Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

L'ÉCHO DE LA VÉRITÉ

----------

UN AGNEAU RECUEILLI DANS LE BERCAIL


Dernièrement notre église de Saint-Sauveur était en deuil, nous conduisions au champ du repos une chère jeune tille, membre depuis le 31 octobre dernier, jour de son baptême.

Nous n’avons pas oublié sa profession de foi devant l’assemblée, profession qui a fait couler nos larmes, larmes de joie, c’est vrai. Nous ne pensions guère que trois mois et demi après nous aurions à pleurer sur son cercueil dans ce même lieu.

C’est une perte pour notre église, car cette jeune fille qui n’avait pas encore dix-sept ans était une lumière par sa gravité, par son sérieux et par un caractère des plus aimables.

Pendant sa courte maladie — onze jours — elle disait:

«Nous ne sommes pas assez, lumière, c’est pour cela qu’il y a si peu de conversions».

Puis encore:

«Nous ne savons pas prier, nous demandons mal et à cause de cela nous ne recevons pas».

Un de ses frères, plus jeune qu’elle, avait eu, avant elle, la fièvre typhoïde et il entrait en convalescence au moment où elle est tombée malade. Elle avait demandé à Dieu de le guérir parce qu’il n’était pas converti, et elle avait ajouté:

«Quant à moi, si j’ai cette maladie, tu peux me prendre, Seigneur, si tu veux; je suis à toi».

Dans sa maladie, elle disait encore:

«Dieu m’a exaucée en guérissant mon frère. Il m’exaucera aussi en le convertissant et en convertissant mon père et mon plus jeune frère».

Puis elle ajoutait:

«Si Dieu me guérissait et II le peut, que ce serait beau quand nous partirions tous ensemble pour aller au culte!» Cette pensée la réjouissait; elle souriait.

Elle est maintenant dans un monde meilleur et tous ceux pour qui elle a tant prié iront la rejoindre. C’est là notre espoir. Le souvenir qu’elle laisse est excellent, aussi bien parmi les catholiques que parmi les protestants.


Il est une habitude bien belle dans notre village et dans les villages voisins: quand une jeune tille vient à mourir, quelle que soit sa religion, on invite indistinctement toutes les jeunes tilles du pays (de même pour les garçons), de sorte que toutes les jeunes filles de Saint-Sauveur, pays natal de notre amie, et de Saintines, commune voisine où demeurent ses parents, l’ont accompagnée à sa dernière demeure.

Ses parents ont désiré qu’elle fût enterrée à Saint-Sauveur, dans notre cimetière protestant. La bière a été portée par les demoiselles catholiques; elle était surmontée de trois couronnes: une donnée par les jeunes filles de Saint-Sauveur, une autre par celles de Saintines et une troisième par une parente.

Notre temple était trop petit quoique tous les recoins fussent utilisés: les marches de la tribune, des bancs et des chaises placées dans l’allée. De trente à quarante personnes étaient restées dehors, seulement, la porte du temple était ouverte et l’on entendait au dehors comme à l’intérieur. Il y avait environ quatre cents personnes.

Je pris pour texte ces paroles: •«que je meure de la mort des justes et que ma fin soit semblable à la leur.»

Que de larmes ont coulé pendant la prédication au temple et au cimetière! Plus d'un disait: «Oui! que je meure de la mort du juste que Christ a justifié.»

Sur la tombe, une de ses compagnes, au nom de toutes, lut ce qui suit:

«Chère Flore,

Tes compagnes affligées ne veulent pas quitter ce lieu de repos sans te dire: Adieu!

Tu nous as été enlevée comme par un tourbillon, quelques jours seulement de maladie ont suffi pour t’amener ou nous te voyons.

Mais si nous ne devons plus voir ton visage, toujours souriant et aimable, nous nous souviendrons de ta douceur, de ta bonté et de ton sérieux.

Nous voudrions consoler tes parents, ta grand-mère, tes frères que tu aimais tant et pour lesquels nous le savons, tu priais Dieu si souvent; mais nous nous sentons bien impuissantes pour cela.

Nous croyons toutefois que le souvenir de ta vie, déjà si bien employée, de tes vertus, de ton obéissance, de ton empressement à leur plaire, sera pour tes parents un adoucissement à la vive souffrance que leur cause ton départ pour une vie meilleure.

Nous savons aussi que tu es avec Dieu que tu aimais, que tu cherchais à servir aussi fidèlement que possible, et cette pensée nous console de même qu’elle console tous tes parents.

Adieu, adieu, Flore, tes compagnes ne te verront plus sur la terre, mais ton «souvenir nous suivra et nous ne t’oublierons pas.»


L’impression reçue dans cet enterrement a été profonde, aussi bien chez les petits que chez les grands. Ainsi à l'école du dimanche le matin (l’enterrement a eu lieu à deux heures) les chères petites ne pouvaient à cause de leurs pleurs réciter leurs versets, et le soir on entendait une jeune fille dire à une autre: «Quand madame Lemaire reviendra, elle demandera où est Flore. On lui dira qu’elle est morte et elle pleurera aussi

- Que résultera-t-il de l’impression reçue?

- Cette mort réveillera-t-elle ceux qui dorment?

- Nos chers jeunes gens vont-ils se décider pour Jésus?

- De nouvelles âmes accepteront-elles l’Évangile?

- Cette mort produira-t-elle la vie?

Tout cela nous le désirons, et même nous l’espérons.

Nous avons eu le dimanche soir une réunion de prières, où en pleurant encore, nous avons demandé à Dieu de remplir le vide, de le remplir dix fois.

F. Lemaire.

L'écho de la Vérité - Avril 1881


Table des matières