Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

EN AVANT

ET

CRI DE GUERRE

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«ELLE LAISSA TOUT»


Par la Commissaire


«J’irai où tu iras, je demeurerai où tu demeureras, ton peuple sera mon peuple, ton Dieu sera mon Dieu». (Ruth, I-16).

Il me semble les voir, ces trois femmes dont les cœurs ont été unis par les liens les plus forts, par ces liens qui n'existent que là où la douleur les a formés! Toutes trois ont souffert, et elles ont souffert ensemble. Chacun de ces coeurs a éprouvé la souffrance la plus amère qui puisse étreindre un cœur humain, car elles étaient veuves.

En disant cela nous disons tout. Nous n’avons ni assez de temps, ni assez d’espace pour parler des larmes, des luttes, de l’angoisse de ces trois cœurs. Il suffit de dire qu’elles avaient souffert, et souffert ensemble, et que maintenant le moment de la séparation était venu, Naomi sentait qu’elle devait quitter le pays. Tout était arrangé pour cela.

Elle faisait ses derniers adieux et serrait ses belles-filles dans une dernière étreinte. Le dernier tendre lien les rattachant au passé allait être rompu, puis, tout serait fini! Pauvre Naomi! son cœur était brisé, et c’est bien volontiers qu’elle aurait dit à ses belles-filles de venir avec elle. Mais non, pourquoi les lier à sa souffrance? Aussi leur dit-elle de «retourner chacune à la maison de sa mère.» Puis elle les embrassa, et elles pleurèrent.

Ses filles ne voulaient pas la laisser partir seule, mais elle insista; elle ne pouvait les emmener, elle n’avait plus rien à leur offrir.

Elles étaient jeunes et pourraient retrouver joie et bonheur sur la terre; mais elle, Naomi, était âgée, et tout espoir de cette joie lui était interdit. «Allez, allez» insista-t-elle.

Alors Orpa obéit à ces paroles en pleurant, mais Ruth s’attacha à Naomi.

Étreignant de ses bras la forme affaiblie de la mère de son mari, elle s’écria:

«Ne me presse pas de te laisser, de retourner loin de toi! où tu iras, j’irai, où tu demeureras, je demeurerai; ton peuple sera mon peuple et ton Dieu sera mon Dieu

Naomi la voyant décidée à aller avec elle cessa ses instances. Et ainsi Ruth abandonna tout.


Je pense que ce ne fut pas sans un serrement de cœur qu’elle vit s’éloigner sa belle-sœur, et je pense aussi qu’elle ne dit pas un dernier adieu à son pays natal, à sa mère, à son père, à tous ses parents, au moment de partir pour un pays étranger, sans ressentir la grandeur du sacrifice; mais cependant tout cela ne l’empêcha pas de l'accomplir, et ainsi «elles firent ensemble le voyage jusqu’à Bethléem.»

Une fois arrivée, Ruth ne resta pas inactive; elle alla dans les champs pour glaner. Comme elle était loin de s’attendre à la moisson qu’elle allait récolter!

Il me semble le voir, ce parent du mari de Naomi. C’était un homme puissant. La fortune lui avait souri, comme à plusieurs de nos jours.

Je le vois, regardant la gracieuse forme de Ruth, tandis que modestement, timidement et en silence, elle glanait des épis. Elle n’alla pas vers lui pour lui raconter tout ce qu’elle avait abandonné pour l'amour de sa belle-mère et tout ce qu’elle avait souffert dans le passé. Non! mais il l’apprit et il le lui fit voir en disant:

«On m’a rapporté tout ce que tu as fait pour ta belle-mère depuis la mort de ton mari, et comment tu as quitté ton père et ta mère et le pays de ta naissance, pour aller vers un peuple que tu ne connaissais point.

Que l’Éternel te rende ce que tu as fait, et que ta récompense soit entière, de la part de l’Éternel, le Dieu d’Israël, sous les ailes duquel tu es venue te réfugier.»


Et ainsi Ruth eut sa récompense: un nouvel amour, une nouvelle joie, une puissante protection. Elle n’avait pas recherché Booz, et, sans doute, elle fut fort surprise quand elle le rencontra sur sa route.

La joie illumina à nouveau sa figure et une nouvelle vie commença pour elle. Puis le bonheur de l’épouse fut couronné par le bonheur de la mère, car elle eut un fils.

Chère Naomi, avec quelle joie elle devait jouer avec ce précieux petit être! Les blessures de son pauvre cœur furent bandées par cet enfant qui avait été donné à sa fille et qui valait mieux pour elle que sept fils.


TOUTE CETTE JOIE DÉCOULAIT DE LA SOURCE DU RENONCEMENT.


Maintenant, mes camarades, il me semble que ce récit renferme une leçon pour nous et qu’il contient un enseignement que nous pouvons appliquer à nos propres cœurs et qui nous aidera pendant cette Semaine de renoncement.

Je veux tâcher, en quelques mots, de l’appliquer à mon propre cœur, quoique je craigne de n’avoir pas ici la place pour dire tout ce que j’aimerais.


PREMIÈREMENT, nous voyons que Ruth abandonna tout: pays, père, mère, tout! Quel était le mobile de ce sacrifice? C’était l’amour.

De l’amour humain, direz-vous!

Eh bien! quand l'amour humain nous fait oublier de vivre pour nous-mêmes et nous fait vivre pour les autres, je ne puis que l’appeler admirable; mais je veux, dans mon application, mettre devant vos yeux une autre image et remplacer la figure de Naomi par celle de Jésus, et cet amour humain par l’amour divin. Voyez le monde avec toute sa souffrance, sa misère, son aveuglement, son péché!

Il réclame un sacrifice complet et nous sommes la source d’où doit jaillir ce sacrifice.

Nous disons que nous aimons l’humanité;nous professons d’être de fidèles disciples de notre Seigneur et Maître; eh bien! nous voici à un nouveau tournant de la route.

Nous pouvons tout à nouveau, comme Ruth, choisir des pays étrangers et nous charger de la croix nouvelle; nous pouvons renoncer à ce qui nous est précieux et faire ce qui nous coûte, ou bien retourner en arrière, en ne songeant qu’à nous-mêmes, à notre «Home», à nos bien-aimés, à notre argent!

Le choix est entre nos mains; quel sera-t-il?

Pour moi, je veux, comme Ruth, me lever et me détourner du moi et, entourant tout à nouveau de mes bras la forme agonisante de mon Sauveur crucifié, je veux m’écrier:

«Sauveur, je ne t’abandonnerai pas; ton peuple sera mon peuple, ton Dieu sera mon Dieu!»


SECONDEMENT. En étant arrivés là, nous ne voulons pas demeurer inactifs sur le chemin du renoncement; c’est-à-dire, nous ne devons pas seulement parler, mais, comme Ruth, nous devons aller dans les champs!

Nous devons aller dans le monde;

Nous devons faire chacun notre part pour ramasser des gerbes et les porter à notre Maître.

Nous devons être courageux;

Nous ne devons pas craindre les riches, les orgueilleux, les pécheurs!

Nous devons agir, et le monde, comme Booz, nous regardera, et, nous voyant, croira.


TROISIÈMEMENT. Et maintenant j’en viens à ma dernière application. Nous devons persévérer.

Si nous faisons un sacrifice entier, complet, si nous aimons comme II nous a aimés, si nous sommes fidèles jusqu’à la fin, alors la récompense est assurée. Il nous donnera tout à nouveau et infiniment plus que nous ne lui avons donné!

N’en a-t-il pas toujours été ainsi?

Avons-nous jamais donné à Dieu quelque chose de précieux sans qu’il nous rende notre don, d’une manière ou d’une autre, au centuple?

J’ai toujours éprouvé cela, et je veux Lui donner encore plus, toujours plus.


Cette Semaine de renoncement nous procure une nouvelle occasion.

Nous pouvons donner quelque chose, que ce soit beaucoup ou peu.

Nous pouvons tous ramasser quelques épis, et Celui à qui nous donnons inclinera le cœur de quelque Booz qui donnera l’ordre «d’ôter, même, pour nous, des gerbes, quelques épis».

Quelques-uns d’entre nous peuvent lui présenter de nouveaux convertis, de nouveaux soldats; aucun n’est réduit à venir les mains vides. Alléluia!

En avant 1899 10 21



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