Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

EN AVANT

ET

CRI DE GUERRE

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DÉCLARATION, FIDÉLITÉ, INDÉPENDANCE

LETTRE DE LA CASERNE


Cher En Avant: Serais-tu assez aimable pour me donner l’hospitalité dans tes colonnes? Ce sera pour moi un vrai bonheur, si tu m’accordes cette faveur.

Voilà deux ans et demi que j’ai quitté ton beau pays pour payer ma dette à la patrie terrestre, et j’ai pensé que mes chers camarades seraient heureux d’avoir de mes nouvelles. J’aurais bien aimé leur écrire particulièrement, mais, pense qu’il me faut trois jours pour gagner ce petit morceau de papier que l’on colle sur l’enveloppe qui doit porter les nouvelles et que l’on nomme «timbre»; j’ai donc jugé qu’il était plus sage de t’en charger, comptant sur ton obligeance.

Peut-être que l’on ne pense plus à moi, ou que l’on se demande ce que je suis devenu; pas étonnant, depuis le temps! Mais tout va bien, gloire à Dieu, et quoique passablement éloigné de mes camarades je ne les oublie pas devant Notre Père, et je te promets que c’est avec beaucoup d’attention que je suis les progrès que fait la guerre du salut.

Te dire que je m’y intéresse à la guerre du salut est inutile, et en lisant tes articles mon cœur soupire souvent après le moment où je pourrai, moi aussi, reprendre ma place dans la bataille; mais patience, encore une centaine de jours et je pourrai m’offrir au Seigneur comme tout à nouveau, sans entraves et me dépenser librement à son service.

Cependant je réalise qu’il est partout et qu’on peut Le servir dans n’importe quelle condition, comme tu vas le voir par quelques mots que je vais te dire sur ma vie à la caserne.

Quelle vie! Cependant, je ne peux que rendre gloire à Dieu pour sa Toute-Puissance manifestée à mon égard. IL ME GARDE DU PÉCHÉ MÊME DANS CE MILIEU où il semble être à l’ordre du jour, où tout est fait pour l’encourager; oui, j’ai fait l’expérience, particulièrement au régiment, que:


JÉSUS EST UN PUISSANT SAUVEUR.



D’ailleurs, quoi d’étonnant?

Ses promesses ne sont-elles pas là?

S’il a dit: «Je vous envoie comme des brebis au milieu des loups» (c'est à peu près mon cas), ne dit-Il pas:

«Je suis le bon berger, le bon berger donne sa vie pour ses brebis.»


Qui donc nous ravira de ses mains? SI nous sommes les brebis du Seigneur, le lion rugissant peut rôder, cherchant à nous dévorer, il ne nous trouvera pas, car nous pourrons chanter:

Le démon veut m’assiéger,

Mais il ne peut me trouver,

Je suis caché en Toi.

Je voudrais que les camarades se trouvant dans des conditions analogues aux miennes, soit à l’atelier, soit ailleurs, enfin au milieu de gens opposés ou corrompus, réfléchissent à ces promesses, qu’ils s’y attendent, et ils verront que CELUI QUI LES A FAITES EST FIDÈLE ET JUSTE POUR LES ACCOMPLIR, même dans un milieu pire que la caserne, si possible.

Mais je crois que si nous devons nous attendre à Dieu, il y a des conditions à remplir, et j’en citerai trois qui me semblent essentielles pour garder la victoire.


La déclaration, — la fidélité, — l’indépendance.


Je voudrais, si ce n’est pas trop long, citer quelques laits de mon expérience à propos de ces trois choses.


D’abord, la déclaration.

Quelle magnifique occasion l’Armée nous donne, par l’uniforme, de déclarer ce que nous sommes; ah! chers camarades, ne manquez jamais de vous déclarer, et non seulement par l’extérieur, mais aussi que votre vie prouve que VOUS ÊTES UN PEUPLE À PART, que vous n’êtes pas du monde.

Étant arrivé en uniforme, on savait très bien ce que j’étais, mais je n’ai jamais manqué une occasion de le montrer aussi par ma conduite, soit en priant au pied de mon lit, soit dans les conversations qui parfois sont des plus intéressantes; il m’est arrivé d’avoir de vraies réunions qui duraient plus d’une heure; quelquefois, c’est bien tard après l’extinction des feux que je suis interpellé d’un bout de la chambre à l’autre, témoignant de mon Sauveur qui délivre du péché et qui donne vie nouvelle; c’est le pain jeté à la surface des eaux.

J’ai aussi eu des conversations très sérieuses avec mes officiers, notamment avec mon capitaine, qui même, depuis, s’est acheté une Bible.

Que Ta Parole de Dieu soit pour lui lumière et vie! En tous cas, mon courage dans mes conversations m’a valu son estime.

Je fais aussi des distributions de portions d’Évangile, dans les chambres, ça me permet encore de parler de mon Dieu, c’est là un vaste champ de travail, il y a à ma caserne environ seize cents soldats.


Ensuite vient la fidélité.

La fidélité à Dieu et à nos principes qui sont de Lui.Oh! bénissons Dieu pour nos principes qui nous donnent souvent lieu à parler.

Combien déjà m’ont dit: «Je voudrais bien être comme toi, ne pas avoir de mauvaises passions, me passer de fumer, de boire, etc...» Et moi de leur indiquer JÉSUS QUI DÉLIVRE DE TOUTE MAUVAISE PASSION en changeant le cœur de l’individu. (J’ai la joie de dire que quelques-uns même ont cessé de fumer, mais ça ne suffit pas.)

Ce n’est pas qu’on n’ait pas essayé de me persuader que je pourrais faire autant de bien en fumant et en buvant un peu et qu’on ne m’ait pas engagé à le faire, mais, devant ma résistance, on a cessé toute tentative.

Cependant.il ne faut pas croire que l’on me fasse des farces ou que l’on se moque de moi, au contraire, maintenant qu’on a reconnu que j’étais sincère, on me témoigne du respect et on évite de me faire de la peine. Il est même arrivé souvent qu’étant en mauvaises conversations, ils m’avertissaient de ne pas m’approcher d’eux si je ne voulais pas entendre de mauvaises choses.

Encore un fait. Un jour on voulait m’exempter d’un exercice, mais, comme c’était illégal, au cas où des supérieurs me demanderaient pourquoi je n’étais pas à cet exercice, on me pria de dire que j’étais malade, ce qui était faux.

Naturellement, je refusai, préférant aller à l’exercice que mentir; on chercha bien à me démontrer que ce mensonge ne portait préjudice à personne, au contraire, on alla jusqu’à en prendre la responsabilité devant Dieu, mais je refusais quand même et, devant ma fermeté, on me laissa libre de faire comme je voudrais.

Je ne suis pas allé à l’exercice et personne ne m’interrogea, ce qui fait que tout s’est bien passé.

C’est maintenant un fait bien établi que je ne dis jamais de mensonge, et si quelqu’un vient à douter de ma parole, d’autres savent répondre: «Oh! vous pouvez croire B..., jamais il ne ment.»


Enfin, pour finir, je crois que l'indépendance est aussi essentielle que les deux autres choses.

Bien entendu, je ne veux pas parler de cette indépendance qui tient de l’anarchie, qui ne respecte rien; mais de l’indépendance que l’on doit prendre vis-à-vis des parents, des amis, en tant que cette indépendance ne nous fait pas négliger nos devoirs.

Souvent, dans un milieu où nous ne rencontrons pas de chrétiens, nous serions tentés de nous attacher à des personnes assez morales, mais non chrétiennes et qui cependant ont des paroles ou des manières que nous sommes obligés de reprendre pour être fidèles.

N’hésitons pas à le faire, quand même cette chose nous séparerait de notre ami, ne cédons rien, ne faisons rien, ou NE DISONS RIEN DE CONTRAIRE À LA VOLONTÉ DE DIEU, pour faire plaisir à cet ami, car si nous tolérons des choses mauvaises, nous semblons les approuver, nous perdons notre force et nous ne tardons pas à décliner.

J’ai appris la perte de quelques jeunes gens qui étaient chrétiens avant de venir à la caserne, cette perte vient de ce que je viens de dire. Comme fait, j’ai un cousin qui fait son service avec moi et qui est dans la même section que moi. Nous avions projeté de sortir ensemble, mais ça n’allait pas, J’AVAIS SOIF D’ENTENDRE PARLER DE DIEU; lui qui n’est pas sauvé aurait voulu aller où son cœur le poussait, vers le bal et le cabaret; il fallait que nous nous séparions ou que l’un cède à l’autre; je n’ai pas voulu céder; à mon grand regret, lui non plus, nous nous sommes donc séparés.

J’ai préféré vivre seul que d’avoir une relation qui aurait été une occasion de chute pour moi. Mais le Seigneur est bon, et si j’ai perdu de ce côté, j’ai gagné de l’autre et j’ai fait la connaissance de braves amis chrétiens qui me reçoivent fraternellement et chez lesquels je vais passer tout mon temps disponible, faisant des visites; mon capitaine m’accorde des permissions tous les jours et une qui me laisse ma journée du dimanche tout à fait libre jusqu’à minuit, c’est lui qui me les a offertes, sachant, a-t-il dit, ce que je faisais.

Vous voyez la bonté du Seigneur ressortir au milieu de toutes ces choses, aussi je veux lui être plus fidèle et plus consacré, non seulement pour recevoir toutes ces grâces, mais pour lui amener plus d’âmes et être une manifestation vivante de sa Puissance. Bon courage aussi à tous, c’est dans ce but que je vous écris cette lettre, priez pour moi.

Un combattant résolu.

B.

En avant 1899 09 09



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