Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

EN AVANT

ET

CRI DE GUERRE

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PATRIOTISME


Rome était en guerre avec Carthage. La république carthaginoise, prospère et puissante, dont la renommée grandissait chaque jour, portait ombrage à l’intraitable fierté romaine. Telle fut la seule raison d’une guerre qui, connue sous le nom de guerre punique, dura plus de cent ans et se termina par la ruine de Carthage.

Vers l’an 256 avant Jésus-Christ, le consul Régulus, général romain, fut fait prisonnier par les Carthaginois. Ceux-ci promirent à ce général de le mettre en liberté, s’il voulait retourner à Rome en disant que les troupes carthaginoises étaient plus nombreuses et plus fortes que les armées romaines et que Rome avait tout avantage à faire la paix au plus tôt.

On le prévint en même temps qu’à son retour, s’il avait échoué dans sa mission, il serait précipité du haut d’une montagne et roulé dans un tonneau garni de pointes de fer. Regulus part, promettant de revenir.

Arrivé à Rome, il enflamme le courage de ses concitoyens, les supplie héroïquement de ne pas faire la paix, les assurant que Carthage était aux abois, qu’un dernier effort de leur part l’anéantirait.

Fidèle à sa parole, après avoir résisté aux embrassements de sa femme Marcia et de ses enfants, aux supplications de tous ses amis, Regulus retourne à Carthage où l’attendait l’horrible supplice! ... Le dévouement sublime du général romain est bien fait pour frapper d’admiration les générations présentes et à venir.

Nous nous inclinons devant la grandeur d’âme de ce héros. Mais qu’il nous soit permis cependant de dire qu’il est dommage qu’un tel exemple d’abnégation et de fidélité ne nous soit pas donné à propos d’une chose plus juste et plus humaine que l’ambition effrénée et la fièvre de conquête qui possédaient l’empire romain d’alors.

Oui, c’est dommage que nous soyons obligés d’enregistrer un si beau renoncement dans les annales de la «FORCE» au lieu d’avoir à l’inscrire dans le livre d’or du «DROIT»; et nous avouons que cela enlève, à cet acte, beaucoup de valeur à nos yeux.

C’est dommage que le sublime sacrifice de ce général, par amour pour sa patrie, ne soit point une victoire de l’idéal moral sur la brutale injustice, de l’esprit sur la matière, de la vérité sur le mensonge et l’iniquité.

Et ne sommes-nous pas, ici, tout naturellement amenés à nous demander ce qu’est le véritable patriotisme?


Nous n’avons aucun doute que Régulus n’ait été considéré, après sa mort, comme le plus grand patriote du temps et qu’il n’ait enthousiasmé des milliers et des milliers de ses concitoyens. Si l’imprimerie avait été inventée à cette époque, nous aurions sûrement la biographie de Régulas et le récit documenté de ses exploits, avec son portrait...

Cependant, nous prétendons encore que le pur patriotisme, que l’idéal du patriotisme n’est point défini à notre esprit par l'acte du général romain. Voici pourquoi:

C’est parce que nous appelons «Patriotisme» cette ardeur généreuse à vouloir à tout prix que notre propre patrie soit la plus pure, la plus sainte; qu’elle soit le foyer le plus puissant de lumière et de vérité dans le monde; CETTE PASSION DE VOULOIR ENFIN QUE DIEU Y AIT SON TRÔNE D’AMOUR ET DE JUSTICE DANS TOUS LES COEURS.


Nous n’appelons pas le vrai «patriote» celui qui méprise et qui hait tous ceux qui ne parlent pas la même langue que lui, ou qui vivent sous un autre coin du ciel, sous un autre gouvernement, ou qui sont d’une autre religion...

Nous n’appelons pas le vrai «patriote» celui qui ne rêve que d’exterminer les ennemis du dehors; non, ce n’est point encore le vrai patriote celui qui s’attribue le monopole du patriotisme pour avoir crié plus fort que tous: «Vive mon pays, à bas les autres!»


Qui est donc le vrai patriote?

C’est celui qui a déclaré une guerre impitoyable, non pas à l’homme, mais à ses mauvaises actions: à l'iniquité, au péché sous toutes ses formes.

Le vrai patriote c’est celui qui veut chasser de son sol natal ses terribles et véritables ennemis: l’immoralité, l’impiété, le vice...; c’est celui qui, voyant chez tout homme un frère, présente à tous, au nom de l’Évangile rédempteur, la parole de la Vie éternelle.

Le vrai patriote enfin, celui que je salue et que j’aime, c’est celui qui veut donner et qui donne sa vie, son sang, ses forces, acceptant jusqu’à sa réputation compromise, son honneur souillé — s’il se peut — par les infâmes, acceptant tout en un mot, pour:

C’est la sainte revanche de la vérité sur le mensonge,

C’est la sainteté sur le péché,

C’est l’amour sur l’égoïsme.

Ce patriote, c’est celui-là qui t’aime, ô France, qui t’honore, auprès, et te fait honorer au loin, qui ne ment pas quand il prétend chercher tes intérêts, qui te tresse la seule couronne immortelle qui puisse parer dignement ton front.

Ô France, reconnais tes enfants; et qu’eux aussi se reconnaissent entre eux et qu’ils s’aiment!

Unis dans une même foi, dans une même charité, SOUS LE DRAPEAU DU GRAND CRUCIFIÉ, aimons notre France, jusqu’à en mourir, et qu’elle devienne la patrie, non plus du Christ-haine, mais du Christ-amour!

A. Antomarchi.

En avant 1899 07 15



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