Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

EN AVANT

ET

CRI DE GUERRE

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NOTRE OEUVRE SOCIALE A PARIS

(Fin)


Avec ce numéro se termine... ou se suspend pour un temps notre feuilleton sur l'Hôtellerie populaire. Tous les détails que s'est obligeamment attaché à nous donner M. Brunet sur nos hospitalisés, leurs impressions, leurs témoignages, prouvent surabondamment à nos lecteurs le double but social et spirituel poursuivi et atteint dans notre établissement. À l'expiration prochaine de sa première année d'existence, nous donnerons une récapitulation d'ensemble des résultats de l'année.

Red.


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Malmené par ses parents qui, au lieu de lui donner l’exemple du travail et de la sobriété, se livraient en sa présence à tous les écarts d’une vie irrégulière, Henri G..., âgé de 17 ans, sans profession, quitta sa commune natale dans le département d’Ille-et-Vilaine et s’achemina vers Paris où il arriva au mois de novembre, le cœur débordant d’espérance mais la bourse à sec.

Sans emploi, sans recommandations, il battit inutilement le pavé et passa par tous les établissements de l’œuvre de l’hospitalité de nuit. Un de nos amis nous l’envoya le 30 novembre.

Nous accueillîmes cet enfant dont la situation était navrante. Comme les ressources des départements de la Haute Bretagne nous sont connues, nous invitâmes Henri G..., à retourner à F.., sa ville natale, où certainement, en donnant des preuves d’énergie et de bonne volonté, il trouverait à gagner honorablement sa vie. Mais le jeune G... était prêt à la réponse: contre nos observations il accumula, avec une persistance digne d’une meilleure cause, les objections les plus piteuses.

Nous constatâmes également que cet enfant était affligé d’une conscience trop conciliante.

Nous perdîmes notre temps avec ce garçon qui avait rencontré dans ses courses vagabondes un personnage dont l’État prend parfois à sa charge la nourriture et le logement, et leur liaison nous força à congédier Henri G.

Cet enfant qui aurait pu mener comme tant d’autres une existence heureuse, a éprouvé des difficultés matérielles qu’il a voulu résoudre en puisant illicitement dans la poche d’autrui, et la justice a dû statuer et le mettre pour quelque temps dans l’impossibilité de nuire.

Encore une existence qui aurait pu être utile pour le royaume de Dieu et qui ne pourra profiter qu’à l’ennemi du genre humain, au démon.



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Ferdinand J.... âgé de 18 ans, se disant journalier, quoique n’exerçant aucune profession, est originaire du Béarn. Ses pérégrinations sans but, en France, en Algérie et en Belgique, pourraient faire l’objet d’un volume assez humoristique, mais ce n’est pas ici le lieu de s’y arrêter.

Il arriva le 17 septembre à l’hôtellerie et se fit inscrire avec la qualification de sommelier. Entre temps, il fut assidu à quelques réunions à la salle Auber, et un soir, il s’agenouilla au banc des pénitents.

On crut pendant quelque temps à un changement de vie, mais l’ivraie reparut et étouffa le bon grain.

Ferdinand G... subissait, du reste, à son insu, la pernicieuse influence d’un camarade.

Pendant plusieurs mois, ce fut un mouvement ascendant et descendant, basé uniquement sur les circonstances. De mauvaises lectures, la soif de tout savoir, le besoin de tout discuter sans posséder le moindre critérium amenèrent dans cette pauvre âme les ténèbres les plus opaques.

Le vieil homme reparut plus puissant et G nous quitta.

Depuis, ballotté par tous les vents, il n’a rien trouvé de mieux à faire que de contracter un engagement dans un régiment d’infanterie de marine, et ce, non pas dans le but de servir son pays, mais pour dépenser follement la prime allouée en pareille occurence. Doit-on croire encore pour le salut de cette âme si peu consciente, si peu reconnaissante envers Dieu?

Nous le pensons en dépit des apparences. Que la légèreté de ce pauvre jeune homme disparaisse devant les difficultés à venir et fasse place à la droiture, que le goût du travail s’implante dans ce cerveau, et nous affirmons que l’œuvre divine s’accomplira dans sa plénitude.


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Gaston R..., âgé de 16 ans, mécanicien, est né dans le département du Calvados, de parents de mœurs déplorables. Son père abandonna femme et enfants pour vivre dans des lieux illicites; la mère plaça ses deux enfants dans l’établissement des Enfants Assistés afin d’être plus libre de mener une vie criminelle.

Ému de pitié pour ses petits enfants, leur aïeul maternel vint du département de l’Yonne où il habite, les prendre à Paris et les emmena. Mais la conduite immorale du vieillard n’était pour ses petits enfants que la continuation du triste exemple dont ils avaient été les témoins et, un jour, ils furent forcés de quitter la maison, chassés par l’étrangère qui remplaçait l’aïeule décédée.

À partir de ce moment, l’existence des deux enfants ne fut qu’une longue suite de chutes. L’aîné abandonna tout travail et fréquenta les pires compagnies; le second, Gaston R..., se livra à quelque travail chez un ami de son père. Toutefois, pour des motifs que nous ignorons, cet enfant cessa bientôt tout travail, vivant on ne sait comment.

Nous l’avions invité, à maintes reprises, à ne pas se laisser dominer par la paresse, à aller au Dieu des orphelins et à fuir tout contact avec les pervers. Mais l’état cérébral de cet enfant laissait à désirer et nos observations furent souvent mal accueillies.

Comme nous désirions amener à Dieu cet enfant, nous ne nous laissâmes pas rebuter par les difficultés toujours grandissantes. Sur ces entrefaites, Gaston R... se lia avec des individus d’agissements équivoques et nous quitta au mois de mars. Quelque temps après, il revint un jour nous annoncer son départ pour Lyon, où il avait trouvé, nous dit-il, un emploi dans un atelier. Il nous promit de fréquenter les réunions de l’Armée du Salut, mais nous ne savons s’il a tenu sa promesse.

En avant 1899 08 19


 

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