Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

L'ÉCHO DE LA VÉRITÉ

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UN PATRIARCHE DE NOS JOURS


Prends garde à l'homme intègre et considère l'homme droit; car la fin
d’un tel homme est la paix. (Ps. 37: 37.)

Lors de la dédicace du Temple de Chauny, il y a déjà un certain nombre d’années, un vieillard, dans une fervente prière qui impressionna vivement tous les assistants, rendit grâces à Dieu de ce qu’il lui était donné de voir autour de lui tant de frères avec lesquels il était si heureux de pouvoir adorer et bénir le Seigneur, lui qui s'était trouvé seul dans la contrée, connaissant l’Évangile.


Quel était donc ce vieillard, dont les accents de reconnaissance et d'amour remuaient tous les cœurs?

C’était un vénérable chrétien, un simple cultivateur de Genlis (Aisne), dont le nom est bien connu dans quelques-unes de nos Églises comme étant celui du père des baptistes de l’Aisne.

Dire quelques mots de ce fidèle serviteur de Dieu nous semble être un devoir pour nous et en même temps un moyen d’intéresser nos lecteurs et de les exciter à la piété.

Catholique de naissance, M. Jean-Baptiste Hersigny avait été amené à lire la Bible par un ex-chartreux, que la Révolution avait chassé de son couvent et qui s'était retiré à Genlis chez une de ses sœurs.

Ce moine aimait la Bible, recommandait de la lire, de l’apprendre par cœur; combattait certaines erreurs de l’Église de Rome: les images, le culte en langue inconnue, etc. ; mais n’était pas arrivé au salut par la foi, aux mérites du Sauveur. Aussi ses disciples pour mériter le ciel apprenaient-ils et répétaient-ils chaque jour de larges portions des Écritures.


M. Hersigny récitait alors, matin et soir, plusieurs chapitres des Évangiles et des Psaumes qu’il savait tous par cœur; à cela il ajoutait des jeûnes, des abstinences et des macérations.

Quoiqu'il en soit c’était une marche en avant vers la Vérité et notre frère n’oubliait pas, plus tard, de raconter ce qu’il devait à cet ancien chartreux. À la mort de ce dernier, le frère Hersigny et sa digne épouse étaient restés à peu près seuls disciples du moine; ils se croyaient les gens les plus parfaits du monde. Toutefois, après sa conversion, notre frère disait: «J’étais encore un pauvre esclave, j'aimais la boisson et je m’enivrais dans ma cave.»

C’est alors qu’il fut visité par quelques protestants de Saint-Quentin et d’Hargicourt, puis par une marchande porte-balle qui, à l'exemple des colporteurs vaudois, avait toujours «une perle de grand prix» à offrir après avoir annoncé son fil et ses aiguilles. C'est à cette époque que pour nos amis Hersigny le voile tombe, la lumière brille; Jésus est définitivement leur Sauveur. Ils sont heureux!

L’épouse comprit la première le salut par la grâce, puis son mari et une belle-sœur. Les deux belles-sœurs ont été baptisées par le vénérable pasteur Thieffry de Lannois, et le frère Hersigny le fut un peu plus tard, en 1833.


À partir de ce moment la vie de notre frère sera consacrée à son Sauveur; il brillera comme un flambeau; il sera une épître vivante, un missionnaire; et plus d’un chrétien dira: «C’est grâce à lui que j’ai connu le Sauveur!»

Une petite église, la première église baptiste du département de l’Aisne, se forma chez eux, comme autrefois chez Pricille et Aquilas.

Comment raconter cette vie chrétienne?

Nous ne pouvons que citer quelques faits que nous grouperons sous différents titres.


Son amour de la Bible. — Notre frère était surtout l’homme de la Bible, il la connaissait, il la citait textuellement sans hésitation; toujours il lisait et relisait le Saint Livre sans se lasser.

Après chaque repas chez lui, il prenait la Bible, car il fallait aussi nourrir l’âme, disait-il; dans les champs (il était cultivateur) c’était la même chose, après avoir déjeuné ou goûté, il prenait encore son Nouveau-Testament et lisait quelques versets avant de se remettre au travail.

Un fait nous montre ce que la Bible a été pour lui. Dans sa vieillesse sa vue ayant faibli, depuis quelque temps, il ne pouvait plus lire, sa Bible.

Un jour il dit à sa femme:

«Élisa, il me semble que je pourrai lire aujourd’hui, apporte ma grosse Bible. Mais oui, je puis lire!»

Alors se jetant à genoux:

«Oh! merci Seigneur, de ce que tu me permets encore de lire ta Parole!»

C’était avec une simplicité enfantine qu’il se nourrissait des Saintes Lettres.


Cela est écrit, c’est tout;

Dieu a parlé,

IL ne peut tromper.


Il était devenu comme une Bible vivante, citant sans hésitation les passages qu’on lui demandait.


Sa charité. — Ils n’étaient pas bien riches, nos chers amis Hersigny: une honnête aisance, quelques pièces de terre qu’il fallait cultiver pour vivre. Cependant c’était avec bonheur qu’ils recevaient les nouveaux convertis des villages voisins qui venaient au culte chez eux; il fallait dîner, et il semblait qu’en recevant ce qu’ils vous offraient, on leur faisait plaisir. Il n’y a pas un seul de ces chrétiens d’il y a vingt-cinq ans, qui ne se retrouve souvent, en esprit, dans cette maison hospitalière, et qui ne revoie ces figures si paisibles, si joyeuses et si calmes.

Un matin, au culte de famille, ils avaient lu Matth. XXV. Notre frère dit à sa femme:

«As-tu remarqué ce que le Seigneur dira au grand jour du jugement à ceux qui seront à sa gauche?

J’étais malade et vous ne m’avez pas visité... retirez-vous maudits.

Tu sais que nous avons à A... un frère et une sœur malades, qu’ils ont une nombreuse famille et qu’ils sont pauvres; nous ne les avons pas encore visités; prenons garde que le Seigneur ne nous maudisse.»

Alors, oubliant ses travaux, il part pour aller à 8 kilomètres, porter des secours à cette famille affligée.

Une autre fois, c’est l'hiver, une famille de bohémiens s’arrête dans le pays, les enfants sont nu-pieds. Son cœur se serre et il les conduit chez un marchand de chaussures pour leur acheter de quoi se couvrir les pieds.

Une année, Dieu l’a béni en lui donnant une abondante récolte; il Le remercie en faisant bâtir un petit temple. Jusqu’alors sa maison avait servi de lieu de culte. Comme il n’avait pas d’enfant, lui et sa femme résolurent de laisser leurs biens pour servir à la prédication de l’Évangile.


Son zèle missionnaire. — Notre frère faisait l'œuvre d’un évangéliste; il aimait tenir des réunions dans tel et tel villages et des âmes se convertissaient. Avec quelle prudence, quel tact il savait sans froisser, sans blesser, donner de sages conseils et dire parfois de dures vérités!

Un dimanche il était allé à B. Dans la maison où il venait d’entrer se trouvait un jeune homme de 17 ans se préparant à partir à la danse; il lui parla de son âme sans trop insister voyant que ce n'était pas le moment (il savait se taire à propos et parler quand il le fallait); seulement, il demanda au jeune homme la permission de lui lire un seul verset de la Bible. Il lut:

«Jeune homme, réjouis-toi dans ton jeune âge et que ton cœur te rende content aux jours de ta jeunesse; marche comme ton cœur te mène et selon le regard de tes yeux; mais sache que pour toutes ces choses Dieu te fera venir en jugement.» (Ecclés. XI.9 / XII, 1.)

Pas un mot de plus, mais la flèche était lancée, le cœur était atteint, le jeune homme se convertit, et depuis des années il est devenu un fidèle prédicateur du salut.


Son influence. — Le «père Hersigny» était un homme de prières. On avait confiance dans l’efficacité de ses supplications. Combien de chrétiens allaient lui demander de prier pour tel et tel cas, telle ou telle difficulté, etc. !

Son influence chrétienne était remarquable.

Sa deuxième femme qui, avant son mariage, était membre de l’église de M..., et considérée comme fidèle, nous disait un jour:

«Je me croyais convertie, mais quand j’ai vu la piété de M. H... j'ai compris que je m’étais trompée et que j’avais pris de bonnes dispositions pour la conversion; alors j’ai cherché le Seigneur et je me suis donnée vraiment à Lui.»

On venait souvent lui demander des conseils, des directions, quelquefois se plaindre de tel ou tel frère. Dans ce dernier cas, il disait toujours:

«Avez-vous commencé par faire votre devoir à son égard?

Savez-vous bien que dire du mal de quelqu’un ce n’est pas prier pour lui?

Commencez par prier pour votre ennemi, puis, avec charité, allez le reprendre, ou si vous l’avez offensé, humiliez-vous devant lui: si vous ne pouvez vous réconcilier, j’irai avec vous et nous travaillerons ensemble à la paix.»

On le connaissait tellement comme homme de paix et de bons conseils que bien souvent on lui a demandé de vouloir bien faire partie du Conseil municipal de sa commune. Il a toujours refusé, parce que les séances se tenaient habituellement le dimanche et qu’il aurait été privé du culte. Les inconvertis le prenaient souvent pour arbitre, tellement on connaissait son intégrité et sa droiture.

Un dernier trait nous montrera son calme, sa patience et sa bonté. Un jour, pendant le culte, on vient lui dire que des vauriens dépouillent son jardin.

«Bien, je ne puis pas me déranger maintenant, tout à l’heure nous verrons.»

Quand le culte fut fini, il alla dans son verger où quelques mauvais garnements étaient montés sur un poirier. Descendez, dit-il.

Sachant bien qu’ils n’avaient rien à craindre du bon vieillard, ils descendirent. Alors il leur fil croiser les mains sur la poitrine, les remplit de poires et leur dit:

«Mes enfants, c’est mal ce que vous avez fait, car Dieu a dit: Tu ne déroberas point.

Quand vous voudrez manger des poires, venez m’en demander, je vous en donnerai; mais ne venez plus en prendre.»

Une autre fois un homme passant dans un champ ensemencé de M. Hersigny, avait été pris par le garde champêtre, et amené au propriétaire.

«Mon ami, lui dit notre frère, vous avez commis une contravention, vous méritez d'être mis à l’amende; ne pas vous punir ce serait autoriser le mal, et décourager le garde qui a fait son service. C’est pourquoi je vous condamne à un franc; mais comme je sais que vous n’êtes pas riche, voici vingt sous, donnez-les à l’homme qui vous a pris.»

Ce vénérable frère, qui faisait penser à Abraham, termina son pèlerinage dans la paix, et sa mort fut un triomphe que couronna dignement une vie de foi et de sainteté.

Puissent nos Églises être composées de chrétiens semblables au «père Hersigny», honorant l’Évangile et glorifiant le Sauveur des pécheurs.

L'écho de la Vérité - Mai 1881


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