EN AVANT

ET

CRI DE GUERRE

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TIENS BON!

Il n’est rien de plus attristant et de plus décourageant qu'un rétrograde qui, après avoir affirmé hautement et maintes fois le bonheur ineffable qu'il y avait de posséder le salut, les bienfaits qu’on en retire déjà ici-bas et la joyeuse perspective d'une vie éternelle, a tourné le dos à ces trésors infinis pour suivre à nouveau le monde, il n'est par contre rien de plus réconfortant qu’un soldat qui, isolé, en butte peut-être à toutes espèces de tracasseries, de railleries, de mépris, d'opposition, tient bon.

Il est semblable à ce vieux pilote qui tînt le gouvernail de son bateau en proie aux flammes, malgré les craquements terribles qui se succédaient, malgré la fumée qui le suffoquait; il resta à son poste, il tint bon et ainsi les voyageurs, l'équipage et lui-même furent sauvés.

Si l'affreux sinistre, tout récent encore, de la «Bourgogne», est de nature à jeter quelque discrédit sur la navigation, le courage, l'acte de dévouement et de sacrifice de ce pilote, resté à son poste, est bien fait pour regagner immédiatement la confiance ébranlée.

(La Bourgogne  est un paquebot de la Compagnie générale transatlantique, mis en service en 1886. En 1898, son naufrage fait plus de 500 morts. https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Bourgogne)

Qui dira jamais les conséquences néfastes de la lâcheté, et les effets multiples du courage?

Ah! si pour une fois il nous était permis de changer notre rôle habituel de «plaideur» contre celui de «procureur général» représentant de la conscience publique, comme il nous serait facile, sans exagération aucune, de charger des plus graves responsabilités et sans circonstances atténuantes nos accusés: LES RÉTROGRADES.

Quel triste rôle ils jouent et QUELLE MALFAISANTE INFLUENCE QUE LA LEUR!

II faudrait les signaler comme un grand ennemi, un obstacle d'une gravité extrême, une des principales causes de notre trop peu de succès.

Ils jettent journellement le démenti le plus formel à nos paroles, à nos témoignages. Grâce à eux, les actions les plus louables, les plus désintéressées, où le sacrifice et le dévouement arrivent à leur apogée, doivent passer pour hypocrisie, spéculation, et perdent ainsi toute leur efficacité. Ils sont passés maîtres dans l'art de faire des indifférents et des incrédules.

Pour le dire en un mot: CE SONT EUX LE GRAND SCANDALE.

Je ne connais qu'une chose qui puisse, dans une certaine mesure, réparer ce grand tort fait au monde, raffermir la foi ébranlée de quelques-uns, c'est ce spectacle merveilleux, réconfortant entre tous d’un simple, d'un petit, d’un humble si vous voulez, d'un agneau au milieu des loups, mais qui peut rester agneau; qui tient bon.

Contrairement aux lois physiques qui veulent qu’un petit mal grandisse, se propage, envahisse le corps entier et finalement triomphe de la puissance de la vie, ce sera ce petit bien qui, lui, attaquera ces grandes et mauvaises puissances qui l'environnent, qui saura les anéantir, ou qui mieux est, saura convertir les loups eux-mêmes en agneaux.

Ce témoignage muet est d'une telle éloquence, il a une telle puissance de persuasion qu'il sera dès lors absolument impossible à l'aveugle même de ne pas voir, au sourd de ne pas entendre, à l'athée de n'être pas confondu, à l'ennemi de ne pas désarmer.

Voilà la grande prédication, celle qui sauvera le monde, celle qui est au-dessus de toute discussion, de toute théorie, celle qui fait pâlir les raisonnements les plus philosophiques, et s'impose à tous.

Encore un mot, mot qui pourrait paraître étrange aux uns, mais qui n'en est pas moins une très grande vérité, l'indispensable condition:

pour pouvoir tenir bon

il faut être soi-même tenu par Dieu.

W, G. G.

En avant 1899 02 04