Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

EN AVANT

ET

CRI DE GUERRE

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TROP TARD!


C’était à la réunion d’un samedi soir, en entrant dans la salle, je cherchais des yeux, parmi les auditeurs, la personne dont j’avais eu le signalement. Bien que ne l’ayant jamais vue, j’étais sûre de la reconnaître, elle m’avait été si bien dépeinte, et je savais qu’elle devait venir ce soir-là.

La réunion commença; à chaque instant, la porte s’ouvrait pour laisser passer le public en retard. Le voilà enfin, me dis-je, en voyant entrer un jeune homme dont l’ensemble et le détail répondaient à la description qu’on m’avait faite, et quand je le vis promener son regard sur l’assemblée, cherchant quelqu’un, j’acquis la certitude que je ne me trompais pas, c’était bien lui.

J’étais au courant de l’histoire, pour dire vrai, de la faute qu’il avait commise, ayant eu à m’occuper de la jeune fille qu’il avait trompée. Je connaissais aussi le motif qui l’avait fait venir pour la première fois de sa vie chez les salutistes et j’étais bien décidée à saisir cette occasion pour le faire rentrer en lui-même.

J’essayais de faire pénétrer dans son cœur quelques vérités éternelles et je crois que Dieu lui parla durant cette soirée.

Un moment, il fut attentif, puis, comme s’il avait entendu la voix intérieure le condamnant, il se leva précipitamment et quitta la réunion. Je ne le vis plus jamais.


Quelques semaines s’écoulèrent. Un jour, la malheureuse enfant dont je tairai le nom, apprit le mariage de son soi-disant fiancé. Elle crut en devenir folle; n’était-ce pas, pour elle, ses espérances détruites à tout jamais? Seule, la honte lui restait. Je la consolai essayant de lui venir en aide, puis, ensemble, nous nous agenouillâmes remettant à Dieu le soin de punir le coupable.

Je ne croyais pas ce soir-là que ma prière serait aussi vite exaucée. Le châtiment fut terrible.

Quelques semaines après son mariage il tomba malade. Ce n’était, au début, pas grand-chose, un simple froid; mais le mal empira rapidement et le moment vint où le docteur déclara qu’il n’y avait plus chance de le sauver.

Tout espoir était perdu. Alors le malade eût une souffrance morale terrible, le passé était là, le condamnant, il était poursuivi jusque dans ses insomnies.

Il appela sa mère et lui ouvrit son cœur, la pauvre femme n’en revenait pas. Puis quand il eût fini:

Mère, dit-il, je ne puis mourir sans la voir, il faut qu’elle me pardonne, va la chercher. C’était une rude corvée pour cette mère en larmes, pourtant, son fils la pressa avec tant d’insistance qu’elle partit trouver la jeune fille. Cette dernière fut assez longue à se décider, on le comprend. Enfin, le soir venu, se faisant accompagner, elle partit.

Quand elle entra dans la chambre du malade, il n’eût la force que de lui prendre la main en murmurant son nom, ses lèvres continuèrent une minute à dire autre chose qui ne fut compris de personne et il ferma les yeux pour toujours.

Il quitta cette vie sans avoir pu avoir l’assurance que celle qu’il avait trompée le pardonnait. Horrible mort !! Pour moi je ne puis que penser à la soirée ou il avait eu l’occasion de se repentir.

(La Jeanne d'Arc du Salut.)

En avant 1899 12 23


 

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