Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

L'ÉCHO DE LA VÉRITÉ

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LE DÉGOÛT DE LA VIE


Ceux qui lisent plus ou moins assidûment les journaux sont frappés du fait, bien étonnant et bien triste, que le nombre des suicides augmente toujours plus.

En effet on ne peut guère lire un journal sans y trouver le récit, plus ou moins détaillé, de la mort volontaire d’une ou de plusieurs personnes de différents âges et de conditions diverses. Parfois même, chose vraiment effrayante, c’est un jeune homme, une jeune tille, un enfant, qui, trompant la surveillance de ses parents, a, par un moyen quelconque, mis brusquement fin à une vie qui commençait à peine.

Voici ce que je trouve dans une feuille quotidienne:

«En 1827 le nombre des suicides n’était en France que de 1,739.

En 1879 il s’est élevé au chiffre de 6,496.

Dans une période de trente ans, l’augmentation a été de 78 pour cent.

L’augmentation est énorme. Or la population n’a pas augmenté dans la même proportion. Elle est même restée à peu près stationnaire. Il s’agit donc d’une augmentation réelle, absolue.»

D’où vient cette croissance si grande des suicides?

Nous sommes pourtant dans un siècle où des découvertes, des inventions de tous genres, ont rendu, semble-t-il, la vie plus facile que jamais, en mettant à la portée de tous bien des objets que seuls les riches pouvaient autrefois se procurer, chaque jour on signale des perfectionnements nouveaux; chaque jour aussi, grâce aux facilités de locomotion, les produits naturels ou industriels de tous les pays du monde entier se répandent partout, de sorte que nous avons à notre portée ce que la terre entière peut offrir; aussi remarque-t-on partout un bien-être inconnu à nos pères.

Sans doute, je ne l’oublie pas, malgré tous les progrès le prix de bien des choses a augmenté. Mais il faut dire que les salaires ont grandi à proportion et se trouvent bien plus élevés qu'autrefois, que la vie est aujourd’hui plus facile que par le passé et que les hommes sont maintenant mieux logés, mieux couverts, et mieux nourris qu’ils ne l’ont jamais été.

De plus, il n’y a pas que les nécessités de la vie auxquelles il est devenu plus aisé de pourvoir; les plaisirs, recherchés par tant de gens, sont maintenant plus nombreux, plus accessibles à tous que jamais, si bien que dans certains endroits, il semble que l’on soit continuellement en fête.

Les jouissances de toutes sortes sont plus abondantes et plus répandues qu’elles ne l’ont été en aucun temps. Mais malgré tous ces plaisirs, tous ces avantages dont on jouit dans nos jours de bien-être et de confortable, JAMAIS LES HOMMES N’ONT TENU SI PEU À LA VIE, jamais le nombre de ceux qui sont pressés d’en sortir n’a été si grand.

Pourquoi cela?


Le journal auquel j’empruntais tout à l’heure quelques lignes prétend que la pauvreté, les difficultés, les luttes pour l’existence expliquent l’augmentation des suicides; mais je crois que c’est là une erreur complète.

Sans doute, dans la multitude de ceux qui mettent fin à leurs jours, il en est qui sont poussés à cet acte par la misère, par les angoisses de la faim; toutefois, ce n’est pas parmi les misérables qui savourent les amertumes de la vie qu’il faut chercher le plus grand nombre des désespérés, des gens las de l’existence et ayant hâte de la terminer.

Non; aussi suis-je porté à croire que le dégoût de la vie chez tant de nos semblables a une autre cause que la misère. Cette cause, qui me paraît évidente:


C’EST LE PROGRÈS DE L’INCRÉDULITÉ.


Le matérialisme enseigné, propagé partout et de tant de manières, détruit tous les sentiments, toutes les craintes et surtout toutes les espérances que donne la religion, même la moins sentie et la moins éclairée.

Ce fond de pensées, de sentiments religieux qui existait autrefois chez tant de gens dont la piété était pourtant bien vague et bien faible, leur inspirait une certaine crainte de Dieu qui, dans bien des cas, les détournait du crime; en même temps qu’elle leur inspirait une espérance qui, quoique vague et presque inconsciente, les soutenait dans les difficultés, dans les épreuves inévitables qu’ils rencontraient.

La libre pensée, en se moquant de toutes ces dispositions religieuses qui ne sont pour elle que des préjugés et d’absurdes rêveries, n’a que trop bien réussi à les faire disparaître de l’esprit et du cœur d’un grand nombre, et avec elles ont disparu toute crainte, toute consolation, et, hélas! tout espoir.

«Mangeons et buvons, car demain nous mourrons

Voilà quelle était la devise des athées d’autrefois, et ce qui semble être devenu le mot d’ordre de tant de nos semblables d’aujourd’hui.

Or, ce principe matérialiste, insuffisant même pour ceux qui peuvent manger et boire, suffit encore bien moins à ceux qui ne sont ni des mangeurs, ni des buveurs; car:


Qu’est-ce que la vie lorsqu’elle est dépouillée de tout horizon,

et qu’elle se limite uniquement à la terre?


Elle offre sans doute bien des joies; mais, hélas! elle présente aussi bien des tristesses et il n’est pas de jouissance que n’accompagnent des maux sans nombre.

Qu’est-ce que ce monde quand il n’étale devant nous que des plaisirs courts, mélangés, sans proportion avec les misères de tout genre qu’on y rencontre?

N’est-il pas comme un désert dont ou a hâte de sortir?

Si l’homme n’a rien d’autre à attendre que ce qu’il trouve ici-bas, on comprend que, découragé et désespéré, il soit porté à dire avec angoisse: POURQUOI DONC SUIS-JE ICI? et qu’il s’empresse d’ajouter: Finissons-en au plus tôt.


Il paraît évident que l’incrédulité, à mesure qu’elle grandit, doit reproduire toujours plus le découragement et l’ennui; et si ceux qui lisent ces lignes veulent bien se donner la peine de réfléchir sur ce sujet, ils se convaincront comme moi que le matérialisme a de terribles conséquences, et que celle qui vient d’être signalée est bien propre à rendre sérieux.

En ôtant toute crainte de Dieu, il conduit au mal, et c’est ainsi que les crimes augmentent;

En ôtant toute consolation et toute espérance d’une vie à venir et meilleure, il conduit au désespoir, et l’on vient de voir que le nombre des suicides ne cesse de grandir.

Le remède à cette plaie, c’est la foi chrétienne qui apprend aux hommes à supporter patiemment les maux d’ici-bas, en mettant dans leur cœur l’amour pour Dieu, en même temps que l’espérance ferme et vive d’une vie heureuse et d’un repos parfait et éternel.


* * *


Ces lignes étaient écrites depuis longtemps déjà quand est survenue la catastrophe financière qui a porté la consternation dans bien des familles.

Beaucoup de gens poussés par le désir effréné de s'enrichir se sont livrés à des jeux de Bourse et n’y ont trouvé que déception et ruine.

Puisse cette sévère leçon profiter à ceux qui sont portés à se laisser entraîner par cette fureur de la spéculation, si commune aujourd’hui, et RENDRE PLUS SAGES CEUX QUI SE LAISSENT GAGNER PAR LE DÉSIR DE S’ENRICHIR SANS TRAVAIL!

Mais il n’y a pas eu seulement des pertes et des désastres à la suite de l’effondrement de cette banque catholique appelée L'Union générale; bien des gens, atteints par cette colossale faillite, n’ont pu supporter de voir leur fortune amoindrie ou compromise et, à la vue de leurs espérances déçues, de leur calcul de gain renversé, ils sont tombés dans le désespoir.

Au lieu de s'efforcer de regagner, par le travail, ce qu’ils venaient de perdre par leur imprudence et par de folles spéculations:


Ils ont préféré mettre fin à leurs jours,

parce qu’ils n’avaient pas de Dieu pour les consoler,

pas d’espérance pour les soutenir.


Le nombril des suicides est devenu considérable.

Le matérialisme a donc produit ces deux tristes fruits:

la soif effrénée des richesses, amenant le dégoût du gain honnête, mais modéré que donne le travail;

et la ruine conduisant au désespoir et.... à la mort.

H. B.

L'écho de la Vérité - Mars 1881


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