Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

EN AVANT

ET

CRI DE GUERRE

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NOTRE OEUVRE SOCIALE A PARIS

UNE VIE BIEN ACCIDENTÉE


Raconter toutes les péripéties de l’existence aventureuse de notre ami Alfred C.., âgé de 35 ans, peintre, dépasserait de beaucoup les limites que nous voulons donner à de simples notes; nous nous bornons à reproduire LES FAITS SAILLANTS DE CELTE VIE DE PÉCHÉ.

Né en Bretagne de parents chrétiens formalistes, C... perdit son père de bonne heure. Sa mère l’envoya, pendant plusieurs années, à l’école primaire, où ses notes ne furent pas brillantes.

À l’âge de 15 ans, il fut mis en apprentissage chez un peintre, qui le prit en affection et en fit un bon ouvrier. Au lieu de rester chez ce bienveillant patron, chez lequel il gagnait un bon salaire, G... voulut faire le classique tour de France et travailla dans sept ou huit départements. Sous le prétexte de se perfectionner dans son état et de connaître la manière de faire de plusieurs patrons, C... sacrifiait simplement à la nostalgie des pérégrinations, ne restant, en effet, que quelques semaines, quelques jours le plus souvent, dans le même atelier.

D’un caractère faible, cédant à toute impulsion lui donnant ce qu’il appelait et croyait être la liberté, G... subit l’influence de mauvais camarades et devint en assez peu de temps un ivrogne et un débauché.

Ses années de régiment, au lieu d’être pour lui un frein, développèrent ses vices, à 23 ans, C... rentre dans sa ville natale et, grâce aux capitaux que lui donne sa mère, il s’installe comme peintre; lui, qui aurait eu tant besoin d’être constamment guidé, devint patron. La clientèle abonda. C... était, nous l’avons dit, bon ouvrier.

Pendant quelque temps, il put maîtriser ses passions, et il se maria, promettant de donner le bonheur à sa femme, mais cette promesse resta à l’état de lettre morte. LE BONHEUR, EN EFFET, NE PEUT ÊTRE QUE DANS LA VERTU: on n’a jamais vu qu’il se rencontrât dans la paresse ou dans l’alcool.

C... perdit bientôt sa clientèle; les économies réalisées dans une période de labeur acharné s’épuisèrent. La pauvre femme, désabusée, mourut de chagrin... Pour éviter des ennuis avec la justice, C... prit le bateau à Saint-Malo et passa à Guernesey, comptant que «la guigne» qui le poursuivait ne le trouverait plus.

Le malheureux, au lieu de se repentir de ses fautes nombreuses, au lieu de jeter par-dessus bord toutes ses iniquités, débarqua dans l’île anglo-normande AVEC LE CORTÈGE DE SES PASSIONS, toujours le «vieil homme» de l’Écriture.

Le travail ne fit pas défaut tout d’abord à notre ami, mais il rencontra des compagnons réduits à la misère par leurs vices.

Au lieu de remonter le courant, ces gens réunissaient leurs quelques sous et les dépensaient au cabaret.

Toutes les heures de liberté que C..., aurait pu employer utilement étaient prises pour la satisfaction de ses passions et il devint un fervent habitué des tavernes les plus mal famées de l’île.

Cependant le Dieu des miséricordes et du pardon se révéla un soir à C... C’était au sortir d’un bar, les regards de notre compatriote furent attirés par un cortège de gens au costume étrange, qui chantaient des cantiques en s’accompagnant de tambourins. Il demanda quelles étaient ces personnes: Il se souvient parfaitement de la réponse qui lui fut faite:

«Ce sont des gens qui ne vivent pas comme les autres!»

Sans trop comprendre cette réponse, C..., suivit inconsciemment les manifestants à leur salle de réunion. C’étaient les salutistes du Corps de Guernesey. C..., s’assit, écouta les chants, les témoignages de ces gens qui affirmaient que Dieu les avait délivrés du péché.

C..., fut touché par ces révélations toutes nouvelles pour lui. Il retourna plusieurs fois aux réunions, se reconnut publiquement pécheur et demanda à Dieu de le délivrer.

Une vie nouvelle commença alors pour ce cher camarade: DIEU LUI AVAIT DONNÉ LA VICTOIRE et ses témoignages produisaient une excellente impression sur ses amis et auditeurs.

Mais C..., comme tant d’autres, compta sur ses propres forces et s’énorgueillit du triomphe que Dieu lui avait donné sur le vice... Le buveur reparut bientôt et la chute fut profonde...

... Renvoyé successivement de plusieurs ateliers, C..., résolut de rentrer en France et de venir chercher fortune à Paris, la ville au ravissant, mais souvent décevant mirage. Les faibles ressources qu’il avait réunies disparurent dans le voyage et dans les démarches à la recherche d’un emploi quelconque. 


Ce pauvre esclave du péché connut toutes les difficultés matérielles de l’existence, couchant parfois dans la salle d’attente d’une gare, allant de l’asile de nuit de la rue de Charonne à celui de la rue de Vaugirard; de l’asile municipal du Château des Rentiers à ceux de Laghouat et de Tocqueville, passant les journées à courir d’un fourneau gratuit à une distribution gratuite de soupe, etc.

Entre temps, un larron dont le passé était sans doute compromettant, lui déroba ses papiers d’état civil et de famille, mais C... s’inquiéta si peu de cette disparition qu’il omit de la dénoncer à la police de sûreté. Il se borna à écrire à sa vieille mère qui lui fit délivrer un duplicata des pièces soustraites et lui fit parvenir de l’argent et des vêtements.

C..., put obtenir à ce moment quelques travaux bien rémunérés. À plusieurs reprises, à partir du mois de septembre, G..., devint notre hôte. Il travaillait à ce moment et gagnait un bon salaire; toutefois l’alcool était la principale attraction de la vie de ce pauvre homme.

Nous eûmes à de nombreuses reprises l’occasion de le réprimander et de l’exhorter à changer de vie. Nos observations étaient toujours chaleureusement accueillies, mais elles restaient sans effet sur ce pauvre cerveau atrophié:

Vous avez raison, nous disait-il, mais que voulez-vous? Je ne puis résister à la tentation. Dès que je me sens quelques sous en poche je cherche une occasion pour boire, et si je ne rencontre pas de camarades, j’entre dans un débit de vins et je bois seul!

Il advint un jour que le patron de C..., mécontent du travail de ce dernier, le congédia. C... fut alors réduit, pour pourvoir à son existence, à écrire des adresses à 1.25 le mille pour des agences de publicité. Nous le perdîmes de vue pendant quelques mois; nous avions conservé deux lettres à son adresse, malgré notre peu d’espoir de le revoir chez nous, lorsqu’il apparut de nouveau. Il revenait nous demander l’hospitalité pour deux semaines. Les deux lettres que nous lui remîmes firent couler ses larmes, elles émanaient de sa vieille mère qui priait toujours pour lui et lui envoyait un bon de poste. Nous pûmes lui parler de la bonté de Dieu qui se manifestait encore une fois pour lui.

Il reconnut ses fautes, les confessa, et promit de ne plus boire. Cette promesse paraissait sincère; C... consentit à prier avec nous dans la cuisine. Il était une heure du matin. Nous appelâmes sur cette pauvre âme les bénédictions divines, réclamant pour ce pécheur le précieux don que nous avions reçu nous-même.

Pendant quelques soirs C... revint assidûment; il s’occupait à l’hôtellerie d’un petit travail supplémentaire qui lui procurait quelques ressources. Un matin, deux inspecteurs de la police de sûreté vinrent l'arrêter en exécution d’un jugement rendu par défaut contre lui pour un délit grave. C... protesta de son innocence, affirmant qu’il y avait erreur. Il suivit néanmoins les inspecteurs. C... nous revint dans la soirée, tout joyeux de se retrouver en liberté.

Celui qui avait volé les papiers d’identité de G... s’était fait condamner sous le nom de notre locataire, de là l’erreur. Cette méprise due à la vie de péché de notre ami l’amena à réfléchir: il comprit formellement que L’IVROGNERIE CAUSERAIT SA PERTE DÉFINITIVE. Il nous remercia des conseils que nous lui avions donnés et affirma qu’il irait à Dieu, coûte que coûte.

Quelques jours plus tard, C... tout joyeux, nous annonça qu’un de ses compatriotes entrepreneur de travaux à Paris, consentait à le prendre dans ses chantiers, comme marqueur surveillant. — Je ne veux plus boire, nous dit-il, et je ne boirai plus!

Nous avons demandé à notre Dieu de sceller cette résolution et de doter ce pauvre esclave de la force qui donne la victoire sur les mauvaises habitudes. Ceci se passait le 16 avril.

Nous avons revu C.... une fois depuis cette date; sa physionomie, son attitude n’étaient plus les mêmes; il nous raconta qu’il ne pensait plus à s’enivrer, mais qu’il voulait redevenir ce qu’il avait été à Guernesey pendant un certain temps. Nous l’avons engagé à persévérer dans cette voie qui seule peut le conduire à une transformation radicale. Nous continuerons à prier pour le salut de ce cher ami.

En avant 1899 06 03


 

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