SES COMPASSIONS SONT TOUTES AU-DESSUS DE TOUTES SES ŒUVRES

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(Psaume XLV, 9.)

Me trouvant à M. pour l'œuvre du Seigneur, j'appris qu'il y avait à l'hôpital militaire un jeune homme que nous désignerons sous le nom de X., fils d'une mère chrétienne et qui venait d'être victime d'un terrible accident. Je m'empressai d'aller le visiter; d'autres amis le virent aussi. Je le trouvai dans un triste état: un œil emporté, une main estropiée et presque tout le reste de son corps meurtri. On osait à peine concevoir l'espoir qu'il pût se rétablir.

Je m'empressai de lui parler de l'état de son âme, de ce qu'il serait devenu, si, comme l'un de ses camarades qui était avec lui, il n'eût survécu que quelques instants à l'accident.

Je lui présentai l'amour de Dieu, cet amour qui, non seulement lui avait conservé la vie du corps, mais qui s'est manifesté pour nous dans le don de son Fils, afin que nous eussions la vie par Lui et qu'il fût la propitiation pour nos péchés (1 Jean IV, 9, 10).

Je lui dis comment Jésus Lui-même était venu chercher et sauver ce qui était perdu; Lui qui avait été navré pour nos forfaits et froissé pour nos iniquités (Ésaïe LIII, 3), et dont le sang purifie de tout péché (1 Jean I, 7).

X. recevait les visites avec plaisir et reconnaissance et, malgré ses cruelles souffrances, il écoutait volontiers la bonne nouvelle du salut par Jésus-Christ. Bientôt même il confessa qu'il avait reçu le Seigneur Jésus en croyant en Lui; qu'il était sauvé désormais, et que, si Dieu le retirait de ce monde, il irait vers Jésus. Cette confession me fit un bien grand plaisir, tout en me laissant quelques craintes dans l'esprit.

Plusieurs jours après, on aperçut, dans l'état physique de X., un léger mieux qui alla en s'accentuant jusqu'à ce qu'il fût complètement guéri, — autant du moins qu'il pouvait l'être, — ce qui n'arriva qu'après plusieurs mois.

Avant qu'il quittât l'hôpital, l'État lui assura une assez forte pension, et, une fois remis, il put occuper le poste de facteur, d'abord à P..., puis dans, sa propre commune.

Que se passa-t-il dans l'esprit de X., en se voyant rétabli contre toute espérance, et à l'abri du besoin quant à la vie présente?

Nous ne pouvons qu'en juger par les faits: il oublia la grâce dont il avait été l'objet, la délivrance qui lui avait été accordée, et le monde prit le dessus sur lui. Il cessa de fréquenter les enfants de Dieu, ne parut plus à leurs rassemblements (Hébreux X, 25), et se mit, hélas! à rechercher d'autres personnes et d'autres sociétés.

En lui se vérifia cette parole: «Les mauvaises compagnies corrompent les bonnes mœurs» (1 Corinthiens XV, 33).

Il se plongea toujours plus dans les plaisirs du monde, pour ne pas dire plus, et cela, à la grande douleur de sa mère et des chrétiens, et au déshonneur de Celui au nom duquel il avait professé de croire. Il devint tel, que c'est à peine si on osait lui parler des choses de Dieu. Cela dura environ quatre ans.

Mais, pauvre enfant prodigue, si lui avait tourné le dos au Père et avait cherché à l'oublier en marchant comme son cœur le menait, et selon le regard de ses yeux (Ecclésiaste XI, 9), le Père pensait à lui et le suivait partout de son regard.

Au mois d'août 188., X. fut arrêté tout à coup par de violents vomissements de sang qui mirent ses jours en danger. S'il avait cru une fois être le maître de sa vie et pouvoir en disposer à son gré, il dut apprendre qu'un autre la lui avait donnée, Celui qui naguère la lui avait rendue par une espèce de résurrection. Hélas! quels êtres nous sommes! car en cela X. n'est pas seul:

COMBIEN NOUS SOMMES OUBLIEUX, INGRATS, INSENSÉS!

X. dut se mettre au lit. Pendant quelques semaines il conserva l'espoir de se rétablir, mais bientôt il lui fallut revenir de son illusion et voir au contraire que, dans peu, il aurait à comparaître devant Dieu.

Par la direction du Seigneur, je vins visiter les quelques amis isolés dans ces montagnes. On me parla de X., me disant qu'il était gravement malade. On lui fit savoir que j'étais arrivé et que je désirais le voir. Il répondit qu'il me recevrait avec plaisir. Je m'empressai de me rendre auprès de lui. En le voyant si mal, toute l'histoire de ce qui lui était arrivé à M... me fut rappelée. Je lui parlai de ce temps-là.

— «Ah! me dit-il, alors j'avais mes membres fracturés, mon corps meurtri, mais j'avais la poitrine franche (ce sont ses propres expressions). Il n'en est pas ainsi maintenant, et je vois bien qu'il me faudra partir.»

Je lui parlai de l'Évangile. Il écoutait, mais sans répondre.

Un soir (je devais repartir dans la nuit), sa mère lui dit: «Cher fils, dis à notre ami tout ce que tu as sur le cœur. Il t'aidera, et si je te gêne, je sortirai.» Ce qu'elle fit.

Restés seuls, comme je continuais à lui parler de Jésus, il me répondit:

«Je crois tout ce que vous me dites; je sais que c'est la vérité, la parole de Dieu, mais ce n'est pas pour moi... J'en ai trop fait!... Je suis perdu!»

Je ne puis dire les pensées qui s'agitèrent dans mon esprit à l'ouïe de ces paroles. J'étais heureux de voir qu'il se jugeait et reconnaissait son état; mais je me demandais: Est-ce bien la repentance salutaire qui vient de Dieu, ou serait-ce le remords du désespoir?

Je lui dis que, tant qu'il était dans ce monde, il y avait un recours. J'insistai particulièrement sur ce passage:

«Cette parole est certaine et digne de toute acceptation, que le Christ Jésus est venu dans le monde pour sauver les pécheurs, dont moi je suis le premier» (1 Timothée I, 15);

et encore sur celui-ci:

«Le sang de son Fils Jésus-Christ nous purifie de tout péché» (1 Jean I, 7).

Après avoir prié, je pris congé de lui. Je n'oublierai jamais son regard de désespoir lorsque, pour la dernière fois, il me tendit sa main presque desséchée par la maladie. Il semblait dire: «C'est fini, nous ne nous reverrons plus jamais.»

Nous suppliâmes le Seigneur pour lui, moi, ses parents et les amis qui tous s'intéressaient vivement à lui. Lorsque nous fûmes séparés, j'éprouvai souvent le besoin de le présenter au Seigneur, et, chaque fois, je me sentais encouragé en le faisant.

Quinze jours environ s'écoulèrent. X. passa la nuit du 4 novembre à lire la parole de Dieu et, à lui aussi, le Seigneur ouvrit le cœur pour être attentif aux vérités qu'elle contient (Actes XVI, 14).

Il crut en Celui qui a été livré pour nos fautes et a été ressuscité pour notre justification (Romains IV, 25); et il trouva cette paix avec Dieu dont il avait tant besoin et après laquelle il soupirait si ardemment.

Une sœur en Christ me le fit savoir:

«Le cher «X., écrivait-elle, est né de nouveau; il est «passé de la mort à la vie.» C'est hier soir, dans la nuit du 4 novembre, que le Seigneur s'est fait connaître à lui. J'ai été le voir aujourd'hui. Il jouit d'un bonheur ineffable. Tout son désir est de s'en aller vers son Sauveur...

Quel changement s'est opéré en lui! Aussitôt qu'il a un peu de calme, il se met à lire la parole de Dieu, et, quand il est fatigué, il prie sa mère de la lui lire et de lui parler des bonnes choses de Dieu. C'est une grande consolation pour sa chère mère qui était si affligée de sa position...»

Tant qu'il eut un peu de force, il l'employa à lire la parole et à parler du bonheur qu'il aurait d'aller bientôt vers Jésus. Il aimait qu'on lui chantât ce cantique: Avançons-nous joyeux, toujours joyeux, et surtout ce verset:

Heureux bientôt dans un monde, nouveau,

Nous chanterons les gloires de l'Agneau;

Là, plus de deuil, plus de cris, plus de larmes;

Plus de péché dans ce lieu plein de charmes;

Avec Jésus, joyeux, toujours joyeux,

Dans son amour nous serons bienheureux.

Ce fut le samedi, 10 novembre, que X. entra dans le repos. La lettre qui m'annonçait son départ ajoutait:

«...II souffrait beaucoup, mais ne se plaignait jamais, et son bonheur n'a pas diminué. Quand il ne pouvait plus parler, il s'exprimait par signes en nous montrant le ciel. Quelle grâce d'avoir pu rendre un bon témoignage sept jours avant son départ!»

J'espère, cher lecteur, qu'avec ceux qui ont connu le bienheureux X., vous apprécierez la grâce de Dieu et rendrez grâce et gloire à Celui qui l'a sauvé, qui a eu pitié de lui lorsqu'il était en proie au plus affreux désespoir, désespoir d'autant plus terrible qu'il avait professé de connaître Jésus et l'avait ensuite abandonné.

Qu'elle est bénie, merveilleuse, d'un prix infini, l'œuvre de Jésus en vertu de laquelle Dieu a pu sauver un pauvre brigand pendu à la croix pour ses propres crimes, comme aussi beaucoup d'autres, et recevoir également, sans rien lui reprocher, le cher X. dont je viens de vous retracer l'histoire!

Si, entre les mains de Dieu, ces lignes peuvent servir pour l'encouragement de quelque malheureux pécheur que Satan cherche à effrayer et à retenir loin de Dieu, en lui disant que le salut de l'Évangile est pour d'autres, peut-être, mais non pour lui, — que, lui aussi, il en a trop fait, — à Dieu en sera toute la gloire.

Pauvre pécheur perdu, qui as si terriblement offensé Dieu, peut-être même après avoir professé de le connaître, et qui maintenant es en proie au désespoir, viens, toi aussi, à Jésus. Il t'appelle (Matthieu XI, 28). Crois en Lui. Son sang purifie de tout péché. Il est juste que, comme le publicain, tu sentes ta misère, ta culpabilité, ta complète indignité; que, comme lui, te frappant la poitrine, tu dises:

«Ô Dieu, sois apaisé envers moi, pécheur!»

ou, comme le fils prodigue:

«Père, j'ai péché contre le ciel et devant toi; je ne suis plus digne d'être appelé ton fils.»

Mais tu peux aussi compter sur cette parole:

«Je vous dis que celui-ci descendit en sa maison justifié» (Luc XVIII, 14).

Tu peux te rappeler qu'aussitôt que le prodigue se leva et vint vers son père, comme il était encore loin, son père le vit et fut ému de compassion, et, courant à lui, se jeta à son cou et le couvrit de baisers (Luc XV, 18-20).

Quelle tendresse, quelle miséricorde, quelle grâce!

Dieu est juste et justifiant celui qui est de la foi de Jésus (Romains III, 26).

Dieu a été pleinement glorifié par la mort de son Fils et MAINTENANT IL PEUT RECEVOIR LE PLUS GRAND PÉCHEUR QUI SE REPENT, lui pardonner tous ses péchés et le revêtir de la plus belle robe. Comparez Luc XV, 22; 1 Corinthiens I, 30, 31.

Chers frères et sœurs en Christ, permettez-moi une parole d'avertissement et d'exhortation, que j'adresse particulièrement à ceux qui sont jeunes dans la foi.

Jeunes amis! que l'exemple de X. nous profite. Il est facile de dire: «Je crois au Seigneur Jésus; je suis sauvé»; mais combien il est plus difficile de marcher ici-bas comme un racheté du Seigneur!

Je dirai plus: cela nous serait aussi impossible que de nous sauver nous-mêmes (Marc X, 27). C'est une vérité qu'il est important de retenir. Mais «pour Dieu toutes choses sont possibles».

Ayant été justifiés sur le principe de la foi, nous avons la paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus-Christ (Romains V, 1).

Mais dès lors nous entrons en conflit avec le diable, qui se sert du monde, et même de nos propres cœurs, pour nous faire broncher et déshonorer ainsi le Seigneur, et, s'il le peut, nous entraîner loin, bien loin de Lui, comme il réussit pour le pauvre X.

Souvenons-nous que Satan est plein d'énergie, rusé et rempli d'artifices. Si nous étions laissés à nous-mêmes, il ferait facilement de nous sa proie et ses jouets.

IL N'Y A QUE LE SEIGNEUR QUI PUISSE NOUS GARDER.

Par sa mort sur la croix, II a vaincu Satan et l'a rendu impuissant (Hébreux II, 14, 15). Près de Jésus, ses dards ne peuvent nous atteindre. Nous avons besoin de ne pas oublier cette parole du Seigneur:

«Veillez et priez, afin que vous n'entriez pas en tentation; l'esprit est prompt, mais la chair est faible» (Matthieu XXVI, 41),

et cette autre:

«Ne nous induis pas en tentation mais délivre-nous du mal (ou du méchant) (Matthieu VI, 13).

Une autre chose importe beaucoup, jeunes amis: c'est que nous demeurions attachés au Seigneur de tout notre coeur (Actes XI, 23).

Jésus, Lui qui a glorifié Dieu, qui nous a tant aimés, s'étant livré Lui-même pour nous,

Lui dont l'amour demeure, étant vivant pour nous à la droite de Dieu, notre souverain Sacrificateur et notre avocat (comparez Hébreux IV, 14-16; 1 Jean II, 1, 2);

Lui qui bientôt, selon sa promesse, reviendra nous prendre et nous introduire auprès de Lui, dans la maison de son Père;

Lui peut remplir nos pauvres cœurs si étroits, — même jusqu'à les faire déborder. «Tout en lui est aimable» (Cantique de Salomon V, 16).

Le Père Lui-même a mis en Lui son plaisir (Matthieu III, 17; XVII, 5). Il fait ses ineffables et éternelles délices. — N'oublions donc pas cette exhortation qui était adressée, de la part du Seigneur, par cet homme de bien, plein de l'Esprit-Saint et de foi (Actes XI, 23, 24) aux nouveaux convertis d'Antioche.

Bientôt nous verrons Jésus dans la gloire et nous serons pour toujours avec Lui. Si nous sommes appelés à souffrir ici-bas, à nous renoncer nous-mêmes, à prendre notre croix et à le suivre (Matthieu XVI, 24), si nous devons souffrir pour la justice et pour le nom de Christ, réjouissons-nous! (Matthieu V, 10-11; 1 Pierre III, 14; IV, 13, 14.)

«Les apôtres se retirèrent de devant le sanhédrin, se réjouissant d'avoir été estimés dignes de souffrir des opprobres pour le nom» (Actes V, 41).

Et si déjà ici-bas les souffrances pour Christ sont pour nous un sujet de joie:

Qu'il sera doux un jour, dans la céleste gloire,

D'avoir aimé son nom, son opprobre et sa croix;

D'avoir connu le prix du sang expiatoire

Qui coula de son corps sur un infâme bois.

Jeunes amis, ma prière est que le Seigneur vous garde tous et vous bénisse de ses bénédictions les plus précieuses; qu'il soutienne et console ceux de vous qui êtes particulièrement dans la lutte et la souffrance.

Il vous aime et Il vient!

Courage donc!