Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

L'ÉCHO DE LA VÉRITÉ

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GETHSÉMANÉ


«Mon père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi! Toutefois, que ta volonté soit faite et non la mienne.» (Matth. XXVI, 39.)


Les souffrances de Jésus commencèrent le soir d’avant sa mort, et sa passion ne finit que le lendemain à trois heures, quand II expira sur la croix.

Après s’être rendu au jardin des Oliviers, Il commença à être fort triste et dans une amère douleur et dit à Pierre, Jacques et Jean qui l’accompagnaient:

«Mon âme est saisie de tristesse jusqu'à la mort; demeure; ici et veilles avec moi».

Ne dirait-on pas qu’il réclamait leur présence, leur secours, comme un roi qui demanderait l’aumône à quelques pauvres Lazares?

D’où venait, à Jésus cette amère douleur qui lui fit demander que la coupe qu’il devait boire s’éloignât de Lui!

Avait-Il peur du supplice?

S’il avait redouté la mort, Il ne serait pas venu à Jérusalem (Luc XVIII, 31-34); de plus, en Gethsémané, Il aurait pu s’enfuir; tandis que nous le voyons venir se livrer Lui-même pour délivrer ses disciples, pris par les soldats.

Son appréhension, ses souffrances morales, ses prières, ses grands cris, ses larmes (Hébr. V, 7) nous font penser que le Sauveur voyait s’avancer sur Lui, sous le plus terrible aspect, LA PEINE DES MAUDITS, LA MALÉDICTION DIVINE; et à cette vue, son cœur sensible et aimant, soupirant après l’amour et le secours du Père, frissonnait et défaillait d’angoisse à la pensée d'être frappé et délaissé par Lui, sans merci et sans trêve, jusqu’à ce qu’il exhalât son dernier soupir sur la croix.

C’est là, croyons-nous, la seule cause de sa prière.

Mais s’il nous était permis de prêter à Jésus nos sentiments humains, ne pourrions-nous pas bien nous expliquer son épouvante et sa douleur, en supposant qu’il a pu voir à l’avance plusieurs des résultats négatifs de ses souffrances.


Il aimait Jérusalem; on le voit par les pleurs qu’il versait sur elle quelques jours auparavant, en disant:

«Si tu connaissais en ce jour qui t'est encore donné les choses qui regardent ta paix! Mais maintenant elles sont cachées à tes yeux. Des jours de malheur fondront sur toi.... Tes ennemis te détruiront avec tes enfants...» (Luc XIX, 43.)

Pendant sa vie, Il avait été pour Jérusalem comme le vigneron de la parabole pour le figuier stérile (Luc XIII); mais après sa mort, il ne pouvait plus y avoir d’espoir pour elle. À cette pensée, on comprend que notre Sauveur ait pu dire: «Père.. que cette coupe passe, loin de moi!»


Le fond de notre nature nous fait désirer d’être aimés, estimés, crus, surtout par les êtres que nous chérissons.

Y a-t-il rien de plus pénible que d’être insulté, battu, par ceux que l’on aime tendrement? or, c’était de la main de son peuple, de ses frères, que notre divin Maître devait, le lendemain, recevoir les coups les plus durs, la torture, la mort.

L’histoire rapporte que, quand Jules César fut assailli par ses assassins, il se défendit de son mieux; mais que quand il vit parmi eux Brutus — qu’il aimait et qu’il voulait faire son héritier – levant le bras sur lui, il laissa tomber son épée et dit en le regardant: «Et toi aussi, mon fils!»

Oui, c’est mille fois plus cruel de recevoir des coups, des crachats et des huées de ceux que l’on aime que des ennemis de son peuple. C’est pourquoi nous comprenons la prière de Jésus: «Père, s’il est possible..


A côté de l’opprobre et des soufflets reçus de la main de ses frères, il nous semble que l’une des plus grandes douleurs pour nous serait la pensée que la famille que nous avons élevée ou l’œuvre à laquelle nous avons consacré nos jours, nos nuits, notre cœur, nos forces, notre vie, notre âme, pourra être attaquée et battue en brèche par nos adversaires ligués pour la détruire, quand nous ne serons plus là pour la défendre.

Or, Jésus n’ignorait pas que des hommes impies, rusés, puissants, redoutables, chercheraient tous les moyens d’anéantir son œuvre en attaquant sa doctrine, en niant ses miracles, en flétrissant sa mémoire et en persécutant ses disciples; et qu’entre ceux-ci, il y en aurait qui détruiraient eux-mêmes le travail de leur Maître, falsifieraient son enseignement et feraient périr ses vrai s serviteurs.

Passe encore que le Berger donne sa vie pour ses brebis; mais si après cela le loup ravage le troupeau: «Ô Père, que cette coupe passe loin de moi!»


Plusieurs fois, Jésus répéta la même prière.

Peut-être qu’il put alors comparer le nombre des vrais croyants à celui des adversaires de la foi, ou même des faux chrétiens. Dans ce cas, Il aurait pu s’écrier avec douleur: «Ô que mon troupeau est petit!»

Hélas! il ne lui faut pas un large chemin pour qu’il passe, une porte étroite lui suffit pour entrer! Mais qu’il faut une voie spacieuse à la foule des adversaires et des demi-croyants! En voyant ses vrais disciples si faibles, si pauvres, et surtout si peu nombreux, Jésus n’a-t-Il pas pu dire:

«Mon Père, dois-je souffrir tant d’humiliations, tant de douleurs pour une troupe si petite? Si seulement la multitude des pécheurs devait être sauvée! Si elle voulait l’être et qu’elle fut prête à me suivre, quand elle apprendra mes souffrances et ma mort pour elle! Autrement que cette coupe passe loin de moi. Toutefois, même pour ce petit troupeau, ô mon Père, je veux bien mourir: Que ta volonté soit faite!


Mais si quelque chose put oppresser le cœur de Jésus dans cet ordre d'idée, ce dut être l’ingratitude de ceux qui connaissent sa passion, y croient, se le représentent accusé, jugé, flagellé, condamne, revêtu d’un manteau rouge, couronné d’épines, conspué, battu, portant sa croix; puis cloué, souffrant et mourant, à cause de leurs péchés et qui restent endurcis, indifférents, insensibles à son amour pour eux, et vivent sans repentir et sans un atome de reconnaissance pour Lui.

Ô enfants des chrétiens, qui demeurez impassibles aux souffrances et aux appels du Sauveur, en pensant à votre ingratitude n’a-t-II pas pu dire: «Père que cette coupe passe loin de moi!»

Et que dire de ceux qui font profession d'être convertis, qui se croient les vrais disciples du Christ, font de son supplice la base et la force de leur âme, disent ne compter que sur son sang répandu pour les sauver, et NÉANMOINS N’OFFRENT À LEUR RÉDEMPTEUR QU’UN CŒUR TIÈDE OU PARTAGÉ, dont ils ne se contenteraient pas eux-mêmes, s'il s’agissait de l'amour de leurs maris, de leurs femmes ou de leurs parents.


Aimer jusqu'à verser son sang; mourir par amour et n'être pas payé de retour,

«Ô Père! que cette coupe passe loin de moi;

toutefois, je veux bien mourir; que ta volonté soit faite!»


A. C.

L'écho de la Vérité - Avril 1881


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