Quand il fut arrivé à l'autre bord, dans le pays des Gergéséniens, deux démoniaques, étant sortis des sépulcres, vinrent à Lui ; ils étaient si furieux que personne n'osait passer par ce chemin-là.
Et ils se mirent à crier : Qu'y a-t-il entre nous et toi, Jésus, Fils de Dieu ? Es-tu venu ici pour nous tourmenter avant le temps ?
Or, il y avait assez loin d'eux un grand troupeau de pourceaux qui paissait.
Et les démons le prièrent et lui dirent : Si tu nous chasses, permets-nous d'entrer dans ce troupeau de pourceaux.
Et il leur dit : Allez. Et étant sortis, ils allèrent dans ce troupeau de pourceaux, et aussitôt tout ce troupeau de pourceaux se précipita avec impétuosité dans la mer, et ils moururent dans les eaux
Alors ceux qui les paissaient s'enfuirent, et étant venus dans la ville, ils y racontèrent tout ce qui s'était passé, et ce qui était arrivé aux démoniaques.
Aussitôt toute la ville sortit au-devant de Jésus, et, dès qu'ils le virent, ils le prièrent de se retirer de leurs quartiers.
Il y a, dans cette histoire, quelques
difficultés sur lesquelles il faut nous
entendre d'abord. Premièrement, qui
étaient ces Gergéséniens, ou,
comme ils sont appelés ailleurs, ces
Gadaréniens ? Était-ce une
population juive ou une population
païenne ?
Nous voyons que ces gens entretenaient des
troupeaux de pourceaux, ce qui était
contraire à la loi mosaïque ; on
croirait alors que ces Gergéséniens
étaient païens. Mais nous voyons,
à la fin du récit, toute la ville
sortir au-devant de Jésus et le prier
humblement de se retirer de leurs quartiers. Cette
prière des Gergéséniens,
après la perte de leurs pourceaux, montre
clairement que la conscience de ces gens
n'était pas nette ;
comme païens, ils auraient chassé
ouvertement le Sauveur ; mais les
ménagements qu'ils observent et le silence
qu'ils gardent sur le dommage qu'ils viennent
d'essuyer, sont assez significatifs.
Ces gens ne ressemblent-ils pas à des
contrebandiers à qui l'on vient de saisir
des marchandises prohibées et qui n'osent
pas se plaindre ? Apparemment, ces
Gergéséniens, Juifs d'origine, mais
touchant à une contrée païenne,
avaient perdu par ce contact le respect pour la loi
de leurs pères ; Jésus-Christ
était venu leur apporter le salut ;
mais leur coeur était enchaîné
à leurs intérêts
matériels, et leur mauvais commerce leur
était plus cher que leur âme ;
ils sacrifient le Fils de Dieu à quelques
pourceaux.
Voici un second point. Il est question de deux
démoniaques, et les
évangélistes nomment ainsi des hommes
en qui logeaient des démons, quelquefois un,
quelquefois plusieurs, tantôt même
toute une légion ; or, comment une
telle cohabitation est-elle
possible ? On a voulu éluder la
difficulté, en faisant de ces
démoniaques des épileptiques ou des
forcenés ordinaires ; mais ces deux
états ne répondent pas à
l'état des possédés, tels que
nous les dépeignent les évangiles. Il
est évidemment question de démons qui
avaient pris possession du corps de ces malheureux,
qui ne laissaient plus à ce corps sa
liberté, qui le jetaient tantôt
dans l'eau, tantôt dans le feu, et qui le tourmentaient
misérablement.
Les auteurs sacrés distinguent, comme
nous voyons, entre les démons qui parlaient
dans le possédé et le
possédé lui-même ; cette
distinction est aussi faite dans l'histoire
présente.
Ce sont d'abord les démoniaques qui
crient : Qu'y a-t-il entre nous et toi,
Jésus, Fils de Dieu ? Es-tu venu ici
pour nous tourmenter avant le temps ? Puis, un moment
après, ce sont les
démons eux-mêmes qui parlent et qui
prient le Sauveur : Si tu nous chasses,
permets-nous d'entrer dans ce troupeau de
pourceaux.
Or, une telle cohabitation des démons
dans des corps humains est-elle possible ! Il
y a un passage qui peut à lui seul trancher
la question.
N'est-il pas dit de Judas que Satan entra en
lui, après que Judas eut pris le
morceau ?
L'homme a été créé
pour un maître, et si ce maître n'est
plus Dieu, c'est le démon ; et une fois
que le démon a pris possession de la
citadelle intérieure, il a aussi pris
possession du corps ; car c'est l'âme
qui régit le corps.
On devient esclave de celui par lequel on est
vaincu, du péché pour la mort, comme
de l'obéissance pour la justice.
L'homme a la volonté de se donner
à Dieu ou de s'adonner au
péché ; mais quiconque
fait le péché, est du diable ;
car le diable pèche dès le
commencement. Résistez au diable, et il
fuira de vous ; sinon l'oeuvre du diable
continue, jusqu'à ce que le corps et
l'âme soient perdus dans la
géhenne.
On peut demander enfin : Pourquoi les
démons veulent-ils entrer dans les
pourceaux, et d'où vient
que Jésus-Christ permet la destruction de
ces animaux, Lui qui a pitié même des
bêtes ? On a répondu : C'est
parce que le diable est l'être le plus
charnel, et qu'un pourceau est le logement le plus
digne du diable ; mais il y a encore une autre
raison à donner.
Les démons veulent noyer ces pourceaux,
parce qu'il était à prévoir
que les Gergéséniens, irrités
de cette perte, renverraient le Sauveur de leur
contrée, et qu'il ne pourrait plus continuer
à y faire des miracles. Intention
satanique ! Où il y a des corps
à détruire et des âmes à
tenir loin du Seigneur, Satan est toujours le
même.
Quant aux pourceaux noyés, ne peut-on pas
assimiler ce cas à celui d'une
épizootie, et ne peut-on pas demander
aussi : Pourquoi des milliers d'hommes
sont-ils moissonnés par la guerre, par la
peste ou par le choléra ? Dieu est le Maître des vivants et
des morts, le
seul Législateur qui puisse sauver et
détruire. Ici ce ne sont pas des
victimes humaines, ce ne sont que
des pourceaux qui sont noyés, et la
guérison de deux âmes est-elle
achetée trop cher par la mort de quelques
animaux ?
Immédiatement après la destruction
des pourceaux, les deux démoniaques se
sentent guéris ; ils ont
retrouvé la paix, et vous les voyez assis,
heureux, aux pieds de Jésus. La perte des
pourceaux avait aussi une signification pour les
Gergéséniens. En retirant les gens du
pays de leur contrebande, le Sauveur veut aussi les
faire rentrer en eux-mêmes et leur faire
comprendre qu'un mauvais gain ne profite pas.
Après ces préliminaires, jetons un
coup-d'oeil sur l'ensemble de cette histoire. Nous
voyons ici comme le diable peut lier une pauvre
âme, comme il peut lier toute une
contrée ; mais nous voyons aussi que le Fils de Dieu a paru
pour détruire les
oeuvres du diable.
Satan ne peut pas même porter la main sur
un pourceau, sans demander permission au
Seigneur.
Ce fait offre deux points de vue
différents : il a un côté
obscur et un côté lumineux.
D'une part, ce sont des chaînes
forgées pour une âme ou jetées
sur toute une contrée ; de l'autre
part, ce sont des chaînes qui tombent ;
car, si le Fils de Dieu vous affranchit, vous
serez véritablement libre.
Le spectacle le plus douloureux c'est celui d'une
âme liée. J'appelle ainsi une
âme qui n'est plus à elle-même,
qui ne peut plus faire ce qu'elle veut et qui est
enchaînée de toute manière au
mal ; et si l'âme est liée, le
corps aussi est lié ; car le corps
n'est que l'instrument de l'âme. De là
tant de membres qui servent à
l'impureté et à l'injustice, ou qui commettent
l'iniquité ; ce gosier qui est comme un sépulcre
ouvert, ces langues qui servent à
tromper, ce venin d'aspic qui est sous les
lèvres, cette bouche pleine de
malédiction et d'amertume, ces pieds
légers pour répandre le sang, et
cette désolation, cette ruine qui
sont dans de telles voies.
L'expérience journalière vient
ici à l'appui de l'Évangile.
Laissez-vous dominer par une mauvaise habitude, et
bientôt vous ne serez plus à vous,
vous serez déjà, en quelque sorte, un
homme possédé. Le diable vous saisit
par un cheveu, et, si vous le laissez faire, il
vous prend demain par tout le corps, et vous ne
pouvez plus sortir de ses filets.
Gardez-vous des pièges du chasseur, de la mortalité
funeste, de la
flèche qui vole de jour, de la
destruction qui marche dans les
ténèbres ou qui fait le
dégât en plein midi.
Résistez dès le commencement, et
vous ne vous rendrez esclave de rien. Mais c'est ce
qu'on ne fait pas ; on ne surveille point
assez ; on se laisse aller ; le
péché commence toujours par des
bagatelles, mais ces bagatelles deviennent de
grosses chaînes ; et, parce que vous
n'avez point écrasé l'oeuf, il en
sort un aspic.
Prenez l'ivrogne, le joueur, le
débauché, le fainéant ;
ce sont des hommes qui n'ont plus leur corps
à eux ; et comment avaient-ils
commencé ? par de
petits péchés, et désormais
ils ne sont plus maîtres des
conséquences. Il est de la nature du
péché comme du levain dans la
pâte, le travail du mal commencé ne
s'arrête pas ; si l'esprit,
l'âme et le corps ne sont sanctifiés parfaitement, ils
sont
parfaitement pervertis ; il n'y a point de
milieu. La lutte entre le bien et le mal peut
être longtemps indécise, mais l'un ou
l'autre l'emportera à la fin, et le mal plus
vite que le bien.
N'avez-vous jamais connu d'homme dont les liens
soient devenus de plus en plus forts, et qui se
soit endurci tellement qu'il n'ait plus
été capable de rompre ses
chaînes ?
Et ne croyez pas que le diable n'entre que dans les
cabarets, dans les maisons de jeu ou dans les
mauvais ménages, il entre aussi dans les
salons, dans les églises, dans les cabinets
de prière ; pourquoi se transforme-t-il
quelquefois en ange de lumière ? C'est
pour les élégants, pour les gens
honnêtes qu'il prend ce costume.
Comme l'air pénètre partout,
l'influence du mal entre
partout ; ce n'est pas
le
lieu qui vous sauve, c'est la vigilance et la
prière.
Conduirez-vous avec crainte durant le temps de
votre séjour sur la terre ; que celui
qui est debout prenne garde qu'il ne tombe ; car ce
n'est pas contre la chair et le sang
que nous avons à combattre, c'est
contre les principautés, contre les
puissances, contre les princes des
ténèbres de ce siècle, contre
les esprits malins qui sont dans les airs ; c'est pourquoi
prenez toutes les armes de
Dieu.
Et, comme le diable peut lier une âme, il
peut lier toute une famille, toute une ville, toute
une contrée. N'y a-t-il pas des familles
où l'Évangile trouve des portes
d'airain et des barres de fer ? Pourquoi
cela ? C'est que ces familles sont
liées, l'une par l'intérêt,
l'autre par la justice propre, une autre par les
passions ; ce que le diable fait sur une
petite échelle, il le fait aussi sur une
grande ; vous le voyez par l'exemple des
Gadaréniens.
Voilà toute une contrée
enchaînée au culte de Mammon ;
pas une âme qui se remue pour le Seigneur,
ils aiment mieux leurs pourceaux
que la plénitude de la divinité
qui habite corporellement en Christ. Eh
bien ! ces exemples sont-ils rares de nos
jours ?
Prenez l'Espagne, l'Italie, et plus d'un pays
protestant : ne sont-ce pas des cachots de
Satan ? Là aussi il y a des gardes
sur les murailles et qui ne se donnent point de
repos, ni le jour, ni la nuit, mais c'est afin
que la vérité reste loin ; nous ne voulons point, dit-on,
que
celui-ci règne sur nous !
Satan a ses forteresses comme Dieu a les
siennes, et il faut une force surnaturelle pour changer ces
ténèbres en
lumière. Est-ce parce que Dieu a voulu
cet état des choses ? Ah !
gardez-vous de rejeter sur Dieu ce qui vient
uniquement de l'homme. Si vous
pénétriez dans ces états de
ténèbres et dans ces longs
endurcissements, vous verriez que c'est l'homme
lui-même qui a tendu ses mains à
Satan. Il s'est laissé attirer et amorcer
par ses propres convoitises, retenant la
vérité captive et aimant mieux les
ténèbres que la lumière. Et c'est
ainsi qu'on
s'endurcit et que, par cet endurcissement et ce
coeur impénitent, on s'amasse la
colère pour le jour de la colère et
de la manifestation du juste jugement de Dieu.
Cependant ne désespérons de
personne ; notre texte a aussi un
côté réjouissant. Qui aurait
cru que ces deux démoniaques, qui
étaient les plus liés d'entre tous
les Gergéséniens, pussent être
affranchis de leurs chaînes et devenir des
disciples du Seigneur ?
Deux possédés qui infestaient tout le
pays et qui étaient si furieux que personne
ne pouvait les dompter, Jésus va en faire
deux agneaux, à la louange de la gloire
de sa grâce. Quand un homme fort et bien
armé garde l'entrée de sa maison, tout ce qu'il a est en
sûreté. Mais
s'il en vient un plus fort que lui, qui le vainque,
il lui ôte toutes ses armes auxquelles il se
confiait, et il partage ses
dépouilles. Nous avons vu le fort, voyons le plus
fort : c'est le
Fils de Dieu, qui a paru pour
détruire les oeuvres du
diable.
Jésus-Christ dit lui-même qu'il a été envoyé pour publier aux
captifs la liberté, et aux prisonniers
l'ouverture de la prison. Si
Jésus-Christ est en nous, celui qui est
en nous est plus fort que celui qui est dans le
monde. Comment le Sauveur entreprend-il cette
oeuvre d'affranchissement ?
Les deux démoniaques étaient d'abord
un avec les démons. Lorsque
Jésus-Christ s'approche des deux
possédés, ils se mettent à
crier : Qu'y a-t-il entre nous et toi, Jésus, Fils
de Dieu ? es-tu
venu ici pour nous tourmenter avant le
temps ?
Ce sont les démoniaques qui crient, ce
ne sont pas les démons. Ces deux malheureux
étaient unis aux démons, étant devenus un même esprit
avec
eux. Or, si Jésus-Christ s'approche
d'une âme liée, il arrive avec une
épée. C'est cette épée
qui pénètre jusqu'au fond de
l'âme et de l'esprit, des jointures et des
moelles, et alors il y aura division.
Une âme ainsi entreprise, sent et dit
alors : II y a quelque chose en moi qui n'est
pas moi, et qui est du
démon.
Il y aura séparation où il y avait
consentement au mal ; combat, où il y
avait repos de Satan. On découvre dans la
chair des désirs contraires à ceux
de l'Esprit, une loi dans les membres et une loi
dans l'homme intérieur, une force qui
subjugue et pousse au mal, et les premiers soupirs
après une délivrance.
L'âme s'est reconnue elle-même, elle se
réveille enfin de son long sommeil. Mais
cette pauvre âme ne peut que remuer ses
chaînes, elle ne peut pas les briser. Elle a bien la volonté de
faire ce qui est
bon, mais elle ne trouve pas en elle le moyen de
l'accomplir. Il n'y a que le Fils de Dieu qui affranchisse
et qui rende
véritablement libre. Et ce qui retient
encore loin de Jésus-Christ, c'est la
crainte.
Les deux démoniaques tremblent devant
Jésus-Christ, car ils
s'écrient : Es-tu venu ici pour nous
tourmenter avant le temps ? Quand le
diable voit qu'une âme se réveille et
quand il craint de la perdre, il remplit cette
âme de terreur, comme il la remplissait
auparavant de
sécurité. Et où il y a
crainte, l'amour n'est point possible, car l'amour
produit la confiance. Mais où
Jésus-Christ commence, il continue ;
où il chasse les démons, il chasse
aussi l'esprit de crainte. C'est une autre
influence qui se fait sentir et qui ne vient plus
de la loi, mais qui vient de la grâce.
Comme il y a un crépuscule du matin, il y a
aussi une aurore qui vient de Christ, la lumière du
monde. Cette aurore, c'est
le pressentiment d'une paix qui surpasse toute
intelligence.
Quand l'enfant prodigue était encore
loin, le père avait déjà deux bras ouverts pour lui. Ce
sont ces cordeaux d'amour qui attirent doucement une
âme, celle qui s'est enfin reconnue et que la
grâce a touchée. Tel est le miracle
que Jésus opère pour les deux
possédés.
Il y a dans leur coeur division et rupture d'avec
les démons ; d'un état de
terreur, qui vient du réveil de la
conscience, ils entrent dans un état de
confiance, qui vient de l'esprit de vie qui est
en Jésus-Christ, et qui
affranchit de la loi du péché et de
la mort. On peut s'approprier la paix, quand ce
lien mystérieux que nous appelons la foi est
formé. Les deux possédas vont devenir
des vases de l'amour de Dieu, comme ils avaient
été des vases de la colère. Ils sont délivrés de la
puissance des ténèbres et passent
dans le royaume du Fils de Dieu.
En voyant de loin la destruction des pourceaux,
ils voient que l'oeuvre de Satan n'est plus en eux,
qu'elle est hors d'eux, et ils en
frémissent. Ils vont devenir un avec
Jésus, comme ils avaient été
un avec leurs sombres hôtes, et ils sont
consolés. Ils donneront leurs membres
pour servir à la justice dans la
sainteté, et ayant été
affranchis du péché, ils
deviendront esclaves de Dieu et auront pour leur
fruit la sanctification.
Il n'en est pas de même des autres
Gergéséniens. Au lieu de recevoir le
Sauveur, ils le renvoient, non pas à bras
levés, mais en le priant de se retirer de
leurs quartiers. Ils aiment mieux garder
leurs chaînes, que de
devenir des prisonniers de Christ. C'est
l'état d'un coeur mondain qui a horreur de
l'Évangile, quand l'Évangile demande
des sacrifices.
Mais celte horreur, on la cache ; on veut
éconduire Jésus-Christ avec les
formes, et ne pas rompre ouvertement avec Lui. La
mondanité, on l'appellera prudence ; et
le christianisme complet, de la rigidité.
Plus tard, Jésus-Christ pourra revenir,
quand les intérêts matériels
seront moins pressants, ou peut-être
lui-même jusqu'alors fera-t-il quelques
concessions.
Que de subterfuges quand il faut se détacher
et marcher après Jésus, en
renonçant à soi-même ! La
population des Gadaréniens est la population
des demi-chrétiens. Ils n'osent point renier
le Sauveur en face, mais ils ne veulent pas non
plus qu'il leur noie leurs pourceaux. On tergiverse
aussi longtemps qu'on peut, mais il vient une heure
où il faut se prononcer. Jésus est une occasion de chute ou une
occasion de
relèvement ; si vous n'êtes
point avec Lui, vous
êtes contre Lui ; soyez froid
ou bouillant, ou il vous vomira de sa
bouche.
Entre les deux démoniaques guéris et
la population des Gergéséniens, notre
histoire nous montre encore une troisième
classe d'hommes : ce sont ceux qui paissaient
les pourceaux.
Ces porchers sont témoins du miracle qui se
passe avec les deux possédés ;
ils admirent la puissance de Jésus, et,
courant en ville, racontent tout ce qui
s'était passé. Mais il n'est pas dit
que ces porchers se soient convertis. Celte classe
d'hommes se retrouve encore aujourd'hui.
Ce sont les admirateurs du christianisme, mais qui
en attendant n'en usent pas pour eux-mêmes.
Ils voient la puissance de l'Évangile dans
les pays païens comme dans les pays
chrétiens ; ils se font les apologistes
du Sauveur et de tout le dogme chrétien,
mais ce ne sont que de beaux parleurs, leur
piété n'a aucun fond. Le
christianisme est autre chose qu'une
démonstration de paroles, c'est un acte qui
se passe dans le coeur ;
ce
sont des démons à chasser, des
pourceaux à noyer. Mais on aime mieux
admirer que de renoncer, mieux être
témoin d'une conversion que de se convertir
soi-même. C'est qu'on est lié, et on
ne veut pas s'avouer ses chaînes.
La vérité de Christ est celle qui affranchit ; où
elle n'a
rien affranchi, elle n'est pas encore la
vérité. Mais quiconque est pour la
vérité, entend sa voix. Il est
question des âmes qui s'ébranlent et
qui soupirent après un changement ;
celles-ci comprennent, et leurs chaînes vont
tomber.
Pour qui alors est cette histoire ? Pour vous
qui êtes encore lié. Voulez-vous
rester dans cet état, quand vous pouvez
avoir un libérateur et que vous pouvez
l'avoir gratuitement ? Est-on heureux quand on
est enchaîné ? et une
demi-liberté est aussi une chaîne.
Je ne veux pas vous demander ce qui vous tient
captif, si c'est une chaîne de fer ou si
c'est un cheveu ; mais le cheveu comme la
chaîne peuvent servir à Satan. Rien
n'est petit, quand il y va de
votre paix, et il faut si peu de chose pour la
troubler !
Avouez-vous la vérité et n'attendez
pas jusqu'à demain ; il y a des
misères invétérées, qui
toutes viennent de nos demi-résolutions.
Mettez-vous, lié comme vous êtes, dans
les bras de Jésus ; il a porté
vos liens et il sait combien vous souffrez.
Ouvrez votre âme à la confiance, et la force d'en haut
s'accomplira dans votre
faiblesse.
Regardez aux deux possédés :
auriez-vous eu de l'espoir pour eux ? Eh bien,
le Fils de Dieu est encore le même. C'est
vous qui êtes ce captif auquel la
liberté est annoncée, ce prisonnier dont la prison
va
s'ouvrir.
Croyez d'abord à ce que Christ a fait pour vous, et vous
verrez ce qu'il fera en vous ; n'intervertissez point
cet
ordre. Au lieu de commencer par de pénibles
efforts pour vous rendre digne, selon vous,
d'être les objets d'une oeuvre de
délivrance, placez-vous sous la croix du
Calvaire ; ici vous verrez que ce que vous
voudriez faire est déjà fait, que tout est accompli. Les
principautés et
les puissances sont
dépouillées et publiquement
exposées en spectacle ; vos
péchés et vos chaînes, Christ a triomphé de tout sur la
croix.
Montrez-moi un ennemi que Jésus-Christ
n'ait point vaincu, un esprit immonde qui ne soit
point à ses pieds ; votre âme
est échappée comme un oiseau du lacet
des oiseleurs ; le lacet a
été rompu, et vous êtes
échappé.
Et ce que Christ a fait pour vous,
il le
fera aussi en vous ; cette foi qui justifie est
aussi celle qui sanctifie.
La joie du salut sera votre force ; tenez-vous
ferme dans la liberté dans laquelle Christ
vous a mis, et ne vous remettez pas de nouveau sous
le joug de la servitude.
Plus vous croyez que vos chaînes sont
déjà tombées, plus facilement
elles tomberont. L'esprit de crainte fera place
à une joie d'enfant, et où il y a
joie, il y a vie, liberté,
délivrance. Vous vous jetterez sur toute
une bande, vous franchirez les murailles ; car votre cause
est la cause de Christ, et qui vous attaque, attaque la prunelle
de son
oeil. Est-ce trop
dire ? sont-ce des
hyperboles ?
Non, c'est la Parole de Dieu, celle qui demeure
éternellement ; et il
n'y a aucune puissance contre la
vérité, il n'y en a que pour la
vérité. Persistez dans cette
doctrine, et vous serez véritablement
un disciple, et vous connaîtrez la
vérité, et la vérité
vous affranchira.
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