Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

EN AVANT

ET

CRI DE GUERRE

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L’HÔTELLERIE POPULAIRE

Du 1er Septembre 1898 au 1er Septembre 1899

(Suite)


II


L’Armée du Salut a donc la conviction d'avoir créé une oeuvre utile sous tous les rapports. Les chiffres que nous avons produits le constatent. La bonne tenue de l’hôtellerie cause une certaine surprise aux visiteurs qui ont peine à admettre ce fait étrange que des gens n’ayant entre eux aucune affinité de race, d’éducation ou de profession, en arrivent, au bout de quelques jours de présence à l’hôtellerie, à se rendre mutuellement service et quelquefois à se porter garants les uns des autres.

Au lieu de trouver en nous des logeurs ordinaires cherchant par-dessus toutes choses leur propre intérêt, ils constatent que nous provoquons fréquemment les confidences de nos hôtes uniquement pour leur être utiles. Nous leur faisons comprendre que le but de l’hôtellerie populaire est complexe: L’ŒUVRE DIVINE ET L’ŒUVRE MATÉRIELLE.

En effet, procurer à prix réduit et dans de bonnes conditions de propreté et d’hygiène un lit à ceux qui n’ont pas de domicile est une excellente œuvre philanthropique.

Si l’on envisageait l’œuvre de l’Armée du Salut sous cet unique point de vue, elle aurait déjà rendu service à beaucoup de gens. Mais l’Armée du Salut vise à un but encore plus élevé: LE RELÈVEMENT MORAL ET MATÉRIEL DE CEUX, MÊME LES PLUS DÉVOYÉS, qui viennent à son contact.


Tout d’abord, elle supprime l’injure de l'aumône gratuite à ses locataires et les amène ainsi à se relever à leurs propres yeux.


Nos locataires ne reçoivent pas un lit gratuitement, ils le paient.

Ils sont donc des hommes et non pas des nécessiteux.

C’est pour cela que le lit est payé et non donné.


L’Armée du Salut sait, en effet, qu’à Paris tout homme qui veut faire un effort journalier peut arriver à grouper la somme nécessaire pour la nourriture et l’abri.

Elle croit plus encore, et de nombreux exemples peuvent être produits elle sait que beaucoup de gens sont dans la misère parce que l’économie journalière d’une petite somme leur semble inutile pour ne pas dire impossible, et dès lors elle veut enrayer cette croyance alimentée par de mauvaises habitudes et amener tout homme à comprendre ses véritables intérêts.


Tout d'abord elle combat l’émigration irréfléchie; elle sait que tout homme représente un capital productif dont le placement et le rapport ne peuvent se produire que dans un lieu déterminé. C’est pourquoi elle engage tout étranger qui n’a rien à espérer de Paris à regagner son département d’origine où il trouvera dans ce milieu connu une occupation quelconque s’il veut travailler.

On n’a jamais dit ni imprimé qu’un ouvrier laborieux soit mort de faim: il peut ou pourra éprouver des moments de chômage contre lesquels la prévoyance la plus vulgaire le mettra en garde.

On pourrait citer de nombreux cas d’individus libérés qui ont pu à l’aide d’efforts énergiques et dans leur propre localité, se refaire une situation parfois enviable. Que ne peut donc, à plus forte raison, l’homme sans antécédents judiciaires s’il est doté de l’énergie nécessaire pour la lutte, s’il a la pratique de l’économie et s’il a, notamment, CETTE FOI DIVINE QUI PEUT TRANSPORTER LES MONTAGNES?

Pour faire pénétrer dans les consciences les vérités fondamentales sur lesquelles doit reposer une société qui veut vivre grande et prospère, l’Armée du Salut a organisé à l’hôtellerie populaire, en dehors des conversations particulières, des réunions et conférences dans lesquelles elle a affirmé et démontré la cause efficiente de la misère: LE PÉCHÉ, ET LA NÉCESSITÉ DE BRISER AVEC LES MAUVAISES HABITUDES.


«Cherchez premièrement le royaume de Dieu et sa justice,

et tout le reste vous sera donné par surcroît.»


Ces réunions, très suivies et qui se multiplieront de plus en plus, ont donné quelques résultats.

De nombreux entretiens nous ont démontré qu’au fond du cœur de tout homme, même le plus bas tombé, quelque chose de divin existe et vient à la surface.

Les uns croient en la divinité de Jésus-Christ, mais leur croyance manque de racines et la guérison ne se produit pas.

D’autres disent qu’ils doutent, mais leurs accents manquent de sincérité;

les orgueilleux ne peuvent admettre un christianisme qu’ils estiment trop simple;

les désespérés jettent leurs désillusions sur le compte de la fatalité,

les impies argumentent sans constater que leurs arguments se retournent contre eux-mêmes.

Mais à tous ces systèmes sans bonne influence sur la transformation de l’âme, nous opposons:


Jésus crucifié qui guérit et efface les péchés

lorsque le pécheur veut consentir à être délivré.


Combien parmi nos hôtes nous ont ouvert leur pauvre cœur flétri, meurtri, combien de gens sont venus ici absolument désespérés ne sachant plus de quel côté se diriger! Dieu était avec nous, aussi avons-nous pu mettre quelque baume sur leurs blessures.

Il est de consolations qui sont des reproches et qui humilient l'homme malheureux au lieu de le calmer, banalité de sagesse vulgaire qui établissent seulement la supériorité facile de l'homme heureux sur le coeur affligé.

L'Armée du Salut ignore cette sorte de consolation; elle va droit au but; elle s'identifie à la douleur de ses amis et l’adoucit par des paroles d’amour et d’espérance en Dieu. C’est l’aumône la plus délicate à faire et la plus douce à recevoir.

Elle remet debout celui qui chancelait, en lui disant: «Lève-toi et marche»! Aussi quelques-uns de nos hôtes ont remonté le courant, illuminés par la parole divine que nous leur avons montrée.

Combien de gens sortis des asiles de nuit gratuits venus à l’Hôtellerie populaire occuper d’abord un lit à 20 centimes, puis un autre à 10 centimes (en 1899), ont pu réaliser certaines économies et nous quitter après quelques semaines, après quelques mois, pour louer une petite chambre et posséder des meubles!

Combien d’autres encore qui se laissaient aller à la dérive, sans courage, sans confiance en eux-mêmes, sans espérance en l’avenir, ont été réconfortés, ranimés par notre exemple, notre témoignage, et ont remonté le courant!

Nous en avons revu plusieurs qui bénissent Dieu de leur avoir fait connaître l’Armée du Salut.

(La fin au prochain numéro).

En avant 1899 09 23



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