Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

EN AVANT

ET

CRI DE GUERRE

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LE PROCÈS DE LUCIFER

A PARIS

Compte-rendu analytique (fin)


Nous nous sommes arrêtés sur le dernier journal à la fin de l’audition des témoins. Mais nous devons dire que ce qui agrémente beaucoup ces témoignages et leur donne du piquant, du relief, ce sont les questions des juges et surtout les objections de la défense.

Le témoin est-il dans le vague, une question l’invite à éclaircir, à préciser, à parler de visu, à citer des exemples à l’appui de son accusation.

L’avocat de Lucifer, toujours aux aguets pour chercher à détruire ou à annihiler la valeur des dépositions, nous intéresse spécialement par ses réparties, qui, naturellement, tendent toujours à détourner de son client les charges dont on l’accable.

Les témoignages entendus et combattus, le président donne la parole au procureur général qui se lève et dit:

«Je maintiens l'accusation», après quoi la parole est au défenseur.


L’avocat se lève et tout d’abord présente deux observations:

1° Requiert contre les témoins absents à l’appel: «Plaise à la Cour, constater l’absence des témoins lors de l’appel et les condamner à telle amende qu’il plaira au tribunal de fixer et décider que cette amende sera versée au fonds de Renoncement de l’Armée du Salut.

2°Proteste contre les obstacles qui lui ont été suscités à l’effet de l’empêcher de citer des témoins à décharge.


Ceci dit, et son plaidoyer à la main, il entreprend vaillamment la défense de son «honorable client» s’efforçant dans une plaidoirie fine et spirituelle d’excuser Lucifer. Démontrant les faiblesses de l’humanité, il la montre éplorée, à la veille des conséquences d’une existence gaspillée, se tournant vers Lucifer et s’efforçant de le charger et l’accuser de toutes ses déchéances.

Abordant l’acte d’accusation il le discute et plaide qu’il y a une contradiction flagrante qui veut que son client soit à la fois exécuteur et tentateur. Abandonnant la première accusation, celle d’exécuteur, il demande si on peut maintenir la seconde «être tentateur».

Contestant le bien-fondé de ce point, il s’efforce d’en démontrer l’inanité légale.

Prenant les témoignages, il s’efforce de les réfuter en attirant l’attention des juges sur l’irresponsabilité des témoins et, sur ce combat la valeur de l’acte d’accusation et des témoignages qui l’étayent.

Cependant il reconnaît et accepte avec son client l’accusation basée sur l’art, I de l’acte d’accusation. «Il a donné de pernicieux conseils.»

Examinant en détail ce délit, il se demande si sur ce fait le tribunal peut vraiment maintenir une charge suffisante qui autoriserait une condamnation, et, plaidant alors les circonstances atténuantes, il demande, si non l’acquittement, au moins une condamnation légère. . . avec application de la loi Béranger.


Le plaidoyer de la défense terminé, le Procureur général prononce son réquisitoire.


Crimes et influences désastreuses de Lucifer


Le prévenu est présenté comme un être intelligent et profondément rusé! Il a été expulsé de son pays pour porter sur la terre sa scélératesse et y jeter les germes de toutes les souffrances, misères, passions, délits et péchés de toute nature.

Lucifer est la cause de tout mal.

Il a inoculé le péché, la corruption dans le cœur de l’homme. Alors que Dieu avait placé l’homme en Éden où sa félicité devait être parfaite, où la mort même ne devait pas l’atteindre, le prévenu, vient sous la forme d’un serpent et entraîne d’abord l’homme à la désobéissance, puis au mensonge envers son Créateur.

Au lendemain de sa première chute, l’homme devient meurtrier, Caïn tue son frère Abel. Depuis lors, à travers les siècles, les progrès et ravages effrayants du maudit se multiplient à l’infini dans l’individu, dans la famille, dans la société, dans les États, au point que l’humanité est, à peu de chose près, l’inverse de ce qu’elle devrait être.

Au lieu de la paix, l’amour du prochain, la justice, la solidarité, la sainteté de la vie, c’est la haine, l’égoïsme, l’ambition et comme conséquences, les guerres entre individus, entre nations.

Nous avons énoncé les passions de toute nature, sans citer leurs cortèges inséparables de vols, suicides et assassinats.

Quels désastres que les influences, les tentations et les crimes de Lucifer.

Comme l’a fait ressortir l’écrasante déposition du Commissaire, cette influence néfaste ne s’est pas exercée moins désastreuse sur la religion elle même, dont il a pris le manteau pour y ingérer les plus grossières erreurs, transformer en vertus les vices les plus éclatants, et substituer les plus affreux martyres au rachat de l’humanité effectué par Jésus-Christ sur la croix du Calvaire.


Enfin le Procureur Général a relevé la valeur et l’honorabilité des témoins et des témoignages que la subtilité de l’avocat avait cherché à ébranler au bénéfice de son client. Il conclut en demandant que Lucifer soit expulsé de la surface de la terre et que l'homme dégagé de ses étreintes, rendu à la liberté, puisse servir son Dieu dans la paix, la justice et la liberté.


Après le réquisitoire, la Cour se retire quelques minutes pour délibérer.

On profite de ce court intervalle pour faire les annonces et la collecte; puis, toujours annoncée par l’huissier, la Cour rentre pour faire connaître le verdict.

Le Président donne alors solennellement lecture des considérants suivants:

Considérant que les témoins ont apporté des preuves irrécusables des crimes commis par le prévenu;

Considérant que Lucifer ou Satan est un ange déchu qui, poussé par l’orgueil, s’est révolté contre Dieu, son créateur;

Considérant que, par le fait de sa chute, une incroyable perversité s’est emparée de lui et qu’il trouve maintenant son plaisir à faire le mal pour le mal;

Considérant que cet être de pureté et de lumière, devenu un monstre de souillure et d’iniquité, n’a cependant rien perdu de sa très grande puissance et de son intelligence plus qu’humaine;

Considérant qu’en particulier sa puissance de suggestion sur les âmes pour les induire au mal est énorme et désastreuse;

Considérant que les guerres, les haines, les injustices, les mensonges, l’impureté des mœurs, l’ivrognerie, les meurtres, l’hypocrisie, etc., etc., ont pour cause première Lucifer ou Satan;

Considérant qu’il est d’autant plus dangereux qu’il est insaisissable, qu’on se défie moins de lui et qu’un grand nombre ne croient pas à son existence;

Considérant, d’autre part, qu’il n’appartient pas à un Tribunal composé d’hommes de juger un être surhumain et qu’il n’y a pas dans nos codes de peines qui soient à la hauteur de tels crimes;

Mais considérant que le Souverain Juge, Dieu le Tout-Puissant, infiniment sage et juste, a déjà rendu la sentence de condamnation qui doit être un jour exécutée; Nous donnons lecture de cette sentence et LIVRONS LE CONDAMNÉ À LA JUSTICE DIVINE.

Enfin la condamnation est prononcée par la lecture des 10 premiers versets du chapitre XII de l’Apocalypse. Une fervente prière appelant les pécheurs à la repentance clôt la séance et la salle s’évacue.

A. Marquié.

P. S. — Ce procès a été parfaitement réussi dans tous nos postes de Paris, partout un public nombreux et très sympathique a afflué. À Dieu toute la gloire.

En avant 1899 11 04



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