Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

EN AVANT

ET

CRI DE GUERRE

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NOTRE OEUVRE SOCIALE A PARIS

(suite)


Les enfants


Le 19 octobre dernier, un enfant de 9 ans vient nous demander un lit. On l’interroge et on découvre sans peine de nombreux mensonges entremêlés de quelques vérités. On lui donne à manger et il s’endort sur une chaise dans la cuisine.

Pendant cela, un employé vérifie les allégations de l’enfant; il résulte des recherches faites que ses parents l’ont abandonné il y a plusieurs jours et que leur domicile actuel est inconnu. Les renseignements les plus mauvais sont, du reste, fournis sur eux par quelques personnes qui les ont connus.

L’enfant dormit sous notre toit pendant quelques heures; il paraissait très heureux de l’affection que nous lui avions témoignée. Nous le remîmes à l’autorité administrative qui, n’ayant pu retrouver les parents, le confia à la Société protectrice de l’enfance.


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Un soir du mois de novembre, le jeune Paul R..., âgé de 16 ans, se disant envoyé par un Monsieur qui connaissait l’Armée, se présenta à l’hôtellerie et nous demanda un lit. Les récits invraisemblables qu’il produisit presque immédiatement nous mirent en garde; nous le réprimandâmes avec bonté en lui faisant comprendre combien le mensonge est odieux à Dieu. Ce pauvre enfant nous avoua enfin la vérité. Il avait quitté quelques jours auparavant le domicile de ses parents à Montmartre, par suite de dissentiments quotidiens. Nous lui faisons constater combien sa conduite est coupable; nous l’engageons à retourner chez ses parents et à être un bon fils.

L’état de malpropreté dans lequel se trouve Paul R..., la faim dont il souffre prouvent qu’il subit déjà le châtiment de sa conduite. Nous lui faisons donner les soins hygiéniques que son état comporte, il mange avidement les mets que nous lui offrons, il se couche ensuite et dort d’un profond sommeil. Il nous promet le lendemain de retourner immédiatement chez lui. Nous avons appris par quelques-uns de ses camarades de misère qu’il avait tenu parole.


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Pendant plusieurs semaines, un enfant de 15 ans, François G..., exerçant la profession d’emballeur, fut notre hôte. Ses parents étaient décédés; il nous en fournit la preuve. Une tante, sœur de sa mère, l’avait pris chez elle, mais François G... préférait un autre domicile.

Il disparut un jour de l’hôtellerie, et nous sûmes par un de ses camarades qu’il n’était pas revenu craignant d’être reconduit par nous chez ses parents. Nous l'avons aperçu une fois depuis dans la rue, mais à notre vue il prit la fuite.


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Une nuit du mois de janvier, un chrétien de nos amis nous présenta un jeune savoyard, âgé de 17 ans, Charles P..., venu à Paris contre la volonté de ses parents pour y trouver un emploi. Inconnu de tous dans cette immense ville, sans autre profession que celle de garçon de restaurant, ce pauvre enfant se morfondait dans les rues à la recherche d’une situation quelconque. Il s’adressa à un passant qui, voyant une infortune à soulager, nous le conduisit.

Nous réconfortâmes Charles P..., l’engageant à retourner à Chambéry où son patron consentait à le reprendre, nous dit-il. Quelques chrétiens s’occupèrent de ce jeune voyageur et lui procurèrent les ressources nécessaires pour le rapatrier.


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À la fin du mois de janvier dernier, le jeune Fernand B..., âgé de 16 ans, domestique, né à Rouen, vint à l’hôtellerie populaire. Pendant deux semaines, cet enfant a passé par les divers asiles de nuit de Paris, à l’asile Fradin, etc. Son jeune âge nous inspire quelque hésitation à le recevoir; mais, communication prise d’une lettre de recommandation qu’il nous présente, nous voyons une bonne œuvre à faire et nous l’hébergeons.

Le lendemain, cet enfant est mis en rapport avec une de ses anciennes Officières du Corps de Rouen, qui se charge de lui et le recommande chaleureusement au directeur d’une œuvre sociale. D’un autre côté, quelques autres personnes se disposèrent également à lui trouver une petite situation convenant à son âge et à ses facultés.

Pendant les pourparlers, l’enfant resta notre hôte, et il est aujourd’hui placé chez de braves chrétiens.


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Le 22 janvier, un enfant âgé de 8 ans vint nous demander de le recueillir avec sa mère parce que, nous dit-il, son père, ivrogne, les avait mis hors de leur domicile et refusait de les reprendre. Nous demandons à l’enfant pourquoi il vient chez nous plutôt que dans une autre hôtellerie. Le pauvre enfant nous répond alors avec un sourire confiant;«Je viens ici parce que l'on est bien chez vous, des camarades me l’ont dit!»


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Le 10 avril, entre onze heures du soir et minuit, un agent de police entrait à l’hôtellerie avec deux enfants d’une quinzaine d’années, qu’il avait trouvés boulevard Magenta, et dont les allures lui paraissaient suspectes. Comme ces enfants ne parlaient pas la langue française et que l’agent ne savait ce qu’ils étaient, il pensa que nous pourrions être utiles à ces enfants et les accompagna chez nous. Interpellés sur leur présence à Paris, ils répondirent qu’ils étaient d’origine anglaise, employés chez un propriétaire de chevaux de courses à Chantilly. Ne pouvant se faire au genre de travail qui leur était commandé, ils avaient pris la fuite le matin se dirigeant sur Paris, afin d’obtenir du consul d’Angleterre leur rapatriement à Londres. Ils avaient marché toute la journée sous une pluie torrentielle et n’avaient pris aucune nourriture. Ces pauvres enfants se jetèrent sur les aliments que nous leur offrîmes et les firent disparaître comme par enchantement. Ils dormirent d’un profond sommeil jusqu’au lendemain dans la matinée.

Un employé remplit le lendemain au consulat d’Angleterre les formalités exigées en pareil cas et, deux jours plus tard, ces deux fugitifs, réclamés par leur patron, furent, par nos soins, reconduits à Chantilly. Quelques semaines après, le contrat d’engagement, signé par leurs parents et leur patron, ayant été mis à néant du consentement des intéressés, les enfants furent encore hébergés chez nous quelques nuits avant leur retour au pays natal.

(À suivre)

En avant 1899 07 08



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