Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Chapitre 15

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1 Cependant quelques individus venus de la Judée enseignaient aux frères: «À moins que vous ne soyez circoncis selon le rite de Moïse, vous ne pouvez être sauvés!» Mais Paul et Barnabas ayant eu avec eux une contestation et une discussion très-vive, on décida que Paul et Barnabas et quelques autres des leurs iraient à Jérusalem, auprès des apôtres et des anciens, au sujet de cette question litigieuse. Ceux-ci donc, délégués par l'église, traversèrent la Phénicie et la Samarie, et causèrent une grande joie à tous les frères en leur racontant la conversion des païens. Arrivés à Jérusalem, ils furent reçus par l'Église, et les apôtres et les anciens, et leur firent part de tout ce que Dieu avait fait par eux.

XV, 1-4. Le récit qu'on va lire est peut-être le plus important de tout le livre, parce qu'il nous fait connaître l'état des esprits et des croyances dans la primitive Église, et qu'il peut servir à déterminer le point de vue duquel Fauteur lui-même apprécie les faits. Nous avons traité à fond cette partie de l'histoire, tant dans un article spécial inséré dans la Revue de théologie (Déc. 1858. Janv. 1859), que dans l’Hist, de la théol. apost., 3 e éd. (L. III, chap. 4 et ss.). Nous nous bornerons ici à une exposition plus succincte.

La question des rapports entre l'ancienne et la nouvelle alliance, est ici pour la première fois officiellement discutée au sein de l'Église même. Nous avons vu que déjà Étienne y touchait; mais celui-ci s'adressait au public du dehors, et les apôtres ne paraissent pas avoir été engagés dans la controverse soulevée par lui. L'incident de Cornélius apparut à Pierre même comme un fait exceptionnel, et ne fut point élevé à la hauteur d'un principe. Ici encore, ce n'est pas la théorie religieuse elle-même qui sera discutée et fixée. C'est le point de vue pratique qui prédomine toujours, et c'est là ce qui nous expliquera comment on a pu, en cette occasion, s'arrêter à un moyen terme qui ne décidait rien et qui devait bientôt se montrer insuffisant en face des exigences de deux théories contradictoires.

À Antioche donc, on ne faisait aucune difficulté de baptiser des hommes non circoncis et de les regarder comme membres légitimes de l'Église, et héritiers des promesses messianiques à titre égal avec les Juifs. À Jérusalem, on n'en était pas là. À la première occasion, les deux points de vue opposés devaient se heurter. Des chrétiens de la Judée, imbus des principes rigides du pharisaïsme (v. 5), c'est-à-dire reconnaissant à la loi rituelle un caractère absolument obligatoire, étant survenus, soit par hasard, soit exprès, proclamèrent à Antioche le principe qui prévalait toujours à Jérusalem, savoir qu'il n'y avait point de salut hors de la loi. Ils ne prétendaient pas se sauver au moyen de la loi, mais ils déclaraient ne pas pouvoir admettre que cette loi d'origine divine dût être abolie pour ceux qui voulaient obtenir la jouissance des biens, lesquels y avaient été rattachés par les promesses de Jéhova. En un mot, ils se plaçaient tout simplement au point de vue des anciens prophètes, qui avaient souvent prédit la conversion des païens, mais qui n'avaient jamais prédit l'abrogation préalable de la loi, dont l'origine mosaïque, par conséquent bien antérieure, n'était révoquée en doute par personne.

Paul et Barnabas ne prêchaient pas non plus l'abrogation de la loi, dans ce sens qu'ils se seraient affranchis de ses devoirs rituels. Ils les conservaient pour eux, comme des formes très-bonnes de la vie religieuse, mais ils comprenaient que ce n'étaient que des formes, et que toutes les formes étaient indifférentes en comparaison de la chose essentielle, c'est-à-dire de la régénération spirituelle et de la foi au Sauveur. Ils ne voyaient donc aucun inconvénient à ce que la porte de l'Église fût largement ouverte aux païens chez lesquels ils constataient cette foi, et auxquels ils n'entendaient pas imposer des formes étrangères à leurs habitudes.

Ces deux systèmes, disions-nous, ne pouvaient manquer de se heurter. Il y eut des discussions assez chaudes à Antioche, et l'on convint de consulter les chefs de l'église de Jérusalem, soit qu'on leur reconnût une autorité supérieure et normative, soit qu'on voulût simplement faire un effort pour rétablir la paix en plaçant la question sur un terrain moins étroit. Peut-être avait-on simplement en vue de justifier ce qui s'était fait jusqu'ici en Syrie et à l'étranger. Le récit même de Luc, qui ne met guère dans la bouche de Paul que des arguments fournis par l'expérience des missionnaires, paraît appuyer cette dernière explication, et celui de Paul (Gal. II, 1-9) exclut formellement la première. Pour lui, les apôtres de Jérusalem n'ont aucune autorité prépondérante; il consent à leur exposer sa doctrine, mais non à accepter d'eux des ordres qui la contrediraient.

5 Mais quelques-uns de ceux du parti des Pharisiens, qui étaient devenus croyants, s'opposèrent en disant qu'il fallait les circoncire et leur enjoindre d'observer la loi de Moïse; et les apôtres et les anciens se réunirent pour prendre cette affaire en considération. Une longue discussion ayant eu lieu, Pierre se leva et dit:

XV, 5-7. Luc affirme donc qu'il y eut une longue discussion, c'est-à-dire deux opinions au moins qui se trouvèrent en présence. Ceux qui s'opposaient à la prédication des apôtres d'Antioche étaient les croyants du parti pharisaïque, c'est-à-dire attachés fermement à la loi et la regardant comme obligatoire pour tous ceux qui voulaient avoir part au royaume de Christ. Tout cela est clair. Il n'y a de difficulté que dans la combinaison à faire de ce récit avec celui de Paul (Gal. II). D'après Luc, on croit avoir affaire (v. 12, 22, 25) à une assemblée générale de tous les chrétiens de Jérusalem, tandis que Paul ne parle que d'un entretien privé qu'il aurait eu avec les chefs. Ordinairement on se tire d'embarras en admettant deux séances successives, l'une intime, où l’on se serait entendu entre apôtres, l'autre publique, où l'on aurait tâché de diriger l'opinion des masses. Cette combinaison nous paraît inadmissible et même contraire au texte. Il n'y avait pas à Jérusalem de local suffisant pour une assemblée générale de tous les chrétiens (XXI, 20). Luc ne parle que d'une réunion des apôtres et des anciens (v. 6) (qui pouvaient être très nombreux); et l’assemblée mentionnée au v. 12 doit encore avoir été composée des mêmes personnes; c'est parmi les anciens, que se seront trouvés les Pharisiens en question. Ce sont eux que Paul (Gal. II, 4 ss.) récuse comme juges dans un pareil débat, en disant même qu'ils n'avaient rien à y voir, qu'ils étaient des intrus. À son gré, on aurait dû les laisser dehors. À plus forte raison aurait-il protesté contre le suffrage universel, qui aurait bien été la chose la plus absurde au monde. Des questions de cette portée se décident par l'intelligence des hommes guidés par l'esprit de Dieu, fût-ce même celle d'un seul individu, et non par des votes de masses et de majorité. La résolution prise par les apôtres et les anciens est censée prise au nom de l'Église, voilà tout.

7 «Mes frères, vous savez qu'autrefois déjà Dieu m'a choisi parmi vous pour faire entendre aux païens, par ma bouche, la parole de l'évangile, afin qu'ils devinssent croyants. Et ce Dieu qui sonde les cœurs leur a rendu témoignage en leur accordant le Saint-Esprit aussi bien qu'à nous. Et il n'a point fait de différence entre eux et nous, en purifiant leurs cœurs par la foi. Maintenant donc, pourquoi provoquez-vous Dieu à l'effet d'imposer aux épaules des disciples un joug que ni nos pères ni nous-mêmes nous n'avons pu porter? Mais c'est par la grâce du Seigneur Jésus que nous croyons être sauvés, de la même manière que ceux-là aussi.»

XV, 7-11. Pierre fait valoir, à l'appui du point de vue des apôtres d'Antioche, deux sortes d'arguments. D'abord il invoque les faits. Il rappelle la conversion du centurion Cornélius et de sa famille. Ces personnes étrangères à la synagogue avaient été baptisées sur une attestation manifeste de Dieu; elles avaient reçu le baptême seulement après avoir reçu le Saint-Esprit d'une manière visible et incontestable. Donc Dieu avait déclaré qu'il accepterait des croyants de cette condition, tout aussi bien que des Juifs. De cet argument de fait, Pierre passe à un autre plus théorique. Pour être membre de l'Église, il faut être purifié. Sous la loi, la circoncision était le symbole de cette purification; sous la nouvelle alliance, il s'agit de la purification du cœur par la foi et par l'œuvre du Saint-Esprit. Cette purification est nécessaire aux uns comme aux autres. Demander la purification symbolique comme une chose absolument nécessaire, c'est déclarer que l'autre, la purification intérieure, ne suffît pas; c'est provoquer Dieu, c'est lui dire, d'autorité d'homme, de changer les conditions qu'il a posées au salut. Pierre dit plus encore; il parle de la loi comme d'un joug qu'on ne doit pas imposer à d'autres, puisqu'on n'est pas capable de le porter soi-même. Cela ne veut pas dire que la loi doit être abolie par la simple raison que l'homme ne l'accomplit jamais d'une manière parfaite, car à ce prix on pourrait se débarrasser de tous les devoirs, de toutes les obligations morales. Il veut dire: si la loi était la condition du salut, comme vous le prétendez à l'égard des païens, nous-mêmes, qui y sommes soumis, nous risquerions de manquer ce salut, puisque l'accomplissement du devoir légal, tel que nous nous en acquittons, laisse toujours beaucoup à désirer, comme c'était déjà le cas pour nos pères. Malgré cette imperfection, nous avons la confiance de pouvoir être sauvés, parce que, en dehors et à la place de la légalité, Dieu nous offre sa grâce en Christ comme moyen de salut. À cet égard, il ne saurait y avoir de différence entre les païens et les Juifs. Pierre ne fait ici que répéter ce qu'il a dit précédemment (II, 36 ss.; III, 19 ss. ; IV, 11 ss. ; X, 42); il ne prononce pas la déchéance de la loi comme règle du devoir national.

12 Là-dessus toute l’assemblée garda le silence et Ton écoutait Barnabas et Paul qui racontaient tous les miracles et prodiges que Dieu avait faits parmi les païens par leur ministère. Et quand ils eurent cessé de parler, Jacques prit la parole et dit: «Mes frères, écoutez-moi! Siméon vous a raconté comment Dieu, une première fois, a eu soin de choisir parmi les païens un peuple qui portât son nom.

15 Avec cela s'accordent aussi les paroles des prophètes, en ce qu'il est écrit: Après cela, je reviendrai et je reconstruirai la tente de David qui est renversée, et je reconstruirai ce qui en est ruiné, et je la redresserai, afin que le reste des hommes recherche le Seigneur, ainsi que tous les païens qui sont appelés de mon nom: le Seigneur le dit, lui qui fait ces choses, qui lui sont connues de toute éternité.

19 C'est pour cela que j'opine qu'il ne faut pas faire de difficultés à ceux d'entre les païens qui se convertissent à Dieu, mais leur mander de s'abstenir des souillures des idoles, de l'impudicité, des animaux étouffés et du sang. Car, quant à Moïse, il a, depuis un temps immémorial, ses prédicateurs dans chaque ville, étant lu chaque sabbat dans les synagogues.»

XV, 12-21. Après le discours de Pierre, il se fit un moment de silence dans l'assemblée, ce qui ne prouve pas précisément que tout le monde était de son avis, mais que, pris à l'improviste, les opposants n'étaient pas trop bien préparés à replacer la question sur un terrain plus favorable à leur point de vue. Les députés d'Antioche profitent de ce silence pour présenter leur rapport, et essaient de vaincre les scrupules de la théorie par le récit des faits. C'est le même genre d'argumentation qui a prévalu antérieurement (VIII, 14; X, 47; XI, 17; XV, 3, 4). Ce n'est pas la théorie, c'est l'expérience qui décide de la pratique, et ce n'est que lentement et d'une manière plus ou moins inconsciente qu'on remonte aux principes.

À son tour, Jacques (XII, 17) prend la parole pour développer la pensée de son collègue et pour y rattacher des propositions pratiques. Son discours se compose de trois parties bien distinctes.

Dans la première, il reconnaît et prouve que l'admission des païens n'est pas contraire à la volonté de Dieu. Mais il ne puise sa preuve ni dans les principes de l'évangile, ni dans une déclaration positive de Jésus; il la cherche dans l'Ancien Testament. Il cite, d'après le texte des Septante, un passage du prophète Amos (IX, 11, 12), qui doit prouver que lors du rétablissement de la maison de David, c'est-à-dire à l'avènement des temps messianiques, le reste des hommes, c'est-à-dire les nations étrangères, les païens, chercheraient le Seigneur. Comme ce texte ne parle pas d'une condition légale à leur imposer, l'apôtre y a trouvé sans doute l'autorisation de n'en point demander de son côté. Nous n'avons point à nous occuper ici du sens historique et prochain de ce passage d'Amos; il suffit de constater celui que Jacques y signale. La dernière ligne de la citation est dans un grand désordre dans les manuscrits. Les anciennes éditions imprimaient: Dieu connaît d'éternité tout ce qu'il se propose de faire. Ce seraient alors des paroles de Jacques, ajoutées pour établir que Dieu pouvait aussi le prédire par les prophètes. Les éditions modernes portent simplement ces mots: connues d'éternité, qui ont le même sens, mais qui, ne formant pas de phrase à part, doivent se lier syntaxiquement avec le texte d'Amos. Or, comme ils n'existent pas dans l'original, cette circonstance a sans doute porté les copistes à les en détacher et à en former une phrase nouvelle diversement rédigée dans les anciens documents.

Le second point du discours de Jacques, c'est une concession et une réserve. En disant qu'on ne doit pas faire de difficultés aux païens, il parle évidemment de la circoncision et des exigences légales du même genre. Mais tout en les dispensant de ce que les Pharisiens prétendaient leur imposer, il parle de certaines conditions à leur notifier, et ces conditions, à y regarder de près, étaient précisément celles auxquelles on astreignait les païens qui demandaient à fréquenter la synagogue, les prosélytes de la porte, comme on les appelait (voy. XIII, 16). Ces conditions ont été considérées, soit à cette époque déjà, soit plus tard, comme un code antérieur à la loi du Sinaï, et octroyé ainsi à l'humanité entière; c'est pour cela qu'elles furent nommées les préceptes noachiques. C'étaient des devoirs puisés également dans la conscience religieuse des Juifs et portant ainsi, jusqu'à un certain point, le cachet du particularisme; mais ils étaient regardés comme plus indispensables que ce qui constituait le caractère théocratique du judaïsme proprement dit. Jacques en cite ici trois: 1° L'abstention des viandes (v. 29) provenant des sacrifices idolâtres, parce que l'usage de ces viandes était regardé comme une participation au culte païen. On n'avait pas besoin de défendre aussi les actes mêmes de ce culte, parce que celui qui les aurait accomplis ne pouvait pas avoir la prétention d'être chrétien. 2° L'abstention des viandes provenant d'un animal étouffé, c'est-à-dire mort de mort naturelle ou tué sans effusion de sang; car proprement c'était le sang qu'on ne devait pas faire servir comme aliment et qui était proscrit comme une abomination, déjà du temps de Noé (Gen. IX, 4). 3° L'abstention du mariage dans certains degrés de parenté, par conséquent de l'inceste, au sujet duquel le judaïsme était beaucoup plus exclusif et plus rigide que le paganisme. Il est impossible de prendre cette troisième condition dans le sens des péchés charnels en général, comme si l'apôtre avait voulu signaler la chasteté comme l'un des principaux devoirs chrétiens. Cela s'accorderait assez peu avec les autres conditions et à ce prix il aurait pu faire une énumération bien plus riche. Il ne s'agit pas ici de devoirs à recommander au nom de la morale chrétienne, mais bien de ce que les Juifs, antérieurement au christianisme déjà, avaient l'habitude de demander à leurs prosélytes; il s'agit, en un mot, de ce qui constituait la morale officielle, qui diffère de peuple à peuple.

Enfin le troisième point du discours de Jacques n'est pas le moins curieux. Il ajoute: Car Moïse est lu et prêché de mémoire d'homme, chaque sabbat, partout où il y a une synagogue. Qu'est-ce que cela veut dire? À qui Moïse est-il prêché? Nous pensons que c'est à des gens qui doivent l'écouter et lui obéir. Or, Jacques, qui vient de dire qu'on ne doit pas imposer le joug de Moïse aux païens, doit avoir en vue des personnes soumises à sa loi. Il ne peut pas parler des Juifs non chrétiens qui ne sont pas en cause. Il pense donc aux Juifs chrétiens qui, à son gré et d'après sa manière de voir, continueront à régler d'après la loi, qui reste la leur, la forme de leur vie religieuse. On traduit communément: Comme la loi est lue chaque sabbat à la synagogue, il faut imposer certaines conditions aux païens, autrement l'antipathie des Juifs contre ces derniers serait sans cesse réveillée et stimulée par la loi. Cette interprétation est absurde par deux raisons. D'abord, il faut convenir que si tel avait été le motif de Jacques, il aurait dû en conclure qu'il fallait rendre toute la loi obligatoire, puisque autrement l'effet indiqué subsistait toujours. Ensuite on oublie que les conditions imposées, qu'on pouvait fonder sur certains passages isolés de la loi, ne se reproduisaient que de loin en loin, et non chaque sabbat, à la lecture publique. D'ailleurs Jacques est lui-même le meilleur interprète de sa pensée, qu'il nous expliquera très clairement chap. XXI, 20 ss.

22 Alors les apôtres et les anciens, avec toute rassemblée, résolurent de choisir quelques hommes dans leur sein et de les envoyer à Antioche avec Paul et Barnabas, savoir, Judas dit Barsabbas et Silas, des hommes éminents parmi les frères, en leur remettant la lettre que voici: «Les apôtres et les anciens et les frères, aux frères d'Antioche et de Syrie et de Cilicie, autrefois païens, salut! Ayant appris que quelques personnes venues de chez nous vous ont troublés par leurs discours, et ont jeté la perplexité dans vos esprits, sans avoir reçu de mission de notre part, nous avons décidé d'un commun accord d'envoyer auprès de vous des personnes choisies, avec nos bien-aimés Barnabas et Paul, ces hommes qui ont exposé leur vie pour le nom de notre Seigneur Jésus-Christ.

27 En conséquence, nous avons délégué Judas et Silas, qui vous annonceront les mêmes choses verbalement. Car il a semblé bon au Saint-Esprit et à nous de ne point vous imposer d'autre charge que les choses indispensables, savoir, que vous vous absteniez des viandes sacrifiées aux idoles, et du sang, et de ce qui a été étouffé, et de l'impudicité; de quoi vous ferez bien de vous garder. Adieu!»

XV, 22-29. Judas Barsabbas n'est nommé qu'en cette seule occasion. Il doit avoir été frère de Joseph Barsabbas, nommé plus haut (I, 23). Silas est le même que Sylvain , nom dont l'autre est une corruption ou abréviation judaïque. Il sera nommé ultérieurement dans cette histoire (v. 40) et dans les épîtres.

Les préceptes énoncés ici d'une manière plus précise et plus méthodique sont qualifiés d'indispensables, ce qui prouve avec la dernière évidence que dans la pensée des apôtres il ne s'agissait pas là d'une accommodation temporaire, d'une mesure provisoire, mais qu'ils entendaient bien faire une loi de l'Église. C'est ainsi que l'a compris l'antiquité, et il est resté des traces de cette loi dans les usages ecclésiastiques, et même dans les codes, jusqu'à nos jours.

Dans le 24e verset, nous avons biffé une glose parfaitement superflue: en disant qu'il fallait vous faire circoncire et observer la loi.

30 Ceux-ci donc, ayant pris congé, se rendirent à Antioche, et remirent la lettre dans une réunion des fidèles, lesquels, après l’avoir lue, furent réjouis de cette adresse. Judas et Silas aussi, prophètes eux-mêmes, exhortèrent les frères dans de longs discours pour les fortifier dans la foi, et après y avoir séjourné quelque temps, ils partirent accompagnés des vœux des frères, pour rejoindre ceux qui les avaient envoyés.

XV, 30-33. Pour la notion de prophètes, voyez les notes sur XI, 27 et XIII, 1. Par le présent passage, on voit clairement qu'il ne s'agit pas de prédictions relatives à l'avenir, mais du talent d'enseignement, au don de la parole, considéré, sans doute, comme octroyé directement par l'esprit de Dieu et dans un but salutaire pour la communauté (1 Cor. XII, 4 ss.), mais parfaitement naturel quant à ses moyens d'application et quant à la sphère des idées à exprimer.

Le texte vulgaire ajoute ici tout un verset (34): Cependant Silas préféra y rester. Un ancien lecteur aura ajouté cette phrase pour expliquer la présence de Silas mentionnée plus bas (v. 40). Mais comme Luc écrit que les députés (au pluriel) partirent, il faut bien admettre, puisqu'ils n'étaient que deux, que Silas retourna aussi à Jérusalem, d'où il a dû revenir plus tard. Il est vrai que notre texte (v. 36) paraît n'admettre qu'un intervalle de quelques jours entre le départ des députés et le second voyage de Paul. Cela prouverait une fois de plus que les données chronologiques sont partout vagues et incertaines. Mais ces quelques jours ne marquent que la distance entre le départ des députés et les projets de Paul, et l'on voit par la suite que ces projets rencontrèrent des difficultés dans leur exécution immédiate.

35 Cependant Paul et Barnabas restaient à Antioche, enseignant et prêchant la parole du Seigneur, avec beaucoup d'autres. Mais après quelque temps, Paul dit à Barnabas: Retournons voir comment vont les frères, dans toutes les villes où nous avons annoncé la parole du Seigneur.

37 Or, Barnabas proposa d'emmener aussi Jean dit Marc, mais Paul n'était pas d'avis d'emmener celui qui les avait quittés depuis la Pamphylie et qui avait refusé de les accompagner dans leur œuvre. Cela causa une mésintelligence, par suite de laquelle ils se séparèrent l'un de l'autre, et Barnabas s'embarqua pour File de Chypre en emmenant Marc.

XV, 35-39. Paul se rapprocha plus tard de Barnabas (1 Cor. IX, 6. Gal. II, 9) et de Marc (Col. IV, 10. 2 Tim. IV, 11). L'éloignement momentané, dont parle notre texte, était né de la conviction de Paul, que pour une œuvre pareille à la sienne, il fallait un courage à toute épreuve, et qu'une faiblesse même passagère en compromettait le succès. — Le mot de mésintelligence, que nous avons choisi pour traduire le terme employé par l'auteur, affaiblit peut-être le sens de ce dernier. On serait autorisé à mettre: irritation.

Luc, s'occupant désormais exclusivement des destinées de Paul, ne nous apprend rien sur les autres missionnaires. La tradition légendaire comble cette lacune et beaucoup d'autres, mais ce n'est pas ici le lieu de lui demander ses titres. On remarquera que chacun des deux apôtres commence sa nouvelle course par sa province natale.

40 Paul, de son côté, s'étant adjoint Silas, partit après avoir été recommandé par les frères à la grâce du Seigneur, et alla parcourir la Syrie et la Cilicie en fortifiant les communautés.

1 Il arriva ainsi à Derbé et à Lystres, et là il trouva un disciple nommé Timothée, fils d'une femme juive devenue croyante et d'un père grec, et auquel les frères de Lystres et d'Iconium rendaient un bon témoignage. Paul conçut le projet de l'emmener avec lui; il le prit donc et le circoncit, à cause des Juifs de ces contrées-là; car tout le monde savait que son père était Grec. Et en passant par les différentes villes, ils leur recommandaient d'observer les résolutions arrêtées par les apôtres et les anciens de Jérusalem.

XV, 40 - XVI, 4. De tous les amis de Paul, Timothée est celui sur le compte duquel nous savons le plus de détails, bien qu'ils ne suffisent pas pour une biographie complète. À partir de ce moment, il est le compagnon presque inséparable de Paul; nous le retrouverons plusieurs fois dans la suite de ce récit; il est nommé dans la plupart des épîtres. Des détails sur sa famille se lisent 2 Tim. I, 5. Il alla rejoindre l'apôtre captif à Rome et paraît avoir subi un emprisonnement à une époque postérieure (Hébr. XIII, 23). On ne sait rien sur sa fin. Notre texte ne dit pas clairement s'il était de Derbé ou de Lystres (comp. XX, 4).

Paul jugea à propos de lui faire accepter la circoncision avant de l’emmener comme missionnaire. On a trouvé dans ce fait une inconséquence; on a même été jusqu'à douter de sa réalité. Mais il n'est guère probable que l'auteur de notre livre, qui peut avoir connu Timothée personnellement, ou qui du moins a pu puiser à des sources contemporaines, se soit trompé à cet égard; et quant à Paul, nous dirons que le succès de sa mission dépendait en grande partie de la possibilité de continuer à évangéliser les Juifs et d'avoir accès aux synagogues, ce qui n'aurait pas pu se faire en compagnie d'un collègue non circoncis. À cette époque, Paul avait une raison plus directe de s'engager dans la voie que nous lui voyons choisir ici. Timothée, en sa qualité de fils d'une femme juive, appartenait en quelque sorte au peuple israélite, et l'apôtre, comme le narrateur a soin de le dire à cette occasion, suivait encore partout la ligne de conduite tracée à Jérusalem, et d'après laquelle la loi était considérée comme obligatoire, ou comme ne l'étant pas, selon qu'on appartenait à l'une ou à l'autre nationalité.

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