Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

L'ÉCHO DE LA VÉRITÉ

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SAUVE TA VIE!


On voyait, il y a quelque trente ans, sur l’une des places de Valenciennes, une vieille tour gothique dominant les maisons de la ville et d’où la vue s’étendait au loin sur la campagne. On la nommait tour du beffroi, parce qu’un veilleur de nuit posté en observation à son sommet pouvait, en cas d’incendie, donner le signal d’alarme en agitant une cloche destinée à cet usage.

Cette tour ne passait point pour solide; bien des signes inquiétants annonçaient sa chute prochaine; et l’on pouvait juger à son inclinaison qu’elle s’écroulerait non point sur la place même, mais sur une rangée de maisons qui se trouvaient à sa gauche.

Depuis quelques jours, les passants remarquaient que des morceaux de pierre ou de mortier se détachaient de la muraille; et l’architecte de la ville ayant confirmé l’appréhension générale, les habitants du quartier menacé avaient, été officiellement prévenus du danger et invités à quitter leur demeure. L’émoi fut grand et chacun de rassembler à la hâte ce qu’il avait de plus précieux et de se chercher un abri plus sûr.

Cependant il se trouva parmi les habitants du quartier une vieille femme qui ne pouvait se résoudre à abandonner quelque partie de son mobilier ou de ses hardes. Bien que la tour penchât de plus en plus et que de gros débris s’en détachassent incessamment, on la voyait aller et venir autour de sa maison, malgré les cris de la foule anxieuse qui la pressait de fuir. Mais elle n’en faisait rien et continuait à rassembler devant sa porte les quelques vieilles chaises et les nippes dont se composait son petit avoir.

À la fin, un généreux jeune homme, se précipitant avec courage, la saisit par le bras et l’entraîna de force hors de chez elle avec les objets qu’elle avait en mains. Des tonnerres d’applaudissements l'accueillirent â son retour; tout le monde se sentait soulagé par un acte de courage et de dévouement qui arrachait la malheureuse à une mort certaine et horrible.

On attendait d’un moment à l’autre la catastrophe finale, et tous les yeux étaient fixés sur la tour, quand la vieille femme, profitant d’un instant où elle n’était pas observée, s’élança du côté de sa maison en disant:

«Il faut que j’emporte encore une chaise.»

Mais à peine venait-elle de franchir le seuil de sa porte que la tour s’écroula avec un horrible fracas, réduisant en poussière les maisons et tout ce qu’elles contenaient. Jamais on ne revit la vieille femme, elle resta ensevelie sous les décombres de sa demeure avec la chaise objet de ses convoitises.

«Quelle folie, dira-t-on, de mettre tant d’importance à une bagatelle, de sacrifier sa vie pour un objet de si peu de valeur! La vie n'est-elle pas plus que la nourriture et le corps plus que le vêtement?»

Mais s’il est insensé de sacrifier ce qu’on a de plus précieux pour un bien dont on ne peut jouir sans la vie; pour une ombre et un rien!


Combien n’est-il pas plus déraisonnable encore de perdre son âme immortelle!


Cette âme par laquelle nous pouvons jouir de la vie même de Dieu dans l’éternité, — pour un bien qui demain peut-être n’aura plus pour nous aucune valeur, pas même celle qu’avait, aux yeux de cette misérable femme, la chaise qu’elle voulut sauver!

Et cependant, du nombre de ceux qui la blâment ne s’en trouverait-t-il pas une foule qui ont trop à faire dans ce monde pour s’occuper de leur salut?

Chacun a sa petite idole, un objet dont il n’a pas le courage de se séparer, une vaine image, dont il fait dépendre son bonheur.

«Quand j’aurai, se dit-il, ceci ou cela, je songerai à me sauver...»


MAIS LA FIN ARRIVE PLUS TÔT QU’IL NE PENSE;

ELLE LE SURPREND AU MILIEU DE VAINES RECHERCHES!


Son aveugle passion l’empêche d’entendre la voix qui l’appelle, une voix plus forte et plus compatissante que celle des hommes, la voix de Dieu, lui disant:

Comment échapperez-vous si vous négligez un si grand salut?

Insensé! en cette même nuit, ton âme te sera redemandée; et ce que tu auras amassé pour qui sera-t-il?

Écoutez-moi et votre âme vivra.

(Feuille religieuse)

L'écho de la Vérité - Janvier 1881


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