Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

L'ÉCHO DE LA VÉRITÉ

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JE VAIS MOURIR, MAIS JE MEURS BIENHEUREUSE.


UNE NAÏVE HISTOIRE...


Nous empruntons au Bulletin trimestriel, publié par nos amis du Comité auxiliaire de Paris, le récit suivant dû à la plume d’un pasteur dévoué.

Je trouvai dernièrement, nous écrit-il, en rentrant chez moi, une femme qui m’attendait avec impatience:

«Madame A., vous réclame; elle est mourante et veut encore vous voir.»

J’eus un peu de peine au premier abord à rassembler les souvenirs qui se rattachaient à ce nom-là. J’avais vu, quelques années auparavant, Madame A...; j’avais même baptisé sa petite-fille, mais tout cela était un peu confus pour moi; je me rappelai toutefois que Miss X..., une de nos plus fidèles collaboratrices, s’était beaucoup occupée de cette pauvre femme, et m’en avait souvent entretenu.

Je trouvai la malade dans une misérable mansarde; elle était au plus mal.

«Je vous attendais, Monsieur, me dit-elle, pour vous remercier et pour vous prier de remercier vos amis de tout le bien qu’ils m’ont fait; je vais mourir, mais je meurs bienheureuse.»

Il y avait un tel contraste entre le dénuement que trahissait tout ce qui m’entourait et le contentement intérieur qui illuminait les traits décharnés de la mourante, que je fus saisi.

J’ai trop entendu des phrases pieuses pour ne pas m’en défier; mais ici, à cette heure solennelle où la faiblesse de la mort se faisait déjà sentir, il n’y avait plus de place pour la fiction. C’était la réalité dans son indiscutable éloquence.

La sérénité, la paix, les élans de reconnaissance qui éclairaient ce lit de mort le gravèrent pour longtemps dans mon souvenir.

«Ce bon monsieur McAll, s’écriait la pauvre malade, ces bons, ces excellents chrétiens qui se donnent tant de mal! Sans eux que serais-je? Sans eux où irais-je?

Oh! Dieu les bénira..., ne croyez-vous pas, Monsieur, qu’ils finiront enfin par retourner notre faubourg. Comme ce serait beau, si tout le monde comprenait ce que je comprends, si tout le monde s’aimait... Et maintenant même, à ce moment difficile, je ne puis vous dire la bienveillance de Dieu à mon égard, dans les petits détails. Il a si bien arrangé toutes choses comme je le souhaitais.

Les hommes disent que c’est le hasard; je dis que C’EST SON AMOUR!»


Je revins le lendemain voir ma malade. C’est alors qu’elle me raconta la naïve histoire qui suit. Je la transcris aussi fidèlement que possible.

Oui, Monsieur, c’est tel que je vous le dis.

Je n’avais aucune idée de la religion au moment où mon mari tomba malade. Quant à lui, peintre sur porcelaine, c’était un gouailleur, un voltairien! Vous vous souvenez de Miss X..., qui demeurait sur le même carré que nous et jouait de l’harmonium aux réunions de M. McAll.

Oh, la bonne âme! Que de peines a-t-elle prises pour nous amener à Dieu?

Mon mari était à l’agonie. Miss X... se désespérait, elle croyait que toutes ses prières et toutes ses paroles étaient demeurées sans résultat. Dans son trouble, elle veut encore lui parler, elle s’approche du lit sur lequel mon pauvre homme se mourait.

«Monsieur A..., lui dit-elle, oh! assurez-moi, avant que nous nous séparions, que vous mettez toute votre confiance en Jésus-Christ?»

Le moribond se souleva tout haletant et faisant un grand effort: «Je le gobe» s’écria-t-il, en accentuant sur chaque syllabe: «Je.... le... go... be.»

Monsieur, je crus, véritablement, que le plancher allait s’entr’ouvrir sous mes pieds! J’étais, comme je vous le disais, bien indifférente; mais à cette heure une semblable plaisanterie! Quelle honte! J’étais toute bouleversée. Il s’agissait toutefois de me surmonter; cette bonne Miss X..., qui heureusement ne comprenait rien à l’argot du faubourg, était là qui m’interrogeait du regard: «J’avais si pitié d’elle que, prenant l’air le plus calme, je lui répondis:

«Mademoiselle, l’expression dont vient de se servir mon mari est un mot bien «trivial, qu’emploient volontiers les artistes lorsqu’ils considèrent leur œuvre après l’avoir terminée et qu’ils sont satisfaits: Je puis donc le traduire ainsi: J’AIME ET JE CROIS.»

Miss X... me serra la main avec émotion et s’en alla tout heureuse.

Pour moi, je ne l’étais nullement. Imaginez donc quel saisissement j’éprouvai à mon tour, lorsque mon mari se tournant vers moi, et rassemblant une dernière fois ses forces, me dit:

«C’est cela, c’est cela, tu as fort bien expliqué!»

Eh bien oui! le pauvre cher homme, dans son extrême faiblesse, n’avait nullement songé à mal; il avait saisi la première expression qui lui fût habituelle, pour exprimer d’un seul mot les sentiments nouveaux qui se faisaient jour dans son âme.

C’est à partir de cette scène, Monsieur, et de l’impression produite sur moi par la mort de mon mari, que je m’inquiétai de mon salut, et c’est en suivant les réunions de M. McAll que je le trouvai.


J’ouvre ici une courte parenthèse pour dire l’émotion que me causa non seulement la forme, mais aussi le fond de ce récit.

Je me rappelai soudain les nombreuses conversations que Miss X... avait eues, il y a quelques années avec moi au sujet de son voisin, le vieux peintre voltairien; je me souvenais de l’énergie de foi et de prière avec laquelle elle n’avait cessé de lutter pour cette âme, tout accablée qu’elle était par cet extrême endurcissement.

Je me rappelais surtout un certain jour où Miss X... était venue me trouver les yeux pleins de larmes: «Le peintre ne passera pas la journée, il se meurt... et son âme?»

Cette lutte intense livrée pour le salut d’une âme m’avait profondément touché, puis j’avais oublié le vieux peintre. Miss X. avait quitté Paris..., et voici qu’après bien des années, j’apprenais la victoire qui avait signalé cette mort et récompense les labeurs de l’humble servante du Christ; double victoire, puisque le cœur de la femme avait commencé à se laisser gagner le jour où celui du mari s’était avoué vaincu.

Exemple frappant des bénédictions que la fidélité de Dieu réserve à la fidélité de ses serviteurs et des triomphes que préparent les efforts persévérants de la foi et de l’amour lorsqu’ils s’exercent dans cette profonde obscurité, qui sert si bien à l’élaboration des chefs-d’œuvre authentiques de la grâce divine!

La veuve du peintre est morte à son tour après de longs mois de grandes souffrances endurées avec une inaltérable patience.

Les soucis de toute nature semblaient s’être donné rendez-vous dans son étroite mansarde; elle restait calme, soumise, et parfois elle parlait avec une si joyeuse certitude de la délivrance prochaine, que sa foi devenait contagieuse et s’imposait à ceux même qui en ignoraient le secret.

J’ai eu de la joie le jour de son enterrement, à parler dans ce pauvre réduit, que le cercueil remplissait presque entièrement, des merveilles de l’amour divin et de la foi chrétienne; je vis que j’étais écouté et compris par plusieurs.

Madame *** écrit:

Mercredi dernier, deux sœurs qui viennent assez régulièrement à ***, m’ont dit avoir été convaincues de la vérité de l’Évangile par la bonté, la persévérance et le dévouement de M. X...

Ce fait me réjouit beaucoup et je pensai qu’il serait bon que M. X... l’apprît, car je sais combien il est encourageant d’apprendre que notre sympathie a été approuvée de Dieu et qu’elle a fait du bien.

Extrait du 9e rapport de M. A. Mc All.

L'écho de la Vérité - Juillet 1881


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