Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

EN AVANT

ET

CRI DE GUERRE

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DANS LA «LIBRE HELVÉTIE»

(fin)


La scène change. Nous sommes transportés loin de la vieille cité et de ses antiques monuments. Nous nous trouvons sur la place d’un village propre et coquet. De tous côtés, nous apercevons au-dessus des maisons, de sombres forêts de sapins s’élevant jusque dans un ciel d’un bleu clair. À leurs pieds et descendant en pentes rapides jusqu’aux abords du village, notre œil se repose sur un gazon d’un vert éclatant et doux à la fois, moelleux comme un tapis de velours, ondoyant comme un flot de lumière colorée. Nos âmes s’élevèrent jusqu’au ciel par-dessus cette nature qui nous parle de paix et de perfection.

Oh! le privilège d’annoncer le salut dans un temple pareil! Déjà un cercle est formé, on attend les salutistes. Chaque dimanche ils viennent à travers les rues du populeux village jusque sur cette place reculée, parler de leur Sauveur. Une femme tient un enfant dans ses bras, je m’approche d’elle: «Vous aimez notre visite» lui demandai-je. «Oh! tellement! la salle est trop loin pour moi, je ne puis laisser mes enfants, répond-elle, mais quand vous venez, je suis heureuse toute la semaine.»

Je la supplie de se donner à Dieu, et d’avoir ainsi mieux qu'une réunion par semaine: une communion éternelle avec le Seigneur. — «Je veux le faire», me dit-elle.

Mais les gens sont venus nombreux. C’est l’Adjudant Decorvet qui préside. Sa puissance spirituelle se fait sentir à ce public si mélangé, si étrange.

Pendant qu’il parle, j’examine les visages, il y en a de vieux, de jeunes.

Les premiers portant les traces de la souffrance qu’y a imprimées une longue vie de luttes et de privations.

Les seconds sont légers au début, mais dès les premiers mots de l’Adjudant, un parfait sérieux s’établit.

Quelle attention! Quelle tranquillité! Une musique du village passe près de nous, bannières déployées, jouant ses airs les plus entraînants; mais dans notre cercle personne ne bouge ou même se détourne pour suivre la musique mondaine.

Pendant un moment la folie de la croix a retrouvé toute sa puissance, et comme autrefois Jésus sur les places publiques et au bord des lacs, annonçait sa religion d’amour, ses serviteurs dans ce carrefour de ce village, par la puissance de leur Maître, réussissent à embraser 2 à 300 personnes du désir de vivre pour Lui.

Il nous faut partir, mais les mains se tendent et nous ne pouvons nous éloigner qu’après plus d’un entretien personnel béni. Une partie de notre auditoire nous suit jusqu’à la salle, où l’adjudant et sa chère compagne président ensemble une réunion nombreuse et puissante. 


Trois jours sont passés. Mon frère et ma sœur sont retournés à leur travail. Je reste seule pour accomplir le mien, soutenue par les officières du poste.

Il est huit heures du soir, nous nous retrouvons sur la place d’un autre village, plus petit, celui-là, plus modeste. Nous ne pouvons apercevoir ni les montagnes ni les prés verts, mais qu’importe, la gloire du Seigneur remplit nos âmes.

Nous ne sommes que deux, la Capitaine et moi, quand nous commençons à chanter. Quelques têtes timides se hasardent aux fenêtres, quelques personnes s’avancent en se cachant, à l’autre extrémité de la place, personne ne vient près de nous; mais nous continuons notre cantique.

Quand il est fini, ils sont bien une centaine là-bas, très loin, voulant entendre, mais ne voulant pas se montrer. Nous nous approchons. — «Si vous ne voulez pas venir vers nous, nous viendrons vers vous», leur dis-je.

Un vieillard à l’expression cynique nous regarde en proférant un blasphème; un courant de légèreté commence à circuler parmi les jeunes gens rassemblés; un moment d’hésitation et la victoire est perdue.

Un cri désespéré de notre cœur vers Dieu, et nous nous lançons dans la mêlée attaquant l’ennemi de front.

Divine action du St-Esprit, quels miracles elle accomplit!

Est-ce bien le même auditoire?

Est-ce ce même vieillard qui, tout à l’heure, faisait saigner mon cœur par son cynisme et ses railleries, qui maintenant pleure et dont toute l’attitude exprime le respect?

Est-ce que ce sont bien les mêmes jeunes gens, pittoresquement hissés sur cette claire-voie qui, il n’y a qu’un instant, menaçaient de tout compromettre par leurs cris et leurs rires, et qui, maintenant, semblent travaillés par une puissance invisible?

Quels moments inoubliables et pourquoi nous faut-il partir?

Plusieurs personnes nous suivent et veulent nous laisser un souvenir de leur soirée, et ce qui est mieux encore, promettent de consacrer leur vie à Dieu.


«Allez dans les carrefours et sur les places publiques et pressez-les d'entrer...»


Heureuse la nation où Dieu a droit de cité dans les rues et sur les places, ses fils seront grands, et sa prospérité éclatera à tous les yeux. Puisse-t-il en être ainsi pour la patrie que nos cœurs aiment comme l’enfant aime sa mère!

Lucy Armand.

En avant 1899 08 19


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L’ORGUEIL


L’orgueil, tel est le vice suprême de notre époque et de NOTRE GÉNÉRATION.

C’est l’orgueil qui engendre l’entêtement et conduit l’homme aux pires excès comme aux pires déconvenues.

C’est l’orgueil qui est le père du mensonge, de l’obstination, de la sottise et, finalement, de l’inhumanité.

C’est lui, qui, aujourd’hui est l’immense et peut-être infranchissable obstacle opposé à la pacification des esprits.

Extrait du «Matin».

En avant 1899 08 19


 

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