Josias étant encore jeune commença à rechercher le Dieu de David, son père. 2. Chron., XXXIV, 3.
Pour le jour de la
distribution des Prix aux Enfans de
l'École.
ELLE revient donc, mes Frères, cette
fête de la jeunesse que nous
célébrons chaque année avec un
plaisir nouveau. Nous la devons aux principaux
d'entre nous. Vous le savez; peu contens de nous
donner dans ces parvis l'exemple de la
piété, ils saisissent tous les moyens
de la faire fleurir dans nos campagnes; et voyant
dans nos enfans l'espoir de cette Église,
ils désirent d'exciter en eux une heureuse
émulation. Elle revient
cette fête; elle réveille dans nos
âmes ces émotions vives et douces
qu'elle nous fit toujours éprouver.
Pour répondre à ce que vous attendez
de nous, à ce qu'exige la sainteté de
ce lieu et le devoir de notre ministère,
pour entrer enfin dans l'esprit de cette
journée, nous nous efforcerons de graver
dans le coeur de nos jeunes gens une importante
leçon. Nous nous efforcerons de les
conduire, de les attacher à Dieu, source de
toute vertu, de tout bonheur, comme de toute
vérité. Dans ce but, nous venons leur
proposer un grand exemple, celui d'un illustre
enfant, le plus cher espoir de sa patrie, dont il
fut ensuite les délices et la ressource en
des jours malheureux. Puissent-ils apprendre, comme
Josias, à chercher leur Créateur
dès l'aurore de la vie! Puissent-ils, comme
lui, devenir l'amour de leurs concitoyens, et
ramener sur le lieu qui les a vus naître les
regards propices du Maître du monde! Ainsi
soit-il.
Que dès nos premières années
nous devions chercher Dieu, c'est-à-dire,
penser à lui, étudier ses perfections
pour les adorer, ses desseins sur nous pour les
remplir, ses lois pour y conformer notre conduite,
pour travailler à lui plaire, à
mériter sa faveur, c'est ce que votre coeur
vous dit déjà sans doute, c'est ce
que vous sentirez encore plus vivement si vous
suivez les réflexions que je vais vous
présenter.
I. Remarquez
d'abord que c'est là
le seul but réel, le seul but raisonnable de
l'éducation de la jeunesse. Chez tous les
peuples qui conservèrent des moeurs, les
idées religieuses tinrent le premier rang
dans cette éducation. Il le fallait ainsi,
mes Frères: si, comme les animaux qui
respirent avec lui sur la terre, l'homme
n'était qu'un être capable de plaisir
et de douleur; s'il suffisait de développer
ses forces et ses organes, de lui apprendre
à rechercher des jouissances
passagères, l'instinct tout seul de la
nature le ferait sans nous et
beaucoup mieux que nous.
Mais puisqu'il reçut une tâche du
Maître qui l'a place sur ce globe, puisque
cette vie, qui serait si courte pour le plaisir,
lui fut donnée pour mériter un
bonheur sans fin, puisqu'en lui rendant, au prix de
son sang, le droit de prétendre à ce
bonheur, Jésus a mis au salut des conditions
indispensables, il est clair que le premier but de
l'éducation doit être d'enseigner
à s'acquitter de cette tâche, à
remplir ces conditions, à s'assurer ce
bonheur. Il est clair que l'idée de son
Créateur, de son Rédempteur, de son
Roi, de son Juge, doit être
présentée à l'homme dès
qu'il peut la saisir. Il est clair enfin que des
instructions qu'il recevra sur ce point, des
sentimens qu'on gravera dans son âme, peut
dépendre son salut éternel.
Et voilà l'idée qui fait palpiter
d'une religieuse émotion le coeur d'un
père vertueux. Avec quelle
anxiété, quand il la médite,
il lève vers le Ciel ses mains et ses yeux!
avec quelle ardeur, quelle
sollicitude, avec quel sentiment inexprimable il
implore la bénédiction du Seigneur
sur ses efforts!
Ont-ils jamais réfléchi sur un tel
sujet, ces parens, insensés qui
négligent de faire connaître à
leurs enfans le Dieu qui les a faits, le Sauveur
qui les a rachetés, et ne voient dans le
soin d'élever leur famille qu'un moyen de
lui procurer les jouissances de la fortune ou les
succès de la vanité? Hélas!
peu dignes de porter le nom de père, ils
lancent leurs fils sans gouvernail sur une mer
orageuse au milieu des vents, et des
tempêtes. Il vaudrait mieux, oui, sans doute,
il vaudrait mieux qu'arrachés de leurs bras,
ces. enfans malheureux fussent nourris chez les
peuples sauvages, au milieu des animaux qui
peuplent les forêts: ils ne
s'élèveraient pas au dernier jour
contre les auteurs de leur vie: ils ne leur
reprocheraient pas d'avoir ajouté les vices
de la société aux penchans d'une
nature dégradée, et d'avoir
allumé dans leur sein des passions fatales
qu'ils auraient pu ne pas
connaître.
Peut-être leur donnent-ils
quelques règles de conduite, quelques
préceptes d'une morale toute humaine; mais
ils réprouveront l'insuffisance de ces
préceptes qui ne sont pas sanctionnés
par t une autorité divine; ils
éprouveront pour leur malheur, ils
reconnaîtront trop tard qu'elle n'est pas
faite pour l'homme cette morale qui prétend
se passer de l'idée de Dieu si
nécessaire au coeur de l'homme, qu'elle
n'est pas la morale de la nature cette morale qui
méconnaît Celui que la nature annonce,
et dont elle nous dit toute seule que l'amour doit
faire notre félicité, et la
volonté notre loi.
2.° Mais si le but de toute éducation
raisonnable est de conduire l'homme à Dieu,
tel est surtout le but de l'éducation qu'on
reçoit dans nos campagnes.
La parole de Dieu, voilà, mes chers Enfans,
ce qu'on vous apprend à lire; sa loi,
voilà ce qu'on s'efforce de graver dans
votre mémoire,la science du
salut, voilà ce qu'on
vous enseigne. Le peu de temps que vous laissent
les occupations de la vie, vous met pour la plupart
dans l'heureuse nécessité de vous
borner à cette étude la plus
nécessaire de toutes, même pour cette
vie, la seule qui forme à la fois le coeur
et le jugement, éclaire l'homme et le
sanctifie.
Ah! ne regrettez point ces connaissances plus
brillantes que votre situation vous interdit.
Croyez-moi, leurs avantages ne balanceraient point
leurs dangers: ils font le petit nombre, ceux qui
réunissent l'application, l'ardeur, la
persévérance, au loisir
nécessaire pour acquérir des
connaissances approfondies, et l'ignorance est
mille fois préférable au
demi-savoir.
La vraie science humilie l'homme en
l'éclairant; elle le rend religieux et
modeste aussi bien que savant; mais elle est au
fond d'un abîme: peu de gens
pénètrent jusque-là, la
plupart s'arrêtent vers l'entrée:
là se trouvent le doute, les idées
vagues et fausses, l'orgueil,dont la vapeur
empoisonnée nous enivre,
nous égare. Ceux qui l'ont respirée
s'éloignent bientôt de la
vérité: l'étude devient pour
eux une prétention; ils ne cherchent plus ce
qui est, mais ce qui brille; ils ne désirent
plus de s'instruire, mais de se distinguer, leur
esprit reçoit une direction fausse et
mensongère; ils dédaignent les
vérités les plus certaines, parce
qu'elles sont les plus communes; ils se plaisent
à les obscurcir; quelquefois même dans
leur délire ils vont jusqu'à refuser
leur hommage au Dieu de leurs pères.
Ainsi ces connaissances, qui, telles qu'un
flambeau, devaient éclairer leurs pas, ne
sont plus qu'une lueur trompeuse qui les perd. Plus
heureux, vous êtes à l'abri de ces
dangers. La simplicité de votre vie
s'accorde avec la vérité; elle
conserve naturellement chez vous cette droiture de
sens, cette justesse d'esprit qu'on peut regarder
comme la pierre de touche du vrai. Ici vous ne
connaissez ni les abus de l'étude, ni ses
périls; vous ne connaissez que son
véritable usage, son
véritable but, la piété, la
vertu.
Ici le plus instruit de tous est celui qui
connaît le mieux la Religion, ses devoirs
envers son Dieu, envers ses semblables, envers
lui-même, qui voit sous leur véritable
aspect cette vie passagère et celle qui doit
la suivre; en un mot, c'est le plus savant dans la
science des moeurs et de la foi. Son esprit ne
connaît que Dieu: la Religion seule en fait
la richesse et l'ornement. Tel un beau champ nous
présente une seule production, la plus
nécessaire de toutes, et nos regards s'y
reposent avec plus de plaisir que sur ces terrains
chargés d'une foule de plantes confuses,
étouffées par le nombre, et presque
toujours infectés de quelque herbe
vénéneuse.
5.° Commencez dès votre enfance
à chercher le Seigneur, vous dirai-je
encore, parce que c'est à votre âge
qu'on peut mieux s'approcher de lui, et qu'on ne
s'en approchera jamais, si l'on ne commence pas
alors. C'est dans la
première saison de l'année que la
terre a toute sa force productive, que la
végétation est puissante et
rapide.
C'est aussi dans la première jeunesse que se
développe chez l'homme le germe des
lumières et des vertus: les connaissances
nouvelles ont alors un vif attrait pour lui; son
esprit conçoit plus aisément; sa
mémoire reçoit des impressions
profondes, qui ne s'effacent pas même dans un
âge avancé; ses penchans vicieux ne
sont point encore fortifiés par une longue
répétition d'actions criminelles; il
est libre de suivre le chemin de la vertu; son
coeur est une offrande pure digne d'être
présentée à son Auteur: plein
de chaleur et de sensibilité, il se porte de
lui-même vers l'objet le plus propre à
l'émouvoir; le joug du Seigneur lui
paraît doux, son fardeau léger, sa loi
agréable et parfaite. Le
royaume du Ciel,
dit le Sauveur, appartient
à ceux qui lui
ressemblent (Luc
XVIII,
16.).
Ah! profitez de cet âge heureux. Souvenez-vous
de
votre
Créateur,
suivant le conseil du Sage, dès votre
jeunesse, avant
que
les jours mauvais viennent (Ecclés.,
XII,
1).
N'attendez pas ce temps où
les soucis, les embarras de la vie vous en
ôteraient le loisir et le goût;
où, semblable à la terre endurcie,
qui ne peut plus s'ouvrir à la semence,
votre esprit se fermerait aux pensées de la
foi; où l'ivraie, semée par l'ennemi,
ne permettrait plus au bon grain d'y germer;
où votre âme, dont l'ardeur serait
éteinte ou les affections captivées,
n'aurait plus rien à offrir au Seigneur qui
fût digne de lui. N'attendez pas ce temps
où vous ne trouveriez plus en
vous-mêmes cette énergie qui rend
capable d'efforts généreux.
Peut-être serait-ce en vain alors que vous
sentiriez votre misère et votre
avilissement: vous en rougiriez sans avoir la force
de vous en tirer, ou, s'il vous restait le
courage de l'entreprendre, vous
auriez à livrer des combats douloureux,
toujours renaissans, et qui ne vous laisseraient
jamais assurés de la victoire.
4.° Enfin, mes chers Enfans, vous devez
chercher le Seigneur dès vos
premières années, pour assurer le
bonheur de ces années et de toutes celles
qui doivent les suivre. Quand je vous dis,
consacrez-vous à Dieu dès votre
jeunesse, c'est comme si je vous disais, soyez
heureux dès le commencement de votre vie,
soyez heureux toute votre vie.
Peut-être chercherez-vous le bonheur dans les
plaisirs des sens, dans les jouissances de
l'amour-propre ou de la fortune, dans quelque autre
avantage temporel qui fera naître vos
désirs; mais, ces biens terrestres, vous
n'êtes point sûrs de les
acquérir; vous l'êtes moins encore de
les conserver: ils échappent à la
main qui veut les saisir; ils percent le bras qui
s'en faisait un appui; ils sont plus inconstans que
l'onde, plus fragiles que le
verre.
La bénédiction de l'Éternel,
le bonheur que donnent la piété, la
vertu, voilà des biens à votre
portée; voilà les seuls biens
durables, les seuls qui ne peuvent ni tromper vos
recherches, ni vous être enlevés. Et
quand il dépendrait de vous de donner aux
biens de la terre cette solidité qu'ils
n'ont pas, en seriez-vous plus heureux? Savez-vous
quel effet ils produiraient dans votre âme?
un vide insupportable, ou des désirs
dévorans. Ce sont des
citernes crevassées qui ne
contiennent point d'eau
(Jérém.
III,
13), ou bien des
ruisseaux empoisonnés qui ne font
qu'altérer davantage l'insensé qui
s'en approche pour étancher sa soif.
Je voudrais vous épargner une si triste
expérience: et lors même que,
désabusés par elle, vous reviendriez
ensuite au Seigneur, les conséquences
fatales de votre infidélité ne
cesseraient pas aussitôt; peut-être en
souffririez-vous long-temps encore.
Une réputation perdue,
une fortune détruite, une santé
ruinée par l'intempérance et le
libertinage, voilà des plaies qui ne peuvent
se fermer en peu de temps. Le public se
souviendrait de vos torts peut-être
long-temps après que vous les auriez
expiés. Plusieurs années
d'économie, de travaux, ne suffisent pas
toujours pour réparer les dissipations de
quelques mois; et l'on a vu des hommes,
après une longue suite d'actions vertueuses,
être tourmentés par le souvenir d'une
faute grave qui jetait le trouble dans leur
conscience, et leur faisait douter qu'elle
pût leur être pardonnée.
Mais, en vous consacrant de bonne heure au
Seigneur, mes chers Enfans, aucune époque de
votre vie ne sera troublée par les passions,
souillée par les crimes et la honte,
obscurcie par les regrets et les remords. Vous en
écarterez toutes les ombres; vous remplirez
votre tâche tout entière, et le petit
nombre de vrais biens qu'il nous est donné
de goûter ici-bas sera
naturellement votre partage. Ainsi quand le ciel
est pur dès l'aurore, et que le soleil
brille dans les premières heures du jour, il
embellit la terre et la féconde, il fait
éclore et mûrir les fruits; mais si,
précédé par la tempête,
il ne se montre que sur le soir, ses rayons faibles
et languissans ne peuvent ranimer la nature, ils ne
peuvent effacer les traces de l'orage. J'ajouterai
qu'il est un sentiment pur, délicieux, qui
paraît être le privilège
particulier de ceux qui se dévouent au
Seigneur dès leur jeunesse. Oui, c'est
alors, je le crois, que Dieu les marque de son
sceau comme ses élus. C'est alors qu'il leur
donne ce sentiment intérieur par lequel il
les assure qu'il est leur Père et le sera
toujours, ce sentiment dont l'Écriture dit
que c'est l'Esprit
de
Dieu qui parle à notre esprit, et nous
certifie que nous sommes ses enfans
(Rom.
VIII,
16). C'est
ce sentiment qui, lorsqu'ils
forment une juste entreprise
leur donne l'espoir du succès, et les
dispose en même temps à se
résigner noblement au revers.
C'est ce sentiment qui, lorsque la Providence se
cache, éloigne le trouble de leur âme,
et fait qu'ils ne cessent point de croire qu'elle
veille sur leurs destinées. C'est ce
sentiment qui les garantit de l'ivresse de la
prospérité, et dans
l'adversité leur fait goûter des
consolations d'une douceur inexprimable, leur fait
éprouver, suivant l'expression de
l'Écriture (Rom.
VIII,
28), que
toutes
choses tournent au bien de ceux qui aiment
Dieu.
C'est ce sentiment qui fait qu'au printemps
même de la vie, au milieu de tout ce qu'elle
peut offrir de jouissances, ils voient, comme
Josias, approcher la mort sans trouble, sans
regrets, qu'ils ne sont point agités ni
renversés par les orages de la vie, dont les
mondains sont le triste jouet. J'aime à
penser, mes chers Enfans, que ces réflexions
ont fait quelque impression sur
vos âmes. J'aime à penser que vous
êtes disposés à imiter le beau
modèle qui vient de vous être offert,
que vous êtes disposés a chercher
l'Éternel dès le commencement de
votre vie.
Chérissez donc les instructions qu'on vous
donne: elles sont destinées à vous
conduire à lui. Qu'un but si noble et si
beau redouble votre application, qu'il anime votre
ardeur. Profitez de cet âge heureux, de ce
premier âge dont rien ne répare la
perte, et dont l'influence s'étendra sur
toute votre vie. C'est pour apprendre à
connaître mon Créateur, mon Sauveur;
c'est pour apprendre à faire sa
volonté que je m'instruis; c'est pour
apprendre tout ce qu'il a fait pour moi, tout ce
qu'il me permet d'espérer, tout ce que je
lui dois d'amour et de reconnaissance; voilà
ce qu'il faut vous dire à vous-mêmes,
et lorsqu'avec vos jeunes compagnons vous vous
rendez auprès de vos maîtres, et
lorsque vous, venez dans ce temple écouter
nos leçons, lorsque vous
vous y préparez dans l'intérieur de
vos demeures. Cette grande idée triomphera
de la langueur qui se mêle quelquefois
à l'étude, et des distractions, des
légèretés de votre
âge.
Qu'une noble émulation vous enflamme sans
aucun mélange de jalousie. Que chacun de
vous regarde ses concurrens comme des amis, et
désire le prix sans porter envie à
ceux qui seront jugés plus dignes que lui de
l'obtenir. Que les plus distingués par leurs
progrès sentent que ces progrès leur
imposent l'obligation pressante de se distinguer
aussi par leurs vertus. Que l'amour pour le
travail, l'obéissance à leurs parens,
le respect pour leurs supérieurs, la
piété surtout, soient le fruit des
lumières qu'ils ont acquises. S'il n'en
était pas ainsi, eux-mêmes
déshonoreraient leurs succès.
Ces prix glorieux qu'ils vont recevoir
déposeraient contre eux, et leur
reprocheraient sans cesse de négliger des
devoirs qu'ils connaissent. Que ceux qui
n'ont pas reçu de la
nature ces dispositions heureuses de l'esprit,
cette facilité à concevoir, à
retenir, qu'elle distribue d'une main
inégale, s'efforcent de compenser ce
désavantage par leur docilité, leur
application à l'étude, et le fassent
oublier parleur douceur, leur attention à
remplir tous leurs devoirs. Si malgré leurs
efforts, ils ne peuvent égaler leurs amis ou
leurs frères, qu'ils se consolent en pensant
que, toutes flatteuses que soient les distinctions
dont ils sont privés, la plus douce
récompense d'un enfant, c'est l'estime du
public, l'approbation de ses supérieurs, la
joie, l'amour de ceux qui lui ont donné la
vie, la protection du Très-Haut, la
ravissante pensée qu'il est du nombre de ces
enfans que bénit le Sauveur du monde.
Et vous, Maîtres, de qui la
génération naissante reçoit
les premières instructions,
pénétrez-vous de l'importance, de la
grandeur de votre tâche. Dites-vous sans
cesse à vous-mêmes: nous
formons des hommes, nous formons
des Chrétiens; nous les formons pour Dieu,
pour Jésus, pour le monde à
venir.
Que cette pensée vous soutienne dans vos
pénibles soins. Ne perdez aucune occasion de
graver dans ces âmes flexibles qui tiennent
de vous leur première forme, l'idée
du Dieu qui les créa, du Dieu qui les a
rachetés. Cette idée si grande, si
sublime, est si simple en même temps: elle
s'applique à tout; elle explique tout; elle
existe déjà dans le coeur de l'homme,
où l'Auteur de la nature en a placé
le germe; il ne faut que l'y développer; il
est bien plus aisé qu'on ne pense de la
faire concevoir et goûter au jeune enfant.
Parlez-lui souvent d'un Maître, d'un
Père de qui vient tout ce qu'il contemple,
tout ce qu'il reçoit, tout ce qu'il
possède, tout ce qu'il est, et qui peut de
mille manières le récompenser ou le
punir. Parlez-lui d'un Rédempteur mort pour
le sauver, et dont il doit suivre les lois.
Choisissez dans nos Saints Livres,
les premiers qu'on met dans les
mains de vos élèves, les histoires
les plus intéressantes, les plus propres
à faire impression sur eux.
Faites-leur connaître, par exemple, ce trait
si touchant de la vie de Jésus, lorsqu'il
reçut avec bonté les petits enfans,
et censura ceux qui retenaient loin de lui leurs
pas timides. Dites- leur que s'ils furent
aimés du Sauveur du monde, c'est qu'ils
avaient la sincérité, la modestie, la
candeur, la soumission, qui doivent
caractériser leur âge; et faites- en
pour eux un puissant motif de conserver ses
qualités précieuses. Ainsi vous aurez
des droits sacrés sur leur reconnaissance et
sur la nôtre. Ainsi vous attirerez la
bénédiction de Dieu sur vos personnes
et sur vos travaux.
Pères et Mères, c'est à vous
à seconder les maîtres de vos enfans.
Vous seuls pouvez assurer le succès de leurs
efforts. J'aime à reconnaître que
cette paroisse se distingue par le prix qu'elle
attache à l'instruction de la jeunesse: mais
ne l'oubliez jamais, le but, le
véritable but, le grand but de
l'éducation, c'est de conduire l'homme
à son Dieu, de le conduire à
Jésus, au Dieu-Sauveur; et c'est vous qui
pouvez le mieux faire atteindre ce but à vos
enfans: vous le pouvez, sans effort, par une
influence douce et naturelle.
Si vous êtes pénétrés de
la vérité de notre Religion sainte,
si vous la révérez, si vous la
chérissez, n'en doutez pas, vos enfans la
respecteront, la chériront comme vous. Leur
âme, dans ce premier âge de la vie, se
modèle sur la vôtre: alors il
dépend de vous de lui faire recevoir pour
toujours l'empreinte de vos opinions morales et
religieuses: il dépend de vous de les
attacher pour toujours au Seigneur. Ce fut
peut-être à Jédida, sa
mère, que Josias dut cette
piété vive et fervente qui le fit
briller comme un astre en Israël après
une longue suite de princes infidèles: cette
supposition peut seule expliquer comment, né
dans un siècle corrompu,
au milieu d'une cour, centre de
cette corruption, fils d'un père
idolâtre, il put à l'âge de
l'adolescence, concevoir, exécuter cette
généreuse résolution
d'extirper le culte des faux Dieux; mais je
ne m'en étonne plus, si dès que son
esprit put comprendre et que son coeur put sentir,
une tendre mère imprima dans ce coeur la
crainte de l'Éternel, et fortifia ce
sentiment de tout l'amour qu'il avait pour
elle.
Le Dieu de nos pères, c'est ainsi que les
Patriarches se plaisaient à nommer
l'Éternel: c'est en lui donnant ce titre
qu'ils exprimaient combien son culte leur
était cher et sacré, et faisaient
voir en même temps quelle
vénération ils avaient pour la
mémoire des Abraham, des Isaac, des Jacob,
des David, de ces hommes illustres dont le nom seul
réveille l'idée de la
piété. C'est ainsi qu'un chef de
famille religieux vit encore pour les siens
après plusieurs générations
écoulées, et, suivant
l'énergique expression de l'Écriture,
leur commande
encore de servir
l'Éternel
(Genèse
XVIII,
19) C'est
ainsi que la crainte du
Seigneur et l'amour filial se confondent et
s'échauffent mutuellement dans l'âme
de celui qui apprit de ses parens ce qu'il doit
à son Dieu. Le sentiment qu'il a pour ses
parens prend un caractère religieux: le
zèle qu'il a pour son Dieu semble avoir
l'énergie des sentimens de la nature.
Pères et Mères, je vous en conjure
donc par votre plus pressant intérêt,
par l'intérêt de vos enfans, par votre
ambition la plus chère, celle d'en
être aimés,
révérés; gravez de bonne heure
dans leur âme la crainte de l'Éternel.
Cette crainte sera leur préservatif contre
la contagion de ce monde, où ils doivent
entrer. C'est elle encore qui, s'ils avaient le
malheur de s'égarer, demeurerait en eux
malgré eux, les rappellerait de leurs
désordres, et, dès qu'ils seraient
rendus à eux-mêmes, les rendrait au
Seigneur.
Ah! s'il était quelqu'un parmi nous qui
négligeât d'inspirer à ses fils
ce sentiment, principe unique de tout bonheur et de
toute vertu, quels mots pourraient exprimer son
supplice, lorsque, forcé de s'accuser
lui-même de leurs fautes, peut- être de
leurs crimes et de leur ignominie, souffrant
à la fois de leur perte et de ses remords,
loin de pouvoir chercher quelque adoucissement pour
ses angoisses dans la perspective d'une autre vie,
il n'y trouverait pour eux et pour lui qu'un
tribunal dressé, des livres ouverts, un Juge
irrité, et de terribles sujets d'effroi.
Vous tous, mes chers Frères, concourez
à former à la piété
cette génération qui
s'élève. Eh! qui de nous ne
désire pas de voir la piété,
la félicité régner dans nos
campagnes? Qui de nous n'a pas senti son coeur
s'émouvoir à l'aspect de ces enfans
rassemblés dans le Sanctuaire, et sur le
visage desquels se peint l'innocence? Aidons-leur
à réaliser ces espérances que
leur seule vue élève
dans notre âme.
Exerçons sur eux cette influence de
l'opinion si puissante sur l'homme, et plus encore
sur l'enfant. Que nos égards pour les
maîtres qui les instruisent, les disposent
à leur obéir, à les respecter.
Nourrissons leur émulation; encourageons
leurs progrès, applaudissons aux talens et
surtout aux vertus.
Que chacun de nous, en qualité de citoyen,
de Chrétien, se regarde comme le censeur de
ces enfans qui sont la propriété de
l'Église et de la Patrie. Qu'aucun de nous
ne soit témoin muet de leurs fautes. Que
personne ne les voie errer dans les chemins ou dans
les places publiques à l'heure fixée
pour l'étude ou pour le service divin, sans
les en faire rougir.
Surtout, mes Frères, respectez leur
innocence. Ne vous permettez jamais en leur
présence aucune action
déshonnête, aucune parole impie ou
licencieuse. Ah! qu'il est coupable celui qui
souille la pureté de l'âme d'un
enfant! Il l'est plus qu'un meurtrier, plus
qu'un empoisonneur: c'est
l'âme qu'il blessé et qu'il tue. Il
est l'imitateur de ce cruel, de ce premier ennemi
de l'homme, de cet ange de ténèbres
qui vint introduire le péché dans cet
Éden, terre de l'innocence. C'est de lui que
le Sauveur a dit: II
vaudrait mieux, pour cet homme, qu'on lui mît
au col une meule de moulin, et qu'on le jetât
dans la mer
(Luc.,
XVII,
2).
Ne l'oubliez jamais, Chrétiens, car c'est
là un de vos devoirs les plus sacrés
envers ce Jésus, Roi de l'Église
rachetée au prix de son sang, comme envers
la société; ne l'oubliez jamais, il
faut que toutes vos actions, tous vos discours, en
présence de ces enfans, soient propres
à faire sur eux une impression de vertu, de
salut,à faire naître, à nourrir
la piété dans leur âme.
Prenez-en l'engagement dans ce lieu saint, sous les
regards du Dieu-Sauveur que vous êtes venus
adorer, et qui vous le commande par ma
voix.
Pères et Mères, Maîtres,
Magistrats, Pasteurs, Parens, Amis, Voisins,
réunissons-nous tous pour un si grand, pour
un si cher intérêt. Et, comme tous nos
soins réunis ne seraient rien encore sans le
secours du Ciel, implorons tous ensemble sa
grâce et son appui.
O Dieu de bonté, qui jettes sans doute sur
ces enfans un regard propice, daigne
présider toi-même aux enseignemens
qu'ils reçoivent! Ouvre leurs esprits; ouvre
surtout leurs coeurs: graves-y pour toujours ton
amour et ta loi; qu'ils entrent dans le bercail de
ton Fils! qu'ils marchent sur ses traces! O Dieu,
vers qui nous cherchons à diriger leur
sensibilité naissante, après avoir
été le premier objet dont on occupa
leur enfance, sois à jamais leur guide et
leur protecteur! O Dieu, que nous puissions nous
réjouir dans nos enfans en les voyant
marcher en ta présence, marcher à ta
lumière, et, lorsqu'il faudra les quitter,
que nous puissions nous réjouir encore dans
la ferme espérance
qu'après nous ils chercheront le Dieu
de
leurs
pères, et
formeront une société sainte, un
peuple chrétien, sur lequel ta
bénédiction reposera! Amen. Amen.
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