Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

EN AVANT

ET

CRI DE GUERRE

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LA MADELEINE

À PARIS


Quand je passe à côté de l’Église de La Madeleine, à Paris, je songe toujours à la femme perdue, dont nous parle l’Évangile.

L’autre soir encore, revenant de Montparnasse, sur l'impériale d’un omnibus, en voyant cette imposante église, dressant sa grande silhouette à travers une demi-obscurité, je pensais à elle, et j’étais comme saisi d’une sainte admiration pour la mémoire de cette pécheresse convertie.

Il me semblait, en effet, voir cette jeune Madeleine quitter sa famille pour aller dans la grande métropole Juive, à Jérusalem, où elle pensait trouver la réalisation de ses rêves de bonheur.... Oh! qu’elle était pure et belle, le jour où elle dit «Adieu» aux siens! Mais, hélas! elle dut bientôt faire la triste expérience que le monde est trompeur, qu’une loi fatale contraint celui qui glisse sur une pente à rouler toujours plus bas et toujours plus vite.

Oui, il me semblait voir cette jeune fille se laisser prendre et entraîner dans le tourbillon néfaste des plaisirs. Sa rare beauté, ses grâces, les charmes de son esprit la rendirent bien vite célèbre, mais plus célèbre encore par ses désordres et ses égarements.

Folle de sa beauté, elle s'idolâtrait elle-même; légère, elle avait oublié la modestie et la retenue, qui sont les plus beaux ornements de son sexe; enfin, ses scandales étaient devenus publics.


Séduite par l’attrait des plaisirs et les vaines louanges qu’on prodiguait à ses charmes, elle oublia la loi du Dieu de ses pères, le salut de son âme, ses destinées éternelles. Et pourtant son cœur était encore sensible, son âme, grande, généreuse, susceptible de dévouement et de reconnaissance.

Je crois la voir, comme dans une vision, parmi les nombreux auditeurs de Jésus, qui écoutaient avec attendrissement la parabole de la brebis égarée et celle de l'enfant prodigue. Son esprit vif et pénétrant eut bien vite saisi le sens de ces deux paraboles.


Elle se reconnut au portrait que faisait le Sauveur de la brebis égarée et fuyant le bercail du bon pasteur, qui la poursuivait avec amour et persévérance, elle reconnut aussi le tableau de ses égarements dans ceux du prodigue. Et SON CŒUR SE FONDIT À LA VUE DE L’INDULGENCE ET DE LA BONTÉ DU PÈRE qui oubliait tous les torts de ce fils ingrat au premier signe de son repentir.

À peine cette malheureuse fille eut-elle vu et entendu le Sauveur, que, subjuguée par son éloquence divine, par l'onction qui coulait comme un fleuve de ses lèvres bénies, elle abjura pour jamais ses erreurs, et elle ne pensa plus qu’à aller SOLLICITER AUX PIEDS DE JÉSUS LE PARDON DE SES FAUTES ET DE SES ÉGAREMENTS.


Elle résolut d’aller trouver Jésus.

Pour la première fois, elle négligea les faux embellissements de sa beauté et, sans se soucier des sarcasmes et des railleries que sa démarche allait lui attirer, elle se dirigea courageusement vers la demeure de Simon, le Pharisien, où Jésus était retenu à dîner.

Ah! oui, quand une pauvre âme pécheresse veut se convertir, elle rencontre de nouveaux obstacles sur son chemin. Mais Marie-Madeleine avait en elle un si grand désir de changer de vie qu’elle triompha victorieusement de tous ces obstacles.

Jésus était à table au milieu de nombreux convives; sans se soucier du murmure que souleva son entrée dans la salle du festin, elle alla se prosterner aux pieds du Sauveur sur lesquels elle répandit d’abondantes larmes et des parfums de grand prix, qui, naguère, servaient à sa toilette. Puis, elle essuya ses larmes avec ses longs cheveux, dont elle était précédemment si fière. Mais, non seulement elle sanctifia ses yeux, ses cheveux et ses lèvres sur les pieds sacrés du Sauveur, elle fit mieux:


ELLE DONNA TOUT SON CŒUR À JÉSUS ET POUR TOUJOURS.


Oh! qu’elle fut heureuse, cette Madeleine, en entendant la voix du Maître lui dire:

Ta foi t’a sauvée, va en paix!

Son cœur le bénit et se livra tout entier aux transports de la plus vive et de la plus profonde reconnaissance. Un repentir comme celui de Madeleine, qui a sa source dans un amour vif et ardent, efface à l’instant les fautes dont l’âme est souillée.

À partir de ce moment-là, Madeleine devint une nouvelle créature; les choses vieilles furent passées, oubliées, toutes choses devinrent nouvelles.

Hier, malheureuse victime de passions coupables...

aujourd’hui, sauvée, purifiée et disciple de Jésus.

«Oh! oui, Madeleine, à partir de ce moment solennel de ta conversion, tu suivis fidèlement Jésus Christ ton Sauveur; tu le suivis jusqu’au Calvaire, jusqu’à l’heure suprême de sa mort. N’étais-tu pas au pied de la croix, pleurant avec la Sainte Mère?... Que ta mémoire reste à jamais bénie!


* * *


Eh bien! oui, cette heureuse tragédie se déroula dans mon esprit, l’autre soir, en regardant cette belle et grande Église, Et, dans le fond de mon cœur, je priai pour ces pauvres prostituées, que je voyais se glisser le long des maisons, comme des ombres, non loin de La Madeleine.

P. CHATELAIN.

En avant 1899 10 07



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