Il y avait un homme malade, appelé Lazare, qui était de Béthanie, le bourg de Marie et de Marthe sa soeur.
Cette Marie était celle qui oignit le Seigneur d'une huile de parfum, et qui essuya ses pieds avec ses cheveux ; et Lazare, qui était malade, était son frère.
Ses soeurs donc envoyèrent dire à Jésus : Seigneur, celui que tu aimes est malade.
Jésus, ayant entendu cela dit : Cette maladie n'est point à la mort, mais elle est pour la gloire de Dieu, afin que le Fils de Dieu en soit glorifié.
Or, Jésus aimait Marthe, et sa soeur, et Lazare.
lit quoiqu'il eût appris qu'il était malade, il demeura cependant encore deux jours au lieu où il était.
Puis il dit à ses disciples : Retournons en Judée
Les disciples lui dirent : Maître, il n'y à que peu de temps que les Juifs cherchaient à te lapider, et tu y retournes encore !
Jésus répondit : n'y a-t-il pas douze heures au jour ? Si quelqu'un marche pendant le jour, il ne bronche point, parce qu'il voit la lumière de ce monde.
Mais si quelqu'un marche pendant la nuit, il bronche, parce qu'il n'a point de lumière.
Il parla ainsi, et après cela il leur dit : Lazare, notre ami dort, mais je m'en vais l'éveiller.
Ses disciples lui dirent : Seigneur, s'il dort il sera guéri.
Or, Jésus avait dit cela de la mort de Lazare ; mais ils crurent qu'il parlait d'un véritable sommeil.
Jésus donc leur dit alors ouvertement : Lazare est mort.
Et je me réjouis à cause de vous, de ce que je n'étais pas là, afin que vous croyiez ; mais allons vers lui.
Thomas donc, appelé Didyme, dit aux autres disciples : Allons-y aussi, afin de mourir avec lui.
Jésus étant arrivé, trouva qu'il y avait déjà quatre jours qu'il était dans le sépulcre.
Or, Béthanie était environ à quinze stades de Jérusalem.
Et plusieurs des Juifs étaient venus voir Marthe et Marie, pour les consoler de la mort de leur frère.
Quand Marthe ouït dire que Jésus venait, elle alla au-devant de Lui ; mais Marie demeura assise à la maison.
Marthe dit à Jésus : Seigneur, si tu eusses été ici, mon frère ne serait pas mort.
Mais je sais que, maintenant même, tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu le l'accordera.
Jésus lui dit : Ton frère ressuscitera.
Marthe lui répondit : Je sais qu'il ressuscitera en la résurrection, au dernier jour.
Jésus lui dit : Je suis la résurrection et la vie ; celui qui croit eu moi vivra, quand même il serait mort.
Et quiconque vit et croit en moi, ne mourra point pour toujours. Crois-tu cela ?
Elle lui dit : Oui, Seigneur, je crois que tu es le Christ, le Fils de Dieu, qui devait venir au monde.
Quand elle eut dit cela, elle s'en alla et appela Marie, sa soeur, en secret, et lui dit : Le Maître est ici, et il t'appelle.
Ce que Marie ayant entendu, elle se leva promptement, et vint vers Lui.
Or, Jésus n'était pas encore entre dans le bourg, mais il était au même endroit où Marthe était venue au-devant de Lui.
Alors les Juifs qui étaient avec Marie dans la maison, et qui la consolaient, voyant qu'elle s'était levée si promptement, et qu'elle était sortie, la suivirent, disant : Elle s'en va au sépulcre pour y pleurer.
Mais Marie étant arrivée au lieu où était Jésus, dès qu'elle le vit, elle se jeta à ses pieds et lui dit : Seigneur, si tu eusses été ici, mon frère ne serait pas mort.
Quand Jésus vit qu'elle pleurait, et que les Juifs qui étaient venus avec elle pleuraient aussi, il frémit en lui-même, et fut ému ;
Et il dit : Ou l'avez-vous mis ? Ils lui répondirent : Seigneur, viens et vois.
Et Jésus pleura.
Sur quoi les Juifs dirent : Voyez comme il l'aimait.
Et quelques-uns d'eux dirent : Lui qui a ouvert les yeux de l'aveugle, ne pouvait-il pas faire aussi que cet homme ne mourût pas ?
Alors Jésus, frémissant de nouveau en lui-même, vint au sépulcre ; c'était une grotte, et on avait mis une pierre dessus.
Jésus dit : Ôtez la pierre. Marthe, soeur du mort, lui dit : Seigneur, il sent déjà mauvais ; car il est là depuis quatre jours.
Jésus lui répondit : Ne t'ai-je pas dit, que si tu crois, tu verras la gloire de Dieu ?
Ils ôtèrent donc la pierre du lieu où le mort était couché. et Jésus élevant les yeux au ciel, dit : Mon Père, je te rends grâces de ce que tu m'as exaucé.
Je savais bien que tu m'exauces toujours, mais je dis ceci à cause de ce peuple, qui est autour de moi, afin qu'il croie que tu m'as envoyé.
Quand il eut dit cela : il cria à haute voix : Lazare, sors de là.
Et le mort sortit : ayant les mains et les pieds liés de bandes, et le visage enveloppé d'un linge. Jésus leur dit : Déliez-le et le laissez aller.
Plusieurs donc des juifs qui étaient venus voir Marie, et qui avaient vu ce que Jésus avait fait, crurent en Lui.
L'histoire que nous rapportons ici est
l'histoire d'une séparation. Il y a dans la
vie des familles une heure bien douloureuse :
c'est celle où il faut se dire adieu. Notre
texte nous met en présence de trois
âmes bien unies et heureuses : ce
sont deux soeurs et un
frère, vivant tous sous le même toit
et connaissant tous les trois le Seigneur. Or,
quand on a ainsi l'habitude de vivre ensemble, on
n'admet pas la possibilité d'être
jamais séparés. Cependant la mort
n'épargne personne, et souvent ceux que nous
aimons le plus pour nous, sont aussi ceux que Dieu
aime le plus pour Lui ; c'est la brebis
chérie qui est ordinairement marquée
la première. Ce paisible intérieur de
Béthanie va être transformé en
une maison de deuil.
Lazare tombe malade, et ni les soins ni les
prières des deux soeurs ne peuvent
arrêter la mort ; elle étend sa
main glacée, et vous n'avez plus devant vous
qu'un cadavre. Peut-être ce frère et
ces deux soeurs avaient-ils souvent parlé de
la mort ; peut-être le soir, plus d'une
fois, dans leur intimité domestique,
s'étaient-ils demandé : Qui de
nous mourra le premier ? et, plus tôt
qu'ils ne l'auraient voulu, la mort leur fait
réponse. Nous savons ce qui arrive quand on
perd ce qu'on a de plus cher au
monde. La maison qu'on habite, la vie
entière est devenue une solitude ;
chaque place rappelle des souvenirs qui font couler
les larmes ; on croit encore que cette
séparation n'est qu'un rêve, tant on a
de peine à se faire à cette
pensée : Je ne le reverrai donc plus
jamais ! Cependant, s'il y a une parole vraie
dans l'Écriture, c'est la parole : Dieu est amour.
Il y a autour d'une telle épreuve tout un
réseau de miséricorde, et les
bénédictions les plus nombreuses sont
réservées aux coeurs brisés.
Ce n'est pas sans raison qu'il est dit que nous
devons nous glorifier même dans nos
afflictions, et que nous devons les regarder
comme le sujet d'une parfaite joie.
Mettez un grain de sable à
côté du Mont-Blanc, verrez-vous encore
le grain de sable ? Eh bien ! mettez
à côté du coup qui vient de
vous frapper les richesses insondables de
Christ : y aura-t-il proportion ?
Nous voyons ce que le Sauveur a été
pour les deux soeurs, et Christ
est le même pour tous ceux qui se retirent
vers Lui.
Pour connaître Jésus-Christ dans
sa puissance éternelle, il faut se placer
auprès d'un tombeau ; ce ne sont point
nos deuils qui nous enlèvent le Seigneur, ce
sont nos mauvais soutiens. Nous allons regarder de
plus près la visitation de la famille de
Béthanie. Il se passe toutes sortes de
choses dans le coeur avant, pendant et après une
séparation : ce
sont ces trois faces d'un deuil que nous allons
étudier. Qu'ont dû éprouver les
deux soeurs pendant la maladie de Lazare ? Que
s'est-il passé dans leur coeur quand la mort
est venue le frapper, et quelle action cette
épreuve a-t-elle eue sur la vie de Marthe et
de Marie ? L'histoire qui se passe sous nos
yeux nous fera la réponse.
Il y avait un homme malade, appelé
Lazare. Mettez-vous à la place des deux
soeurs au moment où
Lazare tomba malade. Hier encore tous trois se
portaient bien ; ils étaient heureux,
ils n'auraient pas compris la vie autrement ;
aujourd'hui déjà tout est
changé. Un nuage s'est élevé
sur cet horizon de famille, et dans ce nuage se
cache la mort. Il paraît que la maladie de
Lazare prit bientôt un caractère grave
et que les deux soeurs durent se dire : Que
serait-ce s'il allait mourir ? Elles
envoyèrent dire à
Jésus : Seigneur, celui que tu
aimes est malade. Malgré cela, Jésus demeura encore deux
jours au lieu
où il était.
N'est-ce point ce que le Seigneur fait encore
aujourd'hui ? Il est souvent si loin de nous
quand nous le cherchons ! Nous recevons si peu
de force de nos soupirs et de nos
prières ! Vous avez une crainte
sérieuse, vous la portez devant le Seigneur,
et cette crainte ne vous est point
enlevée ! Vous voudriez contraindre le
Seigneur à s'établir près de
vous, et c'est comme s'il en était à
deux journées de chemin ; vous avez
l'esprit si bouleversé,
que la prière vous est presque devenue
impossible.
Hélas ! il faut si peu de chose pour
troubler notre esprit. Rien de si pénible,
en outre, que ce mélange de crainte et
d'espérance. C'est cette incertitude qui
jette dans l'agitation, et c'est l'agitation qui
met obstacle à la prière. On a
peut-être bien des moments où l'on se
croit fortifié ; on s'encourage alors,
en se disant : Mon âme, pourquoi
t'abats-tu et frémis-tu en moi ?
Attends-toi à Dieu, car je le
célébrerai encore ; il est la
délivrance à laquelle je regarde, il est mon Dieu !
Mais quelques moments après, c'est le
même accablement qui revient, et tout ce
travail est à recommencer.
Pourquoi nos prières, dans ces
époques de visitation, sont-elles si
stériles ? Si nous y regardons de
près, nous verrons qu'il y a trois
obstacles. Il y a d'abord trop de tumulte dans
l'âme. Dieu n'est pas un Dieu de
confusion, mais un Dieu de paix ;
attendez patiemment l'Éternel, et il se
tournera vers vous et ouïra votre cri. Il
y a, en second lieu, trop
d'obstination dans l'âme. Vous voulez forcer
les choses au lieu de vous donner à Dieu
comme un enfant. Soyez sûr que la
volonté de Dieu est meilleure que la
vôtre, et que vous trouverez toujours votre
compte à la recevoir.
Enfin, il y a trop d'incrédulité dans
l'âme. Vous regardez toujours aux
circonstances ou aux mauvaises prédictions
de votre coeur, mais ce n'est point là
qu'est la vérité. La femme
peut-elle oublier l'enfant qu'elle allaite et
n'avoir pas pitié du fils de ses
entrailles ? Mais quand les femmes les
auraient oubliés, encore ne vous
oubliera-t-il pas, Lui ! Croyez ;
cela vaut mieux que de vous amollir en
gémissant.
Vos prières, quelque pauvres qu'elles
soient, ne sont point perdues ; il y a dans
toute âme qui combat une
bénédiction. Vous êtes soutenu
sans le savoir ; Jésus-Christ est en
route, et vous allez le connaître comme Celui qui a toute
puissance dans le ciel et sur
la terre. Dans toutes vos détresses il a
été en détresse,
et il sera exalté en
ayant pitié de vous. Regardons de
nouveau à Marthe et à Marie.
Jésus-Christ ne vient point pendant que
Lazare est malade ; mais dès que la
mort a frappé, nous le voyons auprès
de Marthe et de Marie.
Nous venons de voir ce qui se passe dans le
coeur quand l'épreuve est imminente ;
voyons maintenant quel caractère elle prend
quand elle est survenue.
Si l'on nous disait d'avance les douleurs qui nous
attendent, nous croirions souvent que nous ne les
supporterions pas. Nous aimerions mieux être
morts ou n'être jamais nés,
plutôt que d'être jetés dans de
tels abîmes. Mais soyez sûr que tout
est calculé et que Dieu n'impose point
à l'homme une trop grande charge, en
sorte qu'il ait sujet de venir plaider avec le Dieu
fort. Dieu est fidèle, qui ne permettra
point que vous soyez tenté au-delà de
vos forces ; mais avec
la
tentation il vous en donnera aussi l'issue, de
sorte que vous la puissiez supporter. Vous
voyez comme Marthe et Marie sont soutenues au jour
le plus douloureux de leur vie.
À côté du tombeau de Lazare, se
trouve Jésus en personne ; et si les
deux soeurs avaient eu à choisir entre leur
frère et leur Sauveur, auraient-elles
balancé ? La maladie, comme la mort de
Lazare, fut pour la gloire de Dieu, afin que le
Fils de Dieu en fût glorifié. Nous
ne voyons que le deuil, mais ceux qu'il a
frappés se voient en présence des
compassions du Seigneur. Jésus pleura, et ce fut devant la
tombe de Lazare. Le Sauveur
a une sympathie que ne donne aucune communion
chrétienne. La maison des deux soeurs
était remplie de monde ;
c'étaient autant de consolateurs, mais les
consolateurs humains ne font que vous
étourdir ; il faut les écouter
et leur répondre, et à une pauvre
âme brisée il faut autre chose. Il lui
faut du silence, et dans ce silence le
message : Le Maître est ici
et il t'appelle. Une
âme qui est seule avec le Seigneur est
souverainement riche et n'est plus à
plaindre. Elle comprend l'intention du Maître
et elle se dit : II a voulu me posséder
entièrement ; il a brisé mes
affections terrestres, parce que ces affections ne
pouvaient me suffire. Il a pourvu quelque chose
de meilleur pour moi, et ce qui m'a ravi
jusqu'ici ce trésor, c'est mon coeur
partagé. On sent alors que donner c'est
recevoir, et recevoir au centuple. Bonheurs de
famille, sympathies chrétiennes,
qu'êtes-vous quand le Maître est ici et qu'il nous
appelle ! Au
fond de
ce tombeau qui arrête vos regards, vous
verrez la résurrection et la vie, et
ce qui vous en sépare n'est que la mesure
de quatre doigts. Ne t'ai-je pas dit, répond Jésus-Christ à
Marthe, que si tu crois tu verras la gloire de
Dieu ? Nous nous trompons si souvent sur
les vraies causes de nos larmes ! Nous croyons
que nos douleurs viennent de nos pertes, et elles
ne viennent que de notre
incrédulité.
Nous croyons que notre vie serait rétablie,
si Jésus-Christ criait dans la tombe que
nous lui montrons : Lazare, sors de
là. Supposez que Jésus-Christ le
fasse, qu'il vous rende ceux que vous pleurez et
qu'il vous dise : Vivez encore un
siècle sous le même toit, auriez-vous
reçu ce qu'il vous fallait. Vivre ensemble,
mais sur la terre, mais avec tous les germes du
péché, mais sous le poids de cette
tente dans laquelle nous gémissons, est-ce là notre
destination ? Et si
l'un de nous prend les devants et qu'il entre avant
nous dans la gloire, voudriez-vous le retenir ou le
rappeler ? Sa joie n'est-elle pas aussi la
vôtre ?
Le vrai bonheur de Marthe et de Marie, ce n'est
point Lazare sortant du tombeau pour y rentrer plus
tard, c'est la promesse : Je suis la
résurrection et la vie ; celui qui
croit en moi vivra, quand même il serait
mort ; et quiconque vit et croit en moi ne
mourra point pour toujours. Le grand miracle,
ce n'est point qu'un mort ait entendu la voix du
Fils de Dieu, c'est
que
Jésus-Christ lui-même, Lui le
Prince de la vie, se soit couché dans
les bras de la mort, afin qu'il détruisit
celui qui avait l'empire de la mort, savoir le
diable, et qu'il en délivrât tous ceux
qui, par la crainte de la mort, étaient
toute leur vie assujettis à la
servitude.
Le fondement de notre espérance est la
foi en Celui qui a ressuscité d'entre les
morts Jésus, notre Seigneur, lequel a
été livré pour nos offenses et
qui est ressuscité pour notre justification. Et quand bénissez-vous
Dieu de
vous avoir donné par la
résurrection de son Fils cette
espérance vive ? C'est quand vous
regardez dans une tombe ouverte, et qu'à
côté de cette tombe vous voyez la
vôtre. Il est vrai, il faut avoir frémi comme Jésus, sur les
conséquences du péché, pour se
réjouir de cet héritage qui ne se
peut corrompre, ni souiller, ni flétrir. Marthe et Marie
n'avaient que les arrhes de cet héritage ; nous aussi qui
avons
reçu les prémices de l'Esprit, nous savons bien que ce que
nous serons
n'a pas encore été
manifesté ; mais ce que nous
espérons, nous l'attendons avec patience. Ce sont nos
séparations qui donnent de
nouvelles ailes à nos
espérances ; nous savons où nous
allons, et nous ne disons plus comme Thomas : Seigneur,
comment pourrions-nous savoir le
chemin ? Ainsi, la séparation qui
nous faisait trembler quand elle était
imminente, est devenue tout autre chose quand elle
est survenue. Il y a un chemin dans les lieux
les plus profonds de la mer, afin que les
rachetés y passent. Demandez aux deux
soeurs, elles vous diront : Ni la mort, ni
la vie, ni aucune créature ne nous pourra
séparer de l'amour que Dieu nous a
montré en Jésus-Christ notre
Seigneur.
Quel caractère prendra la vie
chrétienne quand l'épreuve sera
passée ? C'est la troisième face
que nous avons encore à
voir.
Rien de si beau qu'un deuil saintement compris.
Quand Dieu frappe ses grands coups, ce sont aussi
les grandes intentions de Dieu qui se manifestent.
Mais on peut dire de la plupart des hommes : Tu les as
frappés, mais ils n'en ont
point senti de douleur ; tu les as
consumés, mais ils ont refusé de
recevoir l'instruction ; ils ont endurci leurs
faces plus qu'un rocher ; ils ont
refusé de se convertir.
Il y a des hommes qui fondent facilement en
larmes et qui, sur le bord d'une tombe, joueront
les désespérés. Eh bien !
ce sont souvent ceux qui se consolent le plus
vite.
D'autres nourrissent leur douleur et s'enfoncent
dans leurs souvenirs jusqu'à devenir comme ce figuier stérile qui
occupe inutilement
la terre.
D'autres encore, dans ces douleurs
rentrées, nourrissent je ne sais quelle
aigreur. Qu'ai-je fait, se disent-ils, pour avoir
mérité un pareil sort ? S'ils
n'avaient pas besoin de Dieu, ils rompraient avec
Lui en plein cimetière.
Il y a aussi une philosophie qui est celle
du désespoir ; non
pas de ce désespoir furieux qui se jette
au-devant d'un suicide, mais de ce désespoir
calme qui raisonne et qui est capable de calcul.
C'est l'état de ceux qui, ayant voué
toute leur vie au culte d'une idole, ont vu
s'évanouir leur espérance et ont
renoncé depuis lors à toute poursuite
nouvelle. Blasés et dédaigneux. ils
voient passer sous leurs yeux les choses humaines,
et n'ont sauvé des débris de leur vie
d'autrefois que l'ironie.
Faites le tour du monde, entrez dans le coeur des
épreuves, voyez ce qu'elles vont devenir
demain : ce sont, de toutes les grâces
de Dieu, celles qu'on change le plus en
dissolution.
Les cas les plus nombreux d'impénitence
et d'endurcissement viennent d'épreuves mal
reçues ; ni la bonté ni la sévérité de Dieu n'avaient
pu convier à la repentance. Mais en revanche, voyez ce que
devient la vie
quand nos séparations nous ont dit : Le Maître est ici et il
t'appelle.
L'homme du monde croit que ce n'est plus la
peine de vivre quand Dieu lui a
enlevé ses idoles ; le chrétien
éprouvé ne date sa vraie vie que de
l'époque de ses épreuves.
Jésus est devenu tout autre chose pour
Marthe et pour Marie, après que les deux
soeurs eurent connu sa puissance devant la tombe de
Lazare.
Nous retrouvons quelque temps après
Jésus à Béthanie, et les deux
soeurs, dit saint Jean, firent un souper
à Jésus, et Marthe servait ;
alors Marie, ayant pris une livre d'une huile de
senteur de nard pur, qui était de grand
prix, en oignit les pieds de Jésus et les
essuya avec ses cheveux, et la maison fut remplie
de l'odeur de ce parfum.
Avez-vous dans votre vie le souvenir d'une
séparation, et Jésus a-t-il
sanctifié pour vous cette
épreuve ? Alors vous savez à qui
vous appartenez, et vous ne vivrez plus pour
vous-même, mais ce sera pour Celui qui
vous a aimé et qui s'est donné
lui-même pour vous. Ce parfum d'un
grand prix et dont l'odeur se répand dans
toute la maison, c'est un christianisme qui
doit son parfum de vie à un
deuil vivifié par
Jésus. Si le grain de froment ne meurt,
il demeure seul ; mais s'il meurt, il
porte beaucoup de fruit. Ainsi
préparé, vous direz alors comme
Jésus : N'y a-t-il pas douze heures
au jour, et ce temps fugitif n'ai-je point
à le racheter ? Quand je ne fais
que saluer la terre en passant,
n'écouterai-je point la voix qui me
dit : Sème ta semence dès le
matin, et ne laisse point reposer ta main le
soir ? Au lieu de vous ensevelir dans la
tristesse, vous marcherez pendant le jour, et vos
dernières oeuvres surpasseront
vos premières.
C'est une nouvelle existence que celle d'un homme
qui fait route avec une épreuve qui est
devenue pour lui une bénédiction. Il
a fait connaissance avec Jésus à
côté d'un tombeau, et désormais il ne regarde plus aux choses
visibles, mais aux
invisibles ; ces chaînes qu'il
n'aurait point rompues lui-même, le Sauveur
les a fait tomber. Le coeur le plus heureux, c'est
un coeur détaché ;
car l'homme dont le
coeur est
partagé est inconstant en toutes ses voies. Rendons grâces si
Jésus vient
à notre secours pour nous ouvrir son
sanctuaire. Vous verrez que vous n'avez rien perdu,
quand vous aurez retrouvé tous vos biens
dans un bien unique. Vous sortirez de l'agitation,
et vous entrerez dons le repos du peuple de
Dieu. Jésus, qui avait prié pour
vous, dira de nouveau : Mon
Père, je te rends grâces de ce
que tu m'as exaucé. Celui qui a
ressuscité Lazare est aussi Celui qui
ressuscite nos joies chrétiennes. - Ce coeur
flétri est ranimé par une
espérance qui ne confond point ; il
a trouvé la magnificence au lieu de la
cendre, l'huile de joie au lieu du deuil, et
un manteau de louange au lieu d'un esprit
affligé. Le monde vous plaint, votre
existence lui paraît brisée, et en
attendant vous êtes comme un olivier
verdoyant dans la maison de Dieu ; vous vous
assurez en la bonté de Dieu pour toujours et
à perpétuité.
Un mot encore. Jésus-Christ a
dit : Chacun
sera
salé de feu, et toute oblation sera
salée. Vous voyez, par l'histoire sur
laquelle nous venons de méditer, de quel sel et de quelles oblations
il
est
question. Reste à vous demander si votre
christianisme a ce caractère.
Ce qui manque le plus de nos jours, c'est le sel d'en-haut,
et ce sont ces corps qui
s'offrent en sacrifice vivant, saint et
agréable. N'ayez point peur alors si
Dieu vous visite ; c'est pour retremper votre
foi, pour empêcher que votre argent ne se change en
écume. Ce ne sont point
les apparences qu'il vous faut, c'est la
réalité ; il n'y a point de
réalité, si elle n'est pas la
puissance de Dieu.
C'est cette puissance qui entre dans nos
deuils, et qui arrache à la mort son
aiguillon et au sépulcre sa victoire. Ce
qu'aujourd'hui vous appelez une séparation,
vous l'appellerez demain une couronne d'ornement
en la main de l'Éternel, et une tiare royale
dans la paume de votre Dieu. Il y a pour les
fleurs un printemps, il y a pour une âme
brisée une éternelle jeunesse.
Secouez la poussière de
ce monde, vous trouverez dessous des
vêtements de lumière et le
Prince de la vie pour vous en revêtir. Donnez-vous à
Lui ; il est votre
force, votre cantique et votre libérateur.
Une voix de chant de triomphe et de
délivrance retentit dans les tabernacles des
justes : la droite de l'Éternel,
disent-ils, fait vertu.
Chapitre précédent | Table des matières | - |