Si quelqu'un a besoin de sagesse , qu'il la demande à Dieu qui la donne à tous libéralement : elle ne lui sera point refusée ; mais qu'il la demande avec foi. Jaq., 1,5, 6.
Pour la Communion de
Pentecôte.
MES Frères ; Quoique dans la première
Pentecôte Chrétienne dont nous
célébrons aujourd'hui la
mémoire, le Ciel ait répandu ses
grâces avec abondance sur l'Eglise naissante,
ce précieux trésor n'est point
épuisé. Nous aussi, nous pouvons
avoir part aux priviléges de cette grande
journée; et tout ce qu'il y eut d'essentiel,
de plus à désirer
dans ce que le Saint-Esprit fit
autrefois pour les premiers Chrétiens, il le
fait encore pour nous. Les lumières, la
prudence , la fermeté qui nous sont
nécessaires pour vivre d'une manière
digne de notre belle vocation , il nous les offre
comme à la primitive Église ; et dans
cet instant une voix céleste semble nous
répéter cette touchante invitation
que nous venons de vous faire entendre, et qui fut
consignée dans nos Saints Livres pour
l'instruction, pour la consolation de tous les
âges : Si
quelqu'un a besoin de sagesse, qu'il la demande
à Dieu.
Méditons-les ces belles paroles. Disposons
nos coeurs à s'ouvrir aux grâces du
Ciel; et puissions-nous ne retourner dans nos
maisons qu'après en avoir été
enrichis! Ainsi soit-il.
Si
quelqu'un a besoin
de sagesse, dit
l'Apôtre : eh ! quel homme n'en a pas besoin
, n'en a pas un grand , un pressant besoin ?
S'il ne s'agissait que de cette sagesse mondaine
qui consiste à bien prendre ses mesures pour
réussir dans ce que
l'intérêt ou l'ambition fait
entreprendre afin de s'avancer dans le monde, je
l'avoue, on pourrait trouver des hommes qui
excellent dans cette science, peut-être
même, qui s'y montrent beaucoup trop habiles.
Mais pour cette sagesse céleste qui nous
dirige et nous soutient dans la voie du salut,
cette sagesse qui est pure
, paisible, pleine de
miséricordes et de bons
fruits (Jaq.,
III,
17), tous
les hommes ont besoin d'en
recevoir une nouvelle mesure : tous en manquent
plus ou moins; mais avec cette différence
essentielle, que les uns ne s'en aperçoivent
pas, tandis que les autres le sentent et en sont
pénétrés.
Les uns ressemblent à ce Pharisien de
l'Évangile qui fermait les yeux sur ses
défauts, s'exagérait son
mérite, ne se présentait devant Dieu
que pour faire l'étalage de ses vertus , et
s'élever au- dessus du reste des hommes. Les
autres ressemblent à
l'humble publicain qui se frappait la poitrine,
n'osait lever les yeux au Ciel, et s'écriait
: o Dieu , aie
pitié de moi qui suis un grand
pécheur
(Luc,
XVIII,
13) ! On
peut appliquer aux premiers ce
reproche que l'Esprit de Dieu fait à
l'Eglise de Laodicée (Apoc.
III,
17) : Tu
as
dis : Je suis riche; je n'ai besoin de rien ; et tu
ne vois pas que tu es pauvre, misérable,
aveugle ,
dénuée des vrais biens !
Ce n'est point à de tels hommes que nous
adressons l'exhortation de l'Apôtre; ils ne
l'écouteraient pas, ou ils s'en tiendraient
offensés. Nous ne l'adressons qu'aux
justes, qui gémissent de se voir si
éloignés encore de la perfection, et
aux pécheurs qui s'humilient , qui sentent
leur misère, qui, suivant l'expression du
Sauveur , sont
travaillés et chargés
(Matth.,
XI,
28). C'est à
eux que nous
disons dans ce jour : Si
quelqu'un
a besoin
de sagesse, qu'il la demande à
Dieu.
Qu'il la
demande
à Dieu ! En
avouant le besoin que nous en avons ,
croirions-nous pouvoir l'acquérir par
nous-mêmes sans le secours du Ciel?
Ainsi l'ont pensé quelques esprits superbes,
quelques prétendus philosophes qui n'ont pas
eu bonté de mettre au rang des fanatiques
ceux qui croient à cette assistance que les
âmes pieuses reçoivent de la
Divinité, et qui demandent humblement au
Père des lumières ce secours que
l'Écriture-Sainte appelle la
sagesse qui vient d'en
haut (Jaq.,
III,
17). Ainsi
donc, dans l'ivresse de son
orgueil , le faible mortel, l'enfant de la
poussière s'imagine qu'il est assez puissant
, assez indépendant , assez habile pour bien
régler son coeur sans l'intervention de
celui qui l'a formé ! Il ose
déïfier en quelque sorte sa faible
raison ! Il veut substituer cette lumière
incertaine et vacillante
à celle du Soleil
de justice qui
daigne nous éclairer !
Présomption fatale ! Source des chutes les
plus honteuses! Illusion d'autant plus funeste
qu'elle semble conduire par degrés à
l'affreux Athéisme ! Il est assez naturel en
effet que ceux qui nient l'influence de l'Etre
Suprême sur les esprits, en viennent
peu-à-peu à la nier aussi sur les
corps et sur les événemens. Dieu
n'agit pas à l'un de ces égards d'une
manière plus frappante, plus surnaturelle
qu'à l'autre. Quand il veut envoyer à
quelqu'un la prospérité temporelle,
il n'ouvre pas les Cieux pour remplir ses
trésors, et il ne se sert pas, pour
l'enrichir, de moyens miraculeux. L'homme vain et
ingrat aurait donc autant de raison d'attribuer
à sa propre habileté toutes les
bénédictions dont Dieu le comble dans
cette vie, qu'il en aurait d'attribuer à ses
propres forces ses progrès dans la vertu; et
si l'on se persuade une fois que Dieu
n'étend plus ses soins ni
sur nos âmes par son Esprit, ni sur nos corps
par sa puissance ; si l'on ne reconnaît ni le
Dieu de la grâce, ni celui de la Providence,
ne devient-il pas pour nous un Être inutile ?
N'est-il pas pour nous comme s'il n'existait plus
?
Mais pour admettre ces folles et dangereuses
idées , il faudrait ne point se
connaître soi-même , et n'avoir jamais
lu la parole de Dieu. Il faudrait ne faire aucune
attention à ce qui se passe dans notre
coeur, et à ce qui nous est enseigné
dans l'Ecriture.
L'Écriture, en effet, ne cesse de nous
avertir que c'est Dieu qui par sa bonté nous
fait vouloir
et
exécuter
ce qu'il nous
commande
(Philip.,
II,
13); que par
nous-mêmes nous ne
pouvons rien ; mais que Dieu par son Esprit nous
rend accomplis en toute sorte de bonnes oeuvres. De
là ce voeu de Saint Paul en faveur des
Éphésiens (Chap.
I,
17 et 18) : que
le
Dieu de notre Seigneur
Jésus-Christ vous donne l'Esprit de sagesse
et de révélation qui éclaire
les yeux de votre entendement.
De la ces prières que David faisait à
Dieu, de lui ouvrir les yeux, afin
qu''il vît les merveilles
de sa loi ; de créer au-dedans de lui un
coeur pur , et de le faire marcher dans la voie de
ses Commandemens
(Ps.
CXIX)
De là ces promesses que les Prophètes
faisaient aux Juifs de la part de Dieu, qu'il
mettrait sa Loi au-dedans d'eux , et qu'il
l'écrirait
dans leur coeur
(Jérémie,
XXXI,
33). De là
vient encore que les vertus sont appelées
dans nos divins Livres les
fruits de l'Esprit
(Gal.,
V,
22), et les
Chrétiens, les temples
du
Saint-Esprit
(I
Cor. VI, 19) ;
en sorte qu'il faut ou rejeter
l'Évangile, ou reconnaître avec lui
que Dieu nous dispose et nous aide à
travailler à notre
salut,
et que par nos seules forces nous ne pourrions y
réussir.
Mais n'est-ce pas là une
vérité dont chacun peut se convaincre
par un examen attentif de soi-même? O homme!
considère ce que tu es devenu depuis la
chute de tes premiers parens ; vois avec quelle
facilité tes passions se soulèvent
contre les lois de la raison, avec quelle
répugnance tu te soumets au joug le plus
légitime; avec quelle
légèreté tu te
dégoûtes de ce qui te paraissait
d'abord digne de toute ton ardeur ; avec quelle
promptitude tu perds courage lorsque tu as à
combattre la chair et le sang.
Considère la puissance et la ruse de tes
ennemis spirituels , la force des tentations qui
t'assiègent, la multitude des obstacles qui
retardent ou arrêtent tes progrès.
Compare la grandeur de la tâche avec ta
faiblesse, la nécessité de
persévérer avec ton inconstance, le
pouvoir qu'ont sur ton coeur les objets
présens et sensibles avec le précepte
de t'en détacher.
Rassemble, pèse ces considérations,
et tu conviendras sans peine que dans la
carrière du salut le secours de Dieu nous
est nécessaire comme dans celle de la vie,
et que notre vertu ne saurait se soutenir et se
perfectionner , qu'autant que le Seigneur
déploira sa force dans notre
infirmité.
Cette vérité est tellement
fondée sur notre nature, qu'elle n'a point
échappé aux sages Païens. Sans
Dieu, il n'est point d'homme de bien, dit l'un
d'eux. C'est lui qui inspire les grandes
idées et les desseins relevés.
Reconnaissez, disait un autre, que tout le bien que
vous faites vient principalement des Dieux. Si un
mauvais Génie te porte au crime, dit un
troisième , fuis aux pieds des autels, et
prie le Ciel d'écarter de toi ce
Génie mal-faisant. Un quatrième va
plus loin encore : parlant des actions
extraordinaires et périlleuses qui demandent
une force plus qu'humaine et une espèce
d'inspiration, loin de la croire
impossible ou
déraisonnable , il dit qu'il n'y a que des
hommes vains ou ignorans qui s'en moquent, mais que
les vrais philosophes en sentent la
nécessité.
Mes Frères ; Peut-on entendre ces beaux
témoignages rendus à la
vérité, sans s'étonner de
l'aveuglement de ces incrédules qui ne
voient pas aujourd'hui ce que voyaient les
Païens , et qui, croyant attaquer la
Révélation , outragent en effet les
premières notions du sens commun et les plus
saines leçons de la philosophie.
Mais que dis-je? N'ont-ils pas eux- mêmes
rendu plus d'une fois hommage à la
vérité ? Cette vérité
qu'ils combattaient, ou qu'ils affectaient de
méconnaître , ne leur a-t-elle pas
souvent arraché des aveux frappans ?
Écoutez celui d'entr'eux qui avait dit le
plus hautement que notre volonté seule
suffit pour obtenir la victoire sur nos passions.
Écoutez-le revenant bientôt à
une doctrine parfaitement conforme à
l'Évangile, et nous
disant avec lui : « Le plus grand de tous nos
besoins est celui de sentir nos besoins. Soyons
humbles pour être sages : esclaves par
nos faiblesses, nous sommes libres par la
prière ; car il dépend de nous de
demander et d'obtenir la force qu'il ne
dépend pas de nous d'obtenir
par nous-mêmes. »
Et c'est ainsi , mes Frères, que la
connaissance de notre nature
dégénérée, les
déclarations de l'Évangile, le
consentement de tous les vrais philosophes, l'aveu
même des incrédules , se
réunissent pour établir cette grande
vérité: Si
quelqu'un a besoin de la
sagesse, il doit
la demander à
Dieu. La grâce
du Ciel, son secours est aussi nécessaire
à la piété, à la vie de
l'âme , que la respiration l'est à la
vie du corps.
Mais, ajoute l'Apôtre, que celui qui a besoin
de sagesse, la
demande
avec foi,
c'est-à-dire, avec toutes les dispositions
que Dieu attend de nous ; et d'abord, avec une
ferme confiance en la puissance
, en la bonté de ce Dieu qu'on invoque, de
ce Dieu Créateur et Rédempteur ; avec
une vive persuasion que c'est lui qui donne la
sagesse comme il donne la vie ou la santé ;
que ce Père des Esprits, qui ne voit rien en
nous de plus grand que notre âme, se plaira
surtout à l'embellir, et qu'il ne nous
refusera point le plus précieux de ses dons
, celui qu'il accorde à tous
libéralement, et qu'il nous invite
lui-même à demander.
Avec foi, c'est-à-dire, avec un profond
sentiment du besoin que nous en avons ; car
Dieu
résiste aux orgueilleux , mais il fait
grâce aux humbles
(Jaq.,
IV.,
6). Avec
foi, c'est-à-dire, avec
un désir ardent de l'obtenir ; car une
grâce si précieuse ne saurait
être accordée à ceux qui n'en
sentent pas le prix, et qui ne la mettent pas au
premier rang des biens. Les grâces
temporelles, Dieu trouve souvent à
propos d'en faire part à
ceux-là même qui ne daignent pas les
lui demander, et qui ne pensent pas qu'il en est
aussi l'Auteur, mais il faut avoir faim
et soif de la
justice pour en
être rassasié (Matth.,
V,
6). C'est- là
ce royaume du Ciel
qui veut être forcé,
et qu'emportent
ceux-là seulement qui usent d'une sainte
violence
(Matth.,
XI,
12).
Avec foi, c'est-à-dire enfin, avec une
ferme résolution de travailler de notre
côté à nous rendre dignes du
secours de Dieu; car, mes Frères, il ne
l'accorde qu'à des désirs
sincères, qu'à des efforts soutenus.
Nous devons concourir avec lui pour rendre son
oeuvre efficace. Il nous prévient sans doute
; il agit sur notre coeur d'une manière
imperceptible et toujours conforme à notre
liberté ; pour nous communiquer la sagesse ,
il se sert des exhortations de nos Pasteurs, des
conseils d'un ami fidèle, d'une lecture
édifiante , d'un exemple
vertueux et touchant qu'il met
sous nos yeux , des encouragemens ou des reproches
de notre conscience , des secrets mouvemens qu'il
nous inspire, soit pour développer et nous
représenter plus vivement les
vérités saintes , soit pour
émouvoir notre coeur, soit pour relever
notre âme abattue.
Si de notre côte nous faisons attention
à ces avertissemens qui sont autant de voix
célestes, si nous nous montrons dociles , si
nous obéissons à la main qui nous
dirige ; si nous évitons tout ce qui
pourrait arrêter son action ; si nous
agissons de concert avec elle , nous nous rendons
son intervention utile, et nous nous assurons pour
l'avenir des grâces nouvelles. Mais si, au
contraire, nous traversons son oeuvre, ou seulement
si nous ne la secondons pas, nous la
détruisons par cela même , et nous
tarissons .pour nous la source des
bénédictions ; car, suivant la
déclaration de notre Divin Maître: A
celui qui
n'a
pas,
c'est-à-dire, qui ne fait
aucun usage de ce qu'il a reçu, on
ôtera
même ce qu'il a, mais on donnera à
celui qui a, qui fait valoir ce qu'on lui a
confié , et il sera dans
l'abondance
(Matth.
XXV,
29).
Il s'agit maintenant, mes Frères, de vous
appliquer ce que vous venez d'entendre, et
d'examiner si vous êtes disposés
à répondre à l'invitation que
Dieu vous adresse dans ce jour.
Je ne demande pas si vous croyez avoir besoin de
sagesse. Si vous n'en étiez pas
persuadés, quel sentiment vous aurait
conduits dans ce temple? Pourquoi
écouteriez-vous la prédication de la
parole qui n'a pour but que de nous rendre
meilleurs ? Que viendriez-vous chercher à
cette table qui n'est dressée que pour ceux
qui se reconnaissent pécheurs ; à
cette table où se renouvelle l'alliance de
grâce, l'alliance dont la première
condition est l'aveu de nos fautes et de notre
faiblesse ?
Je ne vous demanderai pas non plus si vous croyez
fermement que c'est, en Dieu , dans son secours,
qu'il faut chercher les forces, le courage , la
sagesse dont vous avez besoin. J'aime à
penser qu'il n'est parmi vous aucun de ces esprits
fiers, orgueilleux, qui voudraient s'affranchir de
toute dépendance vis-à- vis de leur
Créateur. J'aime à voir en vous des
Chrétiens, des Chrétiens dociles aux
leçons de l'Écriture, à la
voix de l'Eglise , qui viennent , comme le dit
notre Liturgie, chercher
ici dans leur communion avec
Dieu des secours très-efficaces contre le
monde et le. péché.
Mais la demandez-vous celte sagesse plus
précieuse que l'or, la demandez-vous avec
l'ardeur, dont elle est digne ? Lui assignez-vous
dans votre coeur le rang qu'elle y doit tenir? Lui
donnez- Vous la préférence qu'elle
mérité sur tous les autres biens ? Ah
! c'est ici, mes chers Fières, que
l'expérience du
passé, une triste connaissance du
siècle où nous vivons , et la
puissance des objets sensibles , nous font trembler
pour vous. Si nous étions appelés
à porter la sonde dans vos âmes ; si
Dieu vous permettait, comme jadis à Salomon,
de lui demander ce que vous voulez qu'il vous donne
, ah ! déjà votre coeur se trouble,
il balance, et peut-être, hélas! son
choix ne serait pas douteux.
Chrétiens, Dieu a daigné avoir
égard à votre faiblesse. Il n'a point
mis votre fidélité à une
épreuve si dangereuse; il vous apprend
lui-même ce que vous devez demander, ce que
vous devez désirer de
préférence, sa grâce, sa
sagesse, les biens de l'âme, les secours
nécessaires pour lui demeurer fidèles
, pour obtenir l'éternelle
félicité. Il semble même
attacher à cette condition ses
bénédictions temporelles, la
possession ou du moins la jouissance paisible des
biens terrestres. Cherchez
premièrement Le
royaume, de Dieu et sa justice ,
et toutes les autres choses vous
seront données par-dessus
(Matth.,VI,
33).
Il fait plus : pour réveiller dans nos
âmes le désir des vrais biens, il
emploie tour-à-tour et les bienfaits et les
châtimens. Pendant plusieurs années,
il a voulu nous attirer à lui par des
cordages d'amour, par l'attrait de la
reconnaissance. Il nous a envoyé les saisons
fertiles , il a éloigné de nos
campagnes, comme par un privilège
particulier, les fléaux qui se promenaient
autour de nous; mais comme ces grâces n'ont
servi qu'à nous endormir dans notre
sécurité, qu'à nous attacher
à la terre, qu'à nous distraire du
Bienfaiteur Suprême qui nous les dispensait,
il s'est vu forcé de recourir à
d'autres moyens : il nous a traités comme
des enfans qu'il voulait sauver à tout prix
: en renversant nos espérances , il a voulu
nous désabuser , dessiller malgré
nous nos yeux ; et en nous montrant la
vanité des objets de la
terre nous faire soupirer après des biens
meilleurs.
O, mes chers Frères , si toutes ces
dispensations de la Providence ne peuvent changer
notre coeur , si la parole de Dieu, si la
religieuse émotion qu'excite la
solennité de ce jour, si le recueillement
qui semble régner dans ce temple ; si la vue
de cet autel dressé, de cette table
où nous célébrons la
mémoire du sang que Jésus
répandit pour nous assurer les biens
éternels ; si tout cela ne suffit pas pour
rompre les liens qui nous emprisonnent dans le
monde présent , pour nous arracher à
nos illusions, pour élever nos désirs
vers le Ciel, du moins rougissons de notre
aveuglement ; sachons gémir de notre
esclavage ; demandons au Ciel l'ardeur même
qui nous manque. Un père qui demandait
à Jésus la guérison de son
fils, lui dit: Je
crois, Seigneur, mais suppléez à la
faiblesse de ma foi (Marc
IX,
24). Il fut
exaucé.
Imitons son exemple ; disons à notre tour:
Seigneur, je désire, je désire ta
sagesse, mais pardonne la langueur de mon
âme; supplée à la
tiédeur de mes désirs: que le
Sacrement auquel je vais participer
réchauffe mon coeur , et ranime en moi
l'amour des vrais biens.
Mes Frères , joignez vos prières aux
nôtres, et que tous les coeurs s'unissent
à ma voix. O Dieu, source unique de toute
grâce excellente et de tout don parfait ! Toi
qui dans un jour comme celui-ci fis éclater
les prodiges de ta grâce en faveur de
l'Église naissante ! Toi dont la patience ne
saurait s'épuiser, dont la
miséricorde est infinie ! si par notre
ferveur nous ne méritons pas d'être
exaucés , que tes compassions soient
émues par l'excès même de nos
besoins. Jette un regard propice sur le petit
troupeau renfermé dans cette étroite
enceinte. Voilà , il n'a pas renoncé
à ton Alliance; elle lui est chère
encore; il veut aujourd'hui la renouer à ta
table ; mais les objets du monde
trop puissans sur ses sens , les soins , les
désirs , les passions terrestres absorbent,
hélas ! son temps, ses facultés , et
ne lui laissent plus de place pour ce qui est
vraiment digne de le toucher: Dissipe, dissipe ces
illusions, ces vains fantômes qui se placent
entre Toi et nous. Ranime ces lumignons fumans. Non
point pour nous, Seigneur; mais pour l'amour, par
les mérites de Jésus, Sauveur,
Intercesseur, donne- nous ta sagesse, cette sagesse
divine que nous n'avons pas même la force de
désirer avec ardeur, et qui seule cependant
peut faire notre gloire , notre
félicité sur la terre, en attendant
qu'elle nous introduise un jour dans cette
céleste patrie dont le sang de ton Fils nous
a ouvert l'entrée. Ainsi soit-il
!
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