient
craindre de ne pouvoir semer ou recueillir ce grain
précieux qui nourrit l'homme; tout semblait
perdu. Dieu commandait au soleil de paraître;
quelques beaux jours changeaient la face de la
terre et faisaient succéder l'espoir
à nos alarmes.
Tantôt une sécheresse cruelle
menaçait de tout faire périr de
langueur. L'Éternel faisait tomber une pluie
bienfaisante, qui ranimait la nature comme
par enchantement: elle
détrempait
la
terre,
suivant
l'expression du Psalmiste (Ps.
CIV,
14.),
l'arrosait avec abondance,
reverdissait les prairies et préparait le
blé.
Tantôt le fruit de nos champs, dont nous
attendions beaucoup, se trouvant réduit
soudain à peu de chose, notre imagination se
troublait; nous disions avec anxiété: Où
trouverons-nous
du pain pour tout ce
peuple? (Jean,
VI,
5.) Et
l'Éternel, ému de
pitié, bénissait, multipliait au
centuple une seconde moisson; il lui commandait de
pourvoir, de suffire à nos besoins.
Quelquefois un fléau destructeur
étendait tellement ses ravages, que nos
campagnes semblaient devoir s'en ressentir
long-temps; et bientôt, reconnaissant la
vanité de nos inquiétudes, nous
disions, en bénissant Dieu: nous sommes
trompés en
bien.
Ce n'est pas toujours, il est vrai, par des
délivrances pareilles, ni par des
délivrances proprement dites, que
le Seigneur montre qu'il prend
soin de nous; mais les maux même, oui, ces
maux publics et particuliers que des esprits
audacieux, des esprits téméraires,
dans leur aveuglement, présentent comme une
objection contre la Providence, sont une preuve
nouvelle de ses tendres soins.
Les uns sont destinés à
régénérer les nations,
à retremper les âmes, à ranimer
en elles les germes de la piété, de
la foi. Ce sont ces orages qui couvrent l'horizon
de ténèbres, bouleversent la nature,
nous offrent l'aspect affreux de la confusion et du
combat des élémens, mais qui, par une
secrète influence, fécondent le sol
et purifient l'atmosphère.
Les autres ont pour mission d'éclairer le
pécheur ou d'éprouver le juste, de le
rendre plus digne d'une immortelle
récompense. On peut les comparer à
ces opérations douloureuses, mais
salutaires, qu'exécute un médecin
ferme et courageux, malgré les cris du
malade, ou bien au procédé de
l'artiste habile qui met son or dans l'ardent
creuset pour l'en retirer plus pur et plus
brillant.
Ainsi, loin de nous annoncer que Dieu voit notre
sort avec indifférence, ces maux nous disent qu'Il
nous
aime, qu'il nous
aime
bien mieux que nous ne saurions nous aimer, qu'il
regarde à nos vrais intérêts
plus qu'à notre faiblesse, qu'il envisage
l'âme plus que le corps,
l'éternité plus que l'instant
passager qui
s'enfuit.
Ainsi, lors-même qu'il nous afflige, il prend
un soin tout particulier de nous: alors aussi ses
consolations se répandent dans l'âme
soumise; elles la relèvent, la fortifient:
enveloppés encore des nuages de l'infortune,
nous voyons percer les rayons d'une divine
espérance. Il ne suffisait pas cependant que
la raison pût nous conduire à cette
grande idée que Dieu prend soin de nous; il
ne suffisait pas que cette vérité
découlât de sa nature et de la
nôtre. Pour prévenir toutes nos
craintes, pour dissiper toutes
nos incertitudes, il a daigné nous en faire
dans sa parole les déclarations les plus
formelles. Il dit à chacun de nous, comme
autrefois à Josué; (Chap.,
I,
9.) Je
ne
te laisserai point, je ne t'abandonnerai point.
Fortifie- toi et prends courage; que rien ne te
trouble et ne t'épouvante, car je serai avec
toi partout où tu iras.
Et pour nous convaincre qu'il ne dédaignera
pas de pourvoir même à nos plus
légers intérêts, il va
jusqu'à nous assurer que tous
les cheveux de notre tête
sont comptés
(Luc,
XII,
7.). Il se
plaît à prendre
l'engagement de veiller sur nous, de nous
protéger dans tous les instans, comme s'il
voulait subvenir à notre faiblesse, et nous
armer pour ces momens d'angoisse où le
trouble de l'imagination obscurcit le jugement. Il
nous invite lui- même a nous décharger
sur lui de tout ce qui pourrait nous
inquiéter, et c'est assez
nous dire qu'il veut obtenir notre confiance pour
prix de ses soins.
Ne sentez-vous pas à présent, mes
Frères, combien il est raisonnable, naturel
et juste de nous reposer sur Dieu. Il gouverne le
monde; il prend soin de nous, et nous ne serions
pas tranquilles! Insensés! nous confions nos
jours à un médecin, notre fortune
à un négociant, notre sort à
un protecteur: nous confions notre existence tout
entière à des hommes faibles,
impuissans, sujets à l'erreur comme nous; et
lorsque Celui chez qui la sagesse, la puissance, la
bonté résident dans leur
plénitude, nous offre de veiller sur nos
intérêts, nous refuserions de nous
abandonner à sa conduite! L'enfant
porté dans les bras de sa mère,
traverse les plus grands périls avec le doux
sourire de la sécurité; et nous,
appuyés sur ce bras qui soutient les mondes,
nous éprouverions l'inquiétude et la
crainte!nous refuserions au
Très-Haut l'hommage de notre
confiance!
Ah! nous lui devons cet hommage; il l'attend de
nous; c'est le seul dont il puisse être
flatté. Les astres suivent la marche qu'il
leur trace; les animaux sont conduits par
l'instinct qu'il leur a donné; mais ces
créatures inanimées ou privées
d'intelligence cèdent à sa
volonté, sans avoir la connaissance de ses
perfections et le sentiment de son amour. L'homme,
l'homme seul peut honorer son Créateur,
parce qu'il peut seul, en se confiant en lui, en se
reposant sur lui, en s'abandonnant à ses
soins sans réserve, lui offrir l'hommage du
coeur, dont il est
jaloux.
Et c'est aussi là, mes Frères, c'est
aussi le moyen de l'intéresser à
notre sort. J'en appelle à vous-mêmes.
Ne regardez-vous pas comme sacrés les
intérêts qu'on vous confie? Il n'y a
que l'homme absolument dépravé chez
qui ce sentiment soit détruit.
Que dis-je? on a vu des
malheureux enfoncés dans le bourbier du
crime se montrer encore sensibles à la
confiance; on les a vus servir avec
fidélité, avec dévouement ceux
qui s'étaient remis en leurs mains. Quel
blasphème donc, quel blasphème ne
serait-ce pas de penser que l'Être
tout-parfait puisse trahir ou négliger les
intérêts de l'homme dont le coeur se
rend à ses invitations et compte sur ses
promesses!
Mais si celui qui refuse de se confier en Dieu, de
se décharger sur lui de ses soucis et de ses
peines, est coupable, infiniment coupable envers
son Créateur, son Père, il est bien
plus à plaindre encore. Malheur,
dit l'Écriture, (Jérém.,
XVII,
5.) à
celui qui se confie en
l'homme et qui de la chair fait son
bras.
Malheur à celui qui ne se confie pas en
Dieu, et que Dieu, pour cette raison, ne
protège pas! C'est un voyageur
épuisé, haletant sous le
fardeau dont il est
chargé: il le traîne en
gémissant, et rejette les secours de Celui
qui seul pourrait le décharger. Au poids des
malheurs présens, sous lequel il est
près de succomber, il ajoute le poids de
ceux qui n'existent pas encore. Plus
infortuné que la brute, qui ne souffre qu'au
moment où elle sent l'atteinte de la
douleur, son imagination, cette faculté
céleste qui, s'élançant dans
l'avenir, peint tous les objets du plus vif
coloris, et nous fut donnée pour adoucir,
pour effacer les maux présens par la
ravissante perspective des biens éternels,
cette imagination fait son supplice; elle l'entoure
de fantômes effrayans, qu'il ne peut ni fuir
ni repousser.
Opposez à ce tableau celui du fidèle
qui se repose sur son Dieu. Mais comment peindre
une telle situation? Pour l'apprécier, il
faut l'avoir goûtée: dès que je
veux en offrir quelques traits, le sentiment de sa
douceur inonde mon âme, et je ne trouve plus
d'expression.
O vous qui, dans une circonstance critique, avez vu
l'horizon s'éclaircir pour vous, lorsque
l'ami en qui vous avez mis votre confiance s'est
chargé du soin de vous guider.Vous qui, dans
un péril éminent, étiez
éperdu, troublé jusqu'au moment
où un père, un époux s'est
approché de vous, a pris votre main
tremblante, et vous a dit par ses regards: Je suis
la pour te défendre! Vous qui, dans un lit
de maladie, environné des
cordages de la
mort (Ps,
CXVI,
3.),
sentiez votre courage
renaître au seul aspect du médecin!
essayez du moins, essayez de comprendre quelle doit
être la félicité de l'homme qui se
décharge
sur
son Dieu, sur
son
Dieu de tout ce qui peut l'inquiéter. Il
goûte ce calme délicieux, ce calme
parfait de l'esprit et du coeur, qui fut la
chimère des anciens philosophes et le but
qu'ils poursuivaient. Mais s'il fut honorable pour
l'humanité de concevoir une telle situation
et d'y aspirer, hélas! on
n'en vit approcher qu'un petit nombre d'hommes
rares; et même, pour émousser les
traits de l'inquiétude, ne connaissant
d'autre secret que d'éteindre la
sensibilité, ils ne goûtèrent
le repos qu'aux dépens du
bonheur.
Religion divine! Religion de mon Sauveur! toi seule
peux nous conduite dans les sentiers de la paix et
de la sagesse. Au lieu de ces maximes pompeuses
dont retentissent les écoles de la
philosophie humaine, de ces maximes si difficiles
à saisir, à pratiquer, tu nous dis: Déchargez-vous
sur
Dieu, etc.
Ainsi
tu mets ce que la raison a de plus sublime à
la portée de l'esprit le plus simple et du
coeur le plus faible, et loin que
l'élévation où tu nous places
refroidisse la douce chaleur du sentiment, c'est
par l'amour que tu nous y fais
monter.
Voulez-vous, mes chers Frères, faire
l'heureuse expérience de cette
félicité? En voici le moyen. Observez
ce grand précepte de Jésus, auquel
toute la loi se rapporte: Tu
aimeras
le
Seigneur, ton Dieu, de toute ton
âme
(Matth.,
XXII,
37.).
Pénétrez-vous de sa
toute présence, et de ses soins paternels.
Environnez-vous de l'image de ce bon, de cet
adorable Sauveur qui vous appelle, qui vous dit: Venez
à
moi,
vous tous qui êtes travaillés et
chargés et je vous
soulagerai. Matt.
XI,
28.
Alors un sentiment de repos et de calme se joindra
pour vous à l'idée de ce Dieu
Sauveur. Penser à lui, parler de lui,
servira de baume à vos plaies. En toute
circonstance, en tout lieu, et surtout quand vous
entrerez dans ce sanctuaire, quand
vous vous approcherez de Celui
qui l'habite, il s'approchera de
vous (Jacq.
IV,
8.); ses
consolations restaureront,
rafraîchiront votre âme. Ainsi
soit-il.
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